Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision



Motifs et décision

Comparutions

Le prestataire, monsieur F. A., était présent ainsi que ses parents, monsieur E. A. (qui a agi comme témoin) et madame A. A. (qui a agi comme observatrice).

La partie mise en cause, c’est-à-dire l’entreprise Tricon Design Inc. (employeur), était représentée par madame K. S. (administration, gestionnaire, ressources humaines). Le propriétaire, P. S., est son époux.

Les deux parties étaient présentes à l’audience par vidéoconférence.

Introduction

[1] Le prestataire a présenté une demande de prestations régulières le 6 mars 2015, après avoir été congédié par son employeur pour inconduite le 26 février 2015.

[2] Le 12 mai 2015, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission) a conclu que le prestataire avait perdu son emploi en raison de son inconduite et lui a imposé une exclusion d’une durée indéterminée. Le 19 mai 2015, le prestataire a demandé une révision de la décision de la Commission. Toutefois, le 8 juillet 2015, la Commission a maintenu sa décision.

[3] Le 6 novembre 2016, le prestataire a interjeté appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal). L’appel du prestataire n’a pas été considéré comme étant en retard (GD5), et le membre a ajouté l’employeur en tant que partie (GD6).

[4] L’audience a eu lieu par vidéoconférence pour les raisons suivantes :

  1. le fait que la crédibilité pourrait constituer un enjeu important;
  2. le mode d’audience respecte les dispositions du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale voulant que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Question en litige

[5] Le membre doit déterminer si le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite et s’il y a donc lieu de lui imposer une exclusion du bénéfice des prestations au titre des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE).

Preuve

[6] Le prestataire a présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploi le 6 mars 2015, après avoir été congédié de son emploi le 26 février 2015. Le prestataire a déclaré dans sa demande qu’il a été congédié lorsqu’il est allé discuter poliment avec son employeur au sujet de la réduction de son taux horaire. On lui a demandé de quitter les lieux, sans qu’il n’ait fait quoi que ce soit de mal (GD3-3 à GD3-17).

[7] Le relevé d’emploi (RE) indique que le prestataire a été congédié en raison d’une inconduite le 26 février 2015 (GD3-18).

[8] La Commission a parlé avec le représentant des ressources humaines (RH) de l’employeur à quatre reprises. Le représentant de l’employeur a déclaré à la Commission que le prestataire a été congédié pour deux raisons. Premièrement, ils avaient des problèmes concernant la faible productivité du prestataire depuis un bon moment. Le prestataire et son père ont été congédiés pour la même raison. Leur niveau de productivité était si faible pour le travail à la pièce qu’ils ont modifié leur structure salariale pour un taux horaire afin qu’ils puissent toucher un salaire minimum. Ils avaient discuté de cela avec eux, et ils ont été avisés que leur salaire pourrait être réduit s’il n’y avait pas d’amélioration. Ils ont été avertis dans le passé au sujet de leur mauvaise attitude et leur mauvais tempérament. Deuxièmement, ils ont été congédiés à cause du dernier incident lorsque l’employeur a finalement réduit leur taux horaire, et qu’ils se sont fâchés contre leur superviseure (J. H.) et qu’ils ont crié et hurlé des propos à celle-ci avec leurs bras croisés. Elle s’est sentie intimidée et menacée. Elle mesure cinq pieds, et le prestataire mesure plus de six pieds. Ils ne voulaient pas quitter les lieux, donc l’employeur a appelé la GRC pour les escorter hors des lieux. L’employeur ne tolère pas la violence en milieu de travail (GD3‑19 et GD3‑21 à GD3‑23).

Preuve documentaire de l’employeur

[9] Selon une déclaration écrite (non datée) signée par le propriétaire, la superviseure et le représentant des RH et de la rémunération, le motif de fin d’emploi était initialement le fait que le prestataire et son père étaient peu productifs et que cela ne s’était pas amélioré malgré plusieurs avertissements. Leur salaire a par conséquent été réduit. Dans le cas du prestataire, il a été réduit de 19 $ de l’heure à 17 $ de l’heure. Ils ont refusé d’accepter leur premier chèque de paye réduit et ils n’ont pas abordé la question avec le propriétaire, comme il leur a été recommandé. Lorsque la superviseure a tenté de leur remettre leur nouveau chèque de paye ainsi que le précédent, ils se sont mis en colère et ils sont devenus verbalement agressifs envers elle, puis ils ont quitté l’immeuble. À leur retour pour leur prochain quart de travail, le propriétaire et la superviseure leur ont annoncé qu’ils étaient congédiés. Ils sont devenus très fâchés, et puisqu’ils, ont refusé de quitter les lieux, des policiers ont été dépêchés afin de les escorter en dehors des lieux (GD3-20).

[10] Dans sa déclaration écrite, la superviseure, J. H., déclare que le prestataire et son père n’étaient pas motivés et qu’ils ne pouvaient pas travailler sans supervision, car ils devaient constamment être formés à nouveau. Ils ont répondu en élevant la voix et ils cherchaient une confrontation verbale. Elle ne pouvait pas jouer à la gardienne avec deux hommes adultes qui étaient verbalement agressifs envers elle. Elle est donc allée voir le propriétaire qui en a convenu qu’ils devaient être congédiés. Ils ont été congédiés pour leur faible productivité et pour avoir été verbalement agressifs et acerbes dans cette situation (GD3‑25).

[11] La politique de l’employeur relative à la violence, à la discrimination et au harcèlement prévoit une tolérance zéro en ce qui concerne la violence, la discrimination et le harcèlement en milieu de travail. Un manquement à la politique fera l’objet de mesures disciplinaires et il pourrait mener au congédiement (GD3-26 à GD3-30).

[12] Le 12 mai 2015, la Commission a avisé le prestataire qu’elle lui avait imposé une exclusion aux prestations régulières d’une durée indéterminée prenant effet le 1er mars 2015 parce qu’il avait perdu son emploi en raison de son inconduite (GD3-31).

[13] Le 19 mai 2015, le prestataire a présenté une demande de révision dans laquelle il a déclaré qu’il n’était pas d’accord avec les déclarations de l’employeur à son sujet. Il a affirmé qu’il avait des témoins pour confirmer sa position. Le prestataire a déclaré qu’il n’a pas reçu d’avis (lettre) et que son salaire a été diminué sans préavis. Il a abordé poliment la question de son chèque de paye, mais on ne lui a pas fourni de bonne raison. Il n’a jamais été irrespectueux envers personne; il était un bon travailleur, gentil et poli avec tout le monde (GD3-32 à GD3-34).

[14] L’employeur a avisé la Commission que le prestataire et son père ont été congédiés en même temps pour le même motif : harcèlement et intimidation envers la superviseure (GD3‑35).

[15] Selon une déclaration d’un témoin, datée du 30 juin 2015 et rédigée par une collègue, A. H., elle a entendu le prestataire et son père crier à la superviseure (J. H.) dans une pièce du fond environ 100 pieds plus loin. Elle s’est levée pour voir ce qui se passait et a vu qu’ [traduction] « il » criait au sujet de [traduction] « son » chèque de paye. Madame J. H. a également déclaré qu’à plusieurs reprises, ils ont crié à leurs superviseurs et au comptable, et qu’à une reprise, ils ont lancé leurs effets personnels par terre lorsqu’ils étaient en colère en parlant de leur paye. Le jour où ils ont été congédiés, ils ont refusé de quitter les lieux, et des policiers sont donc venus pour les escorter à l’extérieur (GD3-37).

[16] Le prestataire a avisé la Commission qu’il est allé parler avec l’employeur au sujet de sa diminution de salaire. Ce n’était pas agréable de travailler pour son employeur, et celui-ci ne le traitait pas bien. Il a déclaré qu’il n’a pas parlé à sa superviseure de façon menaçante et intimidante. Il a confirmé le fait que des policiers ont été dépêchés pour l’escorter à l’extérieur des lieux (GD3-36).

[17] Le 8 juillet 2015, la Commission a maintenu sa décision (GD3-39 et GD3-41).

Témoignages au cours de l’audience

[18] Le prestataire a déclaré que lorsqu’il a remarqué la diminution de son taux de rémunération pour la première fois, son père et lui sont allés voir J. H. (superviseure) en premier pour demander des explications. Il a dit qu’il a été poli et qu’il n’a pas argumenté. Elle leur a dit d’aller parler à P. S. (propriétaire), et ils ont donc déclaré qu’ils n’accepteront pas le chèque de paye et qu’ils reviendraient la journée suivante pour voir P. S. Ils n’ont rien dit à J. H., car ils s’attendaient à ce que P. S. règle le problème. Pendant deux semaines, la superviseure leur a dit que P. S. était parti en voyage, mais, en fait, il se trouvait sur un autre site. Lorsqu’ils ont reçu le deuxième chèque, rien n’avait été corrigé. Le prestataire a déclaré qu’il s’était renseigné poliment à deux reprises auprès de la superviseure concernant le problème avec son chèque de paye et qu’il voulait des explications. La superviseure lui a dit qu’il devait aller parler à P. S., mais celui-ci n’était pas là. P. S. a accepté de venir au bureau, et ils ont donc laissé leurs chèques de paye (le premier et le deuxième) au travail ce soir-là et ils sont revenus au bureau le lendemain. Le prestataire a déclaré que le jour suivant, ils ont vu P. S. arriver, il s’est rendu à la table de travail où ils étaient en train de travailler, il a lancé les chèques de paye sur la table et il a commencé à partir. Le prestataire a dit qu’ils ne comprenaient pas ce qu’il se passait et qu’ils ont essayé de le raisonner. Il leur a dit de quitter l’établissement. Le prestataire a déclaré que sa superviseure leur a dit qu’elle n’aimait pas la façon dont P. S. les traitait. Le prestataire a dit qu’ils ont décidé de rester et il a expliqué à aux policiers qu’ils n’ont pas refusé de quitter les lieux, mais qu’ils sont restés sur les lieux pour leur expliquer la situation et pour demander conseil. Lorsque les policiers les ont escortés à l’extérieur des lieux, ils leur ont remis leur carte et les ont conseillés d’aller à l’AE et aux droits de la personne (Commission).

[19] Le prestataire a déclaré qu’ils étaient des gentlemen, qu’ils étaient polis et qu’ils n’ont jamais eu de problème avant le problème de leurs chèques de paye. Il a dit qu’il n’a pas été bruyant, qu’il n’a pas crié et qu’il n’a pas parlé de façon irrespectueuse à sa superviseure. Il a déclaré que ce n’était pas sa faute si son salaire avait diminué, car elle n’était que sa superviseure, mais qu’il devait parler avec elle en premier, pour ensuite aller voir le patron et propriétaire.

[20] La déclaration de la superviseure, du propriétaire et de la personne des RH (GD3-20) a été présentée au prestataire. Il a déclaré que ce n’était pas le cas et qu’on ne lui a pas remis de lettre concernant son niveau de productivité.

[21] La déclaration de la superviseure (GD3‑25) a été présentée au prestataire. Il a déclaré que sa superviseure travaille pour l’employeur et qu’elle se protégeait. Il ne sait pas pourquoi sa superviseure a dit ce qu’elle a dit dans sa déclaration écrite alors qu’elle leur a dit que P. S. ne les traitait pas bien. Le prestataire a déclaré catégoriquement qu’il n’a pas crié ou dit quoi que ce soit. Il a dit : [traduction] « Je le jure. », [traduction] « Je ne suis pas ce genre de personne. »

[22] La déclaration de sa collègue (GD3‑37) a été présentée au prestataire. Il a déclaré que personne n’est passé près d’eux ou ne s’est arrêté près d’eux lorsqu’ils parlaient avec la superviseure. Il n’a vu personne à cet endroit; il connait probablement la collègue (A. H.), mais il a dit ce qui suit : [traduction] « C’est quelque chose que je n’ai pas fait. » et [traduction] « Je n’ai pas crié. »

[23] En ce qui a trait aux avertissements, le prestataire a déclaré qu’on ne lui a fourni aucun avis écrit au sujet de sa productivité au travail. À l’oral, la superviseure leur a seulement fait un commentaire à une reprise et c’était au sujet de travail à la pièce, car s’ils sont en mesure de finir tôt, ils peuvent être renvoyés à la maison, car la charge de travail commençait à diminuer. Le prestataire a déclaré qu’il n’a pas été averti au sujet de son comportement parce qu’il ne s’est pas mal conduit avec l’employeur. Le prestataire a répété qu’il n’a pas agi ainsi; il tentait simplement de comprendre pourquoi il a été congédié, et la police peut constater qu’il n’a rien fait de mal.

[24] Le père du prestataire, monsieur E. A., a déclaré qu’ils ont tous deux été congédiés au même moment. Il a confirmé qu’il était là. Il a indiqué qu’il était celui qui était allé parler à la superviseure, car c’était lui qui avait initié le prestataire à cet emploi. Monsieur E. A. a déclaré que le prestataire [traduction] « n’a pas haussé le ton; il ne ferait pas cela devant moi ». Il a dit que c’était lui qui était allé voir la superviseure. Il a déclaré que le prestataire n’a pas crié, qu’elle n’a pas haussé le ton et qu’il n’a rien dit. Il a dit que c’était lui qui était allé parler à la superviseure. Monsieur E. A. a déclaré ce qui suit : [traduction] « Nous ne sommes pas des animaux. », [traduction] « Nous nous sommes pas mal conduits. » Des policiers sont venus sur les lieux, leur ont donné leur carte et leur ont dit d’aller à la Commission des normes du travail. Monsieur E. A. a dit que certains employés de l’employeur ne sont pas honnêtes avec lui. La superviseure leur a dit qu’elle n’était pas heureuse au travail et qu’elle les considérait comme de la famille. Lorsqu’ils ont eu une rencontre avec P. S., il a dû partir (son père était décédé), et ils n’avaient pas terminé la réunion, mais il avait dit que tout allait être réglé. Quand aucun changement n’a été apporté au chèque de paye suivant, la superviseure a déclaré qu’elle allait remédier au problème, mais c’est lui (monsieur E. A., le père) qui a dit à la superviseure : [traduction] « Non, tu dois corriger l’erreur tout de suite. »

[25] La représentante de l’employeur, madame K. S., a affirmé qu’elle n’était pas au travail ce jour-là et que par conséquent, cet incident n’est qu’un [traduction] « ouï-dire » pour elle. Elle a déclaré qu’elle n’avait aucune raison de croire que la superviseure et la collègue (A. H.) se seraient fait manipuler à faire leurs déclarations (écrites). Elle a dit que le niveau de frustration de la superviseure lui permet de croire que cela s’est réellement passé. Madame K. S. a confirmé qu’il n’y avait pas de témoin direct de cette interaction finale entre le prestataire (et son père) et la superviseure. Cependant, madame K. S. a déclaré qu’ils ont ignoré leur superviseure dans le passé, qu’ils ont outrepassé son autorité, qu’ils se sont croisé les bras et qu’ils sont allés directement voir P. S.

[26] Madame K. S. a expliqué que le prestataire et son père ont été embauchés à salaire pour effectuer diverses tâches manuelles sur les sites de construction à l’extérieur. Lorsque la charge de travail avait diminué, on leur a offert d’aller travailler à l’intérieur dans l’atelier/manufacture, et il s’agissait de travail à la pièce. S’ils ne respectaient pas le taux de production, ils ne recevaient pas ce qu’ils recevaient sur le terrain.

[27] Pour ce qui est de la politique de l’employeur concernant la violence, madame K. S. a déclaré qu’à sa connaissance, lorsque le prestataire et son père ont commencé à travailler, la superviseure aurait passé en revue les politiques fournies dans un manuel. Cependant, elle n’était pas certaine si celles-ci avaient été examinées avec eux lorsqu’ils ont commencé à travailler sur le terrain en 2013. Tous ceux présents étaient d’accord sur ce point.

[28] Le prestataire a déclaré qu’il n’avait jamais reçu de politique relative à la violence et au harcèlement. Cependant, le prestataire reconnait qu’il sait (à cause d’emplois antérieurs) qu’il y a certaines choses qui ne peuvent pas être faites, et il n’a [traduction] « jamais fait cela et ne le fera jamais » ‒ en faisant allusion au harcèlement / à la violence.

Observations

[29] Le prestataire a fait valoir qu’il ne comprend toujours pas pourquoi son employeur l’a congédié. Il a fait valoir qu’il faisait l’objet de discrimination et qu’il a été congédié parce qu’il est noir. Son employeur a réduit son taux de rémunération (et pas celui des autres) (GD2A). Le prestataire a fait valoir que l’employeur a réduit son taux de rémunération sans préavis, et que lorsqu’il a tenté de comprendre pourquoi, il a été congédié ‒ il n’a rien fait de mal. Le prestataire a fait valoir qu’il était poli, qu’il n’a pas crié et qu’il n’a rien dit à sa superviseure. Il a fait valoir qu’il n’a jamais manqué de respect envers sa superviseure et qu’il n’a jamais harcelé quelqu’un ou été violent envers quelqu’un, et qu’il n’agirait jamais ainsi. Il n’a jamais eu de problème chez son employeur avant que le problème avec ses chèques de paye ne survienne.

[30] La Commission a fait valoir que le comportement du prestataire envers sa superviseure constituait un manquement à la politique de l’employeur relative à la violence, à la discrimination et au harcèlement, et que malgré avoir été averti dans le passé, il a continué à être verbalement violent à l’égard de sa superviseure. Par conséquent, les agissements du prestataire constituaient une inconduite en vertu de la Loi sur l’AE. La Commission a fait valoir qu’il est peu probable que des policiers auraient été dépêchés si le prestataire avait parlé poliment à sa superviseure. De plus, les déclarations de la superviseure, de la collègue et du propriétaire ont conféré plus de crédibilité à la position de l’employeur qu’à celle du prestataire. La Commission a fait valoir qu’il n’y avait pas d’élément de preuve à l’appui de l’allégation subséquente du prestataire selon laquelle il a fait l’objet de discrimination parce qu’il est noir (GD4 et GD8).

[31] L’employeur a fait valoir qu’il a d’abord eu un problème avec le prestataire et son père concernant leur mauvais rendement, ce qui a par la suite entraîné une réduction de leur taux de rémunération. Le prestataire et son père ont été congédiés à la suite d’un incident final, lorsqu’on leur a remis leurs chèques de paye et qu’ils ont verbalement abusé la superviseure, laquelle s’est sentie menacée et intimidée. Le prestataire et son père ont enfreint la politique de tolérance zéro relative à la violence, à la discrimination et au harcèlement, et par conséquent, leurs actions justifiaient le congédiement. L’employeur n’avait pas davantage d’observations mis à part les éléments de preuve déjà fournis à la Commission (GD7).

Analyse

[32] Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites dans l’Annexe de cette décision.

[33] L’article 30 de la Loi sur l’AE prévoit que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations pour une période indéterminée s’il a été congédié en raison de son inconduite.

[34] Le membre prend acte que le critère juridique à appliquer en cas d’inconduite consiste à déterminer si les actes étaient volontaires ou, du moins, procédaient d’une insouciance ou d’une négligence telle que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son travail (McKay-Eden, A-402-96; Tucker, A381-85). Autrement dit, il s’agit de déterminer si les actes qui ont mené au congédiement étaient conscients, délibérés ou intentionnels, c’est‑à‑dire si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié (Lassonde A-213-09, Mishibinijima A-85-06 et Hastings A-592-06).

[35] Par ailleurs, le membre du Tribunal prend acte qu’il revient à l’employeur et à la Commission de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite (Larivée A-473-06, Falardeau A-396-85).

[36] Le membre souligne qu’il doit d’abord être établi que les gestes du prestataire ont été à l’origine de son congédiement (Luc Cartier, A-168-00; Brisette, A-1342-92). En l’espèce, les éléments de preuve incontestés démontrent que le prestataire a été congédié le 26 février 2015 pour deux raisons exprimées par l’employeur : a) à cause de son faible niveau de productivité ou niveau de travail, malgré des avertissements; b) à cause d’un incident final au cours duquel le prestataire (et son père) a été verbalement abusif envers sa superviseure et au cours duquel il l’a harcelée et intimidée (GD3-19 à GD3-25 et GD3-35). Le présumé comportement du prestataire allait à l’encontre de leur politique relative à la violence, à la discrimination et au harcèlement. Le RE confirme que le prestataire a été congédié (GD3-18). Même si le prestataire a fait valoir qu’il ne comprenait pas pourquoi il a été congédié et nie avoir commis les infractions alléguées, il ne réfute pas ni ne conteste qu’il s’agit des raisons pour lesquelles il a été congédié.

[37] Le membre note que l’employeur a constamment déclaré que depuis un certain temps, le prestataire et son père avaient des problèmes constants de productivité et qu’ils ont reçu des avertissements à ce sujet. L’employeur a remédié au problème, premièrement, en changeant leur structure de paye pour un taux horaire afin qu’ils puissent gagner au moins le salaire minimum. Lorsqu’aucune amélioration n’a été constatée, l’employeur n’a pas congédié le prestataire pour cette raison. Il a plutôt réduit son taux horaire de 19 $ de l’heure à 17 $ de l’heure (GD3-19). Par conséquent, le membre conclut que bien que le niveau de productivité du prestataire peut avoir contribué à la décision de l’employeur de congédier le prestataire, cela n’a pas été la cause du congédiement. L’employeur a également déclaré que le problème initial était le manque de productivité. Cependant, le prestataire et son père ont été congédiés, car ils ont été très violents verbalement envers leur superviseure lorsqu’elle a tenté de leur donner leurs chèques de paye.

[38] Le membre conclut que le congédiement du prestataire était une conséquence directe de l’incident final survenu le 26 février 2015 lorsque la superviseure a tenté de leur donner leurs chèques de paye et qu’ils ont prétendument été violents verbalement envers elle, ce qui va à l’encontre de leur politique énoncée.

Le prestataire a-t-il commis la présumée infraction?

[39] Pour conclure à une inconduite, la Commission et l’employeur doivent d’abord démontrer que le prestataire a commis l’infraction présumée pour laquelle il a été congédié. En l’espèce, le membre conclut que l’employeur et la Commission ne se sont pas acquittés du fardeau de la preuve pour les raisons qui suivent, et par conséquent, il conclut que, selon la prépondérance des probabilités, le prestataire n’a pas commis l’infraction présumée, c’est-à-dire qu’il n’a pas crié à sa superviseure et qu’il n’a pas été agressif verbalement envers sa superviseure lorsqu’il a été congédié.

[40] Le membre a d’abord tenu compte de l’observation de la Commission selon laquelle les déclarations écrites de la superviseure, de la collègue et du propriétaire ont conféré plus de crédibilité à la position de l’employeur qu’à celle du prestataire. Cependant, le membre remarque que la Commission n’a pas du tout communiqué avec le prestataire avant de rendre sa décision initiale. Elle a cependant appelé l’employeur à plusieurs reprises et elle a avisé l’employeur des éléments de preuve à présenter et à fournir. L’agent de la Commission a demandé que l’employeur fournisse spécifiquement des déclarations de témoins [traduction] « pour le comportement du prestataire » et a demandé à l’employeur [traduction] « que J. H., la superviseure du prestataire écrive une déclaration au sujet de ses préoccupations » (GD3-19 et GD3-21). Puis, pendant deux semaines, l’agent a fait des suivis répétitifs avec l’employeur pour présenter la preuve (GD3-22 et GD3-23). C’est seulement lorsque le prestataire a demandé une révision de sa demande que la Commission l’a appelé, et ce, à une seule reprise. La Commission a bel et bien parlé au prestataire, elle l’a informé de la preuve de l’employeur, elle lui a demandé s’il avait parlé à sa superviseure de façon menaçante et intimidante, ce qu’il a nié, et elle lui a également demandé si la police avait été appelée pour l’escorter en dehors des lieux, ce qu’il a confirmé (GD3-36). Il est intéressant de noter que la Commission n’a pas demandé au prestataire de fournir des éléments de preuve malgré le fait qu’il avait déclaré qu’il avait, lui aussi, un témoin pour sa demande de révision (GD3-32). Par ailleurs, l’employeur, après avoir communiqué encore une fois avec la Commission, a envoyé une [traduction] « déclaration d’un témoin autre que la superviseure qui était impliquée » (GD3-35). Par conséquent, la Commission avait très peu d’éléments de preuve (une déclaration orale) du prestataire sur lesquelles se fonder lorsqu’elle a apprécié la preuve des deux parties et qu’elle en est arrivée à sa décision.

[41] En revanche, le membre a (également) été capable de se fonder sur le témoignage direct du prestataire, de son père (en tant que témoin) et de la représentante de l’employeur, madame K. S., auquel il a assisté. Le membre est d’accord avec la Commission sur le fait que la preuve indirecte (orale et documentaire) fournie par l’employeur est pertinente. Par conséquent, il a examiné celle-ci avec soin. Cependant, le membre a accordé plus d’importance au témoignage direct du prestataire, de son témoin et de l’employeur auquel il a assisté lors de l’audience qu’à la preuve indirecte par ouï-dire fournie par la Commission. Au cours de l’audience, le membre a été en mesure de poser des questions d’approfondissement au sujet de la preuve documentaire de l’employeur et a pu observer les réponses. De plus, chacun leur tour, les parties ont eu l’occasion de réfuter le témoignage de l’autre partie lorsqu’elles n’étaient pas d’accord. Le membre a estimé que ceux présents à l’audience possédaient le même degré de crédibilité.

[42] Le membre a d’abord tenu compte de la preuve de l’employeur. À l’appui de son allégation selon laquelle le prestataire et son père se sont fâchés et ont été verbalement agressifs envers la superviseure, l’employeur a fourni des déclarations orales et écrites à la Commission, et madame K. S. a fourni un témoignage direct au cours de l’audience. Le membre a noté que la représentante de l’employeur qui a communiqué avec la Commission n’a pas été témoin de l’incident final. Par conséquent, elle a fourni une preuve par ouï-dire double au sujet de l’incident final qui s’est produit le jour avant le congédiement du prestataire (GD3-19 à GD3-23). La déclaration écrite de la collègue révèle qu’elle a entendu le prestataire et son père crier à la superviseure dans une pièce du fond, 100 pieds plus loin. Lorsqu’elle est allée voir ce qui se passait, elle a vu qu’ [traduction] « il » criait au sujet de [traduction] « son » chèque de paye (GD3-37). Elle ne mentionne pas qui criait. Dans ses déclarations écrites, la superviseure faisait référence à la fois au prestataire et à son père, notant qu’ [traduction] « ils » ont répondu en élevant le ton et qu’ils étaient agressifs verbalement lorsqu’elle leur avait parlé au sujet de leur travail dans le passé. Elle a dit qu’elle ne pouvait pas [traduction] « jouer à la gardienne » » ou tolérer leurs agressions verbales, et a noté qu’ils ont été congédiés en raison de leur faible productivité et pour avoir été verbalement agressifs et blessants dans cette situation (GD3-25). Au cours de l’audience, madame K. S. a déclaré que le prestataire et son père ont ignoré leur superviseure dans le passé et ont outrepassé son autorité en allant directement voir le propriétaire.

[43] Le membre note que la superviseure ne fait pas référence à l’incident final en tant que tel ou au comportement du prestataire particulièrement au cours de l’incident final de manière à réfuter le témoignage du prestataire et celui de son père qui avait déclaré qu’il était celui qui avait parlé et que le prestataire n’avait pas crié ou dit quoi que ce soit au cours de la dernière rencontre (voir ce qui suit). De plus, la déclaration de la collègue ne mentionne pas la personne qu’elle avait vue crier à la superviseure. Aussi, contrairement à la déclaration de la collègue, madame K. S. a déclaré qu’il n’y a eu aucun témoin direct de l’interaction finale entre le prestataire, son père et la superviseure. Finalement, madame K. S. admet qu’elle n’a pu fournir qu’une preuve par ouï-dire, car elle n’était pas présente le jour de l’incident et ne peut se prononcer que sur [traduction] « leur » comportement méprisant dans le passé.

[44] Par ailleurs, le membre estime que la position du prestataire est demeurée cohérente tout au long de sa demande et de son appel. Il a déclaré qu’il ne comprenait pas pourquoi il avait été congédié puisqu’il n’avait rien fait de mal; il était poli, et il n’a pas crié ou parlé à sa superviseure de façon menaçante ou intimidante (GD2A, GD3-9, GD3-34 et GD3-36). Au cours de l’audience, le prestataire a dit que la journée avant son congédiement, lorsqu’on lui a donné son deuxième chèque de paye avec un salaire réduit, il a voulu obtenir des explications et a demandé poliment à sa superviseure pourquoi le problème n’avait pas été corrigé. Le membre a interrogé le prestataire spécifiquement au sujet de l’incident final et des déclarations de sa collègue et de sa superviseure. Il a déclaré qu’il n’a pas parlé fort, qu’il n’a pas crié et qu’il n’a pas parlé de façon irrespectueuse à sa superviseure puisque ce n’était pas sa faute si son taux horaire avait été diminué. En ce qui a trait à la déclaration de la superviseure, le prestataire a dit qu’il ne sait pas pourquoi la superviseure a fait les déclarations qu’elle a faites, car elle a fait preuve de compassion envers la façon dont le propriétaire les traitait. Le prestataire a déclaré catégoriquement qu’il n’a pas crié ou dit quoi que ce soit. Il a insisté sur le fait qu’il n’était pas ce genre de personne et qu’il ne harcèlerait jamais personne ou ne serait jamais violent envers personne. Le père du prestataire, monsieur E. A., a déclaré que le prestataire [traduction] « n’a pas haussé le ton; il ne ferait pas cela devant moi ». Il a également dit qu’il était celui qui était allé parler avec la superviseure, car c’était lui qui avait initié le prestataire à cet emploi. Il a déclaré que le prestataire n’a pas crié, qu’il n’a pas haussé le ton et qu’il n’a rien dit.

[45] Le membre a également tenu compte de l’observation de la Commission selon laquelle il est peu probable que des policiers auraient été dépêchés si le prestataire avait parlé poliment à sa superviseure. Cependant, le membre estime que le prestataire et son père n’ont pas été escortés à l’extérieur de l’immeuble de l’employeur le jour de l’incident final avec la superviseure. C’était la journée suivante, lorsqu’ils ont été congédiés par le propriétaire, que la police a été appelée, car ils ne voulaient pas quitter les lieux et non parce qu’il/ils criait/criaient ou était/étaient agressif(s) verbalement. La conclusion du membre est confirmée par le témoignage du prestataire et les déclarations écrites de l’employeur (GD3-36 et GD3-37).

[46] Finalement, le membre souscrit à la position de la Commission selon laquelle aucun élément de preuve, à l’audience ou ailleurs, ne permet d’étayer l’observation subséquente du prestataire selon laquelle il était l’objet de discrimination parce qu’il est noir.

[47] Pour toutes les raisons invoquées et après avoir apprécié la preuve en conséquence, le membre conclut que, selon la prépondérance des probabilités, le prestataire n’a pas commis la présumée infraction selon laquelle il aurait été verbalement agressif, aurait haussé la voix, aurait agi de façon menaçante et intimidante envers sa superviseure au cours de l’incident final qui, en fin de compte, a causé son congédiement. Par conséquent, il s’ensuit que l’on ne peut pas parler d’inconduite lorsqu’il n’a pas été démontré que la conduite ou le comportement présumé a été adopté.

[48] Le membre conclut donc, selon la prépondérance des probabilités, que le prestataire n’a pas perdu son emploi en raison de son inconduite et qu’il ne doit pas être exclu du bénéfice des prestations pour une période indéterminée, conformément aux articles 29 et 30 de la Loi sur l’AE.

Conclusion

[49] L’appel est accueilli.

Annexe

Droit applicable

L’alinéa 29a) de la Loi sur l’AE définit le terme « emploi », pour l’application des articles 30 à 33, comme tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations.

L’alinéa 29b) de la Loi sur l’AE énonce que, pour l’application des articles 30 à 33, la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant.

Le paragraphe 30 (1) de la Loi sur l’AE prévoit que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :

  1. a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
  2. b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

Le paragraphe 30(2) de la Loi sur l’AE précise que l’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.

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