Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Comparutions

La prestataire, madame M. M., a participé à l’audience par téléconférence.

Sur permission de la prestataire, un membre du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal), madame Maria Marchese, a agi à titre d'observatrice (à des fins de formation) et n'a pas participé.

Introduction

[1] La prestataire a présenté une demande initiale de prestations régulières d’assurance-emploi le 31 août 2015.

[2] Le 22 septembre 2015, la Commission de l'assurance-emploi du Canada (Commission) a exclu la prestataire du bénéfice des prestations régulières parce qu'elle n’était pas fondée à quitter son emploi le 31 août 2015.

[3] Le 28 septembre 2015, la prestataire a demandé à ce que la Commission révise ses décisions. Toutefois, le 27 octobre 2015, la Commission a maintenu ses décisions initiales.

[4] Le 7 mai 2014[sic], la prestataire a interjeté appel auprès de la division générale du Tribunal.

[5] L’audience a été tenue par téléconférence puisque la prestataire serait la seule personne présente et parce que le mode d’audience respecte les exigences du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, à savoir qu’il doit procéder de la façon la plus informelle et expéditive que le permettent les circonstances, l’équité et la justice naturelle.

Question en litige

[6] Le membre doit décider si la prestataire doit être exclue du bénéfice des prestations en date du 30 août 2015 pour avoir quitté volontairement son emploi sans justification au sens des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l'AE).

[7] Le membre constate qu'en plus d'interjeter appel pour la question susmentionnée, la prestataire a indiqué dans son avis d'appel qu'elle interjetait appel de la décision de la Commission puisque celle-ci viole ses droits garantis par la Charte (GD2-2).

[8] Le 16 février 2016, la prestataire a assisté à une conférence préparatoire afin que le processus pour les questions constitutionnelles soit expliqué (GD5). La prestataire a souligné à la conférence préparatoire qu'elle allait poursuivre la contestation constitutionnelle devant le Tribunal. En tant que telle, une période allant jusqu'au 18 avril 2016 lui fut allouée pour déposer son avis formel (GD7).

[9] Le 28 mars 2016, la prestataire a présenté des observations quant au fondement de cet appel (GD8), mais n'a pas déposé un avis formel de contestation constitutionnelle. Le 26 avril 2016, le Tribunal a prévenu la prestataire que l'appel allait être considéré comme un appel ordinaire sur la question en litige/le fond (GD9).

[10] À l'audience, la prestataire a déclaré qu'elle avait décidé de ne pas poursuivre la contestation constitutionnelle puisque c'était un processus long et fastidieux et qu'elle n'avait ni le temps ni les ressources. Elle désire que son appel soit traité comme un appel sur le fondement de l'affaire.

Preuve

[11] La prestataire a quitté son emploi le 31 août 2015 et a présenté une demande de prestations d'assurance-emploi la même journée (GD3-3 à GD3-12).

[12] Le relevé d'emploi (RE) confirme que la prestataire a quitté son emploi d'administratrice de la paie le 31 août 2015, et indique qu'elle a fait ceci en raison de ce qui suit : [traduction] « déménagement pour accompagner fiancée [sic] (fiancée le 22 mars 2015), distance trop grande pour voyager, aucune possibilité de mutation, cherche activement un emploi à l'Î.-P.-É., arrivée le 18 septembre 2015 » (GD3-13). Le membre souligne que le RE a été émis par la prestataire.

[13] La prestataire a affirmé à la Commission que la raison pour laquelle elle avait quitté son emploi était pour déménager à l'Île-du-Prince-Édouard (Î.-P.-É.), où sa fiancée habite. Elle a déménagé à ce moment en raison du caractère sérieux de la relation, du fait que sa fille déménageait dans une résidence universitaire et pour pouvoir chercher un emploi dans sa nouvelle ville. La relation de la prestataire et de sa fiancée était une relation à distance. Elles n'ont jamais habité ensemble et n'ont pas d'enfant ensemble. Elles se sont mariées en juillet 2016. La prestataire a cherché un emploi à l'Î.-P.-É. avant de partir et a continué de le faire une fois sur place (GD3-15).

[14] Le 22 septembre 2015, la Commission a exclu la prestataire du bénéfice des prestations puisqu'elle n'avait pas de justification pour quitter son emploi au sens de la Loi sur l'AE (GD3‑16).

[15] La prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision en précisant qu'elle était en relation conjugale avec sa partenaire depuis le 1er avril 2014, ce qui selon la définition, n'inclut pas la cohabitation. Elles se sont fiancées le 22 mars 2015 et se sont mariées le 16 juillet 2016. La prestataire a mis en doute le fait que d'autres familles vivant séparées se qualifiaient pour recevoir des prestations. Elle contribue au régime d'assurance-emploi depuis longtemps et cherche activement du travail (GD3-18 à GD3-21). La prestataire a confirmé à la Commission qu'elle était déménagée à l'Î.-P.-É. pour être avec sa partenaire et qu'elle avait cherché du travail avant de quitter son emploi (GD3-22).

[16] Le 27 octobre 2015, la Commission a maintenu sa décision en indiquant que si la prestataire avait habité avec son épouse avant de quitter son emploi et qu'elle avait dû la suivre dans une autre maison et province, elle aurait alors eu une justification pour quitter son emploi. Dans son cas, puisqu'elles vivaient séparées, il n'y avait pas d'urgence pour déménager alors il était raisonnable qu'elle continue de vivre de son côté jusqu'à ce qu'elle trouve un autre emploi ou jusqu'à une date plus rapprochée de leur mariage (GD3-22 à GD3-24).

Preuve présentée au tribunal

[17] Dans son avis d'appel présenté au Tribunal, la prestataire a indiqué qu'elle avait quitté son emploi : pour s'occuper du déménagement de sa fille à X pour sa première année d'université et pour déménager à l'Î.-P.-É. dans le but d’habiter avec sa fiancée avec qui elle vivait une relation conjugale depuis le 1er avril 2014. Une mutation à l'Î.-P.-É. n'était pas envisageable, puisqu'il lui était financièrement impossible de supporter les coûts de voyage à l'Î.-P.-É. pour trouver un emploi avant de quitter le sien. Elle avait répondu à six offres d'emploi à l'Î.-P.-É avant de quitter son emploi. La prestataire a inclus des éléments de preuve au sujet des six offres d'emploi auxquelles elle a répondu auprès de deux employeurs à l'Î.-P.-É., sur une période de quatre jours, les 14, 20, 25 et 26 août 2015 (GD2-19 to GD2-56). La prestataire a fourni une lettre du gestionnaire de site de Career Development Services Inc. (une entreprise offrant des services d'orientation de carrière) qui soutient le fait qu’elle a fourni de nombreux efforts de recherche d'emploi à partir de la date où elle s'est présentée au bureau de l'entreprise le 24 septembre 2015 (GD2-5). La prestataire a également fourni des copies des décisions CUB 33865 et CUB 27800 en appui à ses arguments (GD2-6 à GD2-13).

[18] La prestataire a souligné qu'elle était fondée à quitter son emploi aux termes des sous-alinéas 29c)(i), (ii), (iv), (x) et (xii). La prestataire a indiqué qu'elle avait subi du harcèlement et de la discrimination de la part de son superviseur du moment (2012 et 2013), monsieur D. R., puisqu'elle était lesbienne. Elle a subi du stress quotidien pendant plusieurs mois, ce qui l'a menée à consulter un médecin. On lui a diagnostiqué un « TAG », une dépression et le SSPT. Elle a continué à travailler malgré sa maladie mentale, a déposé un grief syndical qui fut réglé en sa faveur et a commencé un processus devant un tribunal des droits de la personne, lorsqu'il a décidé de prendre sa retraite. Il a été remplacé par une autre superviseure, madame C. B., qui l'a aussi dénigrée et harcelée à plusieurs occasions. Ensuite, pendant qu'elle était formée pour son nouveau poste en février 2014, elle se sentait dénigrée, harcelée et intimidée par la formatrice, madame C. M. Sa superviseure n'a pas bien traité ses plaintes au sujet de la formatrice et la formation, et lorsqu'elle a dû s'absenter pour subir une intervention chirurgicale, la superviseure a parlé d'elle à d'autres employés. Elle a souligné qu'elle avait été contrainte à enfreindre les règles prévues dans les lignes directrices canadiennes de la paie. La prestataire a indiqué qu'elle n'avait pas les moyens financiers pour voyager régulièrement à l'Î.-P.-É. pour chercher un emploi, qu'elle n'était pas capable d'être mutée de son poste d'administratrice de la paie et qu'elle avait déposé plusieurs demandes d'emploi avant de quitter son emploi. Elle a précisé n'avoir aucune solution raisonnable autre que de quitter son emploi étant donné qu'elle devait composer avec beaucoup trop de stress et d’anxiété dans son milieu de travail et que pendant une longue période de temps elle avait été victime de harcèlement, d'intimidation, de maltraitance et de discrimination en raison de son identité sexuelle, son sexe et son implication avec l'union (GD8).

Témoignage

[19] La prestataire a témoigné qu'elle avait essentiellement décidé de quitter son emploi en raison d'un [traduction] « environnement de travail toxique », en indiquant que les cinq dernières années avaient été pénibles, mais que la dernière année et demie avait été la plus pénible. Elle a dû endurer des problèmes de santé mentale, voir un médecin et elle fut diagnostiquée comme souffrant du syndrome de stress post-traumatique (SSPT). Elle a témoigné du fait qu'elle avait initialement indiqué qu'elle déménageait, mais une autre raison [sic] était l'état de sa santé mentale et le besoin d'avoir un congé afin de prendre du mieux. Elle a déclaré qu'avec le recul, elle aurait dû déposer une demande de congé de maladie puisqu'elle aurait eu (droit à) un congé suffisant, au lieu de quitter son emploi. La prestataire a expliqué qu'à ce moment, sa partenaire était financièrement aisée ce qui lui a permis de rétablir son état de santé mentale (était toujours sous médication pour l'anxiété, la dépression et le SSPT). La prestataire a souligné que dans ses observations à GD8, il est indiqué qu'elle aurait dû au départ être en congé de maladie, puisqu'elle y a déclaré ce qui suit : [traduction] « je n'étais pas capable de travailler quand je suis arrivée ici ». À la place, elle a remis sa démission.

[20] La prestataire a témoigné du fait qu'elle n'a pas soulevé ces raisons devant la Commission puisqu'elle essayait seulement de se sortir de cette situation. Elle a témoigné du fait que lorsqu'elle est revenue (après son intervention chirurgicale, période de de six semaines) le 10 août 2015, elle a remis son avis de démission à son employeur, a reçu une offre pour sa maison, est demeurée dans la maison jusqu'au 2 septembre 2015, a aidé sa fille à déménager à X pour l'université et a ensuite déménagé chez son frère jusqu'à ce qu'elle quitte la Colombie-Britannique le 10 septembre 2015.

[21] Le membre a demandé à la prestataire de fournir des commentaires au sujet de ses observations quant aux paragraphes 29c)(i), (ii), (iv), (x) et (xii). La prestataire a réitéré les motifs pour lesquels elle s'est sentie harcelée et antagonisée par deux superviseurs et par la formatrice comme l'indiquaient ses observations à GD8. Elle croyait que ce n'était pas un environnement sécuritaire et que cela constituait un danger à sa santé puisque d'autres avaient quitté leur emploi pour le même motif. Elle a parlé à l'agente principale de l'administration (madame Y.), mais elle n'a rien fait. De plus, en tant que membre du bureau du syndicat elle savait que d'autres étaient traités de la sorte. Elle était vouée à l'échec, on lui criait après, on la faisait pleurer, il y avait toujours de l'hostilité et de la friction, dans un environnement toxique. Elle a déclaré qu'elle était victime de discrimination parce qu'elle était représentante syndicale. On lui disait de ne pas aller au syndicat et on l'empêchait d'assister aux événements syndicaux. La prestataire a témoigné du fait que le syndicat a discuté de la question du harcèlement de la part de l'employeur, mais rien n'a été fait et il n'y a eu aucune amélioration.

[22] Concernant les possibilités autres que de quitter l'emploi, la prestataire confirme qu'il y avait beaucoup de postes disponibles (23) d'après ses observations (GD2-55 à GD2-57) et que ceci constituait une option. Toutefois, elle a également indiqué qu'elle n'avait pas été en mesure de se trouver un autre emploi avant décembre 2015. Elle ne pouvait attendre d'avoir trouvé un autre emploi avant de quitter son emploi, en raison de l'environnement de travail toxique. Elle ne se rappelait pas si elle avait parlé avec l'employeur au moment où elle a démissionné, mais elle avait parlé à madame Y. au fil du temps de la façon dont elle se sentait. Elle avait été en pleurs plusieurs fois à la recherche d'un traitement. Elle a indiqué que si elle avait demandé un congé de maladie, on aurait pu lui refuser, car lorsqu'elle a subi une intervention chirurgicale, on lui a demandé combien temps [sic] elle aurait vraiment besoin alors elle avait senti que l'employeur lui aurait donné du fil à retorde.

Observations

[23] Initialement, la prestataire a déclaré que la raison pour laquelle elle avait quitté son emploi était pour déménager à l'Î.-P.-É. afin de rejoindre sa fiancée avec laquelle elle vivait une relation conjugale depuis le 1er avril 2014, était fiancée depuis le 22 mars 2015 et qu'elle prévoyait marier le 16 juillet 2016. Lors de l'appel, la prestataire a déclaré qu'elle avait également quitté son emploi parce qu'elle ne pouvait plus endurer l'environnement de travail toxique et qu'en raison de son état de santé mentale, elle devait quitter son emploi pour pouvoir se sentir mieux. La prestataire a indiqué qu'elle était fondée à quitter son emploi conformément aux sous-alinéas 29c)(i), (iii), (iv), (x) et (xii). Elle a également soutenu qu'elle avait quitté son emploi le 31 août 2015, car elle avait vendu sa maison, sa fille était déménagée dans la résidence universitaire et sa partenaire était déjà partie. Elle n'avait d’autre choix que de quitter son emploi puisqu'il n'y avait aucune possibilité de mutation auprès de son employeur et même si elle avait tenté de se trouver un emploi à l'Î.-P.-É. avant son départ, elle n'a pas réussi. Elle avait discuté de ses problèmes antérieurs avec son employeur, en vain. La prestataire a déclaré que les décisions CUB 33865 et CUB 27800 appuient ses arguments (GD2-6 à GD2-13).

[24] La Commission a soutenu que la prestataire n'a pas répondu aux exigences du sous-alinéa 29c)(ii) de la Loi sur l'AE en ce qui concerne le fait d'avoir une justification pour avoir quitté son emploi, puisque selon la définition de la Loi sur l'AE, elle n'avait pas de « conjoint de fait » et sa relation conjugale ne pouvait pas être considérée comme une « union de fait » avant de quitter son emploi. La Commission a fait valoir que la décision de la Cour fédérale Thompson (A‑26‑06) et les décisions CUB 80737 et 76512 appuient ses arguments en notant que même si la prestataire vivait une relation conjugale, elle ne cohabitait pas avec sa partenaire (même s'il ne s'agissait pas d'une union de fait) jusqu'à ce qu'elle quitte et déménage en septembre 2015.

[25] De plus, la Commission a indiqué que la prestataire n'a pas prouvé l'urgence de quitter son emploi et qu'elle n'avait pas épuisé toutes les autres solutions raisonnables et continué de vivre de son côté jusqu'à ce qu'elle trouve un emploi à l'Î.-P.-É. Au sujet de l'argument de la prestataire concernant la décision CUB 33865, la Commission soutient qu'il diffère du cas de la prestataire, puisque dans ce cas : a) il y avait une union de fait établie et b) depuis cette affaire qui s'est déroulée en 1996, il y a eu des changements importants au réseautage social et en ce qui a trait à la recherche d'emploi d'un bout à l'autre du Canada, il s'agit d'une situation qui arrive régulièrement et qui constitue donc d'une présomption raisonnable. Pour la décision CUB 27800, la Commission a indiqué que ce cas diffère de celui de la prestataire puisqu'il y avait un enfant impliqué et une relation père-enfant avait été établie avant que le prestataire ne déménage pour accompagner sa fiancée.

Analyse

[26] Les dispositions législatives applicables figurent à l’annexe de la présente décision.

[27] Selon les articles 29 et 30 de la Loi sur l'AE, un prestataire qui quitte volontairement son emploi doit être exclu du bénéfice des prestations, à moins qu’il puisse établir qu’il était fondé à agir ainsi.

[28] Le membre reconnaît qu’il existe un principe bien établi selon lequel un prestataire est fondé à quitter son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ constituait la seule solution raisonnable, aux termes de l’alinéa 29c) de laLoi sur l'AE (Patel [A-274-09], Bell [A-450-95], Landry [A-1210-92], Astronomo [A-141-97], Tanguay [A-1458-84]).

[29] Toutefois, le membre doit d’abord tenir compte du fait qu’il incombe à la Commission et à l'employeur de démontrer que la prestataire avait quitté volontairement son emploi. Le fardeau de la preuve revient donc à la prestataire, qui doit prouver qu’elle était fondée à quitter son emploi (White [A-381-10], Patel [A-274-09]). Dans la présente affaire, le membre conclut que le fait que la prestataire a quitté son emploi volontairement le 31 août 2015 n'est pas contesté (GD3-5 et GD3-13).

Pourquoi la prestataire a-t-elle quitté son emploi?

[30] Il incombe maintenant à la prestataire de démontrer qu’elle était fondée à quitter son emploi. Dans cette affaire, la prestataire a soutenu dans ses observations écrites (GD3-20 et GD3- 21), verbalement à la Commission (GD3-22), ainsi que sur son RE, qui représente l'employeur (GD3-13), qu'elle a quitté son emploi pour déménager à l'Î.-P.-É. pour être avec sa fiancée. La prestataire a soulevé la même raison dans son avis d'appel déposé au Tribunal (GD2‑4). Par ailleurs, la prestataire a indiqué à la Commission et au Tribunal qu'elle avait démissionné/déménagé au moment où elle l'a fait le 31 août 2015, en raison d'autres facteurs, incluant le fait que sa fille déménageait dans la résidence universitaire à compter du mois de septembre 2015, le caractère sérieux de sa relation (devait se marier en juillet 2016), la mutation n'était pas une option avec son employeur et parce que ce n'était pas pratique de voyager à l'Î.‑P.‑É. pour chercher un emploi avant de quitter son emploi (GD2-4, GD3-13 et GD3-15). La prestataire a également témoigné qu'elle avait vendu sa maison le 2 septembre 2015.

[31] Subséquemment, la prestataire a indiqué au Tribunal (GD8) qu'elle était fondée à quitter son emploi en vertu des sous-alinéas 29c)(i), (ii), (iv), (x) et (xii). Elle a témoigné que sa principale raison pour avoir démissionné de son emploi était son incapacité à faire face à [traduction] « l'environnement de travail toxique » dans lequel elle était employée. Elle a soutenu avoir été victime de harcèlement, maltraitance, discrimination au sujet de son identité sexuelle, son sexe et son implication auprès du syndicat pendant plusieurs années et qu'elle n'était plus en mesure de gérer le stress et l'anxiété. Le membre soutient que la prestataire a fourni des exemples de situations ayant eu lieu en 2012, 2013 et en février 2014, mais elle a témoigné avoir remis sa démission après son retour d'un congé de maladie d'une durée de six semaines, le 10 août 2015. Le membre a considéré que selon la jurisprudence, seuls les faits qui existaient au moment où la prestataire a quitté son emploi doivent être pris en considération pour déterminer si l’une des exceptions prévues à l’alinéa 29c) s’applique. Cela dit, les circonstances entourant l’alinéa 29c) de la Loi sur l'AE doivent être évaluées au moment de la cessation d'emploi (Lamonde [A-566-04]). Dans cette affaire, la prestataire n'a pas fourni d'éléments de preuve appuyant ses arguments selon lesquels elle aurait été victime de harcèlement, de discrimination et de conditions de travail dangereuses au moment où elle a quitté l'emploi.

[32] La prestataire a également fait valoir qu'on lui avait diagnostiqué de l'anxiété, une dépression et le SSPT et qu'elle prenait des médicaments pour ces conditions. La prestataire a témoigné que même si elle avait initialement indiqué qu'elle avait quitté son emploi en raison du déménagement, elle avait également quitté son emploi parce qu'elle avait besoin de temps de repos en raison de son état de santé mentale. La prestataire a témoigné qu'en rétrospective, au lieu d'avoir quitté son emploi, elle aurait dû demander un congé médical puisqu'elle était incapable de travailler une fois arrivée à l'Î.-P.-É. Le membre note que sa raison actuelle pour avoir quitté son emploi diffère de sa raison antérieure fournie à la Commission, de ses observations, et de la preuve documentaire qu'elle a fournie en appui à son argument selon lequel elle était capable et avait hâte de trouver un emploi et qu'elle cherchait activement un emploi avant son départ et à son arrivée à l'Î.-P.-É. (GD2-5, GD2-19 à GD2-56, GD3-13, GD3-15 et GD3-22).

[33] De plus, le membre considère qu’il est de jurisprudence bien établie qu’un prestataire qui soutient être fondé à avoir quitté son emploi pour des raisons médicales doit, a) fournir une preuve médicale à l’appui de sa prétention qui indique qu’il n’est pas bien et qu’il était obligé de quitter son emploi en raison de son état de santé; b) démontrer qu’il a essayé de conclure une entente avec son employeur pour composer avec ses problèmes de santé; et c) prouver qu’il a essayé de trouver un autre emploi avant de quitter son emploi (CUB 80905). Dans la présente affaire, même si des éléments de preuve démontrant qu'elle avait tenté de trouver un emploi avant son départ ont été fournis, la prestataire n'a pas répondu aux deux premières conditions.

[34] Pour tous ces motifs, le membre a accordé plus de poids aux observations cohérentes et signées qu'elle avait fourni initialement ainsi qu'à ses déclarations verbales à la Commission, plutôt qu'à l'observation contradictoire manquant d'appui et à son témoignage fournis après que la Commission ait rendu sa décision et après avoir interjeté appel devant le Tribunal (GD2).

[35] L’examen du membre s’appuie sur la jurisprudence suivante :

« Une jurisprudence abondante et constante a clairement établi qu’un conseil arbitral doit accorder beaucoup plus de poids aux déclarations initiales et spontanées faites par les personnes intéressées avant la décision de la Commission, qu’aux déclarations subséquentes offertes dans le but de justifier ou de bonifier la situation du prestataire face à une décision défavorable de la Commission. » (CUB 25154)

[36] Le membre reconnaît que la prestataire pourrait avoir eu des difficultés avec son employeur et sa santé, et que ces dernières ont été des facteurs ayant contribué à sa décision de quitter son emploi. Toutefois, le membre conclut que la prestataire a volontairement quitté son emploi au moment où elle l'a fait, le 31 août 2015, parce qu'elle voulait déménager à l'Î.-P.-É. pour être avec sa fiancée.

La prestataire était-elle fondée à quitter son emploi?

[37] Le membre a examiné les circonstances auxquelles réfère l'alinéa 29c) et déterminé si l’une de ces circonstances existait au moment où la prestataire a pris congé de son emploi. En raison du motif de la prestataire pour son départ, le membre a plus précisément considéré le sous-alinéa 29c)(ii) comme circonstance possible faisant en sorte que la prestataire pourrait avoir été fondée à quitter son emploi. Le membre a examiné si la prestataire n'avait aucune autre solution que de quitter son emploi parce qu'elle avait été obligée d'accompagner son épouse ou sa conjointe de fait, ou un enfant dépendant, vers une autre résidence.

[38] Selon le paragraphe 2(1) de la Loi sur l'AE, « conjoint de fait » signifie la personne qui vit avec le prestataire en cause dans une relation conjugale depuis au moins un an. La Cour d'appel fédérale a confirmé que pour qu'un prestataire soit fondé à quitter son emploi pour accompagner un conjoint de fait dans un endroit différent conformément au sous-alinéa 29c)(ii), il doit être établit que le prestataire était en union de fait avant de quitter son emploi. Cela dit, il doit être établi que le prestataire, par définition, avait un conjoint de fait en vertu de la Loi sur l'AE (Thompson, A-26-06).

[39] Conformément à l'article 51.1 du Règlement sur l'assurance-emploi (Règlement), le membre considère qu'une autre circonstance raisonnable en vertu du sous-alinéa 29c)(xiv), aurait été que la prestataire soit obligée d'accompagner une personne avec laquelle elle habitait et vivait une relation conjugale depuis moins d'un an si elles avaient eu un enfant, attendu un enfant ou adopté un enfant pendant cette période.

[40] La prestataire a souligné qu'elle vivait une relation conjugale avec sa partenaire depuis le 1er avril 2014, s'était fiancée le 22 mars 2015 et planifiait se marier le 16 juillet 2016. Elle soutient qu'une bonne définition du mot « conjugal » ne devrait pas inclure la cohabitation. Elle a questionné à savoir comment sa situation différait de celle de toute autre famille séparée en raison de lieux de travail différents et qui pourtant, se qualifiait à recevoir des prestations (GD3‑20). D'autre part, la Commission a fait valoir que la relation que vivait la prestataire n'était pas considérée comme une union de fait puisqu'elle n'avait jamais habitée avec sa fiancée jusqu'à ce qu'elle déménage à l'Î.-P.-É. en septembre 2015.

[41] Les faits selon lesquels la prestataire et sa partenaire n'avaient pas d'enfant ensemble et qu'elles n'avaient jamais habité ensemble avant que la prestataire ne déménage à l'Î.-P.-É. en septembre 2015, constituent des éléments de preuve non contestée. Par conséquent, le membre conclut que même si la prestataire vivait une relation sérieuse, les circonstances décrites aux sous-alinéas 29c)(ii) et 29c)(xiv) de la Loi sur l'AE et à l'article 51.1 du Règlement, ne s'appliquent pas à son cas.

[42] Le membre note que même si le motif de la prestataire pour avoir déménagé ne constitue pas l'un des motifs énumérés à l'alinéa 29c), le membre a considéré que pour que le juste existe [sic], la prestataire doit toujours démontrer qu'elle n'avait aucune autre solution raisonnable que de quitter au moment où elle l'a fait le 31 août 2015. Dans cette affaire, la prestataire a souligné qu'elle ne pouvait plus endurer l'environnement de travail toxique et qu'en raison de son état de santé mentale, elle n'avait d'autre choix que de quitter son emploi pour prendre du mieux. Toutefois, la prestataire n'a pas quitté son emploi pour des raisons médicales (pour les raisons déjà fournies) et elle n'a pas non plus fourni des éléments de preuve pouvant prouver l'urgence de quitter son emploi pour ce motif. En fait, la prestataire a indiqué à la Commission ainsi que dans ses observations écrites qu'elle a quitté son emploi au moment où elle l'a fait pour des raisons personnelles incluant le fait que sa fiancée travaillait et habitait à l'Î.-P.É., que sa fille quittait pour l'université, qu'une mutation était impossible et qu'il n'était pas pratique de chercher un emploi à l'Î.-P.-É. à partir de la Colombie-Britannique (GD2-4, GD3-13 et GD3- 15). Elle a témoigné que le 10 août 2015, elle a remis un avis de démission selon lequel elle quittait son emploi le 31 août 2015. Elle avait reçu une offre pour sa maison, elle y a habité jusqu'au 2 septembre 2015, a aidé sa fille à déménager à X pour l'université, et a ensuite déménagé avec son frère jusqu'à ce qu'elle quitte la Colombie-Britannique le 10 septembre 2015.

[43] Par conséquent, le membre est en accord avec la Commission quant au fait que la prestataire n'a pas démontré que sa situation était si intolérable et/ou qu'il y avait une telle urgence qu'elle se devrait de quitter son emploi immédiatement, alors une solution raisonnable au chômage aurait été d'avoir attendu de se trouver un autre emploi à l'Î.-P.-É. Le membre a également conclu que cette dernière constitue une attente raisonnable telle que prouvée par la preuve documentaire de la prestataire elle-même en ce qui a trait aux demandes qu'elle a présentées de la Colombie-Britannique avant de partir (GD2-19 à GD2-56) et aux 23 offres d'emploi qu'elle a considérées (GD2-56 et GD2- 57). De plus, la prestataire fut en mesure de se trouver un emploi à l'Î.-P.-É. en décembre 2015.

[44] Le membre comprend qu'une mutation à l'Î.-P.-É. était impossible et reconnaît que la prestataire a tenté de se trouver un autre emploi avant de déménager. Toutefois, le membre conclut que la prestataire avait déjà fourni un avis de démission (le 10 août 2015) selon lequel elle quittait son emploi lorsqu'elle a présenté des demandes d'emploi à deux employeurs de l'Î.‑P.-É. les 14, 20, 25 et 26 août 2015. La prestataire a fourni des éléments de preuve en ce qui concerne les six demandes d'emploi qu'elle a présenté à ces deux employeurs à l'Î.-P.-É.(GD2-19 à GD2-56) et une lettre du gestionnaire de site de Career Development Services Inc. à l'Î.-P.-É. attestant de ses efforts soutenus en ce qui concerne sa recherche d'emploi du 24 septembre 2015 jusqu'au moment où elle est déménagée à cet endroit (GD2-5). Le membre conclut que le fait de présenter six demandes d'emploi à deux employeurs en quatre jours, après avoir donné un avis selon lequel elle quittait son emploi, ne démontrait pas un effort concerté de se trouver un autre emploi avant de démissionner. Le membre conclut également que puisque la prestataire et sa partenaire n'avaient jamais habité ensemble et qu'il n'y avait pas d'urgence à déménager, avoir continué de vivre chacune de leur côté jusqu'à ce qu'elle se trouve un emploi à l'Î.-P.-É. aurait été une solution raisonnable à laquelle la prestataire n'a pas eu recours avant de quitter son emploi. Par conséquent, le membre estime également que la prestataire ne s’est pas acquittée du fardeau de prouver que de quitter son emploi constituait la seule solution raisonnable dans son cas selon l’alinéa 29c) de la Loi sur l'AE.

[45] En dernier lieu, le membre a examiné les observations de la prestataire concernant le fait que les décisions CUB 33865 et 27800 appuyaient sa thèse. Le membre est d'accord avec la Commission concernant le fait que ces affaires sont fondamentalement différentes de la situation de la prestataire et que par conséquent, elles n'appuient pas sa thèse. La prestataire ne vivait pas une relation en « union de fait » et n’avait pas d’enfant avec sa partenaire comme dans ces cas.

[46] Compte tenu de toutes les circonstances, le membre est d’avis que la prestataire n’a pas prouvé qu’elle était fondée à quitter volontairement son emploi le 31 août 2015 et qu’elle est donc exclue du bénéfice des prestations en application des articles 29 et 30 de la Loi sur l’ AE.

Conclusion

[47] L’appel est rejeté.

Annexe

Droit applicable

Le paragraphe 2(1) de la Loi sur l'AE, en parlant d'un individu, définit un partenaire vivant une union de fait comme la personne qui vit avec la personne en cause dans une relation conjugale depuis au moins un an.

L’article 29 de la Loi sur l'AE définit pour l’application des articles 30 à 33 :

  1. (a) « emploi » s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
  2. (b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;
  3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
    1. (i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin;
    2. (ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre;
    3. (iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert;
  4. (c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
    1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
    2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
    3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
    4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
    5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
    6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
    7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
    8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
    9. (ix) modification importante des fonctions,
    10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
    11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
    12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
    13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
    14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.

Le paragraphe 30(1) de la Loi sur l'AE prévoit que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :

  1. (a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
  2. (b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

Aux termes du paragraphe 30(2) de la Loi sur l'AE, l’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.

L'article 51.1 du Règlement prévoit que pour les besoins du sous-alinéa 29c)(xiv) de la Loi, d'autres solutions raisonnables sont :

  1. (a) le prestataire est dans l’obligation d’accompagner vers un autre lieu de résidence une personne avec qui il vit dans une relation conjugale depuis moins d’un an, dans l’un ou l’autre des cas suivants :
    1. (i) l’un d’eux a eu ou a adopté un enfant pendant cette période,
    2. (ii) l’un d’eux est dans l’attente de la naissance d’un enfant,
  2. (iii) un enfant a été placé chez l’un d’eux pendant cette période en vue de son adoption;
  3. (b) le prestataire est dans l’obligation de prendre soin d’un proche parent au sens du paragraphe 55(2).
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