Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Comparutions

L’appelant, J. R., n’a pas assisté à l’audience tenue par vidéoconférence. Le Tribunal a vérifié que l’avis d’audience a été envoyé à l’appelant le 12 mai 2016.

Introduction

[1] L’appelant a présenté une demande de prestations et sa demande a été rejetée au stade initial par l’intimée. L’appelant a demandé une révision de cette décision et sa demande a de nouveau été rejetée par l’intimée au stade de la révision. L’appelant a alors interjeté appel de la décision devant le Tribunal et une audience a été fixée.

[2] L’audience a été tenue par vidéoconférence pour les raisons suivantes :

  1. le fait que la crédibilité puisse constituer un enjeu important;
  2. le mode d’audience respecte les exigences du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale voulant que l’instance se déroule de la façon la plus informelle et expéditive que le permettent les circonstances, l’équité et la justice naturelle.

Question en litige

[3] L’appelant interjette appel de la décision de l’intimée découlant de la demande de révision qu’il avait présentée en vertu de l’article 112 de la Loi sur l’assurance‑emploi (la Loi) concernant une exclusion du bénéfice des prestations qu’on lui a imposée aux termes des articles 29 et 30 de la Loi au motif qu’il a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite.

Preuve

[4] L’appelant a présenté une demande de prestations de maladie le 9 septembre 2015. Il a déclaré qu’on l’a congédié de son emploi. (GD3‑3 à 12)

[5] L’appelant a travaillé pour The Second Cup Ltd. du 10 juillet au 29 août 2015, où il a cumulé 300 heures d’emploi assurable et a été congédié. (GD3‑13)

[6] L’intimée a tenté sans succès de communiquer avec l’appelant et l’employeur les 7 et 8 octobre 2015. L’intimée a laissé à l’attention de l’appelant des messages lui demandant de retourner l’appel, à défaut de quoi elle prendrait une décision sur le fondement des renseignements disponibles. (GD3‑14 et 15)

[7] Le 14 octobre 2015, l’intimée a informé l’appelant qu’elle ne pouvait pas lui verser de prestations de maladie de l’assurance‑emploi à compter du 31 août 2051 car elle n’avait reçu aucun certificat médical à l’appui de sa demande. (GD3‑16)

[8] L’appelant a présenté une demande de révision le 20 janvier 2016. Il a expliqué qu’il avait présenté sa demande tardivement du fait que la lettre de décision a été envoyée à une mauvaise adresse. Il a déclaré que son inconduite résultait directement de sa maladie. En 2016, son beau‑père a été amputé des deux jambes et sa femme a quitté la maison. On a diagnostiqué à l’appelant une fibromyalgie. Il était inquiet de la façon dont ces événements se répercuteraient sur sa santé. Il travaillait à South Street Burger avant de prendre l’emploi à Second Cup. Comme il travaillait 60 heures ou plus par semaine, son médecin et lui‑même ont décidé qu’il devrait quitter South Street Burger et trouver un emploi ailleurs qui lui permettrait d’avoir plus de temps pour s’occuper de sa santé. Il a donc quitté son emploi à South Street Burger pour en prendre un à Second Cup. Au début, les choses se sont bien passées, mais la situation s’est détériorée. Il a déposé une plainte officielle de harcèlement, mais n’a pas reçu de suivi à ce sujet avant la mi‑août. À cette date, il éprouvait de très sérieux problèmes de santé, avec de constantes crises. Il a commencé à s’adonner aux jeux de hasard car c’était pour lui un exutoire. Il a informé son employeur qu’il avait besoin d’aide pour traiter une dépendance au jeu et que c’est ce qui avait déclenché les gestes qu’il avait commis. Il a, depuis, sollicité et obtenu du counseling et de l’aide, et il en reçoit encore. Il a déclaré que s’il n’y avait pas eu cette dégradation de son état de santé et ce problème de jeu qu’il a fini par développer, il ne serait pas retrouvé dans une telle situation. (GD3‑20 à GD3‑26)

[9] Le 16 février 2016, l’employeur a déclaré à l’intimée qu’il avait congédié l’appelant car celui‑ci avait volé de l’argent en espèces. Le superviseur immédiat de l’appelant a déclaré que l’appelant travaillait comme gérant de leur succursale de café et qu’il a été congédié pour vol, infraction qu’il a avouée et à l’employeur et à la police. Des accusations ont été portées contre l’appelant, et l’affaire est entre les mains de la police. (GD3‑27)

[10] L’appelant a déclaré à l’intimée qu’il a perdu son emploi parce qu’il a commis un vol. Il a déclaré que bien des choses survenaient dans sa vie personnelle, dont sa séparation d’avec sa femme, et qu’il a décidé de prendre de l’argent de son employeur pour essayer de reconquérir le cœur de sa femme. Il éprouvait aussi quelques problèmes de santé. Il a plaidé coupable à l’accusation de vol et il est en train de rembourser l’argent. (GD3‑28)

[11] Le 16 février 2016, l’intimée a informé l’appelant qu’elle a procédé à un examen approfondi des circonstances du cas et des éventuels renseignements supplémentaires fournis et que, à la lumière de ses constatations et de la législation, elle n’avait pas modifié la décision qu’elle lui a communiquée le 14 octobre 2015. (GD3‑29)

[12] L’appelant a déposé un appel devant le Tribunal le 29 février 2016. (GD2‑1 à GD2‑8)

Observations

[13] L’appelant a plaidé ceci :

  1. Il a pris de l’argent de son ancien employeur au mois d’août. Il a pris cet argent pour nourrir sa maladie, qui est la dépendance au jeu. Il n’avait pas ce problème auparavant.
  2. Il a traversé des difficultés personnelles l’année passée. Il s’est séparé de sa femme. Il a quitté un autre emploi qu’il occupait auparavant pour prendre celui‑là en raison de ses problèmes de santé.
  3. À Second Cup, les choses ont rapidement tourné au vinaigre et il a déposé une plainte officielle de discrimination et de harcèlement en juillet 2015.

[14] L’intimée a plaidé ceci :

  1. Le paragraphe 30(2) de la Loi prévoit une exclusion du bénéfice des prestations pour une période indéfinie lorsque le prestataire perd son emploi en raison de sa propre inconduite. Pour qu’il y ait inconduite au sens de l’article 30 de la Loi, il faut que le geste reproché soit délibéré ou à ce point insouciant qu’il frôle le caractère délibéré. Il faut aussi qu’il y ait un lien de causalité entre l’inconduite et le congédiement.
  2. Les aveux sont la forme de preuve la plus convaincante. Et les renseignements se rapportant à l’événement ayant entraîné le congédiement de l’employé ne sont pas contestés, puisque l’appelant les a admis et a plaidé coupable en cour. Puisque l’appelant a déclaré qu’il était en train de rembourser l’argent, l’intimée soutient que les gestes qu’il a posés constituent effectivement une rupture de la relation employeur‑employé. Le comportement de l’appelant a porté atteinte à la relation de confiance qui existait entre lui et Second Cup Ltd. Comme l’appelant était gérant de succursale, on ne peut qu’imaginer l’impact que ses actes ont eu sur son rendement au travail, alors qu’il manipulait de l’argent en espèces et d’autres biens de valeur pour le compte de l’employeur. Par conséquent, ses actes répondent à la définition d’inconduite que donne la jurisprudence.
  3. L’intimée comprend bien les épreuves que l’appelant a traversées dans sa vie personnelle, mais il reste que l’appelant aurait dû savoir que son emploi pouvait être menacé lorsqu’il a pris la décision de prendre de l’argent dans le tiroir‑caisse.
  4. L’intimée plaide que sa décision trouve appui dans la jurisprudence. La Cour d’appel fédérale a confirmé le principe voulant qu’il y ait inconduite lorsque la conduite du prestataire était délibérée, c’est‑à‑dire que les actes qui ont mené au congédiement étaient conscients, voulus ou intentionnels. Mishibinijima c. Canada (PG), 2007 CAF 36
  5. La Cour d’appel fédérale a défini la notion juridique d’inconduite au sens du paragraphe 30(1) de la Loi comme une inconduite délibérée dont le prestataire s’avait ou aurait dû savoir qu’elle était de nature à entraîner son congédiement. Pour déterminer si l’inconduite pourrait mener à un congédiement, il doit exister un lien de causalité entre l’inconduite reprochée au prestataire et son emploi; l’inconduite doit donc constituer un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travail. Canada (PG) c. Lemire, 2010 CAF 314

Analyse

[15] L’appelant n’a pas assisté à l’audience tenue par vidéoconférence. L’audience par vidéoconférence devait commencer à 13 h, le 28 septembre 2016. Le membre du Tribunal a commencé l’enregistrement de l’audience à 12 h 55, le 28 septembre 2016. Le Tribunal a attendu jusqu’à 13 h 25, et l’appelant ne s’est pas joint à la vidéoconférence ni n’a communiqué avec le Tribunal pour demander un ajournement ou signaler un retard. Le Tribunal est convaincu que l’appelant a reçu l’avis d’audience daté du 22 février 2016, comme en atteste le bordereau d’expédition no X de Postes Canada livré le 12 mai 2016. Le Tribunal a procédé à l’omission de l’appel en application du paragraphe 12(1) des Règlements sur le Tribunal de la sécurité sociale.

[16] Il n’y a qu’une question dont le Tribunal est saisi. L’appelant interjette appel de la décision de l’intimée selon laquelle la raison pour laquelle il a perdu son emploi constitue une inconduite au sens des dispositions de la Loi.

[17] La Loi ne définit pas l’« inconduite ». Le critère permettant de déterminer s’il y a eu inconduite consiste à se demander si l’acte reproché avait un caractère volontaire ou délibéré ou, du moins, s’il résultait d’une insouciance ou d’une négligence telle que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement au travail. Selon la Cour d’appel fédérale, « [...] il y a donc inconduite lorsque la conduite du prestataire est délibérée, c’est‑à‑dire que les actes qui ont mené au congédiement sont conscients, voulus ou intentionnels. Autrement dit, il y a inconduite lorsque le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié. » Mishibinijima,A‑85‑06.

[18] La Cour d’appel fédérale a défini la notion juridique d’inconduite au sens du paragraphe 30(1) de la Loi comme une inconduite délibérée dont le prestataire s’avait ou aurait dû savoir qu’elle était de nature à entraîner son congédiement. Pour déterminer si l’inconduite pourrait mener à un congédiement, il doit exister un lien de causalité entre l’inconduite reprochée au prestataire et son emploi; l’inconduite doit donc constituer un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travail. Canada (PG) c. Lemire, 2010 CAF 314.

[19] En l’espèce, le Tribunal constate que la preuve produite par l’employeur a été confirmée par l’appelant. L’appelant a déclaré à l’intimée qu’on l’a congédié parce qu’il était responsable d’un vol d’argent de son employeur. Il a plaidé coupable à l’accusation et il est en train de rembourser l’argent. (GD3‑28)

[20] L’appelant a invoqué sa dépendance au jeu comme raison du vol qu’il a commis, et il affirme qu’il s’agit d’une maladie et que son congédiement était injustifié et qu’en raison de cette maladie il ne s’est pas rendu coupable d’inconduite. La dépendance au jeu est une maladie que l’on s’inflige délibérément à soi‑même et l’on ne peut invoquer cela pour éviter une conclusion d’inconduite. L’appelant, de son propre aveu, avait un problème de jeu et il a utilisé ce fait pour tenter de convaincre l’intimée que sa dépendance ne devrait pas être considérée comme une inconduite. Le Tribunal trouve cependant qu’il est erroné de caractériser une dépendance comme une conduite qui n’est pas volontaire ou délibérée. La dépendance au jeu est une faiblesse personnelle sur laquelle l’appelant a un contrôle complet; il peut soit en perdre le contrôle ou la garder sous contrôle en se maîtrisant.

[21] Le Tribunal constate que l’appelant a perdu son emploi parce qu’il a volé de l’argent à son employeur. Le superviseur immédiat de l’appelant a déclaré que l’appelant travaillait comme gérant de leur succursale de café et qu’il a été congédié pour vol, infraction qu’il a avouée et à l’employeur et à la police. Des accusations ont été portées contre l’appelant et l’affaire est toujours entre les mains de la police. (GD3‑27)

[22] Le Tribunal conclut que les actes commis par l’appelant constituent manifestement une inconduite au sens de la Loi et que la perte d’emploi de l’appelant est la conséquence d’un ou de plusieurs actes délibérés de sa part.

[23] Le Tribunal constate que la preuve présentée démontre que l’appelant a cessé de travailler pour son employeur en raison de ses actes volontaires et délibérés.

[24] Le Tribunal est d’avis que les actes allégués de l’appelant ont été d’une portée telle qu’il pouvait normalement prévoir que ces actes seraient susceptibles d’entraîner la fin de son emploi ou de provoquer son congédiement. L’appelant était conscient que sa conduite était de telle nature qu’elle l’empêchait de remplir ses obligations contractuelles envers son employeur et qu’il pouvait être congédié.

[25] Le Tribunal estime que les gestes et les activités de l’appelant constituent de l’inconduite aux termes de la Loi et que la cessation de son emploi a été de sa faute.

[26] Le Tribunal conclut que l’appel n’est pas fondé quant à la question en litige.

Conclusion

[27] L’appel est rejeté.

Annexe

Droit applicable

30 (1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :

  1. a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
  2. b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

(2) L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.

(3) Dans les cas où l’événement à l’origine de l’exclusion survient au cours de sa période de prestations, l’exclusion du prestataire ne comprend pas les semaines de la période de prestations qui précèdent celle où survient l’événement.

(4) Malgré le paragraphe (6), l’exclusion est suspendue pendant les semaines pour lesquelles le prestataire a autrement droit à des prestations spéciales.

(5) Dans les cas où le prestataire qui a perdu ou quitté un emploi dans les circonstances visées au paragraphe (1) formule une demande initiale de prestations, les heures d’emploi assurable provenant de cet emploi ou de tout autre emploi qui précèdent la perte de cet emploi ou le départ volontaire et les heures d’emploi assurable dans tout emploi que le prestataire perd ou quitte par la suite, dans les mêmes circonstances, n’entrent pas en ligne de compte pour l’application de l’article 7 ou 7.1.

(6) Les heures d’emploi assurable dans un emploi que le prestataire perd ou quitte dans les circonstances visées au paragraphe (1) n’entrent pas en ligne de compte pour déterminer le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées, au titre du paragraphe 12(2), ou le taux de prestations, au titre de l’article 14.

(7) Sous réserve de l’alinéa (1)a), il demeure entendu qu’une exclusion peut être imposée pour une raison visée au paragraphe (1) même si l’emploi qui précède immédiatement la demande de prestations — qu’elle soit initiale ou non — n’est pas l’emploi perdu ou quitté au titre de ce paragraphe.

29 Pour l’application des articles 30 à 33 :

  1. a) emploi s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
  2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;
  3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
    1. (i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin,
    2. (ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre,
    3. (iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui‑ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert;
  4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci‑après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
    1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
    2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
    3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
    4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
    5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
    6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
    7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
    8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non‑rémunération de celles‑ci,
    9. (ix) modification importante des fonctions,
    10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
    11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
    12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
    13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
    14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.
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