Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision



Motifs et décision

Comparutions

[1] L’audience prévue le 19 juillet 2016 a été ajournée et une nouvelle date d’audience a été établie soit, le 13 septembre 2016.

[2] L’appelant, monsieur P. K., était présent lors de l’audience tenue par vidéoconférence le 13 septembre 2016. Il était représenté par Me Gilbert Nadon du cabinet Ouellet Nadon et associées.

Introduction

[3] Le 14 décembre 2013, l’appelant a présenté une demande initiale de prestations ayant pris effet le 15 décembre 2013. L’appelant a déclaré avoir travaillé à titre de « directeur/directrice des communications – ventes et marketing », pour l’employeur Thermex inc. du 4 février 2008 au 13 décembre 2013 inclusivement, et avoir cessé de travailler pour cet employeur en raison d’un manque de travail. L’appelant a déclaré ne pas être un travailleur indépendant, autre que dans la pêche ou sur une ferme (pièces GD3-3 à GD3-12).

[4] Le 18 septembre 2015, l’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la « Commission ») a avisé l’appelant qu’il avait omis de lui fournir des renseignements à 23 reprises. La Commission lui a indiqué avoir appris qu’il était en démarrage d’entreprise depuis novembre 2013 et que par la suite, il exploitait son entreprise. La Commission a précisé avoir rajusté le total de son revenu avant retenues, en fonction des nouveaux renseignements qu’il lui avait fournis, pour la période échelonnée de la semaine ayant commencé le 30 mars 2014 à celle ayant commencé le 27 juillet 2014. La Commission a conclu que l’appelant a fait 22 fausses déclarations, en toute connaissance de cause, pour lesquelles une pénalité de 5 000,00 $ lui a été imposée. Un avis de violation classifiée comme une « violation très grave » a également été transmis à l’appelant (pièces GD3-67 à GD3-70).

[5] Le 1er octobre 2015, la Commission a informé l’appelant qu’elle ne pouvait pas lui verser de prestations d’assurance-emploi à partir du 16 décembre 2013 parce qu’il exploite une entreprise et que pour cette raison, elle considérait qu’il n’était pas en chômage (pièces GD3-73 et GD3-74).

[6] Le 15 octobre 2015, l’appelant, représenté par le Comité Chômage de Montréal (CCM), a présenté une Demande de révision des décisions rendues à son endroit par la Commission le 18 septembre 2015 et le 1er octobre 2015 (pièces GD3-75 à GD3-91).

[7] Le 25 novembre 2015, la Commission a avisé l’appelant qu’elle maintenait la décision rendue à son endroit, le 1er octobre 2015, concernant la « semaine de chômage » (état de chômage). La Commission a indiqué à l’appelant qu’elle avait révisé sa position en sa faveur concernant la pénalité qui lui a été imposée et l’avis de violation émis à son endroit. Elle a précisé que les décisions qui ont été rendues sur ces questions (pénalités et avis de violation), en date du 1er octobre 2015 (sic) [18 septembre 2015], avaient été annulées (pièces GD3-102 et GD3-103).

[8] Le 22 décembre 2015, l’appelant a présenté un Avis d’appel auprès de la Section de l’assurance-emploi de la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (le « Tribunal ») (pièces GD2-1 à GD2-5).

[9] Cet appel a été instruit selon le mode d’audience vidéoconférence pour les raisons suivantes :

  1. La complexité de la ou des questions en litige ;
  2. Le fait que l’appelant ou d’autres parties sont représentées ;
  3. La disponibilité de la vidéoconférence dans la localité où habite l’appelant (pièces GD1-1 à GD1-4 et GD1A-1 à GD1A-4).

Question en litige

[10] Le Tribunal doit déterminer si l’imposition à l’appelant d’une inadmissibilité aux prestations d’assurance-emploi, parce qu’il n’a pas démontré qu’il était en chômage, est justifiée aux termes des articles 9 et 11 de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi »), et de l’article 30 du Règlement sur l’assurance-emploi (le « Règlement »).

Preuve

[11] Les éléments de preuve contenus dans le dossier sont les suivants :

  1. Un relevé d’emploi, en date du 20 décembre 2013, indique que l’appelant a travaillé à titre de « vendeur » pour l’employeur Thermex inc., du 6 février 2012 au 13 décembre 2013 inclusivement, et qu’il a cessé de travailler pour cet employeur en raison d’un manque de travail (code A – manque de travail), (pièce GD3-13) ;
  2. Une copie d’un document intitulé « Rechercher une entreprise au registre », émanant du Registraire des entreprises (Québec) en date du 24 mars 2015, indique que l’entreprise Portes et fenêtres Thermex 2.0 inc. a été immatriculée le 19 novembre 2013 sous la forme juridique d’une société par actions ou compagnie, en vertu de la Loi sur les sociétés par actions (RLRQ, C. S-31.1). Le document indique que l’appelant est le premier actionnaire (majoritaire) et qu’il occupe les fonctions de président et de secrétaire de l’entreprise (pièces GD3-14 à GD3-17) ;
  3. Le 7 avril 2015, la Commission (Services d’intégrité de Service Canada) a demandé à l’appelant de remplir le document intitulé « questionnaire sur le travail indépendant » et de lui transmettre les états de revenus et dépenses mensuels de l’entreprise Portes et fenêtres Thermex 2.0 inc., pour les mois de novembre et de décembre 2013, ainsi que pour les mois de janvier à octobre 2014, dans le but de déterminer son admissibilité à des prestations d’assurance-emploi (pièces GD3-18 à GD3-20) ;
  4. Le 2 juin 2015, en réponse à la demande formulée en ce sens par la Commission, en date du 7 avril 2015, l’appelant lui a retourné le « questionnaire sur le travail indépendant » dûment complété. Dans ce document, il a expliqué l’historique de l’entreprise Portes et fenêtres Thermex 2.0 inc. et les responsabilités qu’il assume au sein de celle-ci. L’appelant a déclaré que l’entreprise a été constituée en société le 14 novembre 2013 et qu’il en est l’unique propriétaire (100 %), (pièces GD3-26 à GD3-33) ;
  5. Le ou vers le 2 juin 2015, l’appelant a transmis à la Commission une copie des documents suivants :
    1. Estimation du coût d’un projet faite par l’entreprise Portes et fenêtres Thermex 2.0 inc. adressée à une cliente en date du 18 février 2014 et indiquant que le coût total du projet s’élève à 4 915,18 $ (pièces GD3-22 et GD3-23) ;
    2. Logos de produits vendus par l’entreprise Portes et fenêtres Thermex 2.0 inc. (pièces GD3-24 et GD3-25) ;
    3. Lettre de la Banque de développement du Canada (BDC) en date du 28 novembre 2013, informant l’appelant qu’elle lui offrait un prêt au montant de 60 000,00 $ dans le but de financer l’achat et l’aménagement d’une remorque de même que pour constituer un fonds de roulement. Ce document indique aussi qu’en plus de s’être vu offrir un prêt de 60 000,00 $, l’appelant a effectué une mise de fonds de 21 000,00 $ et a bénéficié d’une subvention de 5 000,00 $. Ces montants représentent un investissement global de 86 000,00 $ (60 000,00 + 21 000,00 + 5 000,00 = 86 000,00 $), (pièces GD3-34 et GD3-35) ;
    4. Certificat de constitution (Québec) indiquant que la société par actions Portes et fenêtres Thermex 2.0 inc. a été constituée en vertu de la Loi sur les sociétés par actions le 14 novembre 2013 (pièce GD3-36) ;
    5. « Portes et fenêtres Thermex 2.0 inc. – État des résultats comparatif » indiquant les renseignements suivants : aucun résultat pour la période du 14 novembre 2013 au 30 novembre 2013, perte de 3 263,88 $ en décembre 2013, perte de 9 805,67 $ en janvier 2014, perte de 2 564,59 $ en février 2014, perte de 6 988,14 $ en mars 2014, bénéfice net de 6 459,30 $ en avril 2014, perte de 3 053,92 $ en mai 2014, perte de 14 629,34 $ en juin 2014, bénéfice net de 19 303,75 $ en juillet 2014, perte de 11 116,13 $ en août 2014, perte de 340,44 $ en septembre 2014 et perte de 11 473,42 $ en octobre 2014 (pièces GD3-37 à GD3-39) ;
    6. Liste des recherches d’emploi effectuées par l’appelant (employeurs potentiels, sites de recherche d’emploi consultés et dates des recherches effectuées (calendrier au cours de la période échelonnée de décembre 2013 à octobre 2014), (pièces GD3-40 à GD3-52) ;
    7. Calendrier des activités de l’entreprise de la période de novembre 2013 à octobre 2014 incluant une liste des soumissions et des contrats réalisés par l’appelant à différentes dates indiquées sur le calendrier (pièces GD3-53 à GD3-64).
  6. Un tableau préparé par la Commission en date du 3 juin 2015 relativement au bénéfice journalier à appliquer pour les années 2008 à 2015 (revenus bruts mensuels, dépenses liées aux ventes mensuelles, dépenses fixes mensuelles, bénéfice (perte) net mensuel, bénéfice journalier à appliquer) a été ajouté au dossier (pièces GD3-65 et GD3-66) ;
  7. Dans un document intitulé « Détails sur l’avis de dette (DH009) » en date du 19 septembre 2015 et reproduit en date du 6 janvier 2015 (sic) [6 janvier 2016], le montant total de la dette de l’appelant a été établi à 20 624,00 $ (pièce GD3-71) ;
  8. Le 30 septembre 2015, l’appelant a indiqué qu’il était représenté par le Comité Chômage de Montréal (CCM), (pièce GD3-72) ;
  9. Dans sa Demande de révision présentée le 15 octobre 2015, l’appelant a transmis à la Commission une copie des documents suivants :
    1. Lettres de cinq personnes (ex. : conjointe de fait de l’appelant, membres de sa famille, amies) indiquant qu’elles ont aidé l’appelant au démarrage de son entreprise (ex. : répondre au téléphone, livraison, dépôt de compte et autres tâches administratives connexes, conception de la salle d’exposition mobile), (pièces GD3-79 à GD3-84) ;
    2. Message courriel de l’appelant adressé à la Commission en date du 25 août 2015 concernant la demande qu’elle lui avait formulée au sujet du « questionnaire sur le travail indépendant » (pièce GD3-21 ou GD3-85) ;
    3. « Portes et fenêtres Thermex 2.0 inc. – États financiers – 31 janvier 2015 » indiquant une perte nette de 13 069,00 $ pour une période de deux mois en 2014 et une perte nette de 11 000,00 $ pour l’exercice terminé le 31 janvier 2015 (pièces GD3-86 et GD3-87) ;
    4. « Index général des renseignements financiers – IGRF de l’Agence du revenu du Canada (annexe 100) » indiquant que l’entreprise Portes et fenêtres Thermex 2.0 inc. a un actif total de 145 155,00 $, que le total du passif est de 158 214,00 $ et que les bénéfices non répartis sont établis à (- 13 069,00 $) pour l’année d’imposition du 31 janvier 2014 (pièce GD3-88) ;
    5. « Formulaire officiel – Revenu Québec – Revenu net fiscal » indiquant que l’entreprise Portes et fenêtres Thermex 2.0 inc. a eu un revenu net de (-13 069,00 $) et un revenu net fiscal de (- 3 338,00 $) pour l’année d’imposition du 31 janvier 2014 (pièces GD3-89 à GD3-91).
  10. Le 22 octobre 2015, le représentant de l’appelant du Comité Chômage de Montréal (CCM), a transmis à la Commission une copie de lettres et de documents indiquant que l’appelant a postulé pour un emploi auprès des employeurs potentiels suivants : Java U catering/traiteur, Lotus Blanc (fleuriste), Pierrefonds (entreprise paysagiste et de déneigement de Pierrefonds), Sao Sao (restaurant), (pièces GD3-92 à GD3-97) ;
  11. Le 5 janvier 2016, l’appelant a informé le Tribunal qu’il était représenté par Me Gaël Morin-Greene, du cabinet Ouellet Nadon et associées (pièces GD2A-1 à GD2A-3) ;
  12. Le 9 septembre 2016, le représentant de l’appelant, Me Gilbert Nadon, a transmis au Tribunal une copie des documents suivants :
    1. Tableaux indiquant les ventes effectuées par l’entreprise Portes et fenêtres Thermex 2.0 inc. au cours de la période échelonnée de mars 2014 à octobre 2014 (pièces GD6-1 à GD6-4) ;
    2. Jugements rendus par la Cour d’appel fédérale (la « Cour ») dans les affaires Martens (2008 CAF 240), (pièces GD7-2 à GD7-16), Proulx (A-361-98), (pièces GD7-17 et GD7-18), Jouan (A-366-94), (pièces GD7-19 à GD7-23) et Fatt (A-406-94), (pièces GD7-29 et GD3-30) ;
    3. Décisions CUB 24884 (pièces GD7-24 à GD7-28), CUB 24884A (pièces GD7-31 à GD7-34), CUB 20259 (pièces GD7-35 à GD7-37) et CUB 37953A (pièces GD7-38 à GD7-42).
  13. Le 13 septembre 2016, le représentant de l’appelant a transmis au Tribunal une copie de la lettre de l’employeur Rona confirmant l’embauche de l’appelant à compter du 9 septembre 2016 (pièce GD8-1).

[12] Les éléments de preuve présentés à l’audience sont les suivants :

  1. L’appelant a décrit l’historique de l’entreprise pour laquelle il est actionnaire et son rôle à l’intérieur de celle-ci. Il a expliqué avoir commencé à travailler pour l’employeur Thermex inc. en 2008, à titre de « conseiller en fenestration », et avoir cessé de travailler pour cette entreprise en décembre 2013 (pièce GD3-13). L’appelant a indiqué que cette entreprise comptait environ quatre employés salariés en incluant les propriétaires, et qu’il était alors uniquement un employé salarié de cette entreprise. Il a expliqué que les propriétaires de l’entreprise étant à l’approche de leur retraite lui ont proposé de faire quelque chose avec l’entreprise en question et qu’il a alors eu l’occasion de créer sa propre entreprise avec le modèle d’affaires qu’il voulait développer soit, une entreprise de portes et de fenêtres avec une salle d’exposition mobile. L’appelant a indiqué avoir fondé l’entreprise Portes et fenêtres Thermex 2.0 inc. en novembre 2013 soit, environ un mois avant de cesser de travailler pour l’employeur Thermex inc., en raison d’un manque de travail (pièce GD3-13) ;
  2. Il a expliqué avoir effectué des études à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) dans le cadre d’un programme de baccalauréat en administration des affaires et avoir réalisé environ 50 % de la formation entreprise dans ce domaine ;
  3. L’appelant a précisé que son entreprise a pour unique mandat de vendre des portes et des fenêtres et non de les installer. Il a expliqué que le partenariat établi avec l’entreprise Rénovation Janeiro inc. consiste à référer cette entreprise aux clients pour l’installation des portes et de fenêtres qu’ils ont achetés. L’appelant a spécifié que son entreprise et l’entreprise Rénovation Janeiro inc. sont deux entreprises indépendantes (pièces GD3-26 à GD3-33) ;
  4. Le représentant de l’appelant a indiqué qu’il allait faire parvenir une copie de la lettre de l’employeur Rona confirmant l’embauche de l’appelant à compter du 9 septembre 2016 (pièce GD8-1).

Arguments des parties

[13] L’appelant et son représentant, Me Gilbert Nadon, ont présenté les observations et les arguments suivants :

  1. L’appelant a indiqué avoir personnellement participé au démarrage et à l’exploitation quotidienne de son entreprise à raison de zéro à trois heures par jour, quatre jours par semaine, de même que les soirs et les fins de semaine. Il a précisé que les jours consacrés à l’exploitation de l’entreprise varient selon les demandes des clients et qu’il effectuait également des recherches sur Internet. L’appelant a soutenu avoir exploité son entreprise dans une mesure limitée, de décembre 2013 à octobre 2014, puisqu’il y consacrait peu de temps soit, une moyenne de 12 heures par semaine, et que son entreprise était en démarrage. Il a expliqué avoir également bénéficié de l’aide de membre de sa famille et d’amis pour le démarrage de son entreprise parce qu’il ne voulait pas trop s’en mettre sur le dos et qu’il voulait aussi répartir les tâches auprès des personnes qui voulaient l’aider. L’appelant a illustré que sa situation pouvait se comparer à l’aide apportée par des amis lorsqu’il est question d’entreprendre des travaux de peinture par exemple (pièces GD3-21 et GD3-26 à GD3-33) ;
  2. Il a indiqué réaliser les tâches suivantes : faire les achats, les estimations, les chèques, payer les factures, produire les factures, faire les dépôts à la banque, concilier les comptes (pièces GD3-26 à GD3-33) ;
  3. L’appelant a expliqué que de façon générale, pour accomplir son travail et finaliser un contrat de vente, les clients potentiels lui laissent des messages sur sa boîte vocale ou dans sa boîte courriel pour avoir des renseignements sur les produits qu’il offre (ex. : prix). Il a indiqué qu’à partir des renseignements obtenus, il leur présente des soumissions par téléphone ou par courriel. L’appelant a précisé que chaque client a ses propres besoins. Il a affirmé qu’il n’a pas nécessairement à se déplacer chez un client potentiel pour fournir une estimation des coûts des produits qu’il vend et qu’il y a beaucoup de projets pour lesquels il ne s’est jamais déplacé. L’appelant a souligné qu’il s’agissait d’anciens clients de l’entreprise pour laquelle il a travaillé (Thermex inc.) ou de nouveaux clients référés par ces anciens clients ou des proches de ceux-ci. Il a précisé que généralement, les clients avec lesquels il fait affaire ont souvent déjà vu le produit qui les intéresse et n’ont pas besoin qu’il se déplace et que rarement il le fait pour une évaluation (ex. : envoi de photos ou des dimensions prévues des portes ou des fenêtres de la part des clients potentiels). L’appelant a expliqué que présenter une soumission est très mathématique et que cette soumission peut être faite à partir des dimensions fournies par un client potentiel. Il a spécifié que lorsque les dossiers sont plus compliqués, il peut alors se déplacer, mais que de façon générale, il ne se déplace pas au premier appel. L’appelant a souligné que le but de son entreprise est justement de mieux pouvoir contenir la demande en ce sens et de faire une présélection de la clientèle. Il a aussi précisé qu’il n’effectuait pas de déplacement pour assurer le suivi auprès des clients concernant l’installation des portes et des fenêtres puisqu’il agit à titre de « conseiller en fenestration » et que la tâche en question incombait aux installateurs. L’appelant a expliqué que son rôle se limite à placer la commande du produit auprès du fabricant et de référer ensuite l’entreprise qui allait faire l’installation des portes et fenêtres. Il a précisé ne pas avoir dit qu’il ne se déplaçait jamais chez des clients potentiels, mais qu’il le faisait occasionnellement ;
  4. Il a expliqué que les dépenses en essence effectuées par l’entreprise apparaissant au document « États des résultats comparatif » (essence, lavage et stationnement) et totalisant environ 5 886,46 $ pour la période de décembre 2013 à octobre 2014 s’expliquent par le déplacement du véhicule qu’il utilise (pièces GD3-37 à GD3-39). L’appelant a précisé que c’est lui qui va chercher la marchandise destinée aux clients (portes et fenêtres) à un point de rencontre avec le fabricant. Lorsque la marchandise est arrivée, il doit la transporter dans son véhicule. Il a spécifié que la marchandise qu’il se procure provient de fabricants situés dans des villes comme Rivière-du-Loup ou Saint- Apollinaire. L’appelant a expliqué qu’il ne se déplaçait pas jusqu’à ces endroits pour aller chercher les portes et les fenêtres puisque les fabricants effectuaient des livraisons dans les régions de Montréal, de Laval ou dans l’ensemble de la région métropolitaine. Lorsqu’il reçoit la marchandise en question, il contacte alors l’installateur dans le but de prévoir un moment pour récupérer la marchandise reçue. L’appelant a spécifié que les frais d’essence de l’entreprise étaient payés à l’aide de la carte de crédit de l’entreprise. Il a affirmé qu’une dépense d’environ 535,00 $ par mois, en moyenne, pour de l’essence, ce n’était pas beaucoup, car une camionnette comme la sienne en consomme énormément. L’appelant a estimé cette consommation à 20-25 litres par 100 kilomètres, en ville. Il a souligné que les déplacements avec sa camionnette étaient extrêmement coûteux ;
  5. L’appelant a indiqué avoir investi une somme totale de 86 000,00 $ pour le démarrage de son entreprise (financement de 60 000,00 $, mise de fonds de 21 000,00 et subvention de 5 000,00 $). Il a lui-même négocié l’obtention d’un prêt de 60 000,00 $ avec la Banque de développement du Canada (BDC). L’appelant a précisé que le remboursement de ce prêt a été étalé sur plusieurs années et que le remboursement des frais d’intérêts s’est effectué au cours de la première année ayant suivi l’obtention de son prêt. Il a déclaré que la mise de fonds qu’il a faite au montant de 21 000,00 $ a servi au financement de l’entreprise et au développement de son modèle d’affaire (commerce mobile) au lieu d’avoir un commerce ayant pignon sur rue. L’appelant a également reçu une subvention de 5 000,00 $ de la part du Centre local de développement (CLD) de l’Ouest de l’Île de Montréal afin de l’aider à partir en affaires (pièces GD3-26 à GD3-33) ;
  6. Il a mentionné avoir acheté de l’équipement, des outils, des stocks ou des fournitures pour démarrer ou pour exploiter l’entreprise. L’appelant a fait l’acquisition en décembre 2013, d’une camionnette (GMC Sierra 1500 Crew Cab) au coût d’environ 60 000,00 $. Il a également dépensé une somme d’environ 25 000,00 $ pour l’achat d’une remorque utilisée comme salle d’exposition et pour le transport de portes et de fenêtres (pièces GD3-26 à GD3-33) ;
  7. L’appelant a expliqué que les frais de véhicule inscrits dans le document « États des résultats comparatif » établis à environ 3 000,00 (2 882,25 $), pour la période de décembre 2013 à mai 2014 (pièces GD3-37 à GD3-39), représentent des frais engagés pour la transformation du véhicule qu’il utilise pour la livraison de portes et fenêtres (ex. : aménagement effectué pour la salle d’exposition mobile) ;
  8. Il a indiqué détenir un compte commercial auprès de l’institution BMO dont il est le signataire. L’entreprise possède son site Internet dont le coût de maintien est de 143,72 $ par mois. L’appelant a mentionné faire l’usage d’une ligne téléphonique commerciale depuis décembre 2013 et avoir fait de la publicité sur Internet (pièces GD3-26 à GD3- 33) ;
  9. L’appelant a expliqué que le montant des achats de l’entreprise au cours de la période de décembre 2013 à octobre 2014 apparaissant dans le document « États des résultats comparatif » (pièces GD3-37 à GD3-39) soit, 127 337,13 $, a servi à l’achat de portes et fenêtres pour les clients, de même qu’à l’achat de produits de démonstration et de matériel divers. Il a précisé ne pas avoir un inventaire de produits qui s’accumule pour les produits qu’il a en vente et qu’il commandait uniquement les produits demandés par les clients ;
  10. Il a précisé ne pas avoir effectué d’autres investissements dans son entreprise par la suite. L’appelant a établi à 0 $ la valeur actuelle de son entreprise puisqu’elle ne fait pas d’argent. Il a expliqué que l’actif de l’entreprise est constitué essentiellement de la camionnette et de la remorque qu’il utilise. L’appelant a fait valoir qu’un gros chiffre d’affaires ne signifie pas de gros profits et que la concurrence est très féroce dans le secteur des portes et des fenêtres à Montréal. Il a souligné que l’ouverture pour une porte ou une fenêtre peut s’élever jusqu’à 4 000,00 $ (ex. : fenêtre arquée), (pièces GD3-26 à GD3-33) ;
  11. L’appelant a indiqué que l’entreprise est toujours en activité et qu’elle n’a pas d’employé. Il a déclaré qu’il n’est pas payé et qu’il ne reçoit pas de salaire pour le travail effectué pour son entreprise. L’appelant a précisé que l’entreprise ne lui a pas versé de dividendes, car elle n’a pas généré de bénéfices ;
  12. Il a expliqué que les honoraires de près de 5 000,00 $ apparaissant au document « États des résultats comparatif » (pièces GD3-37 à GD3-39) au cours de la période de décembre 2013 à octobre 2014 (1 991,00 $ en décembre 2013, 1 800,00 $ en mai 2014, 600,00 $ en juin 2014, 450,00 $ en août 2014 et 150,00 $ en octobre 2014 soit, un total de 4 991,00 $) ont entièrement été versés à la comptable de l’entreprise (pièces GD3-37 à GD3-39) ;
  13. Dans le « questionnaire sur le travail indépendant », l’appelant a indiqué qu’il était disponible à travailler et à la recherche d’un emploi. Il a indiqué avoir répondu « non » à la question lui demandant « Êtes-vous un travailleur indépendant ou exploitez-vous une entreprise? », car l’entreprise était en démarrage et que son travail s’effectuait dans une mesure limitée, en soirée et les fins de semaine. L’appelant a indiqué avoir répondu « non » à la question « Avez-vous travaillé pendant la période visée par cette déclaration » parce qu’il croyait que travailler signifiait être à l’emploi, à temps plein ou à temps partiel, avec un salaire. L’appelant a également répondu « non » à la question lui demandant « Cherchez-vous un autre emploi que votre travail autonome? » (pièces GD3- 26 à GD3-33) ;
  14. Il a précisé avoir postulé chez plusieurs employeurs potentiels pour des emplois dans des domaines d’emploi pour lesquels il a acquis de l’expérience lorsqu’il était étudiant (ex. : livreur de fleurs, serveur), (pièces GD3-94 à GD3-97) ;
  15. Le représentant de l’appelant a fait valoir que l’appelant a eu l’occasion de développer son propre modèle d’affaires de l’entreprise pour laquelle il avait travaillé, car l’ancien modèle d’affaires développé par son ancien employeur ne l’intéressait pas. Il a expliqué qu’en fonction de ce modèle d’affaires, l’appelant a été en mesure de consacrer environ 15 heures par semaine à son entreprise. Le représentant a souligné que l’appelant a reçu de l’aide pour le démarrage de son entreprise et que cette aide avait été apportée pour la mise en place et la conception de celle-ci (ex. : salle d’exposition mobile) ;
  16. Il a expliqué que le facteur le plus important et le plus pertinent à prendre en considération est le facteur temps consacré à l’entreprise (Jouan, A-366-94, CUB 20259, CUB 37953A), (pièces GD7-19 à GD7-23 et GD3-35 à GD3-41). Le représentant a fait valoir qu’en fonction du nombre d’heures consacrées par l’appelant à son entreprise, sa situation correspond à celle décrite dans l’affaire Proulx (A-361-98) dans laquelle la Cour a déclaré : « […] Le conseil arbitral devait décider si le demandeur, qui avait travaillé comme courtier en immeubles pendant qu’il recevait des prestations d’assurance-chômage avait consacré assez de temps à ce travail qu’il aurait pu compter sur lui comme principal moyen de subsistance. […] En répondant affirmativement à cette question, le conseil a, à notre avis, commis une erreur de droit. […] Ayant accepté le témoignage du demandeur à l’effet qu’il n’avait consacré que dix heures par semaine à ce travail apparemment non-rémunéré, le conseil ne pouvait, sans erreur, conclure comme il l’a fait. » (pièces GD7-17 et GD7-18) ;
  17. Le représentant a fait valoir que l’appelant a investi du capital, qu’il a bénéficié de l’aide de plusieurs personnes, mais qu’il a consacré du temps pour se chercher un emploi. Selon le représentant, la situation s’apparente à celle décrite dans la cause Fatt (A-406- 94) dans laquelle la Cour en est arrivée à la conclusion suivante : « […] la décision de l’arbitre [CUB 24884] ne peut être conciliée avec l’arrêt rendu par elle dans l’espèce Procureur général du Canada c. Jouan (A-366-94, le 23 janvier 1995). La requête sera donc accueillie, la décision attaquée sera annulée et l’affaire sera renvoyée à l’arbitre en chef ou à l’arbitre désigné par lui, pour le motif que, dans une affaire de ce genre, qui relève du paragraphe 43(2) du Règlement sur l'assurance-chômage, la question véritable à trancher est de savoir si la période de temps consacrée à un travail indépendant était négligeable au point que nul ne ferait normalement de ce travail son principal moyen de subsistance. » (pièces GD7-29 et GD7-30). Le représentant a indiqué que la décision rendue par le juge-arbitre (CUB 24884A), à la suite de celle rendue par la Cour (Fatt, A- 406-94) indique que : « En l’occurrence, il n’y aucune preuve que les activités de monsieur Fatt étaient autres que celles d’un prestataire consacrant un peu de son temps à effectuer du travail non rémunéré pour une entreprise familiale, tout en cherchant sérieusement un emploi rémunérateur. Rien n’indique vraiment que le prestataire ait consacré plus de quelques heures par semaine à l’entreprise en question. En conséquence, il faut estimer que le prestataire a consacré si peu de temps à cette activité que l’exemption prévue au paragraphe 43(2) du Règlement s’applique dans son cas. Pour ces motifs, la décision du conseil arbitral est annulée et l’appel du prestataire est accueilli. » (décision CUB 24884A), (pièce GD7-34). Le représentant a aussi fait valoir que le fait qu’une personne consacre 15 heures par semaine à son entreprise ne signifie pas que ce travail constitue son principal gagne-pain ou moyen de subsistance (décision CUB 37953A), (pièces GD7- 38 à GD7-41) ;
  18. Il a expliqué que les investissements faits par l’appelant dans son entreprise peuvent sembler importants, mais qu’ils doivent être mis en perspective. Le représentant a souligné que la camionnette et la remorque utilisées par l’appelant constituaient des investissements importants, mais facilement revendables au besoin. Il a souligné que l’appelant n’utilise pas de local d’entrepôt et n’a pas fait d’investissement à cet effet. Le représentant a expliqué que la camionnette utilisée par l’appelant consomme beaucoup d’essence et qu’elle est très sollicitée lorsqu’une remorque y est attachée et qu’elle est chargée de portes et de fenêtres. Il a spécifié que l’appelant doit aller chercher les portes et les fenêtres à un point de rencontré établi avec le fabricant et effectuer la livraison de la marchandise sur les chantiers de construction ou chez l’installateur. Le représentant a précisé que l’appelant a commencé à effectuer ses ventes en mars 2014 et qu’il aurait été difficile de le faire au cours des mois d’hiver étant donné la vocation de l’entreprise. Il a expliqué que les ventes effectuées par l’appelant soit, environ 100 000,00 $ pour la période en cause, pouvaient représenter environ une centaine d’unités ou moins (ex. : au moins 1 000,00 $ par ouverture soit, pour une fenêtre ou une porte) ;
  19. Le représentant a soutenu que l’entreprise de l’appelant n’a pas généré de revenus nets et que celle-ci est toujours déficitaire. Il a expliqué que cette situation était similaire à celle décrite dans la décision Martens (2008 CAF 240), dans laquelle la Cour a déclaré : « On doit garder en mémoire que les facteurs prévus au paragraphe 30(3) doivent être examinés dans le contexte du test du paragraphe 30(2). Ce test exige un examen objectif de la question de savoir si l’intensité du travail indépendant ou de l’exploitation d’une entreprise est telle qu’une personne pourrait normalement en faire son principal moyen de subsistance. À cet égard, le terme « subsistance » ne fait l’objet d’aucune définition dans la Loi ou dans le Règlement. Toutefois, le Black’s Law Dictionary, 7e édition, définit la subsistance comme étant [traduction] « ce qui permet à quelqu'un de gagner sa vie, particulièrement financièrement ». À mon avis, cette définition souligne l’importance de mettre l’accent sur le revenu net plutôt que le revenu brut aux fins de ce facteur. À cet égard, il semble évident que le revenu brut provenant de l’exploitation d’une entreprise par une personne au cours de toute période, aussi étendue soit-elle, ne peut lui fournir le moyen de gagner sa vie lorsque la totalité du revenu brut est contrebalancée par un montant équivalent de dépenses encourues au cours de cette période. […] À mon avis, les revenus nets relativement modestes générés par la ferme de monsieur Martens dans les années auxquelles le dossier renvoie indiquent qu'il n’aurait pas été normal ou raisonnable que l’entreprise agricole représente pour monsieur Martens son principal moyen de subsistance lors de la période des prestations. » (pièce GD7-12) ;
  20. Il a souligné que la Commission a effectué une répartition des bénéfices journaliers de l’appelant, mais que les décisions qu’elle avait rendues ne concernaient pas cet aspect. Le représentant a expliqué que les documents préparés par la comptable de l’entreprise démontrent que les mois au cours desquels l’entreprise a été en activité ont toujours été déficitaires (pièces GD3-65 et GD3-66) ;
  21. Le représentant a expliqué qu’il était en désaccord avec l’argumentation de la Commission dans laquelle celle-ci a indiqué que : « […] le prestataire est exploitant d’entreprise. Comme il développe cette entreprise afin de vivre des éventuels profits, son intention est clairement d’en faire son principal revenu […] » (pièce GD4-4). Il a soutenu que cette argumentation s’écartait du temps présent pour largement spéculer sur le temps futur. Selon le représentant, la position de la Commission est erronée, car on ne peut pas statuer sur l’intention d’en faire éventuellement son principal moyen de subsistance. Il a souligné que ce n’est pas éventuellement, un jour, peut-être, mais bien maintenant, et non plus tard, qu’on doit déterminer s’il s’agit de son principal moyen de subsistance (décision CUB 20259) ;
  22. Il a indiqué que l’entreprise a été incorporée à l’hiver 2013 (novembre 2013), que les premières ventes ont été faites au printemps 2014 et que l’appelant a pu chercher du travail entre temps. Le représentant a fait valoir que l’appelant avait effectué plusieurs recherches d’emploi. Il a indiqué que l’appelant avait accepté, le 9 septembre 2016, un nouvel emploi à titre de préposé à la manutention chez l’employeur Rona, à raison de 12,00 $ l’heure (pièce GD8-1). Le représentant a spécifié que le nouvel employeur de l’appelant sait que celui-ci possède une entreprise. Il a souligné que chez ce nouvel employeur, les produits offerts dans le domaine des portes et des fenêtres ne sont pas dans la même catégorie que ceux proposés par l’appelant, lesquels sont des produits de moyen et de haut de gamme. Le représentant a précisé que l’entreprise de l’appelant ne vise pas le même type de clientèle que celle du nouvel employeur de l’appelant ;
  23. Le représentant a soutenu que la situation de l’appelant faisait partie des exceptions prévues voulant qu’il n’a pas fait de son entreprise son principal moyen de subsistance et qu’il a subi une perte d’argent et qu’il continue d’en perdre ;
  24. Le représentant de l’appelant du Comité Chômage de Montréal a fait valoir que dès sa première déclaration, en réponse au « questionnaire sur le travail indépendant », l’appelant a indiqué qu’il ne consacrait que 10 à 15 heures par semaine à son entreprise et qu’il était en situation de démarrage. Le représentant a souligné que des lettres de témoins (ex. : amis et parents) indiquent que ceux-ci ont aidé l’appelant pour accomplir différentes tâches dans l’entreprise. Il a expliqué que l’entreprise est une personne morale à part entière ayant pour mission d’être un intermédiaire entre les fabricants, les installateurs et les clients dans le domaine des portes et fenêtres. Le représentant a souligné que le travail se fait essentiellement à distance à partir du domicile de l’appelant et que les visites pour présenter des soumissions aux clients ont lieu le soir et les fins de semaine. Il a fait valoir que l’appelant était disponible à travailler et qu’il a effectué des recherches d’emploi, car l’entreprise ne générait aucun revenu à ce moment. Le représentant a souligné que la réponse négative donnée par l’appelant à la question lui demandant « Cherchez-vous un autre emploi que votre travail autonome? » était une méprise de sa part (pièces GD3-73 à GD3-78, GD3-99 et GD3-100).

[14] La Commission a présenté les observations et arguments suivants :

  1. La Commission a expliqué qu’un prestataire qui exploite sa propre entreprise est présumé travailler une semaine entière de travail à moins qu’il puisse démontrer que son niveau d’implication dans cette entreprise est si limité qu’une personne ne pourrait normalement compter sur cette activité comme principal moyen de subsistance. Elle a spécifié que pour déterminer si le travail autonome du prestataire s’exerce dans une mesure limitée ou non, elle devait appliquer le test objectif en vertu du paragraphe 30(2) du Règlement, aux six facteurs énumérés au paragraphe 30(3) du Règlement au contexte de l’entreprise du prestataire, au cours de sa période de prestations. La Commission a précisé que le temps consacré et l’intention et la volonté du prestataire de chercher et d’accepter sans tarder un autre emploi sont les deux facteurs les plus importants (pièce GD4-4) ;
  2. Elle a déterminé que la preuve au dossier avait révélé ce qui suit en ce qui concerne ces six facteurs :
  3. Temps consacré : l’appelant consacre de 10 à 15 heures par semaine au démarrage de son entreprise. Il fait valoir qu’il ne consacrait que peu de temps à l’entreprise pour la période visée, car celle-ci était en démarrage. De plus, il a reçu de l’aide de ses parents et amis. Il n’en demeure pas moins que l’appelant est le seul employé, le seul actionnaire et l’administrateur dans l’entreprise et que son implication est importante. La Commission considère donc que l’appelant est exploitant d’entreprise. Comme il développe cette entreprise afin de vivre des profits éventuels, son intention est clairement d’en faire son principal revenu (pièce GD3-74), (pièce GD4-4) ;
  4. Nature et montant du capital et autres ressources investis : L’appelant a investi un total de 86 000 $ afin de démarrer l’entreprise : 60 000,00 $ sous la forme d’un prêt bancaire, 21 000,00 $ de mise de fonds et 5 000,00 $ sous la forme d’une subvention. L’investissement effectué par l’appelant est assez important pour démontrer que l’entreprise représente un investissement de taille et que le développement de l’entreprise est la priorité de ce dernier. Il ne serait pas raisonnable de risquer de perdre un tel investissement (pièce GD3-34), (pièce GD4-4) ;
  5. Réussite ou échec financier de l’emploi ou de l’entreprise : pour l’année 2014, l’état des résultats démontre des revenus mensuels assez élevés, voire même intéressants pour certains mois, malgré une perte de 13 069,00 $. L’appelant allègue qu’il ne pouvait pas vivre des revenus de l’entreprise puisque celle-ci était en mauvaise santé financière ; l’état des revenus présente une perte de 13 069,00 $ pour l’année 2014. Encore une fois, l’important investissement effectué par l’appelant pour le démarrage de l’entreprise démontre qu’il espérait développer l’entreprise et vivre de ces revenus. Un résultat négatif pour la première année d’opération n’indique pas une mauvaise santé financière (pièces GD3-85 à GD3-87), (pièce GD4-4) ;
  6. Maintien de l’emploi ou de l’entreprise : l’appelant espérait que l’entreprise serait rentable. Il est le seul employé. Son implication dans l’entreprise est importante. L’appelant fait valoir que le travail s’effectuait à distance de son domicile et les visites aux clients avaient lieu le soir et les fins de semaine. Il ajoute qu’il a eu de l’aide de ses parents et amis lors du démarrage de l’entreprise. Peu importe la plage horaire sur laquelle le travail chez les clients est effectué et le lieu à partir duquel l’appelant effectue les autres tâches, il n’en demeure pas moins que celui-ci est lié à des obligations par rapport aux clients et que cela entraîne une limitation de la disponibilité (pièces GD3-30, GD3-31 et GD3-82), (pièces GD4-4 et GD4-5) ;
  7. Nature de l’emploi ou de l’entreprise : lors de son dernier emploi, l’appelant occupait un poste de directeur des communications (ventes et marketing) ; entreprise / vendeur dans une entreprise de portes et fenêtres alors que l’entreprise œuvre dans la vente de portes et fenêtres. Comme l’entreprise est une priorité pour l’appelant vu l’investissement important et le fait qu’il soit propriétaire unique, il est clair que s’il avait à choisir entre un éventuel emploi et l’entreprise, il choisirait l’entreprise. De plus, l’entreprise œuvre dans le domaine dans lequel le prestataire travaille normalement. L’appelant est très impliqué dans le développement de l’entreprise, car il s’agit de son domaine d’expertise. Il a une vaste expérience dans ce domaine d’emploi. L’appelant entrerait donc en conflit d’intérêts avec un éventuel employeur dans son domaine. Cela amène donc une limitation au niveau de genre d’emploi que l’appelant pourrait accepter (pièces GD3-7, GD3-13 et GD3-26), (pièce GD4-5) ;
  8. L’intention et la volonté du prestataire de chercher et d’accepter sans tarder un autre emploi : malgré l’information fournie par l’appelant relativement à la recherche d’emploi, il est possible de constater des limitations de l’horaire de disponibilité. L’appelant affirme qu’il était disponible à travailler à temps plein et à la recherche active d’un emploi. Comme mentionné plus haut, le fait que l’appelant soit propriétaire unique et ait investi un montant élevé démontre bien que l’entreprise constitue sa priorité et qu’il compte la développer afin que les profits deviennent son principal revenu. L’intention de l’appelant de développer l’entreprise en tant qu’exploitant démontre à elle seule que ce dernier n’est pas en chômage pour la période où il a reçu des prestations d’assurance- emploi soit, à partir du 16 décembre 2013. L’appelant n’a soumis que des adresses Internet comme références pour les recherches d’emploi. Cela ne démontre pas qu’il ait posé des actions concrètes (pièces GD3-40 à GD3-52, GD3-91 à GD3-95), (pièce GD4- 5) ;
  9. La Commission a fait valoir que lorsque considérés objectivement, tous les six (6) facteurs mènent au constat que l’implication de l’appelant dans son entreprise est celle d’une personne qui dépendrait normalement de ce travail indépendant comme principal moyen de subsistance. Elle a soutenu que l’appelant n’a pas réfuté la présomption qu’il travaille une semaine entière de travail parce qu’il ne rencontre pas l’exception du paragraphe 30(2) du Règlement (pièce GD4-5).

Analyse

[15] Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites en annexe à la présente décision.

[16] Pour l’établissement d’une « période de prestations », l’article 9 de la Loi prévoit que :

Lorsqu’un assuré qui remplit les conditions requises aux termes de l’article 7 ou 7.1 formule une demande initiale de prestations, on doit établir à son profit une période de prestations et des prestations lui sont dès lors payables, en conformité avec la présente partie, pour chaque semaine de chômage comprise dans la période de prestations.

[17] Le paragraphe 11(1) de la Loi précise qu’une « semaine de chômage », pour un prestataire, est « une semaine pendant laquelle il n’effectue pas une semaine entière de travail.».

[18] Il existe au paragraphe 30(1) du Règlement, une présomption générale voulant que :

[…] le prestataire est considéré comme ayant effectué une semaine entière de travail lorsque, durant la semaine, il exerce un emploi à titre de travailleur indépendant ou exploite une entreprise soit à son compte, soit à titre d’associé ou de coïntéressé, ou lorsque, durant cette même semaine, il exerce un autre emploi dans lequel il détermine lui-même ses heures de travail.

[19] Cette présomption peut toutefois être renversée, en vertu du paragraphe 30(2) du Règlement, lorsque :

[…] le prestataire exerce un emploi ou exploite une entreprise selon le paragraphe (1) dans une mesure si limitée que cet emploi ou cette activité ne constituerait pas normalement le principal moyen de subsistance d’une personne, il n’est pas considéré, à l’égard de cet emploi ou de cette activité, comme ayant effectué une semaine entière de travail.

[20] Le paragraphe 30(3) du Règlement précise quelles sont les circonstances qui permettent de déterminer si l’exercice d’un emploi ou l’exploitation d’une entreprise s’effectue dans une « mesure si limitée » au sens du paragraphe 30(2) du Règlement. Ces circonstances sont les suivantes : a) le temps qu’il y consacre; b) la nature et le montant du capital et des autres ressources investis; c) la réussite ou l’échec financiers de l’emploi ou de l’entreprise; d) le maintien de l’emploi ou de l’entreprise; e) la nature de l’emploi ou de l’entreprise; f) l’intention et la volonté du prestataire de chercher et d’accepter sans tarder un autre emploi.

[21] Dans les causes Lemay (A-662-97) et Turcotte (A-664-97), la Cour a maintenu le principe à l’effet que lorsqu’un prestataire exploite une entreprise, c’est à lui qu’incombe de réfuter la présomption selon laquelle il a effectué une semaine entière de travail.

[22] Dans l’affaire Martens (2008 CAF 240 – A-256-07), la Cour a apporté les précisions suivantes :

[…] Le paragraphe 30(1) refuse les prestations d’assurance-emploi à un prestataire qui exerce un emploi à titre de travailleur indépendant ou qui exploite une entreprise à son compte. […] Le paragraphe 30(2) annulera l’application du paragraphe 30(1) lorsqu’un prestataire exerce un emploi à titre de travailleur indépendant ou exploite une entreprise dans une mesure limitée. Le test de la mesure limitée du travail indépendant ou de l’exploitation d’une entreprise exige de savoir si la mesure d’un tel emploi ou exploitation, considérée objectivement, est à ce point limitée que le prestataire n’en ferait pas normalement son principal moyen de subsistance. Le paragraphe 30(3) exige que six facteurs soient pris en considération s’agissant de déterminer si l’emploi à titre de travailleur indépendant ou l’exploitation d’une entreprise précise est d’une mesure limitée. Ces facteurs représentent la codification des six facteurs dégagés dans Re Schwenk (CUB 5454). […] Pour interpréter ces dispositions, il est important de considérer qu’elles visent à déterminer la mesure dans laquelle le prestataire exerce un emploi à titre de travailleur indépendant ou exploite une entreprise dans une semaine de la période de prestations établie en vertu de l’article 9 de la Loi. Si le travail indépendant ou l’exploitation est d’une mesure limitée, alors le prestataire aura renversé la présomption contenue au paragraphe 30(1) et ne sera pas considéré comme ayant travaillé une semaine entière au cours de cette semaine.

[23] Dans la cause Jouan (A-366-94), la Cour a déclaré :

[…] le facteur le plus important, le plus pertinent, et qui est aussi le seul facteur essentiel à entrer en ligne de compte, doit dans tous les cas être le temps qui est consacré à l’entreprise. […] Le prestataire qui, chaque semaine, consacre ordinairement 50 heures aux activités de sa propre entreprise ne saurait en aucun cas se prévaloir de l’exception prévue au paragraphe 43(2). Un tel prestataire se verra nécessairement appliquer la présomption générale posée au paragraphe 43(l) et sera considéré comme travaillant une semaine entière.

[24] Dans la cause Charbonneau (2004 CAF 61), la Cour a déclaré :

[…] pas très loin derrière le facteur « temps », en termes d’importance, se trouve celui de « l’intention et la volonté du prestataire de chercher et d’accepter sans tarder un autre emploi ». Comme le soulignait le juge Marceau dans Jouan, « La loi est là pour assurer des prestations temporaires aux personnes sans emploi qui cherchent activement un autre travail » (mon soulignement). Un prestataire ne sera pas en état de chômage s’il se contente de se dire disponible et n’effectue pas, tout au long de sa période de prestations, des démarches sérieuses et réelles pour se trouver du travail. […] En conclusion, s’il est exact de dire que tous les facteurs énumérés à l’article 30(3) du Règlement sur l’assurance-emploi doivent être pris en considération le fait est que le facteur « temps » (l’alinéa a)) et le facteur « intention et volonté » (l’alinéa f)) sont d'une importance primordiale. Un prestataire qui n’a pas le temps de travailler ou qui ne se cherche pas activement un emploi ne devrait pas bénéficier du système d’assurance-emploi.

[25] Dans l’affaire Newhook (A-977-96), la Cour a déclaré :

[…] dans l’affaire Taschuk c. Canada (Procureur général) [1996] F.C.J. No. 669, la Cour a jugé que les démarches préliminaires faites par le prestataire en vue de créer une entreprise devaient être considérées dans le cadre de l’examen de la question de savoir si l’exception prévue au paragraphe 43(2) s’applique. À notre avis, c’est à bon droit que le juge-arbitre a déterminé que l’exception ne s’appliquait pas au demandeur, compte tenu en particulier du temps qu’il a consacré à la préparation du « Beckford » en vue de la saison de la pêche du crabe qui devait bientôt débuter et pour laquelle il avait un permis, et de l’importance de son investissement.

[26] Dans l’affaire Taschuck (A-616-95), la Cour a déclaré : « Le juge-arbitre a manifestement commis une erreur en statuant que l’accomplissement des étapes préliminaires au lancement d’une entreprise exige que l’on y consacre si peu de temps que le paragraphe 43(2) du Règlement ne trouve pas application. ».

[27] Dans le cas présent, l’appelant est l’unique actionnaire (propriétaire à 100 %) de l’entreprise Portes et fenêtres Thermex 2.0 inc. et exploitant de cette entreprise depuis sa création en novembre 2013 (pièce GD3-27). Le Tribunal est d’avis que l’appelant doit être considéré comme un « travailleur indépendant » et que le paragraphe 30(5) du Règlement définit de la manière suivante: « a) […] tout particulier qui exploite ou exploitait une entreprise; b) […] tout employé qui n’exerce pas un emploi assurable par l’effet de l’alinéa 5(2)b) de la Loi. ».

[28] L’appelant était, dès le moment de la création de son entreprise, un exploitant de celle-ci et agissait ainsi comme un « travailleur indépendant » en vertu du paragraphe 30(5) du Règlement.

[29] Dans son appréciation de la preuve, le Tribunal considère les six (6) circonstances mentionnées au paragraphe 30(3) du Règlement. Ces circonstances permettent de déterminer si l’exercice d’un emploi ou l’exploitation d’une entreprise s’effectuait dans une « mesure si limitée » au sens du paragraphe 30(2) du Règlement.

Le temps consacré

[30] En regard de l’élément lié au « temps qu’il y consacre » du paragraphe 30(3) du Règlement, le Tribunal considère qu’à compter du 16 décembre 2013, date à laquelle la Commission a déterminé que l’appelant n’était pas en chômage, celui-ci s’est consacré assidûment aux activités de son entreprise, dans le but d’en faire son principal moyen de subsistance.

[31] Le Tribunal souligne que « le temps consacré » représente en outre l’élément le plus important et le plus pertinent à considérer pour déterminer si un prestataire effectue une semaine entière de travail (Martens, 2008 CAF 240, Jouan, A-366-94).

[32] L’appelant a précisé avoir consacré en moyenne 12 heures par semaine (10 à 15 heures) aux activités de son entreprise soit, de zéro à trois heures par jour, à raison de quatre jours sur une base hebdomadaire (pièces GD3-30 et GD3-32). Il a également indiqué qu’il effectuait du travail pour son entreprise les soirs et les fins de semaine (pièce GD3-30). L’appelant a aussi mentionné que le nombre de jours qu’il consacrait à son entreprise dépendait des demandes formulées par les clients (pièce GD3-30).

[33] Étant donné l’ensemble des responsabilités qu’il assume à l’intérieur de son entreprise et l’importance de son investissement de départ soit, 86 000,00 $, le Tribunal trouve pour le moins paradoxale et peu crédible l’affirmation de l’appelant voulant qu’il n’ait consacré qu’environ 10 à 15 heures par semaine aux activités de celle-ci, pendant la période au cours de laquelle il a reçu des prestations d’assurance-emploi.

[34] Le Tribunal considère que lors de son témoignage ainsi dans ses déclarations antérieures, l’appelant a plutôt tenté de minimiser le temps qu’il a consacré à son entreprise pendant la période en cause.

[35] La preuve démontre que l’appelant assume les responsabilités suivantes au sein de son entreprise: faire les achats, les estimations, les chèques, payer les factures, produire les factures, faire les dépôts à la banque, concilier les comptes (pièces GD3-26 à GD3-33). L’appelant occupe les fonctions de président et de secrétaire de l’entreprise (pièce GD3-16).

[36] L’appelant agit à titre d’intermédiaire, au bénéfice de ses clients, entre les entreprises qui fabriquent des portes et des fenêtres et les entreprises qui en font l’installation. Il expliqué qu’en raison de la vocation de son entreprise et du modèle d’affaires qu’il a développé, son rôle consiste à placer la commande du produit demandé par un client auprès d’un fabricant, et de référer ensuite le client en question auprès d’une entreprise qui allait faire l’installation des portes et fenêtres.

[37] Le témoignage de l’appelant indique également qu’il utilise sa camionnette pour aller chercher la marchandise destinée aux clients à un point de rencontre établi avec les fabricants de portes et de fenêtres. Il a souligné que pour finaliser un contrat de vente, il utilise le téléphone ou la messagerie courriel et qu’il n’a pas nécessairement à se déplacer pour rencontrer les clients avec lesquels il fait affaire ou qu’il n’avait pas à le faire fréquemment.

[38] Même si l’appelant a fait valoir qu’il était en démarrage d’entreprise, cette situation ne change pas le fait qu’il s’est consacré d’une manière soutenue à la planification et à la réalisation de son projet d’entreprise pour faire en sorte qu’elle soit profitable un jour et que celle-ci devienne son principal moyen de subsistance. C’est à l’appelant qu’incombait l’ensemble des tâches reliées à l’avancement et à la concrétisation de son projet d’entreprise.

[39] Les démarches préliminaires réalisées par l’appelant dans le but de créer son entreprise doivent être considérées dans l’évaluation du temps consacré en tenant également compte de l’importance de l’investissement qui y est rattaché (Newhook, A-977-96, Taschuck, A-616-95).

[40] Le Tribunal estime qu’en fonction de l’investissement très important qu’il a fait pour lancer son entreprise, l’appelant avait l’entière responsabilité de réaliser les nombreuses tâches qui y sont rattachées et a dû consacrer du temps à cet effet, malgré le fait qu’il ait bénéficié de l’aide de plusieurs personnes.

[41] Le Tribunal est également d’avis que les dépenses effectuées en essence par l’appelant pour l’utilisation de son véhicule démontrent aussi qu’il a consacré beaucoup de temps à son entreprise.

[42] En effet, le document « États des résultats comparatif » indique que l’appelant a effectué des dépenses représentant 5 886,46 $ (rubrique « essence et lavages/stationnement » : 150,61 + 582,09 + 313,03 + 508,81 + 733,91 + 542,91 + 558,99 + 554,02 + 586,00 +746,83 + 609,26 = 5 886,46 $) pour la période échelonnée de décembre 2013 à octobre 2014, pour le déplacement du véhicule qu’il utilise (pièces GD3-37 à GD3-39). Ce montant représente environ 535,00 $ par mois, essentiellement en essence (5 886,46 ÷ 11 mois = 535,13 $).

[43] Même si l’appelant a fait valoir qu’une dépense d’environ 535,00 $ par mois en essence, ce n’était pas beaucoup étant donné le type de véhicule qu’il utilise, ce montant témoigne de l’intensité des activités de son entreprise et du temps qu’il y a consacré au cours de la période en cause. En établissant l’hypothèse selon laquelle l’essence est vendue à 1,50 $ le litre, la camionnette de l’appelant aurait consommé environ 357 litres d’essence en un mois (535, 00 ÷ 1,50 = 357 litres) soit environ 90 litres d’essence par semaine. L’appelant a estimé la consommation de sa camionnette à 20-25 litres par 100 kilomètres.

[44] Ces estimations démontrent que l’appelant a parcouru des centaines de kilomètres chaque semaine pour le fonctionnement de son entreprise et qu’il a investi du temps pour le faire (ex. : transport de la marchandise, utilisation de la salle d’exposition mobile) et ce, en plus des nombreuses autres tâches qui lui incombent pour assurer la bonne marche de celle-ci.

[45] Le Tribunal considère que la participation de l’appelant aux différentes tâches liées au démarrage et à l’exploitation de son entreprise est très importante et le temps qu’il y a consacré n’était pas à ce point limité pour ne pas en faire son principal moyen de subsistance (Martens, 2008 CAF 240, Jouan, A-366-94, Newhook, A-977-96, Taschuck, A-616-95).

[46] Considérant les nombreuses responsabilités qu’il assume dans son entreprise, le Tribunal estime que la participation de l’appelant aux activités de celle-ci revêt une importance plus que significative.

Le capital et les ressources investis

[47] En ce qui concerne l’aspect touchant « la nature et le montant du capital et des autres ressources investis » prévu au paragraphe 30(3) du Règlement, le Tribunal prend en compte le fait que l’appelant a effectué des investissements très importants au bénéfice de son entreprise.

[48] L’appelant a investi un montant global de 86 000,00 $ pour le démarrage de son entreprise soit, un financement de 60 000,00 $, une mise de fonds de 21 000,00 $ et une subvention de 5 000,00 $.

[49] Il a lui-même négocié l’obtention d’un prêt de 60 000,00 $ auprès de la Banque de développement du Canada (BDC). L’appelant détient un compte commercial auprès de l’institution BMO dont il est le signataire.

[50] L’appelant a précisé avoir fait l’acquisition d’une camionnette (GMC Sierra 1500 Crew Cab) au coût d’environ 60 000,00 $. Il a indiqué avoir également dépensé une somme d’environ 25 000,00 $ pour l’achat et l’aménagement d’une remorque utilisée comme salle d’exposition et pour le transport de portes et de fenêtres.

[51] À ces investissements de base, l’appelant a indiqué payer une somme de 143,72 $ par mois pour l’utilisation de son site Internet et faire usage d’une ligne téléphonique commerciale depuis décembre 2013 (pièces GD3-26 à GD3-33).

[52] L’appelant a évalué que son entreprise n’avait aucune valeur (0 $) et que son actif était essentiellement constitué de la camionnette et de la remorque qu’il utilise.

[53] Le Tribunal estime que globalement, les ressources investies par l’appelant pour assurer le fonctionnement de son entreprise sont très importantes en raison des nombreux investissements effectués à cet effet, des ressources qu’il y consacre, des responsabilités qu’il assume, de même qu’en raison des tâches qu’il y accomplit.

[54] Prenant en compte l’ensemble de ces facteurs, le Tribunal juge que la nature et le montant du capital et des autres ressources investis au bénéfice de son entreprise sont loin d’être minimes ou peu significatifs. L’appelant est financièrement très engagé dans son entreprise depuis la création de celle-ci.

La réussite ou l’échec financier de l’emploi ou de l’entreprise

[55] Sur l’aspect se rapportant à « la réussite ou l’échec financiers de l’emploi ou de l’entreprise », tel que stipulé au paragraphe 30(3) du Règlement, le Tribunal considère que la preuve présentée démontre l’existence de « […] circonstances qui permettent de déterminer si le prestataire exerce un emploi ou exploite une entreprise dans la mesure décrite au paragraphe (2) […] », puisque le travail réalisé par l’appelant au sein de l’entreprise, depuis sa création, est celui d’une personne qui dépendrait normalement de ce niveau de travail indépendant comme principal moyen de subsistance ou de source de revenus, ce qui représente un élément fondamental à cet égard.

[56] L’appelant a fait valoir que même si une entreprise peut avoir un gros chiffre d’affaires, cela ne signifiait pas qu’elle génère des profits. Il a estimé que son entreprise n’avait aucune valeur (0 $) et que son actif était essentiellement constitué de la camionnette et de la remorque qu’il utilise.

[57] Le document intitulé « Index général des renseignements financiers – IGRF de l’Agence du revenu du Canada (annexe 100) » indique que l’entreprise de l’appelant détient un actif total de 145 155,00 $, que le total du passif est de 158 214,00 $ et que les bénéfices non répartis sont établis à (- 13 069,00 $) pour l’année d’imposition du 31 janvier 2014 (pièce GD3-88).

[58] Ce document démontre que l’actif de l’entreprise ne se limite pas uniquement à la camionnette et la remorque utilisées par l’appelant pour la réalisation de ses activités.

[59] L’appelant a expliqué que le montant total des achats de l’entreprise au cours de la période de décembre 2013 à octobre 2014 et apparaissant dans le document « États des résultats comparatif » (pièces GD3-37 à GD3-39) soit, 127 337,13 $ (rubrique « Total achats » : 288,82 + 19,86 + 72,26 + 9 484,50 + 6 467,24 + 6 991,87 + 30 274,38 + 16 670,64 + 20 082,29 + 8 843,47 + 28 141,80 = 127 337,13 $) a servi à l’achat de portes et fenêtres pour les clients, de même qu’à l’achat de produits de démonstration et de matériel divers.

[60] Même si l’entreprise a enregistré une perte nette de 13 069,00 $ au cours de l’année 2014 (pièces GD3-88 à GD3-91), cette situation ne signifie pas pour autant que l’entreprise n’est pas une réussite.

[61] La preuve au dossier démontre que l’entreprise a généré des revenus importants malgré la perte enregistrée en 2014. Ainsi, pour la période de janvier 2014 à octobre 2014, le document « États des résultats comparatif » démontre que les revenus de l’entreprise ont totalisé 133 756,91 $ (1 333,33 + 1 333,33 + 4 328,33 + 17 129,58 + 8 867,13 + 19 010,87 + 38 639,33 + 11 475,33 + 12 486,33 + 19 153,35 = 133 756,91 $), (pièces GD3-37 à GD3-39).

[62] L’appelant a indiqué qu’il voulait faire en sorte que son entreprise devienne profitable un jour (pièce GD3-31).

[63] Le Tribunal estime que rien n’indique que l’entreprise de l’appelant soit vouée à un échec financier. Les actions menées par l’appelant pour la développer démontrent qu’il voulait en faire une réussite.

Le maintien de l’emploi ou de l’entreprise

[64] Pour la question relative au « maintien de l’emploi ou de l’entreprise », un autre des facteurs mentionnés au paragraphe 30(3) du Règlement, le Tribunal prend en compte le fait que l’appelant continue de contribuer, d’une manière soutenue, au maintien de l’emploi ou de l’entreprise et que celle-ci est toujours en activité.

[65] L’appelant a indiqué que l’entreprise a également eu recours aux services d’une comptable à qui des honoraires de près de 5 000,00 $ ont été versés au cours de la période de décembre 2013 à octobre 2014, selon les renseignements apparaissant au document « États des résultats comparatif » (rubrique « Honoraires » : 1 991,00 + 1 800,00 + 600,00 + 450,00 + 150,00 = 4 991,00 $), (pièces GD3-37 à GD3-39).

[66] La preuve démontre que l’entreprise possède un site web, une ligne téléphonique commerciale et fait de la publicité (pièces GD3-26 à GD3-33 et GD3-37 à GD3-39). Le document « États des résultats comparatif » révèle qu’une somme totale de 8 741,20 $ (rubrique « Publicité promotions » : 697,74 + 1 337,89 + 499,22 + 649,99 + 1 343,87 + 809,82 + 805,98 + 883,44 + 833,86 + 879,39 = 8 741,20 $) a été dépensée en publicité pour l’entreprise au cours de la période de janvier 2014 à octobre 2014 (pièces GD3-37 à GD3-39).

[67] Même si l’appelant a fait valoir qu’il n’est pas payé et qu’il ne reçoit pas de salaire ni de dividendes pour le travail effectué dans son entreprise, le Tribunal considère qu’il a fait des efforts soutenus pour la faire fonctionner et la faire progresser, dans le but d’en faire sa principale source de revenus.

La nature de l’emploi ou de l’entreprise

[68] En regard de la question se rapportant à « la nature de l’emploi ou de l’entreprise » mentionnée au paragraphe 30(3) du Règlement, le Tribunal est d’avis que le type de travail exercé par l’appelant à l’intérieur de son entreprise, intéresse de toute évidence ce dernier puisque ce travail se compare à l’emploi qu’il a occupé à titre de conseiller en fenestration lorsqu’il a travaillé pour l’employeur Thermex inc., de 2008 à 2013 (pièce GD3-13).

[69] Dans sa demande de prestations, l’appelant a indiqué avoir occupé un emploi de « directeur/directrice des communications – ventes et marketing » chez cet employeur (pièce GD3-7).

[70] L’appelant a acquis une formation dans le cadre d’un programme de baccalauréat en administration des affaires.

[71] L’entreprise de l’appelant se spécialise dans la vente de portes et de fenêtres, la même spécialité que celle de son ancien employeur. L’appelant occupe les fonctions de président et de secrétaire de l’entreprise (pièces GD3-14 à GD3-17).

[72] Le domaine de la vente de portes et de fenêtres apparaît clairement comme étant le champ d’expertise de l’appelant.

La volonté du prestataire de chercher et d’accepter sans tarder un autre emploi

[73] Au sujet de la question touchant « l’intention et la volonté du prestataire de chercher et d’accepter sans tarder un autre emploi », également prévue au paragraphe 30(3) du Règlement, le Tribunal est d’avis que l’appelant n’a pas démontré une telle intention ni une telle volonté au cours de sa période de prestations.

[74] Le Tribunal souligne que les éléments se rapportant à cet aspect revêtent une « importance primordiale » (Charbonneau, 2004 CAF 61).

[75] L’appelant a indiqué qu’il était disponible à travailler et avoir été à la recherche d’un emploi pendant sa période de prestations (pièces GD3-26 à GD3-33).

[76] Malgré la liste des employeurs potentiels auprès desquels l’appelant a indiqué avoir effectué des recherches d’emploi et les sites de recherche d’emploi qu’il a mentionné avoir consultés (pièces GD3-40 à GD3-52 et GD3-92 à GD3-97), le Tribunal estime que son intention première était de faire fonctionner l’entreprise qu’il venait de mettre sur pied afin qu’elle soit profitable, et non de chercher et d’accepter sans tarder, un nouvel emploi.

[77] Le fait que l’appelant ait indiqué avoir trouvé un emploi chez l’employeur Rona dont la date de début était le 9 septembre 2016, ne change en rien à cette situation.

[78] Le Tribunal considère que lorsqu’il a lancé son entreprise en novembre 2013, ses efforts ont essentiellement été déployés afin qu’elle fonctionne et qu’elle soit profitable un jour.

[79] Le Tribunal trouve peu plausible qu’après avoir investi une somme de 86 000,00 $ pour lancer et faire fonctionner son entreprise, en plus d’avoir obtenu l’aide de ses proches pour le faire, l’appelant ait entrepris en parallèle, une recherche active dans le but d’accepter sans tarder un autre emploi.

[80] Le Tribunal considère qu’à compter du 16 décembre 2013, l’appelant a plutôt choisi de privilégier le travail au sein de son entreprise et qu’en ce sens, il ne peut être considéré comme étant prêt à chercher et à accepter un emploi sans tarder (Martens, 2008 CAF 240, Charbonneau, 2004 CAF 61, Jouan, A-366-94).

[81] En résumé, la preuve démontre qu’à titre de propriétaire de l’entreprise Portes et fenêtres Thermex 2.0 inc., l’appelant n’a pas réfuté la présomption selon laquelle il a effectué une semaine entière de travail, en vertu du paragraphe 30(1) du Règlement (Lemay, A-662-97, Turcotte, A-664-97).

[82] Le Tribunal considère qu’en fonction de la définition donnée au paragraphe 30(1) du Règlement, l’appelant est :

[…] considéré comme ayant effectué une semaine entière de travail lorsque, durant la semaine, il exerce un emploi à titre de travailleur indépendant ou exploite une entreprise soit à son compte, soit à titre d’associé ou de coïntéressé, ou lorsque, durant cette même semaine, il exerce un autre emploi dans lequel il détermine lui-même ses heures de travail.

[83] L’appelant n’exerçait pas son emploi ou exploitait son entreprise « […] dans une mesure si limitée que cet emploi ou cette activité ne constituerait pas normalement le principal moyen de subsistance d’une personne […] », tel que l’indique le paragraphe 30(2) du Règlement.

[84] Le Tribunal précise que le temps consacré par l’appelant à son entreprise, « la nature et le montant du capital et des autres ressources investis » par celui-ci, de même que le fait qu’il n’ait pas démontré son intention et sa volonté « de chercher et d’accepter sans tarder un autre emploi », représentent les critères les plus déterminants ayant permis d’en arriver à cette conclusion.

[85] L’appelant n’a pas fait la preuve qu’il était réellement en chômage, à compter du 16 décembre 2013 et pour chacune des semaines en cause de sa période de prestations, en vertu du paragraphe 11(1) de la Loi (Jouan, A-366-94).

[86] Par conséquent, une « période de prestations » ne peut être établie au profit de l’appelant en vertu de l’article 9 de la Loi puisque celui-ci ne remplit pas « les conditions requises aux termes de l’article 7 ou 7.1 » de ladite Loi. Des prestations ne peuvent pas lui être payables « pour chaque semaine de chômage comprise dans la période de prestations », en vertu de l’article 9 de la Loi.

[87] Bien que la décision de l’appelant de mettre sur pied sa propre entreprise et de vouloir la faire progresser soit appuyée par d’excellents motifs, ceux-ci ne peuvent l’exclure des exigences de la Loi quant à la démonstration qu’il doit faire pour être admissible à recevoir des prestations d’assurance-emploi.

[88] Le Tribunal conclut que l’imposition à l’appelant d’une inadmissibilité aux prestations d’assurance-emploi parce qu’il n’a pas démontré qu’il était en chômage est justifiée aux termes des articles 9 et 11 de la Loi et de l’article 30 du Règlement.

[89] L’appel n’est pas fondé sur la question en litige.

Conclusion

[90] L’appel est rejeté.

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi
  1. 9 Lorsqu’un assuré qui remplit les conditions requises aux termes de l’article 7 ou 7.1 formule une demande initiale de prestations, on doit établir à son profit une période de prestations et des prestations lui sont dès lors payables, en conformité avec la présente partie, pour chaque semaine de chômage comprise dans la période de prestations.
  2. 11 (1) Une semaine de chômage, pour un prestataire, est une semaine pendant laquelle il n’effectue pas une semaine entière de travail.
  3. (2) Une semaine durant laquelle se poursuit un contrat de louage de services d’un prestataire et pour laquelle celui-ci reçoit ou recevra sa rétribution habituelle pour une semaine entière de travail n’est pas une semaine de chômage, même si le prestataire peut être dispensé de l’exercice de ses fonctions normales ou n’a en fait aucune fonction à exercer à ce moment-là.
  4. (3) Une semaine, totale ou partielle, qui, en conformité avec une entente entre un employeur et un employé, fait partie d’une période de congé durant laquelle l’employé demeure employé de cet employeur et pour laquelle il reçoit, indépendamment du moment du versement, la partie de sa rétribution qui a été mise de côté n’est pas une semaine de chômage.
  5. (4) L’assuré qui travaille habituellement plus d’heures, de jours ou de périodes de travail que ne travaillent habituellement au cours d’une semaine des personnes employées à plein temps et qui a droit, aux termes de son contrat de travail, à une période de congé est censé avoir travaillé une semaine entière de travail au cours de chaque semaine qui est comprise complètement ou partiellement dans cette dernière période.
Règlement sur l’assurance-emploi
  1. 30 (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (4), le prestataire est considéré comme ayant effectué une semaine entière de travail lorsque, durant la semaine, il exerce un emploi à titre de travailleur indépendant ou exploite une entreprise soit à son compte, soit à titre d’associé ou de coïntéressé, ou lorsque, durant cette même semaine, il exerce un autre emploi dans lequel il détermine lui- même ses heures de travail.
  2. (2) Lorsque le prestataire exerce un emploi ou exploite une entreprise selon le paragraphe (1) dans une mesure si limitée que cet emploi ou cette activité ne constituerait pas normalement le principal moyen de subsistance d’une personne, il n’est pas considéré, à l’égard de cet emploi ou de cette activité, comme ayant effectué une semaine entière de travail.
  3. (3) Les circonstances qui permettent de déterminer si le prestataire exerce un emploi ou exploite une entreprise dans la mesure décrite au paragraphe (2) sont les suivantes :
    1. (a) le temps qu’il y consacre;
    2. (b) la nature et le montant du capital et des autres ressources investis;
    3. (c) la réussite ou l’échec financiers de l’emploi ou de l’entreprise;
    4. (d) le maintien de l’emploi ou de l’entreprise;
    5. (e) la nature de l’emploi ou de l’entreprise ;
    6. (f) l’intention et la volonté du prestataire de chercher et d’accepter sans tarder un autre emploi.
  4. (4) Lorsque le prestataire exerce un emploi relié aux travaux agricoles auquel ne s’applique pas le paragraphe (2), il n’est pas considéré comme ayant effectué une semaine entière de travail pendant la période débutant la semaine où tombe le 1er octobre et se terminant la semaine où tombe le 31 mars suivant, s’il prouve que, durant cette période :
    1. (a) ou bien il n’a pas travaillé;
    2. (b) ou bien il a exercé son emploi dans une mesure si limitée que cela ne l’aurait pas empêché d’accepter un emploi à temps plein.
  5. (5) Pour l’application du présent article, travailleur indépendant s’entend :
    1. (a) de tout particulier qui exploite ou exploitait une entreprise;
    2. (b) de tout employé qui n’exerce pas un emploi assurable par l’effet de l’alinéa 5(2)b) de la Loi.
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