Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est accueilli, la décision de la division générale en date du 12 juillet 2016 est annulée et l’appel de l’intimée devant la division générale est rejeté.

Introduction

[2] Le 12 juillet 2016, la division générale du Tribunal a déterminé que l’intimée avait quitté son emploi avec justification en vertu des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE).

Mode d’audience

[3] Le Tribunal a tenu une audience par téléphone pour les raisons suivantes :

  • La complexité de la question ou des questions portées en appel ;
  • Le fait que l’on ne prévoit pas que la crédibilité des parties figure au nombre des questions principales ;
  • Les renseignements figurant au dossier et le besoin de renseignements supplémentaires ;
  • L’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle le permettent.

[4] L’appelante était représentée par Louise Laviolette. L’intimée était également représentée à l’audience.

Droit applicable

[5] En vertu du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence ;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier ;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige

[6] Le Tribunal doit déterminer si la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que l’intimée était fondée à quitter son emploi aux termes des articles 29 et 30 de la Loi sur l’AE.

Arguments

[7] L’appelante fait valoir les arguments suivants à l’appui de l’appel :

  • Le témoignage de l’intimée au cours de l’audience était que le loyer le moins cher qu’elle pouvait trouver dans la région de X  était de 795 $ par mois, et cela ne comprend pas l’épicerie et les frais de services publics, et son salaire net était d’environ 2 000 $ par mois ;
  • Les éléments de preuve ne permettent pas de confirmer que l’intimée aurait été incapable de payer ses frais de subsistance si elle avait loué un appartement à X  ;
  • La Cour d’appel fédérale a confirmé le principe selon lequel quitter son emploi pour améliorer sa situation financière ne constitue pas une justification pour quitter volontairement son emploi ;
  • Pour ce qui est d’une solution raisonnable autre que de quitter son emploi, même s’il n’était peut-être pas possible de voyager à X  pour se présenter à des entrevues comme l’a indiqué l’intimée au cours de l’audience, la recherche de travail par voie électronique et des entrevues téléphoniques étaient des solutions raisonnables qui s’offraient à elle ;
  • De plus, même si l’appelante reconnait la volonté de l’intimée de déménager pour être avec sa famille et réduire ses dépenses ainsi que son endettement personnel, elle n’avait aucune obligation de le faire, et avait la solution raisonnable de rester à X  jusqu’à ce que sa situation lui permette de déménager à X , si elle le souhaitait ;
  • L’intimée a pris une décision personnelle en quittant son emploi et le fond d’assurance-emploi (AE) ne devrait pas porter le fardeau de son désir légitime ;
  • Une application correcte aux faits en l’espèce du critère juridique pour la justification aux termes de l’alinéa 29c) de la Loi sur l’AE mène à la conclusion raisonnable que l’intimée a pris une décision personnelle en quittant son emploi et qu’elle n’a pas démontré qu’il n’y avait aucune autre solution raisonnable envisageable ;
  • L’appelante demande respectueusement que la division d’appel rende la décision que la division générale aurait dû rendre, conformément au paragraphe 59(1) de la Loi sur le MEDS.

[8] L’intimée fait valoir les arguments suivants à l’appui de l’appel :

  • X  est bien connu pour embaucher à l’échelle locale seulement ;
  • Vivre à X  tout en se cherchant un emploi à X  n’est pas logique ;
  • Il est déraisonnable de s’attendre à ce qu’un employeur accepte qu’un employé demande un congé de dernière minute pour aller dans le nord de l’île afin d’assister à une entrevue. Cette constante interruption de travail ne serait pas tolérée par son employeur ;
  • Elle n’avait pas les moyens financiers pour vivre seule sans sa famille à X , surtout parce qu’elle a une lourde dette à payer ;
  • Si elle avait été en couple avec un homme ou une femme, elle aurait eu droit aux prestations d’AE. Elle a habité avec sa sœur et son beau-frère pendant six ans en partenariat afin qu’elles puissent s’entraider pour améliorer leur situation.

Normes de contrôle

[9] L’appelante soutient que la division d’appel ne doit aucune déférence à l’égard des conclusions de la division générale en ce qui a trait aux questions de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier. Toutefois, pour les questions mixtes de fait et de droit, la division d’appel doit faire preuve de déférence à la division générale. Elle ne peut intervenir que si la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance - Pathmanathan c. Bureau du juge-arbitre, 2015 CAF 50.

[10] L’intimée n’a présenté aucune observation concernant la norme de contrôle applicable.

[11] Le Tribunal constate que la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Jean, 2015 CAF 242, mentionne au paragraphe 19 de sa décision que lorsque la division d’appel « agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale, la Division d’appel n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieure ».

[12] La Cour d’appel fédérale indique également les faits suivants :

[n]on seulement la division d’appel a-t-elle autant d’expertise que la division générale du Tribunal de la sécurité sociale et n’est-elle donc pas tenue de faire preuve de déférence, mais au surplus un tribunal administratif d’appel ne saurait exercer un pouvoir de contrôle et de surveillance réservé aux cours supérieures provinciales ou, pour les « offices fédéraux », à la Cour fédérale et à la Cour d’appel fédérale.

[13] La Cour conclut que « [l]orsqu’elle entend des appels conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, la division d’appel n’a d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de cette loi. »

[14] Le mandat de la division d’appel du Tribunal décrit dans l’arrêt Jean a par la suite été confirmé par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Maunder c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 274.

[15] Par conséquent, à moins que la division générale n’ait pas observé un principe de justice naturelle, qu’elle ait erré en droit ou qu’elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l’appel.

Analyse

[16] Les faits en l’espèce ne sont pas contestés.

[17] L’intimée a vécu avec sa sœur et son beau-frère et a quitté son emploi, car sa famille déménageait à X , où son beau-frère s’est trouvé un emploi. Elle a expliqué que sa sœur et son beau-frère sont les seuls membres de sa famille, qu’ils ont toujours habité dans la même communauté et que cela faisait six ans qu’ils habitaient ensemble pour essayer d’améliorer leur situation. Son beau-frère a obtenu un emploi à X, et le couple a été en mesure d’acheter une maison à cet endroit. L’intimée n’a pas postulé pour des emplois à X  avant d’y déménager, et elle a eu une entrevue téléphonique, mais n’a pas été en mesure de se trouver un emploi avant de quitter X.

[18] Pour déterminer si une personne était fondée à quitter volontairement un emploi, cela dépend si elle n’avait aucune autre solution raisonnable que de quitter, après avoir tenu compte de toutes les circonstances incluant les multiples circonstances spécifiques énumérées à l’article 29 de la Loi sur l’AE. Le fardeau de la preuve pour établir la justification repose sur l’intimée.

[19] La preuve présentée à la division générale ne vient pas appuyer la position selon laquelle l’intimée aurait été obligée de quitter son emploi. L’intimée voulait suivre sa sœur et son beau-frère à X  puisque cela fait six ans qu’ils vivent ensemble en partenariat afin d’améliorer leur situation.

[20] Aussi louables que puissent être les intentions de l’intimée, la division générale a eu tort d’y prendre appui pour infirmer la décision de l’appelante. Une jurisprudence constante a depuis longtemps établi que de quitter un emploi en raison de problèmes liés au logement ou à d’autres problèmes de nature personnelle et non liés à l’emploi ne constitue pas une justification selon la Loi sur l’AE. : Canada (Procureur général) c. Graham, 2011 CAF 311 ; Canada (Procureur général) c. Richard, 2009 CAF 122 ; Canada (Procureur général) c. Campeau, 2006 CAF 376 ; Canada (Procureur général) c. Murugaiah, 2008 CAF 10 ; Canada (Procureur général) c. McCarthy, A-600- 93.

[21] Bien que la décision de quitter son emploi aurait pu être un bon choix personnel pour l’intimée, cela n’est pas suffisant pour établir une justification au sens de l’article 29 de la Loi sur l’AE.

Conclusion

[22] L’appel est accueilli, la décision de la division générale en date du 12 juillet 2016 est annulée et l’appel de l’intimée devant la division générale est rejeté.

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