Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Comparutions

R. A., l’appelant

Introduction

[1] L’appelant a présenté une demande initiale de prestations de compassion le 5 janvier 2016. La Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) a rejeté la demande de l’appelant le 29 janvier 2016. Le 8 février 2016, la Commission a reçu la demande de révision de décision de l’appelant. Celle-ci a maintenu sa décision initiale et l’appelant a interjeté appel de la décision de révision au Tribunal de la sécurité sociale (le Tribunal) le 10 mars 2016.

[2] Cet appel a été instruit selon le mode d’audience Téléconférence pour les raisons suivantes :

  1. L’information au dossier, y compris la nécessité d’obtenir des informations supplémentaires.
  2. Ce mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Question en litige

[3] Le Tribunal doit déterminer si l’appelant est éligible à des prestations de soignant en vertu de l’article 23.1 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi).

Droit applicable

[4] Les prestations de soignant, communément appelées prestations de compassion, sont prévues aux articles 23.1(1) et 23.1(2) de la Loi:

Définition

  1. 23.1 (1) Au présent article, « membre de la famille » s'entend, relativement à la personne en cause :
    1. a) de son époux ou conjoint de fait;
    2. b) de son enfant ou de l'enfant de son époux ou conjoint de fait;
    3. c) de son père ou de sa mère ou de l'époux ou du conjoint de fait de ceux-ci;
    4. d) de toute autre personne faisant partie d'une catégorie de personnes prévue par règlement pour l'application de la présente définition.
  2. Prestations de soignant
  3. (2) Malgré l'article 18, mais sous réserve des autres dispositions du présent article, des prestations sont payables au prestataire de la première catégorie si un médecin délivre un certificat attestant de ce qui suit :
    1. a) un membre de la famille du prestataire est gravement malade et le risque de décès est important au cours de vingt-six semaines qui suivent :
      1. i) soit le jour de la délivrance du certificat;
      2. ii) soit le jour où le médecin atteste que le membre de la famille est gravement malade, dans le cas où la demande de prestations est présente avant le jour de délivrance du certificat,
      3. iii) soit le jour déterminé conformément aux paragraphes 10(4) ou (5), dans le cas où une demande est considérée comme ayant été présentée à une date antérieure au titre d'un de ces paragraphes;
    2. b) le membre de la famille requiert les soins ou le soutien d'un ou de plusieurs autres membres de sa famille.
  4. Spécialiste de la santé
  5. (3) Dans les circonstances prévues par règlement, le certificat exigé au paragraphe (2) peut être délivré par une personne faisant partie d’une catégorie de spécialistes de la santé prévue par règlement.
  6. Semaines pour lesquelles des prestations peuvent être payées
  7. (4) sous réserve de l’article 12, les prestations prévues au présent article sont payables pour chaque semaine de chômage comprises dans la période :
    1. a) qui commence au début de la semaine au cours de laquelle tombe un des jours suivants :
      1. (i) le jour de la délivrance du premier certificat relatif au membre de la famille qui satisfait aux conditions du paragraphe (2) et qui est fourni à la Commission,
      2. (ii) le jour où le médecin atteste que le membre de la famille est gravement malade, dans le cas où la demande de prestations est présentée avant le jour de la délivrance du certificat,
      3. (iii) le jour déterminé conformément aux paragraphes 10(4) ou (5), dans le cas où une demande est considérée comme ayant été présentée à une date antérieure au titre d’un de ces paragraphes;
    2. b) qui se termine à la fin de la semaine au cours de laquelle un des événements suivants se produit :
      1. (i) les dernières prestations qui peuvent être versées relativement au membre de la famille aux termes du présent article sont versées,
      2. (ii) le membre de la famille décède,
      3. (ii) la période de cinquante-deux semaines qui suit le début de la semaine visé à l’alinéa a) prend fin.

[5] L’article 50(8.1) de la Loi prévoit que la Commission peut exiger du prestataire qu’il lui fournisse un autre certificat délivré par un médecin afin de prouver que les exigences prévues au paragraphe 23.1(2) ou 152.06(1) sont remplies.

[6] L’article 41.11 du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement) définit les membres de la famille pour les prestations de soignant :

  1. (1) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.
    1. « pupille » Personne ayant un tuteur. (ward)
    2. « tuteur » Personne légalement autorisée à agir au nom d'un mineur ou d'un majeur incapable, y compris le curateur et le mandataire en cas d'inaptitude. (guardian)
  2. (2) Pour l’application de l’alinéa 23.1(1)d) de la Loi et de l’alinéa d) de la définition de « membre de la famille » au paragraphe 152.01(1) de la Loi, les catégories de personnes, relativement à la personne en cause, sont les suivantes :
    1. a) un enfant du père ou de la mère de la personne ou un enfant de l’époux ou du conjoint de fait du père ou de la mère de la personne;
    2. b) un grand-parent de la personne ou de son époux ou conjoint de fait ou l’époux ou le conjoint de fait d’un grand-parent de la personne;
    3. c) un petit-enfant de la personne ou de son époux ou conjoint de fait ou l’époux ou le conjoint de fait d’un petit-enfant de la personne;
    4. d) l'époux ou le conjoint de fait d'un enfant de la personne ou celui d'un enfant de son époux ou conjoint de fait;
    5. e) le père ou la mère de l'époux ou du conjoint de fait de la personne ou l'époux ou le conjoint de fait du père ou de la mère de l'époux ou du conjoint de fait de la personne; l'époux ou le conjoint de fait d'un enfant du père ou de la mère de la personne ou d'un enfant de l'époux ou du conjoint de fait du père ou de la mère de la personne;
    6. f) l’époux ou le conjoint de fait d’un enfant du père ou de la mère de la personne ou d’un enfant de l’époux ou du conjoint de fait du père ou de la mère de la personne;
    7. g) un enfant du père ou de la mère de l'époux ou du conjoint de fait de la personne ou un enfant de l'époux ou du conjoint de fait du père ou de la mère de l'époux ou du conjoint de fait de la personne;
    8. h) un oncle ou une tante de la personne ou de son époux ou conjoint de fait ou l'époux ou le conjoint de fait d'un oncle ou d'une tante de la personne;
    9. i) un neveu ou une nièce de la personne ou de son époux ou conjoint de fait ou l'époux ou le conjoint de fait d'un neveu ou d'une nièce de la personne;
    10. j) un parent nourricier, actuel ou ancien, de la personne ou de son époux ou conjoint de fait;
    11. k) un enfant placé, actuellement ou dans le passé, en foyer nourricier chez la personne ou l'époux ou le conjoint de fait de cet enfant;
    12. l) un pupille, actuel ou ancien, de la personne ou de son époux ou conjoint de fait;
    13. m) un tuteur, actuel ou ancien, de la personne ou l'époux ou le conjoint de fait de ce tuteur;
    14. n) dans le cas où la personne en cause est celle qui est gravement malade, une personne avec laquelle elle est ou non unie par les liens du mariage, d'une union de fait ou de la filiation et qu'elle considère comme un proche parent;
    15. o) dans le cas où la personne en cause est le prestataire, une personne avec laquelle elle est ou non unie par les liens du mariage, d'une union de fait ou de la filiation et qui la considère comme un proche parent.

[7] L’article 41.1 du Règlement est libellé comme suit:

Donne des soins ou du soutien à un membre de la famille quiconque, selon le cas :

  1. a) lui dispense tout ou partie des soins;
  2. b) lui apporte un soutien psychologique ou émotionnel;
  3. c) planifie les soins donnés par un tiers soignant.

[8] L’article 41.2 du Règlement prévoit que:

Pour l’application des paragraphes 23.1(3) et 152.06(2) de la Loi, le certificat visé aux paragraphes 23.1(2) et 152.06(1) de la Loi peut être délivré par l’un des spécialistes de la santé suivants :

  1. a) si le membre de la famille requérant des soins ou du soutien réside dans une région au Canada où un traitement fourni par un médecin n’est pas promptement disponible, un spécialiste de la santé désigné par un médecin pour le soigner;
  2. b) s’il réside à l’étranger, un médecin qui est reconnu par l’autorité gouvernementale compétente de son pays et dont les compétences sont sensiblement les mêmes que celles d’un médecin canadien ou, s’il y réside dans une région où un traitement fourni par un médecin n’est pas promptement disponible, un spécialiste de la santé désigné par un médecin pour le soigner.

Preuve

[9] Le Tribunal a révisé tous les documents au dossier d’appel. Voici un résumé des éléments de preuve que le Tribunal a jugé les plus pertinents pour sa décision.

[10] Dans sa demande datée du 5 janvier 2016, l’appelant a fait la demande de prestations de compassion pour prendre soin de son père pour une durée de 13 semaines à compter du 3 janvier 2016.

[11] Le 8 janvier 2016, l’appelant soumet à la Commission les formulaires « Certificat médical-Prestations de compassion de l’assurance-emploi » (INS5216B) rempli par le professeur Djennaoui à toutes les sections requises et confirmant que monsieur A. était gravement malade, risquait de décéder au cours des 26 prochaines semaines et avait besoin de soins et de soutien d’un ou de plusieurs membres de la famille au cours des prochains 6 mois. Cependant, le médecin n’a pas répondu à la question de la partie C du formulaire. À la même date, l’appelant a également soumis à la Commission le formulaire «Autorisation de délivrer un certificat médical» (INS5216A). Il est noté que l’appelant a aussi informé la Commission qu’il allait se rendre en Algérie, où réside son père, la semaine suivante et laisse ses coordonnées en Algérie.

[12] Dans un relevé de conversation téléphonique entre la Commission et l’employeur de l’appelant qui a eu lieu le 29 janvier 2016, la Commission rapporte que l’employeur a confirmé que l’appelant avait demandé un congé sans traitement auquel il avait droit, sans mentionner de congé de compassion.

[13] Dans une lettre datée du 29 janvier 2016, la Commission informe l’appelant qu’il n’a pas droit aux prestations de compassion de l’assurance-emploi à partir du 3 janvier 2016 parce que le certificat médical fourni n’a pas été rempli par n médecin ou par un autre professionnel de la santé reconnu, tel que défini dans le Règlement sur l’assurance-emploi.

[14] Dans une lettre, datée du 2 février 2016, l’appelant explique les circonstances entourant sa demande et détaille la situation médicale de son père. Il indique entre autre que son père s’est fait opéré en Algérie le 29 novembre 2015 et que pour être à ses côtés, il a écoulé tous les congés disponibles pour lui auprès de son employeur jusqu’au 3 janvier 2016, date à partir de laquelle il demande les prestations de compassion de l’assurance-emploi. L’appelant note qu’il était en Algérie du 27 novembre 2015 jusqu’à la mi-décembre et ensuite à partir du 13 janvier 2016.

[15] Dans un relevé de conversation entre la Commission et l’appelant, obtenu le 1er mars 2016, la Commission rapporte qu’elle a informé l’appelant que le formulaire INS5216 doit être dûment complété par le médecin incluant son numéro d’identification. L’appelant aurait répondu que les médecins en Algérie n’ont pas de numéro d’identification mais qu’il serait en Algérie du 8 au 25 mars 2016 et qu’il soumettrait un autre certificat médical à son retour. Il est noté que le dossier serait réévalué avec le nouveau formulaire que le prestataire allait fournir à son retour.

[16] Dans une lettre datée du 3 mars 2016, la Commission indique qu’elle maintient sa décision que l’appelant n’a pas droit aux prestations de compassion, faute d’avoir soumis un certificat médical en bonne et due forme.

[17] Avec son avis d’appel daté du 10 mars 2016, l’appelant soumet le formulaire « Certificat médical-Prestations de compassion de l’assurance-emploi » (INS5216B) rempli par le professeur Djennaoui à toutes les sections requises, daté du 16 novembre 2016 et confirmant que Monsieur A. était gravement malade, risquait de décéder au cours des 26 prochaines semaines et avait besoin de soins et de soutien d’un ou de plusieurs membres de la famille au cours des prochains 6 mois.

Témoignage de l’appelant

[18] L’appelant indique qu’il est parti la toute première fois pour aller prendre soin de son père en Algérie le 29 novembre 2015. Il affirme qu’à ce moment-là, il a informé son employeur et à écoulé tous ses congés personnels et congés de maladie jusqu’au 3 janvier 2016. Il estime qu’il aurait pu demander les prestations d’assurance-emploi à partir novembre mais a préféré être honnête et prendre les congés disponibles chez son employeur.

[19] L’appelant fait remarquer au Tribunal en référant à la pièce GD3-16 et à GD2-19 que le premier certificat médical qu’il a remis et qui a initialement été rejeté par la Commission est identique au deuxième qui a été approuvé. Il note que la seule différence est que la signature du médecin était au bas de la page sur le premier certificat alors qu’il aurait dû signer dans la case plus haut et qu’il n’avait pas initialement rempli la partie C.

[20] L’appelant confirme qu’il est parti au chevet de son père en Algérie le 13 janvier 2016 et est revenu le 29 janvier 2016, tel qu’indiqué au billet d’avion dans le dossier. Il confirme également qu’il est ensuite parti du 9 mars au 25 mars 2016. L’appelant a indiqué qu’il coordonnait les soins de son père avec son frère qui habite en Europe et ainsi se séparaient les tâches nécessaires pour voir à ce qu’il soit bien soigné.

[21] L’appelant avait des questions pour le Tribunal et veut savoir si le fait de fractionner les prestations est à la discrétion des agents de la Commission ou bien si ce type de décision est basée sur un article de loi qui précise que l’on doit vraiment être au chevet de la personne pour recevoir les prestations.

[22] L’appelant dit avoir été de bonne foi et ne regrette pas d’avoir soumis toutes les informations à propos de ses déplacements.

Arguments des parties

[23] L’appelant fait valoir qu’il est admissible à des prestations de compassion pour les raisons suivantes :

  1. Il a fourni un certificat médical dûment rempli peu de temps après s’être entretenu avec une agente de la Commission qui lui a expliqué les exigences précises du certificat.
  2. Il soumet qu’il est injuste de devoir choisir entre la santé de son père et la sécurité de ses enfants. Il aurait bien voulu rester au chevet de son père en tout temps mais il ne pouvait pas se permettre de laisser ses enfants seuls durant toute cette période. Il affirme ne pas avoir choisi de faire le voyage 4-5 fois mais qu’il s’agissait bien d’un impératif.
  3. L’appelant soulève qu’on ne devrait pas faire une différence de traitement sur la base que son parent est dans un autre pays.
  4. Il devrait recevoir les prestations du 3 janvier 2016 pour une durée de 13 semaines tel que demandé parce qu’il a continué d’avoir des obligations durant cette période de temps même si il a fait quelques aller-retour de l’Algérie au Québec et devait coordonner tous les soins de son père avec son frère à distance.

[24] L’intimée fait valoir les points suivants :

  1. Des faits nouveaux (le certificat médical signé par le médecin) permettent une nouvelle conclusion. La Commission recommande d’accorder deux périodes distinctes de prestations de compassion, soit du 13 au 29 janvier 2016 et du 8 mars au 25 mars 2016 puisque l’appelant a fourni un certificat médical signé par le médecin lors de son appel au Tribunal et ce sont les périodes que le prestataire était à l’extérieur du pays, afin de prendre soin de son père malade.
  2. Le prestataire n’est pas admissible pour des prestations de compassion pour les périodes du 3 janvier 2016 au 12 janvier 2016, du 1er février 2016 au 7 mars 2016 et à compter du 28 mars 2016 parce qu’il n’était pas en présence de la personne malade pour lui prodiguer des soins.

Analyse

[25] Selon l’article 23.1 de la Loi, les prestations de compassion ne peuvent être versées pendant plus de vingt-six semaines à un prestataire pour prendre soin d’un membre de la famille gravement malade et dont le risque de décès est important au cours des six mois qui suivent. Pour obtenir des prestations, un prestataire doit satisfaire certaines exigences dont celle de fournir un certificat médical qui indique clairement le risque de décès du membre de la famille au cours des 26 semaines et que ce membre requiert les soins ou le support d’un ou de plusieurs autres membres de sa famille.

[26] Dans ce cas-ci, la Commission a fait valoir que le premier certificat médical fourni par l’appelant n’était pas complet et signé par une autorité médicale reconnue et c’est pour cette raison qu’elle a rejeté la demande de l’appelant. Lors d’un voyage subséquent en Algérie, l’appelant s’est assuré auprès du Dr. Djennaoui de bien compléter le certificat médical, cette fois-ci avec toutes les sections dûment remplies et la signature du médecin dans la bonne case. Devant cette nouvelle preuve, la Commission accepte maintenant que le certificat médical remplit les exigences prévues par la Loi et recommande d’accorder les prestations de compassion pour les périodes où le prestataire était à l’extérieur du pays afin de prendre soin de son père, soit du 13 janvier 2016 au 29 janvier 2016 et du 8 mars 2016 au 25 mars 2016.

[27] Le Tribunal est d’accord avec la Commission et confirme que le certificat soumis par l’appelant est conforme aux exigences des articles 23.1(2) de la Loi et 41.2 du Règlement. Comme il s’agit du père de l’appelant qui requiert les soins, l’appelant satisfait également aux exigences 41.11(2) du Règlement. Par conséquent, le Tribunal est d’accord avec la Commission que l’appelant est éligible à des prestations de compassion.

[28] La seule question en suspens est donc la période pour laquelle l’appelant devrait recevoir les prestations. L’appelant a demandé 13 semaines de prestations. La Commission argue cependant que ce dernier ne devrait pas recevoir la totalité des 13 semaines demandées mais seulement les semaines durant lesquelles il était en Algérie au chevet de son père. L’intimée semble invoquer que pour être éligible à des prestations de soignants, le prestataire doit être présent physiquement au chevet de la personne à soigner. Le Tribunal ne saurait être d’accord avec cette conclusion. Suite au soulèvement de cet argument par l’intimé, le Tribunal s’est posé la question suivante: un prestataire doit-il démontrer qu’il était présent physiquement auprès de la personne qui nécessite les soins pour se rendre éligible aux prestations de soignant?

[29] Le Tribunal note qu’il n’y a pas de jurisprudence qui traite précisément de cette question ou bien situation où des personnes doivent donner des soins à un membre de leur famille qui réside dans une autre région ou un autre pays. À l’analyse des dispositions de la Loi et plus spécifiquement celles entourant le type de prestations qui nous occupe, le Tribunal s’en remet à l’article 41.1 du Règlement afin de répondre à la question. Or, l’article 41.1 du Règlement défini qu’une personne est réputée donner des soins à un membre de sa famille si elle a) lui dispense tout ou en partie des soins, b) lui apporte un soutien psychologique ou émotionnel c) planifie les soins donnés par un tiers soignant.

[30] Le Tribunal comprend mal d’où l’intimée extirpe l’exigence restrictive qu’un prestataire devrait être au chevet de la personne à prendre soin. D’une part, l’intimé ne cite aucune disposition législative afin de supporter que la présence physique soit une exigence. Par exemple, à la lecture de l’article 41.1 qui indique la définition d’une personne qui est réputée donner des soins à un membre de sa famille, le Tribunal estime que rien n’indique cette exigence. L’argument de l’intimée soulève donc une question d’interprétation.

[31] Qu’il adopte une interprétation littérale ou contextuelle à la lecture de l’article 41.1, le Tribunal en vient à même conclusion que la Loi ne prévoit pas que la présence physique du soignant soit nécessaire pour se qualifier aux prestations. Selon les principes d’une interprétation littérale, s’il n’y a pas d’ambigüité dans la Loi, on doit donner un sens strict aux mots (R c. Nabis, [1975] 2 R.C.S 485). Or la définition d’un soignant, telle que rédigée par le législateur à l’article 41.1 du Règlement indique qu’une personne est réputée donner des soins à un proche si elle lui dispense tout ou partie des soins; elle lui apporte un soutien psychologique ou émotionnel et/ou elle planifie les soins donnés par un tiers. Le Tribunal estime que ni à l’article 41.1 du Règlement, ni dans une autre disposition législative à ce propos, le législateur n’a explicitement pas indiqué qu’il était nécessaire pour le soignant de se trouver physiquement avec la personne ayant besoin des soins. Comme le législateur ne parle pas en vain, le Tribunal estime qu’il doit s’en tenir au texte de la Loi et ne prononcer les paroles du législateur qu’à partir du texte existant. Ainsi, le Tribunal est d’avis que si le législateur avait voulu restreindre l’accès aux prestations de soignants à ceux ou celles qui sont physiquement auprès de leur proche, il l’aurait précisé, ce qu’il n’a pas fait.

[32] Au contraire, dans sa définition de personne donnant des soins, le législateur a souligné qu’un personne qui donne des soins pouvait le faire en apportant un soutien psychologique ou émotionnel et ou en planifiant les soins donnés par un tiers. Le Tribunal estime que ces deux définitions de soignant ne requièrent particulièrement aucunement la présence physique du prestataire. Au contraire, le Tribunal est d’avis qu’un soignant peut très bien rencontrer la définition de l’article 41.1 du Règlement tout en étant physiquement dans un autre lieu que celui de la personne recevant les soins. En effet, le Tribunal est d’avis que la définition inclut un prestataire qui par exemple s’occuperait de coordonner tous les soins à prodiguer à son proche ou encore passer de nombreuses heures au téléphone en soutien psychologique à son proche, ce qui est le cas de l’appelant. Le Tribunal conclut ainsi que tel que défini par l’article 41.1 du Règlement, le prestataire soignant ne doit pas rencontrer l’exigence d’être physiquement auprès de son proche. Autre que l’article 41.1 du Règlement, le Tribunal conclut de plus qu’aucune disposition de la Loi ne soutient que le nombre de semaines de prestations de soignants doivent être limité à celles pour lesquels le soignant est physiquement près de la personne à soigner.

[33] Le Tribunal estime qu’une interprétation systématique et logique (contextuelle) des dispositions du régime de prestations de soignant amène également le Tribunal à conclure que le législateur n’avait pas l’intention de restreindre l’accès des prestations aux soignants qui sont physiquement auprès du membre de sa famille requérant les soins. Cette méthode d’interprétation recherche la cohérence globale de la loi (R c. Nabis, [1975] 2 R.C.S 485; Rizzo & Rizzo shoes Ltd., [1998] 1 S.C.R. 27). Ainsi, on devrait s’interroger à savoir quels seraient les barèmes entourant la nécessité d’avoir une présence physique? À quelle distance du membre de sa famille et à quelle fréquence un prestataire devrait-il être physiquement sur place? La restriction suggérée par l’intimée mènerait à de nombreuses questions pour lesquelles le législateur a choisi de demeurer silencieux. De tenter de répondre à ses questions serait un exercice périlleux et mènerait à des résultats absurdes qui seraient for probablement contraire à l’intérêt de la justice. Le cas échéant en est un exemple clair. L’appelant a témoigné que bien qu’il soit revenu à son domicile au Québec à deux reprises, il était constamment impliqué dans la coordination des soins de son père avec son frère, ce qui répond, selon le Tribunal à la définition de 41.1c) du Règlement. Le Tribunal est d’accord avec l’appelant qu’un prestataire qui habite en Abitibi et qui se prévaudrait d’un congé pour prendre soin d’un proche qui habite en Gaspésie ne serait pas pour autant démuni du bénéfice des prestations de soignants. De même, si un prestataire habite à une distance de deux heures de son proche à soigner, la Loi n’exige pas qu’il se rende chaque jour au domicile de son proche pour en prendre physiquement soin. Le Tribunal estime que de la même façon, l’appelant correspond à la définition de soignant et donc se qualifie pour les prestations sans autres restrictions. Le Tribunal estime de plus qu’une loi, telle que la Loi sur l’assurance-emploi, qui revêt un caractère social doit être interprété de façon libérale et généreuse (Rizzo & Rizzo shoes Ltd., [1998] 1 S.C.R. 27) et que son interprétation trop restrictive serait incohérente avec son esprit. Le but d’une loi à caractère sociale est de favoriser les bénéficiaires et non l’inverse.

[34] En conclusion, le Tribunal accepte en partie la recommandation de la Commission. Le Tribunal conclut que l’appelant est éligible à des prestations de soignant en vertu de l’article 23.1 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi) pour la totalité des 13 semaines demandées.

Conclusion

[35] L’appel est accueilli.

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