Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision



Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est accueilli et le dossier est référé devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (section de l’assurance-emploi) afin qu’un nouveau membre procède à une nouvelle audience sur chacun des points en litige.

Introduction

[2] En date du 14 juin 2016, la division générale du Tribunal a conclu que :

  • La répartition de la rémunération de l’appelant avait été effectuée conformément aux articles 35 et 36 du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement);
  • L’imposition d’une pénalité était fondée aux termes de l’article 38 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi).

[3] L’appelant a déposé une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel en date du 5 juillet 2016. La demande pour permission d’en appeler a été accordée le 14 juillet 2016.

Mode d’audience

[4] Le Tribunal a déterminé que cet appel procéderait par téléconférence pour les raisons suivantes :

  • la complexité de la ou des questions en litige;
  • du fait que la crédibilité des parties ne figurait pas au nombre des questions principales;
  • de l’information au dossier, y compris la nature des informations manquantes;
  • de la nécessité de procéder de la façon la plus informelle et rapide que possible selon les critères des règles du Tribunal en ce qui a trait aux circonstances, à l’équité et à la justice naturelle.

[5] L’appelant et son représentant, Sylvain Bergeron, ont assisté à l’audience. L’intimée était représentée par Me Stéphanie Yung-Hing.

La loi

[6] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige

[7] Le Tribunal doit décider si la division générale a erré en concluant que :

  1. La répartition de la rémunération de l’appelant avait été effectuée conformément aux articles 35 et 36 du Règlement;
  2. L’imposition d’une pénalité était fondée aux termes de l’article 38 de la Loi.

Observations

[8] L’appelant soumet les motifs suivants au soutien de son appel :

  • Le membre de la division générale ne relate que des faits anodins et la preuve de l’appelant n’est aucunement prise en compte, ni même mentionnée dans la décision;
  • La division générale ne fait que retenir la preuve de l’intimée et a tout simplement ignoré la preuve de l’appelant;
  • La Cour d'appel fédérale a clairement établi que la division générale doit s'en remettre à l'ensemble de la preuve qui lui est présentée et non seulement à la version de l’intimée;
  • Dans la section « Argumentation », la division générale ne mentionne même pas la position de l’appelant en appel, mais se contente d’écrire des faits anodins qui n’ont rien à voir avec sa position;
  • Il a contesté devant la division générale le résultat de l’entrevue réalisée par l’agent de l’assurance-emploi et il a démontré que le rapport d’entrevue avait été dactylographié à l’avance, ce qui a été ignoré par la division générale;
  • La déclaration statutaire ou l’entrevue avec les enquêteurs est non véridique et non crédible;
  • Il n’a pas été démontré que l’appelant avait sciemment fait de fausses déclarations.

[9] L’intimée soumet les motifs suivants à l’encontre de l’appel :

  • La division générale n’a pas erré en concluant que c’est la rémunération intégrale de l’appelant provenant de tout emploi qui doit être répartie aux termes des articles 35 et 36 du Règlement;
  • La conclusion de la division générale confirme la position de l’intimée;
  • Toutefois, la division générale semble avoir erré en n’expliquant pas pourquoi elle rejetait l’argument de l’appelant quant au montant de la rémunération à répartir;
  • La division générale se contente de dire que c’est le revenu intégral de l’appelant qui doit être réparti aux termes des articles 35 et 36 du Règlement;
  • Compte tenu du fait que les parties ont plaidé les mêmes enjeux devant plusieurs instances, et ce depuis 2005, et que l’intimée a constamment maintenu qu’elle avait calculé les revenus non déclarés en fonction des documents fournis par les employeurs ayant pour titre « Calcul-Salaire », l’intimée demande à la division d’appel de confirmer la décision de la division générale;
  • Si l’on admet que l’appelant n’était pas en mesure de déclarer ses revenus chaque semaine parce que ces deniers n’étaient pas connus, il n’est toutefois pas possible de trouver une explication autre que celle que l’appelant a sciemment fait de fausses déclarations lorsqu’il omettait de déclarer qu’il travaillait durant ces semaines de chômage;
  • En l’espèce, la fausseté des déclarations de l’appelant étant admise, la division générale n’a pas erré en maintenant la pénalité imposée par l’intimée.

Normes de contrôle

[10] L’appelant n’a fait aucune représentation quant à la norme de contrôle applicable.

[11] L’intimée soumet que la norme de contrôle applicable aux questions de droit est celle de la décision correcte et la norme de contrôle applicable aux questions mixtes de fait et de droit est celle de la décision raisonnable Pathmanathan c. Bureau du jugearbitre, 2015 CAF 50.

[12] Le Tribunal constate que la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Canada (P.G.) c. Jean, 2015 CAF 242, mentionne au paragraphe 19 de sa décision que lorsque la division d’appel « agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale, la Division d’appel n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieure ».

[13] La Cour d’appel fédérale poursuit en soulignant que :

« [N]on seulement la Division d’appel a-t-elle autant d’expertise que la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale et [qu’elle] n’est […] donc pas tenue de faire preuve de déférence, mais au surplus un tribunal administratif d’appel ne saurait exercer un pouvoir de contrôle et de surveillance réservé aux cours supérieures provinciales ou, pour les « offices fédéraux », à la Cour fédérale et à la Cour d’appel fédérale ».

[14] La Cour d’appel fédérale termine en soulignant que « lorsqu’elle entend des appels conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l'Emploi et du Développement social, la Division d’appel n’a d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de cette loi ».

[15] Le mandat de la division d’appel du Tribunal décrit dans l’arrêt Jean a par la suite été confirmé par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Maunder c. Canada (P.G.), 2015 CAF 274.

[16] En conséquence, à moins que la division générale n'ait pas observé un principe de justice naturelle, qu'elle ait commis une erreur de droit ou qu'elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l'appel.

Analyse

Répartition de la rémunération et pénalité

[17] Dans le présent dossier, la division générale devait décider si la répartition de la rémunération de l’appelant avait été effectuée conformément aux articles 35 et 36 du Règlement et s’il y avait lieu d’imposer une pénalité à l’appelant aux termes de l’article 38 de la Loi.

[18] Le rôle de la division générale est d'examiner les preuves que lui présentent les deux parties pour déterminer les faits pertinents, soit les faits qui concernent le litige particulier qu'elle doit trancher et d'expliquer, dans sa décision écrite, la décision qu'elle rend concernant ces faits.

[19] La division générale doit évidemment justifier les conclusions auxquelles elle arrive. Lorsqu’elle est confrontée à des éléments de preuve contradictoires, elle ne peut les ignorer. Elle doit les considérer. Si elle décide qu’il y a lieu de les écarter ou de ne leur attribuer que peu de poids, ou pas de poids du tout, elle doit en expliquer les raisons, au risque, en cas de défaut de le faire, de voir sa décision entachée d’une erreur de droit ou taxée d’arbitraire Bellefleur c. Canada (P.G.), 2008 CAF 13.

[20] Dans le présent dossier, la division générale a ignoré les éléments de preuve de l’appelant. Celui-ci tentait de démontrer devant la division générale qu’il y avait lieu d’utiliser pour le calcul de la rémunération ce qu’il qualifie de véritables feuilles de paie et non le document « Calcul-salaire » d’où proviennent les montants retenus par l'intimée.

[21] Le dossier a pourtant été retourné à plusieurs reprises au conseil arbitral et à la division générale pour les mêmes raisons (voir Commission de l’assurance-emploi du Canada c. R. T., 2015 TSSDA 1156 (CanLII), CUB 72474 et CUB 75282A). Sans expliquer pourquoi, la division générale a écarté la preuve de l’appelant et s’est contentée de citer des faits non pertinents au litige dans la section « Preuve à l’audience » et « Argumentation ». Une lecture de la section « Analyse » ne permet également pas de déterminer la position de l’appelant devant la division générale.

[22] De plus, sur la question de la pénalité, la division générale fonde sa décision sur les aveux obtenus lors de l’entrevue de l’appelant en date du 14 avril 2005 pour conclure qu’il a agi sciemment, lesquels aveux sont pourtant contestés par l’appelant, sans pour autant mentionner dans sa décision pourquoi elle ne retient pas la contestation des aveux par l’appelant ou pourquoi elle ne retient pas son explication sur la fausseté de ses déclarations.

[23] Finalement, le Tribunal constate que la décision de la division générale est pour le moins ambigüe et manque de clarté. La division générale procède notamment à citer des conclusions de faits tirées des décisions des juges-arbitres précédents dans le dossier plutôt que de procéder à ses propres conclusions de faits suite à l’audience de novo qui s’est tenue devant elle.

[24] Compte tenu des erreurs mentionnées ci-dessus, le Tribunal est justifié d’intervenir dans le présent dossier et de retourner le dossier à la division générale pour une nouvelle audience.

[25] L’intimée a demandé au Tribunal de rendre la décision qui aurait dû être rendue par la division générale. Le Tribunal est d’avis qu’il ne peut accepter la demande de l’intimée puisque la preuve de la rémunération est vigoureusement contestée par l’appelant et qu’il est préférable de laisser les questions de crédibilité à la division générale.

Conclusion

[26] L’appel est accueilli et le dossier est référé devant la division générale du Tribunal (section de l’assurance-emploi) afin qu’un nouveau membre procède à une nouvelle audience sur chacun des points en litige.

[27] Il y a lieu de retirer du dossier la décision de la division générale datée du 14 juin 2016.

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