Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Comparutions

Monsieur R. C., l’appelant (prestataire), a pris part à l’audience tenue par téléconférence.

Madame A. K. a pris part à l’audience en tant qu’observatrice.

Introduction

[1] Le 5 avril 2015, l’appelant a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi. Le 11 décembre 2015, à la suite d’une enquête, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission) a ajusté la demande de l’appelant et a réparti les revenus qu’il avait omis de déclarer. Le 14 décembre 2015, l’appelant a présenté une demande de révision. Le 27 juin 2016, la Commission a confirmé sa décision originale. Le 11 juillet 2016, l’appelant a interjeté appel de cette décision devant le Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal).

[2] L’audience a été tenue par téléconférence pour les raisons suivantes :

  1. Le fait qu’on ne prévoit pas que la crédibilité figure au nombre des questions principales.
  2. Le fait que l’appelant sera la seule partie à prendre part à l’audience.
  3. L’information au dossier, y compris la nécessité d’obtenir des renseignements supplémentaires.
  4. Le mode d’audience respecte les dispositions du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale voulant que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Question en litige

[3] Le Tribunal doit déterminer si les sommes que l’appelant a touchées constituent une rémunération au sens de l’article 35 du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement) et si les sommes en cause ont été réparties en conformité avec l’article 36 du Règlement.

Preuve

[4] Le 20 novembre 2015, la Commission a communiqué avec l’employeur qui a affirmé que l’appelant avait commencé à travailler deux jours par semaine le 6 mai 2015, le mardi et le mercredi, 7 heures par jour, 14 heures par semaine. L’appelant touchait un salaire de 24,16 $ par heure, en plus du 4 pour cent en paie de vacances. L’employeur a affirmé que l’appelant a reçu une augmentation de salaire le 4 octobre 2015 et touchait désormais 26 $ par heure, en plus du 4 pour cent en paie de vacances. La Commission a calculé que l’appelant avait touché 351,78 $ pour la semaine du 3 mai 2015, et 378,56 $ par semaine pour les semaines du 4 octobre 2015 au 21 novembre 2015. L’employeur a confirmé que ces calculs étaient exacts (GD3-11).

[5] Le 24 novembre 2015, la Commission a avisé l’appelant de communiquer avec elle au plus tard le 8 décembre 2015 (GD3-12).

[6] Le 2 décembre 2015, l’appelant s’est présenté dans un bureau de Service Canada. La Commission lui a expliqué les erreurs multiples qu’il a commises quand il a rempli ses déclarations et qu’il déclarait son salaire horaire plutôt que sa rémunération brute pour chaque semaine. L’appelant a affirmé qu’il n’était pas au courant de ses erreurs dans la déclaration de ses revenus et qu’il avait sûrement mal compris la question. La Commission a souligné que l’appelant avait déclaré ses heures de façon correcte et qu’il avait compris la question. L’appelant a affirmé qu’il ne portait pas attention à ce compte bancaire ou à la rémunération qu’il recevait. La Commission a affirmé avoir revu la rémunération de l’appelant avec l’employeur qui a confirmé les calculs. La Commission a expliqué que la rémunération devra être corrigée et qu’un trop-payé de 4100 $ en découlerait. La Commission a expliqué qu’il recevra un avis de dette et qu’il doit indiquer un montant de 379 $ sur ses déclarations, et non de 25 $ comme il le faisait

(GD3-13 à GD3-14).

[7] Le 11 décembre 2015, la Commission a avisé l’appelant que sa rémunération avait été ajustée sur sa demande et a émis un avis de dette (GD3-15 à GD3-17).

[8] Le 12 avril 2016, l’appelant a fait une demande de révision et faisait valoir qu’il s’agissait d’une erreur de l’AE et qu’on ne devrait pas le pénaliser (GD3-18 à GD3-20).

[9] Le 26 juin 2016, la Commission a communiqué avec l’appelant qui a mentionné vouloir obtenir une révision du trop-payé. Il a affirmé avoir commis des erreurs dans ses déclarations et que la correction des montants a engendré un trop-payé considérable. Il a affirmé avoir déclaré le nombre d’heures travaillées et le taux horaire. Il a affirmé qu’il s’agissait d’une erreur de bonne foi et donc il sentait qu’il ne devait pas rembourser les montants dus (GD3-21).

[10] Le 27 juin 2016, la Commission a informé l’appelant du maintien de la décision originale et de son droit d’en appeler auprès du Tribunal (GD3-22 à GD3-24).

[11] Le 11 juillet 2016, l’appelant a déposé un avis d’appel dans lequel il affirme avoir rempli ses déclarations à temps et demande pourquoi Service Canada a attendu si longtemps pour découvrir qu’un trop-payé lui avait été versé. Il a affirmé que Service Canada lui a versé un trop-payé et se demandait pourquoi il serait pénalisé si les erreurs n’ont pas été corrigées sur-le-champ. Service Canada a affirmé qu’il s’agissait d’une erreur de bonne foi (GD2-1 à GD2-9).

Preuve présentée à l’audience

[12] L’appelant a déclaré avoir modifié son adresse pour celle-ci : X X X, X, X, Manitoba, X.

[13] L’appelant a affirmé avoir commencé à recevoir des prestations d’AE le 3 mai 2015 et il a fait ses déclarations à temps, mais le problème était qu’il réclamait 25 heures, et au lieu d’inscrire 352 $, il inscrivait 25 $. Il a affirmé avoir fait l’erreur dès le début.

[14] L’appelant a affirmé qu’il en appelle parce qu’il ne savait pas comment remplir ses déclarations et que Service Canada l’aidait à le faire au bureau de Service Canada à The Pas.

[15] L’appelant a affirmé que, tout d’un coup, Service Canada a remarqué le problème et qu’il devait alors environ 3000 $, mais il ne comprend pas pourquoi Service Canada n’a pas remarqué l’erreur dès le début. Il croyait que Service Canada s’en rendrait compte.

[16] L’appelant a affirmé qu’il est confus parce que Service Canada l’aidait à remplir ses déclarations alors ce sont les employés qui faisaient les erreurs et c’est là la raison de son appel.

[17] L’appelant a agréé qu’on demande de déclarer le nombre d’heures travaillées et le montant de la rémunération, et il a supposé avoir seulement inscrit les heures. Il n’a pas remarqué avoir commis une erreur et il veut savoir comment Service Canada ne l’a pas vu parce qu’on l’aidait dans le bureau de The Pas.

[18] L’appelant a déclaré que les erreurs ont été commises où il avait inscrit 25 heures (GD3-15 à GD3-16). Le Tribunal a demandé à l’appelant pourquoi il aurait cru inscrire 25 heures alors qu’il en travaillait seulement 14. Il a affirmé qu’il se trompait parce qu’il travaillait 14 heures par semaines, mais elles égaleraient donc 28 heures. Il a affirmé que Service Canada l’aidait et que les employés n’ont pas remarqué l’erreur et il est certain qu’ils auraient remarqué. Il a affirmé croire qu’il faisait tout dans les règles.

[19] L’appelant a affirmé que Service Canada a mentionné qu’il s’agissait d’une erreur de bonne foi et demande pourquoi ce n’est pas Service Canada qui s’en occupe.

[20] L’appelant a affirmé avoir fait les déclarations à temps, il y avait une erreur, et Service Canada ne l’a vue que vers la fin de sa période de prestations. Il a déclaré se trouver dans le pétrin et ne pas avoir l’argent pour rembourser le trop-payé.

[21] L’appelant a déclaré qu’il ne croit pas devoir le rembourser. Ce remboursement lui causerait des difficultés, et il voudrait prendre une entente.

Observations

[22] L’appelant a fait valoir ce qui suit :

  1. Il a commis une erreur de bonne foi dans ses déclarations, il a inscrit les heures qu’il a travaillées plutôt que sa rémunération.
  2. Service Canada lui venait en aide et personne n’a remarqué l’erreur.
  3. Service Canada a remarqué l’erreur vers la fin de sa période de prestations seulement et il ne croit pas avoir à rembourser la somme.
  4. Le remboursement de cette somme lui causerait des difficultés et il voudrait prendre une certaine entente avec le Tribunal avant qu’une décision ne soit rendue.

[23] L’intimée a fait valoir ce qui suit :

  1. L’appelant a reçu des sommes de son employeur à titre de salaire, ce qui représente une rémunération conformément au paragraphe 35(2) du Règlement parce que le paiement lui avait été accordé en guise de compensation pour le travail accompli.
  2. Les sommes ont été réparties aux semaines pendant lesquelles les services ont été rendus, comme le prévoit le paragraphe 36(4) du Règlement.
  3. La Commission soutient que la modification effectuée pour inclure la rémunération réelle de l’appelant entre la semaine débutant le 3 mai 2015 et celle débutant le 15 novembre 2015 ne représentait pas une erreur commise par la Commission. L’appelant avait l’obligation de déclarer correctement sa rémunération, et bien que la Commission accepte qu’il ait commis une erreur de bonne foi, il s’agit tout de même d’une erreur qui doit être corrigée.

Analyse

[24] Les dispositions législatives pertinentes sont présentées à l’annexe de la présente décision.

[25] Le Tribunal doit déterminer, conformément au paragraphe 35(2) du Règlement, si les sommes reçues à titre de salaire représentent une rémunération et si elles ont été réparties comme le prévoit le paragraphe 36(4) du Règlement.

[26] Le Tribunal juge selon la preuve au dossier que l’appelant a touché 351,78 $ pour la semaine du 3 mai 2015, et 378,56 $ par semaine pour les semaines du 4 octobre 2015 au 21 novembre 2015. La preuve fait montre que, pendant ces semaines d’admissibilité, l’appelant a déclaré une rémunération de 25 $ par semaine.

[27] En l’espèce, il n’est pas contesté que les sommes reçues par l’appelant représentaient un salaire, et cette information a été corroborée par l’appelant et par l’employeur : les sommes ont été reçues pour les semaines où les services ont été rendus.

[28] Le Tribunal juge que le salaire versé à l’appelant par l’employeur représente une rémunération conformément au paragraphe 35(2) du Règlement. Comme il s’agit d’une rémunération, cette somme doit être répartie sur la période pendant laquelle les services ont été rendus, conformément au paragraphe 36(4) du Règlement (Doblej c. Canada (Commission de l’assurance-emploi), 2004 CAF 19).

[29] L’appelant argumente avoir commis une erreur de bonne foi dans ses déclarations, il a inscrit les heures qu’il a travaillées plutôt que sa rémunération. Il soutient que Service Canada lui venait en aide et personne n’a remarqué l’erreur. Service Canada a remarqué l’erreur vers la fin de sa période de prestations seulement et il ne croit pas avoir à rembourser la somme.

[30] L’intimée argumente que la modification effectuée pour inclure la rémunération réelle de l’appelant entre la semaine débutant le 3 mai 2015 et celle débutant le 15 novembre 2015 ne représentait pas une erreur commise par la Commission. L’appelant avait l’obligation de déclarer correctement sa rémunération, et bien que la Commission accepte qu’il ait commis une erreur de bonne foi, il s’agit tout de même d’une erreur qui doit être corrigée.

[31] Le Tribunal juge que la situation est regrettable et compatit avec l’appelant, cependant, il avait la responsabilité de transmettre une information exacte dans ses déclarations et de présenter les bons renseignements même s’il bénéficiait de l’aide d’un agent de Service Canada.

[32] Le Tribunal juge d’après la preuve orale de l’appelant que celui-ci a confirmé que les questions demandées au moment de faire sa déclaration concernaient le nombre d’heures travaillées et le montant de la rémunération, et il a rapporté qu’il ne comprenait pas et il a inscrit le nombre d’heures dans l’espace réservé à la rémunération. Le Tribunal juge que l’appelant n’a pas présenté de preuve pour étayer qu’il n’aurait pas pu demander assistance pour comprendre la question.

[33] Le Tribunal juge qu’aucune preuve ne fait montre que l’appelant a reçu un renseignement incorrect quelconque de la part de Service Canada ou qu’on aurait seulement pu l’aider par rapport à l’information qu’il a présentée.

[34] Le Tribunal s’appuie sur la cause CUB 27239A, où la juge-arbitre J. Reed a affirmé ce qui suit [traduction] :

Je reconnais que les agents de la CAEC se trouvent souvent dans des situations délicates. Si on leur demande des renseignements qu’ils ne sont pas en mesure de fournir, on les accuse de ne pas être utiles. Si les agents répondent à une demande de renseignements, il est possible qu’ils répondent en ne connaissant qu’une version des faits, ou sans comprendre complètement toutes les ramifications associées aux faits qui leur sont présentés.

Il devrait y avoir une manière de régulariser et de documenter les demandes de renseignements et les réponses fournies afin que les prestataires ne soient pas pénalisés si on leur fournissait des renseignements erronés. À l’heure actuelle, les juges-arbitres n’ont pas compétence pour tenir compte de ces renseignements erronés lorsqu’ils entendent les appels (Granger v. Commission de l’assurance-emploi du Canada) A-684-85.

[35] Le Tribunal juge que l’appelant a touché des prestations d’AE pour la période débutant la semaine du 3 mai 2015 jusqu’à la semaine du 15 novembre 2015, pendant laquelle il a incorrectement déclaré sa rémunération, ce qui a entraîné un trop-payé. Il a touché des prestations auxquelles il n’était pas admissible et il doit les rembourser.

[36] L’appelant a fait valoir encore et encore que Service Canada n’a pas remarqué son erreur. Toutefois, le Tribunal juge que puisqu’il a reçu l’argent et qu’il n’y était pas admissible, que Service Canada n’ait pas remarqué ses erreurs ne l’excuse pas de faire le remboursement. La Cour d’appel fédérale est claire sur ce point (Lanuzo c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 324).

[37] L’appelant soutient que le remboursement de cette somme lui causerait des difficultés et il voudrait prendre une certaine entente avec le Tribunal avant qu’une décision ne soit rendue.

[38] Le Tribunal n’est pas habilité à défalquer le trop-payé ou à convenir d’un arrangement avec l’appelant en vertu de la Loi ou du Règlement; seule l’intimée a ce pouvoir. Le Tribunal peut seulement recommander à l’appelant de présenter une demande par écrit à l’intimée au titre de l’article 56 du Règlement pour que celle-ci se prononce sur la question de la défalcation.

[39] Le Tribunal se fonde sur la décision Canada (Procureur général) c. Villeneuve, 2005 CAF 440 (CanLII), A-191-05, où le juge Gilles Létourneau a déclaré ce qui suit :

« Enfin, il n’est pas nécessaire d’élaborer longuement sur la question, mais la radiation, la défalcation ou l’extinction d’une dette ne sont pas des pouvoirs qui ressortent de la compétence du juge-arbitre saisi d’un appel d’un prestataire à l’encontre d’une décision d’un conseil arbitral maintenant la répartition de la rémunération faite par la Commission [...]. »

D’autres décisions ont été rendues par la Cour par rapport au fait que le Tribunal ne peut pas se prononcer quant aux affaires de défalcation d’un trop-payé (La Procureure générale du Canada c. Filiatrault, A-874-97; Gladis H. Romero, A-815-96; Jean-Roch Gagnon, A-676-96).

[40] En l’espèce, le Tribunal compatit à la situation de l’appelant et à son incapacité de rembourser les sommes, mais le Tribunal est lié par la législation et ne peut donc pas déroger aux dispositions pour exempter l’appelant des exigences de la Loi.

[41] Le Tribunal se fonde sur la cause Canada (Procureur général) c. Knee, 2011 CAF 301, où les cours ont réaffirmé le principe selon lequel il n’est pas permis aux arbitres de réécrire la loi ou de l’interpréter d’une manière contraire à son sens ordinaire.

Conclusion

[42] L’appel est rejeté.

Annexe

Droit applicable

35 (1) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.

emploi

  1. a) Tout emploi, assurable, non assurable ou exclu, faisant l’objet d’un contrat de louage de services exprès ou tacite ou de tout autre contrat de travail, abstraction faite des considérations suivantes :
    1. (i) des services sont ou seront fournis ou non par le prestataire à une autre personne,
    2. (ii) le revenu du prestataire provient ou non d’une personne autre que celle à laquelle il fournit ou doit fournir des services;
  2. b) tout emploi à titre de travailleur indépendant, exercé soit à son compte, soit à titre d’associé ou de coïntéressé;
  3. c) l’occupation d’une fonction ou charge au sens du paragraphe 2(1) du Régime de pensions du Canada. (employment)

pension Pension de retraite provenant de l’une des sources suivantes :

  1. un emploi ou un emploi à titre de membre des forces armées ou de toute force policière;
  2. le Régime de pensions du Canada;
  3. un régime de pension provincial. (pension)

revenuTout revenu en espèces ou non que le prestataire reçoit ou recevra d’un employeur ou d’une autre personne, notamment un syndic de faillite. (income)

travailleur indépendant S’entend au sens du paragraphe 30(5). (self-employed person)

(2) Sous réserve des autres dispositions du présent article, la rémunération qu’il faut prendre en compte pour vérifier s’il y a eu l’arrêt de rémunération visé à l’article 14 et fixer le montant à déduire des prestations à payer en vertu de l’article 19, des paragraphes 21(3), 22(5), 152.03(3) ou 152.04(4), ou de l’article 152.18 de la Loi, ainsi que pour l’application des articles 45 et 46 de la Loi, est le revenu intégral du prestataire provenant de tout emploi, notamment :

  1. a) les montants payables au prestataire, à titre de salaire, d’avantages ou autre rétribution, sur les montants réalisés provenant des biens de son employeur failli;

36 (1) Sous réserve du paragraphe (2), la rémunération du prestataire, déterminée conformément à l’article 35, est répartie sur un nombre donné de semaines de la manière prévue au présent article et elle constitue, aux fins mentionnées au paragraphe 35(2), la rémunération du prestataire pour ces semaines.

[…]

(4) La rémunération payable au prestataire aux termes d’un contrat de travail en échange des services rendus est répartie sur la période pendant laquelle ces services ont été fournis.

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