Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision



Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est accueilli et le dossier est renvoyé à la division générale pour qu’une nouvelle audience soit tenue devant un membre différent.

Introduction

[2] Le 11 janvier 2016, la division générale du Tribunal a déterminé ce qui suit :

  • La personne mise en cause n’a pas volontairement quitté son emploi aux termes des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi).

[3] L’appelant a présenté une demande de permission d’en appeler à la division d’appel le 8 mars 2016 après avoir reçu la décision de la division générale le 16 février 2016. La permission d’en appeler lui a été accordée par le Tribunal le 8 juin 2016.

Mode d'audience

[4] Le Tribunal a tenu une audience par téléphone pour les raisons suivantes :

  • La complexité des questions portées en appel;
  • Le fait que l’on ne prévoie pas que la crédibilité des parties figure au nombre des questions principales.
  • Les renseignements figurant au dossier et le besoin de renseignements supplémentaires;
  • Le besoin, en vertu du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, de veiller à ce que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

[5] L’appelant était représenté à l’audience par K. A. La prestataire (personne mise en cause) n’était pas présente bien qu’elle ait reçu un avis d’audience le 26 août 2016. L’intimée était représentée pas Elena Kitova.

Droit applicable

[6] Le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi) indique que les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) La division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) Elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) Elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige

[7] Le Tribunal doit déterminer si la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que la prestataire avait un motif valable pour quitter volontairement son emploi aux termes des articles 29 et 30 de la Loi.

Arguments

[8] L’appelant a fait valoir les arguments suivants à l’appui de son appel :

  • La division générale a jugé l’appelant et le témoin crédibles et a constaté que la prestataire avait fortement manifesté ses émotions pendant l’audience. En dépit de ces constatations, en concluant que la prestataire n’avait pas quitté son emploi, la division générale n’a pas tenu compte d’éléments de preuve importants et pertinents de la part de l’appelant alors que la preuve avait établi que toutes les actions de la prestataire avaient pour but de provoquer son renvoi par l’appelant afin qu’elle soit admissible aux prestations d’assurance-emploi.
  • La division générale n’a pas tenu compte ou n’a pas pris en considération sept lettres de la part d’employés de l’appelant, qui, toutes, contredisent et minent les allégations de la prestataire.
  • Lorsqu’elle est considérée objectivement, l’ensemble de la preuve n’arrive pas à corroborer la conclusion de la division générale, à savoir que la prestataire avait démontré qu’elle n’avait d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi le 2 janvier 2015, et qu’elle n’avait pas démissionné ou du moins tenté d’orchestrer son renvoi.
  • La solution raisonnable pour la prestataire aurait été de continuer à travailler comme d’habitude, d’avertir son employeur qu’elle avait l’intention de quitter le travail tôt le 2 janvier 2015, de ne pas débarrasser son bureau des documents et des dossiers et de ne pas emporter tous ses effets personnels. La prestataire n’a pas opté pour cette solution parce qu’elle n’avait pas l’intention de persister dans son emploi. Elle se rendait compte que si elle démissionnait, elle ne toucherait pas de prestations d’AE.
  • L’appelant n’a pas pu contre-interroger la prestataire lors de l’audience. La division générale n’a pas réellement contre interrogé la prestataire et n’a pas correctement évalué sa crédibilité en tirant ses conclusions de fait.

[9] L’intimée soumet les arguments suivants à l’encontre de l’appel :

  • L’affaire actuelle a été examinée sous l’aspect d’un départ volontaire, conformément à l’alinéa 29c) de la Loi; il a été déterminé que la prestataire avait démontré un motif valable pour quitter son emploi puisqu’elle avait épuisé toutes les solutions raisonnables avant de le faire. Par conséquent, l’inadmissibilité qui avait été imposée en vertu du paragraphe 30(1) de la Loi a été annulée.
  • En dépit du fait qu’il n’existait aucun élément de preuve pour démontrer que la prestataire avait quitté son emploi, pour rendre sa décision, la division générale s’est fondée sur l’alinéa 29c) de la Loi pour appliquer le critère juridique du motif valable.
  • La division générale a commis une erreur de droit. La Cour d’appel fédérale a confirmé qu’il importe peu que ce soit l’employeur ou l’employé qui prenne l’initiative de mettre fin à la relation d’emploi. Lorsque, dans un appel, il est question d’inadmissibilité aux termes du paragraphe 30(1) de la Loi, la conclusion à cet effet peut reposer sur l’un ou l’autre des deux motifs d’inadmissibilité. Autrement dit, puisque la division générale avait conclu que la prestataire n’avait pas quitté son emploi volontairement, par la suite, elle aurait dû déterminer si la prestataire avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite.
  • À la lumière de ce qui précède et compte tenu des allégations de l’employeur concernant un manquement possible aux principes de justice naturelle, l’intimée recommande que la division d’appel renvoie l’affaire devant la division générale pour qu’elle soit examinée à nouveau conformément au paragraphe 59(1) de la Loi sur le MEDS.

Norme de contrôle

[10] L’appelant n’a pas présenté d’observations concernant la norme de contrôle applicable.

[11] L’intimée soutient que la division d’appel ne doit aucune déférence à l’égard des conclusions de la division générale en ce qui a trait aux questions de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier. Toutefois, pour les questions mixtes de fait et de droit, la division d’appel doit faire preuve de déférence à la division générale. Elle ne peut intervenir que si la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance – Pathmanathan c. Bureau du juge-arbitre, 2015 CAF 50.

[12] Le Tribunal note que dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Jean,(2015) CAF 242, la Cour d’appel fédérale énonce au paragraphe [19] de sa décision que « lorsqu’elle agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale, la Division d’appel n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieure »

[13] La Cour d’appel fédérale précise de plus que [traduction] :

[n]on seulement la division d’appel a-t-elle autant d’expertise que la division générale du Tribunal de la sécurité sociale et n’est-elle donc pas tenue de faire preuve de déférence, mais au surplus un tribunal administratif d’appel ne saurait exercer un pouvoir de contrôle et de surveillance réservé aux cours supérieures provinciales ou, pour les « offices fédéraux », à la Cour fédérale et à la Cour d’appel fédérale.

[14] La Cour conclut que « lorsqu’elle entend des appels conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, la division d’appel n’a d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de cette loi. »

[15] Le mandat de la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale décrit dans la décision Jean a par la suite été confirmé par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Maunder c. Canada (Procureur général), (2015) CAF 274.

[16] Par conséquent, à moins que la division générale n’ait pas observé un principe de justice naturelle, qu’elle ait erré en droit ou qu’elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l’appel.

Analyse

[17] Le Tribunal a tenu l’audience relative à l’appel en l’absence de l’intimée, puisqu’il estimait que cette dernière avait été dûment avisée de la tenue de l’audience le 28 août 2016, conformément au paragraphe 12(1) du Règlement du Tribunal de la sécurité sociale.

[18] Les parties ont fait valoir que la division générale avait tiré des conclusions contradictoires dans sa décision lorsqu’elle a conclu au paragraphe [48], que la prestataire n’avait pas quitté son emploi pour conclure par la suite, au paragaraphe [49], que la prestataire avait été un motif valable pour quitter son emploi; le Tribunal est d’accord avec ce raisonnement.

[19] De plus, ayant jugé les témoins de l’appelant comme crédibles pendant l’audience, dans la mesure où ils étaient sincères et proposaient des commentaires et des réponses cohérents sous serment, la division générale n’a pas expliqué pourquoi elle n’avait pas tenu compte de la preuve de l’employeur, notamment de tous les éléments de preuve déposés en appui de l’appel devant la division générale.

[20] C’est un fait bien établi que la division générale est tenue d’examiner toute la preuve et que si elle décide d’en écarter certains éléments ou de ne pas leur accorder la force probante qu’ils semblent mériter, elle doit clairement expliquer sa décision — Bellefleur c. Canada (P.G.), (2008) CAF 13.

[21] De plus, la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a accordé le bénéfice du doute à la prestataire au sujet de certaines allégations de l’employeur. Le paragraphe 49(2) de la Loi énonce clairement que la règle du bénéfice du doute s’applique dans les cas d’inconduite et de démission seulement si les éléments de preuve de part et d’autre du litige sont équivalents.

[22] Enfin, l’appelant n’a pas pu contre-interroger la prestataire lors de l’audience. C’est une règle bien établie que les parties ont le droit de contre-interroger les autres parties ou leurs témoins devant la division générale.

[23] Pour les motifs susmentionnés, l’appel sera accueilli.

Conclusion

[24] L’appel est accueilli et le dossier est renvoyé à la division générale pour qu’une nouvelle audience soit tenue devant un membre différent.

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