Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Comparutions

S. D., la prestataire, a participé à l’audience par vidéoconférence en compagnie de son époux, G. D., qui l’a aidée puisqu’elle ne maîtrisait pas trop bien l’anglais.

Keith Shustov, le représentant de l’appelante, a participé à l’audience par vidéoconférence.

Pattanum Woodtikarn, un interprète thaï-anglais, a aussi pris part à l’audience par vidéoconférence.

Introduction

[1] L’appelante (prestataire) s’est retrouvée sans emploi le 30 décembre 2015. Elle a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi (AE) le 31 décembre 2015. Une période initiale de prestations débutant le 3 janvier 2016 a été établie. La Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission) a rejeté sa demande parce qu’elle avait quitté volontairement son emploi sans justification le 10 juillet 2015. La prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision, laquelle elle a décidé de maintenir, comme elle l’a fait savoir dans une lettre datée du 22 avril 2016. La prestataire a interjeté appel devant le Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal).

[2] L’audience a été tenue par vidéoconférence pour les raisons suivantes :

  1. La complexité de la question en litige;
  2. La prestataire sera la seule partie présente;
  3. Les renseignements figurant au dossier et le besoin de renseignements supplémentaires;
  4. Le fait que la prestataire ou d’autres parties sont représentées;
  5. L’accès à un service de vidéoconférence dans la région où réside la prestataire.

Question en litige

[3] La question, dans le cadre de cet appel, est de savoir si la prestataire a été fondée à quitter volontairement son emploi conformément aux articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE).

Preuve

Renseignements au dossier

[4] La prestataire a présenté une demande de prestations régulières d’AE le 31 décembre 2015, déclarant qu’elle ne travaillait plus en raison d’un manque de travail, et qu’elle ne travaillerait plus pour cet employeur. Elle a confirmé qu’elle n’avait pas d’autres périodes d’emploi au cours des 52 semaines précédentes (pièces GD3-3 à GD3-11).

[5] L’employeur a soumis un relevé d’emploi (RE) daté du 6 janvier 2016, qui précisait que la prestataire avait commencé à travailler le 31 août 2015 et qu’elle ne travaillait plus en raison d’un manque de travail en date du 30 décembre 2015, totalisant 499 heures d’emploi assurable (pièce GD3-12).

[6] Le même employeur a soumis un RE daté du 19 juillet 2015, dans lequel il était écrit que la prestataire avait commencé à travailler le 3 septembre 2013 et qu’elle avait donné sa démission le 10 juillet 2015, pour un total de 1 492 heures d’emploi assurable (pièce GD3-14).

[7] La Commission a communiqué avec la prestataire, qui a affirmé qu’elle n’avait pas démissionné; elle avait pris de congé de deux mois pour rendre visite à sa famille. La prestataire a affirmé que le propriétaire lui avait dit que si elle voulait prendre deux mois de congé, elle devait donner sa démission et il aurait besoin de la réembaucher par la suite. Elle a expliqué qu’elle était allée voir sa famille en Thaïlande parce qu’elle n’y était pas allée depuis deux ans, précisant que les billets d’avion coûtaient très cher, et qu’ils voulaient donc y passer deux mois plutôt que deux semaines. La prestataire a affirmé que l’employeur avait dit qu’elle pouvait prendre deux semaines de vacances; elle pouvait partir pendant deux mois mais il ne s’agirait pas de vacances approuvées. Elle a affirmé avoir parlé à son employeur d’une indemnité de vacances à son retour, mais qu’il lui a dit qu’elle avait déjà démissionné. Elle a affirmé être retournée au travail à son retour de vacances; ils s’étaient entendus pour qu’elle revienne le 31 août 2015. Elle a affirmé qu’elle croyait pouvoir être partie aussi longtemps qu’elle le souhait en congé non payé. Elle a ajouté qu’elle savait qu’elle devrait postuler pour l’emploi de nouveau. Elle a affirmé que c’était l’été et qu’ils avaient d’autres personnes qui pouvaient travailler et qu’elle avait besoin de visiter ses parents et les parents de son époux (pièce GD3-16).

[8] La Commission a communiqué avec l’employeur, et celui-ci a affirmé qu’il avait pensé [traduction] « qu’il s’agissait d’un genre de congé prolongé mais pour [lui] c’était impossible de faire passer ça pour une sorte de vacances ». Il a affirmé que la prestataire lui avait donné environ un mois de préavis, et il lui avait dit que normalement les vacances peuvent être prises après un an de service et durent deux semaines. Il a fait savoir qu’il n’avait pas vraiment été en position pour négocier comme il avait besoin de travailleurs. L’employeur a affirmé que l’époux de la prestataire travaillait à l’université et qu’il était en congé durant l’été, et c’est pour cette raison qu’ils sont partis à ce moment-là. Il a expliqué qu’elle l’avait appelé pour lui demander s’il avait toujours besoin d’elle; il a répondu [traduction] « évidemment », comme il est difficile de garder des employés dans le secteur de la restauration. L’employeur a fait savoir que le congé de la prestataire n’était pas pour une urgence et qu’il avait été vraiment long, précisant que si quelqu’un prenait deux mois de vacances et ne lui donnait pas le choix, il percevait cela comme une démission. Il a affirmé qu’il était arrivé que d’autres personnes partent en voyage pendant quatre ou cinq mois et voulaient revenir avec leur ancienneté; il ne pouvait pas faire cela et a précisé que cela affectait les années de service, les augmentations de salaire et les jours de vacances. Il a aussi expliqué qu’il ne savait pas à ce moment-là que le restaurant allait fermer (pièce GD3-17).

[9] La Commission a communiqué avec la prestataire, qui a déclaré qu’elle savait, quand elle est allée en vacances, qu’elle pourrait retourner chez l’employeur par la suite (pièce GD3-18).

[10] La Commission a communiqué avec l’employeur. L’employeur a affirmé qu’il ne se souvenait pas que la prestataire lui aurait dit que le père de son époux était malade. On lui a dit que la prestataire avait déclaré que c’était son épouse qui lui avait garanti un emploi à son retour, et l’employeur a répondu qu’ils ne garantissent pas d’emplois; si elle revenait, peut-être alors. Il a précisé que c’est pour cette raison qu’ils congédiaient, parce qu’ils n’avaient pas une date de retour précise. L’employeur a affirmé qu’il avait parlé avec son épouse, et que celle-ci l’avait informé que la prestataire lui avait donné un préavis de trois semaines et qu’ils avaient déjà acheté leurs billets. Il a affirmé qu’ils avaient pris des vacances et étaient allés au Japon, en Chine, en Thaïlande, et aussi ailleurs, il ne sait trop où (pièce GD3-19).

[11] Dans une lettre datée du 23 janvier 2016, la Commission a informé la prestataire qu’elle ne pouvait pas recevoir de prestations d’AE puisqu’elle avait, le10 juillet 2015, quitté volontairement son emploi sans justification, au sens de la Loi sur l’AE. La lettre l’informait également qu’elle n’avait pas travaillé assez longtemps depuis qu’elle avait quitté son emploi sans justification pour pouvoir toucher des prestations d’AE, comme elle n’avait accumulé que 499 heures d’emploi assurable alors qu’il lui aurait fallu 665 heures (pièce GD3- 20).

[12] La prestataire a soumis sa demande de révision a déclarant qu’elle avait travaillé pour cette compagnie depuis octobre 2012 et qu’elle avait pris des vacances pour la première fois du 7 juillet au 26 août 2013; l’employeur l’a réembauchée en date du 3 septembre 2013. Elle a affirmé avoir pris d’autres vacances en 2015, et que l’employeur l’avait à nouveau réembauchée le 31 août 2015. La prestataire a soumis un message texte envoyé par l’épouse de l’employeur le 29 août 2015, au moyen du cellulaire de son fils, formulé comme suit : [traduction] « Salut P. J’espère que vous avez passé un beau voyage. Nous avons mis [la prestataire] à l’horaire à partir de lundi. » La prestataire a affirmé qu’elle était revenue de vacances le 30 août 2015 et qu’elle était tout de suite retournée au travail le lundi 31 août 2015, sans même s’en remettre du décalage horaire (pièce GD3-24).

[13] La prestataire a soumis au Tribunal son avis d’appel, déclarant qu’elle avait gardé sin uniforme et qu’on ne lui avait pas demandé de le rendre comme elle pensait que la situation était temporaire. Elle a fait savoir qu’elle n’avait pas rédigé de lettre de démission et qu’elle n’avait reçu aucune lettre de congédiement de son employeur. Elle a aussi affirmé qu’elle n’avait pas reçu de RE; elle avait cependant reçu un RE et un T4 lorsqu’elle a été mise à pied en décembre 2015 (pièce GD2-2).

[14] La prestataire a affirmé qu’elle et sa gérante, l’épouse de son employeur, s’étaient entendues et qu’elle serait disponible pour revenir travailler le 31 août 2015. Elle a affirmé que son fils, qui travaillait au même restaurant, avait reçu un message texte de la gérante l’informant que la prestataire avait des quarts de travail prévus à compter du lundi 31 août 2015. La prestataire a affirmé qu’elle est simplement allée au travail et qu’elle avait recommencé à travailler à son retour au Canada; elle n’a pas eu besoin de remplir une demande d’emploi ou d’entreprendre un processus d’orientation quelconque. De plus, la prestataire a affirmé que son talon de chèque du 18 septembre 2015 n’indiquait pas un cumul annuel de la rémunération commençant à zéro, comme cela aurait été le cas pour un nouvel employé, mais qu’il était la continuation de montants figurant sur ses talons de chèque précédents. La prestataire a dit qu’elle ne savait pas que l’employeur avait considéré qu’elle avait quitté son emploi et qu’elle l’a seulement appris lorsqu’elle a demandé des prestations et que celles-ci lui ont été refusées. La prestataire a également découvert en même temps que l’employeur avait pris note qu’elle avait démissionné lorsqu’elle avait pris des vacances à l’été de 2013 (pièce GD2-2).

[15] La prestataire a affirmé que l’employeur ne disposait pas d’un processus formel pour les demandes de vacances; les employés demandaient simplement à leur gérante s’ils pouvaient prendre des vacances, qui leur en donnait la permission ou non. La prestataire a expliqué qu’elle avait demandé, en 2013, si elle pouvait prendre des vacances et si elle devait démissionner; la gérante lui a dit qu’elle n’avait pas besoin pas de démissionner, qu’elle pouvait prendre deux mois de congé pour ses vacances et qu’elle resterait une employée durant ce temps. En mai 2015, elle a demandé si elle pouvait partir en vacances du 12 juillet au 30 août 2015, et elle avait reçu la permission d’aller en vacances. Elle a affirmé que c’était inscrit de cette manière parce que c’était l’été, il était facile de trouver des remplaçants pour travailler ses quarts de façon temporaire en embauchant des étudiants, et cela montre précisément qu’il s’agissait d’un arrangement temporaire (pièce GD2-2).

[16] La prestataire a soumis son talon de chèque daté 10 juillet 2015, indiquant un cumul annuel de 8 135,16 $. Un cumul annuel de 8 439,75 $ figurait sur le talon de chèque du 24 juillet 2015. Un chèque de paie daté du 18 septembre 2015 indiquait une paie brute d’une somme de 550,55 $ et un cumul annuel de 8 990,19 $ (pièces GD2-15 à GD2-17).

[17] La Commission a fourni le taux de chômage et le tableau des prestations pour la période du 6 décembre 2015 au 9 janvier 2016, qui montraient que le taux de chômage était de 7 % et que 665 heures d’emploi assurable étaient nécessaires pour l’admissibilité à des prestations d’AE (page GD3-30).

Témoignage à l’audience

[18] Le représentant de la prestataire a affirmé à l’audience qu’elle n’était pas consciente qu’elle démissionnait en partant en vacances en juillet 2015. Il a affirmé que, d’après ce qu’elle savait, elle prenait des vacances prolongées et aurait toujours son emploi à son retour. Quand la prestataire est revenue de vacances, elle n’a pas du postuler pour reprendre son emploi, elle a seulement recommencé à travailler et elle n’a pas considéré qu’elle avait démissionné. Il semblerait que l’employeur ait agi de la même manière que si la prestataire était revenue travailler après un congé prolongé. La prestataire croit donc que les heures qu’elle a accumulées durant sn emploi devraient être utilisées pour le calcul de sa période de prestations d’AE.

[19] La prestataire a témoigné qu’elle était allée en Thaïlande du 12 juillet au 30 août 2015. Elle a confirmé être retournée au travail le 31 août 2015.

[20] On a parlé à la prestataire de sa déclaration voulant que son employeur ne l’aurait pas autorisée à prendre deux mois de vacances. Elle a affirmé qu’elle avait seulement appris à son retour de vacances que ses deux mois de vacances n’avaient pas été approuvés, et elle a alors présenté une demande de prestations d’AE.

[21] La prestataire a affirmé qu’elle n’avait jamais su qu’elle quittait son emploi, confirmant qu’elle n’avait pas parlé à son employeur mais seulement à sa gérante, l’épouse de l’employeur, qui a approuvé son congé. Elle affirmé que sa gérante avait informé le propriétaire des dates de son départ et de son retour, et que ni l’un ni l’autre ne lui avaient dit de démissionner, et qu’ils lui avaient seulement parlé pour confirmer la date de son retour. Elle a affirmé que sa gérante avait envoyé à son fils un message avant qu’elle revienne, le 31 août 2015, pour l’informer qu’elle était à l’horaire et devait travailler le lundi suivant.

[22] La prestataire a affirmé qu’elle avait acheté ses billets avant mai 2015, confirmant ainsi qu’elle les avait achetés avant de demander la permission de s’absenter. Elle a dit qu’elle avait fait quelque chose de semblable en 2013, qu’elle avait obtenu la permission et qu’elle était retournée au travail comme à l’habitude. Elle a affirmé qu’on ne lui avait jamais parlé de démission, ni cette fois-là ni cette fois-ci, et qu’elle ne savait pas qu’elle quittait son emploi lorsqu’elle a pris ses vacances. On a demandé à la prestataire ce qu’elle aurait fait si sa gérante n’avait pas approuvé ses deux mois de vacances, et elle a affirmé qu’elle n’y serait pas allé comme elle pouvait modifier ses billets.

[23] L’époux de la prestataire a affirmé qu’elle a reçu un RE et fait une demande de prestations d’AE lorsque l’employeur a fermé boutique. Il a déclaré que la prestataire n’avait pas compris pourquoi les heures sur son RE étaient si faibles en nombre, et qu’elle a donc communiqué avec l’employeur, qui lui a dit de venir chercher un autre RE, et c’est à ce moment-là qu’ils ont appris que l’employeur avait documenté que la prestataire avait quitté son emploi en juillet 2015 pour prendre des vacances. Il a affirmé que la prestataire ne savait pas qu’elle avait démissionné.

Observations

[24] La prestataire a fait valoir ce qui suit :

  1. L’employeur n’avait pas de politique formelle sur les demandes de vacances. Même s’il est manifeste qu’il existait une politique interne pour que le RE indique une démission de la prestataire, il semble que cette politique n’ait jamais été communiquée aux employés. Les employés demandaient des vacances, leurs vacances étaient approuvées puis ils revenaient simplement travailler après leurs vacances. Leur absence était simplement considérée comme des vacances. Elle avait une date de retour au travail; elle est revenue de vacances et est retournée au travail. L’employeur a parlé d’un « genre de congé prolongé », ce qui semble différer d’une véritable démission. Il ne semble pas qu’il y ait des échanges concernant la perte d’emploi de la prestataire et, deux jours avant la date prévue de son retour au travail, elle a reçu un message texte confirmant cette date. Elle n’a pas eu besoin de postuler pour son emploi; elle a simplement repris le travail.
  2. Elle n’avait aucunement l’intention de quitter son emploi. L’épouse de l’employeur avait demandé qu’elle recommence à travailler à son retour. Elle avait demandé à l’avance à l’épouse de l’employeur d’approuver ses vacances. Ses vacances avaient été acceptées et sa date de retour au travail avait été confirmée pour qu’elle puisse faire un suivi et faire tout de suite l’horaire de travail (pièce GD3-22).
  3. Ses cotisations à l’AE avaient systématiquement été déduites de sa paie depuis 2012 avec le même employeur. Son employeur ne lui avait jamais dit que ses vacances correspondaient à une démission (pièce GD3-24).
  4. Il s’agissait d’un malentendu entre elle et son employeur puisqu’elle avait eu l’impression que les vacances avaient été autorisées parce qu’ils lui avaient donné la permission dans le passé (pièce GD3-25).
  5. Elle n’a pas quitté volontairement son emploi puisqu’elle croyait qu’elle allait en vacances et a repris son poste le 30 août 2015. Elle a seulement découvert que son employeur avait documenté cela comme une démission après qu'elle eût été mise à pied, quand l’entreprise a complètement fermé et que sa demande de prestations d’AE a été rejetée (pièce GD2-1).
  6. Si son employeur a présumé qu’elle avait quitté son emploi, alors pourquoi a-t-elle reçu des talons de chèque continus? Son talon de chèque de septembre montre qu’elle a continué à travailler et n’a pas quitté son emploi. Elle n’avait aucunement l’intention de démissionner. Tous ses documents montrent qu’elle a continué de travailler pour l’employeur, et elle n’avait pas reçu le RE daté du 10 juillet 2015 avant de partir en vacances pour faire savoir qu’elle démissionnait, et personne ne lui a dit qu’elle devait quitter son emploi. De plus, l’employeur lui a seulement remis le RE lorsque l’entreprise a fermé ses portes. Si elle avait su la première fois qu’elle avait été considérée comme ayant quitté son emploi, elle n’aurait pas pris de vacances une seconde fois en 2015, mais il n’y avait absolument aucun renseignement communiqué par l’employeur.
  7. CUB 76240 est une cause semblable à la sienne, où le juge-arbitre a confirmé la décision du conseil arbitral (maintenant le Tribunal). En appliquant cette jurisprudence à l’espèce, on remarque que l’entente entre la prestataire et l’employeur concernant le congé demandé a été conclue pendant que la prestataire travaillait pour l’employeur; l’employeur avait convenu du congé demandé par la prestataire, et des dates de début et de retour. La prestataire n’a pas renoncé aux conditions de l’entente d’emploi et n’a pas ressenti le besoin de le faire. L’employeur ne lui a jamais dit que les conditions étaient devenues inacceptables. L’employeur n’a pas entièrement informé la prestataire des changements. Il ne l’a jamais avertie qu’ils la considéraient comme ayant quitté son emploi et elle s’en est seulement rendu compte plusieurs mois plus tard (pièce GD2-3).
  8. CUB 6811 confirme qu’il faut donner le bénéfice du doute au prestataire si la preuve est tout aussi crédible des deux côtés. La seule preuve de l’employeur est le RE où il est écrit que la prestataire a quitté son emploi. Quant à elle, la prestataire possède les éléments suivants à l’appui de sa position : son propre comportement; celui de son employeur qui lui a donné des quarts de travail; des talons de chèque émis sans interruption dans la rémunération; des arrangements conclus dans le passé; et précisément, l’assurance de la part de l’employeur qu’elle n’avait pas besoin de démissionner pour prendre de longues vacances. La preuve produite par la prestataire est donc considérablement plus solide que la preuve nécessaire à l’application du principe selon lequel il faut donner au prestataire le bénéfice du doute. Elle n’a pas quitté son emploi volontairement; elle ne pensait pas l’avoir quitté du tout (pièce GD2-4).

[25] La Commission a fait valoir ce qui suit :

  1. Quand l’employeur a refusé la demande de congé de la prestataire, et que celle-ci a décidé de partir deux mois en congé malgré tout le 10 juillet 2015 pour aller visiter sa famille et ses amis en Thaïlande, elle a mis fin à la relation employeur/employée et a causé son propre chômage. À la lumière de la preuve, la Commission est d’avis le congé pris par la prestataire après le refus de l’employeur revenait à un départ volontaire. La Commission maintient que la prestataire avait le choix entre rester et conserver son emploi ou partir et perdre son emploi (pièce GD4-2).
  2. La prestataire voulait aller à l’étranger et avait demandé un congé à l’avance. Le congé n’a pas pu être accordé, et elle est quand même partie pour deux mois le 10 juillet 2015. Rien de cet emploi ne la forçait à démissionner. Elle voulait simplement aller en vacances à l’étranger pour rendre visite à sa famille et à ses amis. D’après la preuve, la Commission a donc conclu que la prestataire disposait de la solution raisonnable de ne pas se retrouver au chômage et de continuer à travailler. Par conséquent, la prestataire n’a pas prouvé qu’elle avait été fondée à quitter son emploi au sens de la Loi sur l’AE (pièce GD4-3).
  3. La prestataire n’est pas une personne qui est devenue ou redevenue membre de la population active, comme elle a montré qu’elle avait accumulé au moins 490 heures sur e marché du travail au cours de 52 semaines précédant sa période de référence, comme l’exige le paragraphe 7(4) de la Loi sur l’AE. La prestataire avait donc besoin du nombre d’heures d’emploi assurable précisé à l’alinéa 7(2)b) de la Loi sur l’AE afin d’être admissible à des prestations (pièce GD4-3).
  4. Conformément au tableau du paragraphe 7(2) de la Loi sur l’AE et au taux de chômage régional de 7 % dans la région économique où réside la prestataire, il lui fallait avoir accumulé 665 heures d’emploi assurable avant de quitter son emploi pour être admissible à des prestations d’AE, alors qu’elle n’avait accumulé que 499 heures d’emploi assurable. La Commission maintient que la prestataire est passible d’exclusion en application de l’alinéa 30(1)a) de la Loi sur l’AE comme elle n’a pas accumulé le nombre d’heures d’emploi assurable requis pour être admissible aux prestations en vertu de l’article 7 ou de l’article 7.1 de la Loi sur l’AE après avoir quitté son emploi sans justification (pièce GD4-3).

Analyse

[26] Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites dans l’annexe de la présente décision.

[27] La question de savoir si une personne était fondée à quitter volontairement son emploi nécessite un examen visant à établir si, compte tenu de toutes les circonstances et selon la prépondérance des probabilités, son départ constituait la seule solution raisonnable (MacNeil c. Canada (Commission de l’assurance-emploi du Canada), 2009 CAF 306; Canada (Procureur général) c. Imran, 2008 CAF 17).

[28] Dans l’affaire Tanguay c. Canada (Commission de l’emploi et de l’immigration du Canada) (A-1458-84), la Cour d’appel fédérale (CAF) a établi une distinction entre « motif valable » et « justification » quand il est question de quitter volontairement un emploi.

[29] Conformément à la décision de la CAF Canada (Procureur général) c. Laughland, 2003CAF 129, le problème n’est pas de déterminer s’il était raisonnable pour le prestataire de quitter son emploi, mais plutôt si la seule solution raisonnable pour le prestataire était de quitter son emploi, compte tenu de toutes les circonstances. Agir de façon raisonnable peut constituer un « motif valable », mais pas nécessairement une « justification ».

[30] La prestataire a la charge de prouver qu’elle était fondée à quitter son emploi (Canada (Procureur général) c. Patel, 2010 CAF 95).

[31] En l’espèce, la prestataire soutient avec conviction qu’elle n’a pas quitté son emploi et qu’elle a seulement pris des vacances approuvées. Le Tribunal admet la déclaration et le témoignage de la prestataire selon lesquels elle avait demandé des vacances à la gérante, l’épouse de la propriétaire, et que ses vacances de deux mois avaient été approuvées. Le Tribunal admet également que la prestataire n’avait jamais été mise au courant que l’employeur considérait qu’elle avait quitté son emploi lorsqu’elle a demandé un congé prolongé qui a été approuvé. D’après ce qui précède, le Tribunal conclut que la prestataire n’a pas quitté son emploi.

[32] La prestataire a présenté une preuve pour montrer que l’employeur avait maintenu sa position en son absence, en l’informant de son horaire de travail avant son retour au pays, et aussi parce que les talons de chèque montrent que son emploi n’a pas cessé auprès du service de la paie. Le Tribunal n’a aucune raison de douter de la prestataire qui a témoigné qu’elle ne serait pas allée en vacances si ses vacances n’avaient pas été autorisées puisqu’elle aurait pu modifier ses billets. Le Tribunal est convaincu que la prestataire n’a jamais été informée qu’elle quittait son emploi en prenant des vacances prolongées et, d’après ceci, le Tribunal juge que la prestataire n’avait pas l’intention de quitter son emploi.

[33] La Commission a affirmé que les vacances de la prestataire n’avaient pas été approuvées et qu’elle a quand même décidé de partir en vacances, mettant ainsi fin à la relation employeur/employée et causant sa situation de chômage. Bien que la prestataire ait initialement dit à la Commission que son employeur n’avait pas approuvé ses vacances et qu’il devrait la réembaucher, le Tribunal reconnaît que la prestataire parle et comprend mal l’anglais et qu’il se pourrait donc qu’il y ait eu un malentendu. Le Tribunal admet la déclaration de la prestataire voulant qu’on ne lui avait pas donné le RE daté du 10 juillet 2015 avant qu’elle ne le demande à l’employeur, et que c’est à ce moment-là qu’elle a découvert qu’elle avait quitté son emploi. La prestataire a ensuite parlé à la Commission et l’a informée de ce qu’elle avait appris de son employeur; néanmoins, le Tribunal n’est pas convaincu que la prestataire savait qu’elle ne pouvait pas prendre plus de deux semaines de vacances lorsqu’elle a demandé un congé à cet effet. La prestataire a affirmé qu’elle avait demandé un congé à sa gérante et que celle-ci l’avait approuvé; cependant, la Commission a parlé au propriétaire et non à la gérante, et le Tribunal accorde donc davantage de valeur à la preuve produite par la prestataire.

[34] Le Tribunal conclut que la prestataire n’a pas volontairement quitté son emploi. La prestataire a demandé des vacances à sa gérante, l’épouse du propriétaire, et ses vacances ont été approuvées. L’employeur a affirmé qu’il n’avait pas vraiment eu le choix comme il avait besoin de travailleurs. La prestataire n’avait pas eu besoin de rendre son uniforme ou de postuler de nouveau pour son emploi. L’emploi de la prestataire n’a jamais pris fin conformément au service de la paie et on l’a informée de son horaire de travail avant son retour de vacances. Le Tribunal n’est pas convaincu que la prestataire ait amorcé la cessation de son emploi comme ses vacances avaient été approuvées.

[35] Le Tribunal a cherché des pistes de solution dans la décision CUB 74053, où le juge Durocher affirme ce qui suit :

Premièrement et avant que le prestataire n’assume la tâche de montrer qu’il y a « justification », c’est à la Commission qu’il revient de prouver clairement que le prestataire a quitté volontairement son emploi. Cela est logique puisque c’est la Commission qui d’abord, et unilatéralement, prend la décision sur ce motif. Il s’ensuit également que si la Commission ne s’acquitte pas de ce fardeau de la preuve, le prestataire n’a pas à entreprendre de prouver la justification ou une autre raison. Et c’est également une erreur de droit que de renoncer à la première étape, et d’imposer au prestataire le fardeau de montrer qu’il était fondé à quitter son emploi.

[36] La Commission n’a pas démontré que la prestataire avait quitté volontairement son emploi; la prestataire n’est donc pas tenue de prouver qu’elle avait été fondée à quitter volontairement son emploi le 10 juillet 2015 conformément aux articles 29 et 30 de la Loi sur l’AE. Les heures d’emploi assurables de la prestataire devraient être utilisées dans le calcul pour sa demande de prestations d’AE.

Conclusion

[37] L’appel est accueilli.

Annexe

Droit applicable

30 (1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :

  1. a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
  2. b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

(2) L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.

(3) Dans les cas où l’événement à l’origine de l’exclusion survient au cours de sa période de prestations, l’exclusion du prestataire ne comprend pas les semaines de la période de prestations qui précèdent celle où survient l’événement.

(4) Malgré le paragraphe (6), l’exclusion est suspendue pendant les semaines pour lesquelles le prestataire a autrement droit à des prestations spéciales.

(5) Dans les cas où le prestataire qui a perdu ou quitté un emploi dans les circonstances visées au paragraphe (1) formule une demande initiale de prestations, les heures d’emploi assurable provenant de cet emploi ou de tout autre emploi qui précèdent la perte de cet emploi ou le départ volontaire et les heures d’emploi assurable dans tout emploi que le prestataire perd ou quitte par la suite, dans les mêmes circonstances, n’entrent pas en ligne de compte pour l’application de l’article 7 ou 7.1.

(6) Les heures d’emploi assurable dans un emploi que le prestataire perd ou quitte dans les circonstances visées au paragraphe (1) n’entrent pas en ligne de compte pour déterminer le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées, au titre du paragraphe 12(2), ou le taux de prestations, au titre de l’article 14.

(7) Sous réserve de l’alinéa (1)a), il demeure entendu qu’une exclusion peut être imposée pour une raison visée au paragraphe (1) même si l’emploi qui précède immédiatement la demande de prestations — qu’elle soit initiale ou non — n’est pas l’emploi perdu ou quitté au titre de ce paragraphe.

29 Pour l’application des articles 30 à 33 :

  1. a) « emploi » s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
  2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;
  3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
    1. (i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin,
    2. (ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre,
    3. (iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert;
  4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
    1. (i) (harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
    2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
    3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
    4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
    5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
    6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
    7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
    8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
    9. (ix) modification importante des fonctions,
    10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
    11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
    12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
    13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
    14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.
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