Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Motifs et décision

Comparutions

[1] L’appelant, monsieur F. C., était présent lors de l’audience téléphonique (téléconférence) tenue le 17 janvier 2017.

[2] L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la « Commission ») était absente lors de l’audience.

Introduction

[3] Le 18 mars 2016, l’appelant a présenté une demande initiale de prestations ayant pris effet le 28 février 2016. L’appelant a déclaré avoir travaillé pour l’employeur Chantier Davie Canada inc., du 7 décembre 2015 au 22 février 2016 inclusivement, et avoir cessé de travailler pour cet employeur après avoir effectué un départ volontaire (pièces GD3-3 à GD3-12).

[4] Le 13 avril 2016, la Commission a avisé l’appelant qu’il n’avait pas droit aux prestations régulières d’assurance-emploi à partir du 21 février 2016, car il a volontairement arrêté de travailler pour l’employeur Chantier Davie Canada inc., le 1er mars 2016, sans motif valable au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi »), (pièces GD3-18 et GD3-19).

[5] Le 9 mai 2016, l’appelant a présenté une Demande de révision d’une décision d’assurance-emploi (pièces GD3-20 et GD3-21).

[6] Le 2 juin 2016, la Commission a avisé l’appelant qu’elle maintenait la décision rendue à son endroit, en date du 13 avril 2016, concernant son départ volontaire (pièces GD3-23 et GD3- 24).

[7] Le 20 juin 2016, l’appelant a présenté un Avis d’appel auprès de la Section de l’assurance-emploi de la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (le « Tribunal »), (pièces GD2-1 à GD2-9).

[8] Cet appel a été instruit selon le mode d’audience téléconférence pour les raisons suivantes :

  1. Le fait que l’appelant sera la seule partie à assister à l’audience ;
  2. Ce mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Question en litige

[9] Le Tribunal doit déterminer si l’appelant était justifié de quitter volontairement son emploi, en vertu des articles 29 et 30 de la Loi.

Preuve

[10] Les éléments de preuve contenus dans le dossier sont les suivants :

  1. Un relevé d’emploi, en date du 8 mars 2016, indique que l’appelant a travaillé à titre d’« assembleur mécanique » pour l’employeur Chantier Davie Canada inc., du 7 décembre 2015 au 1er mars 2016 inclusivement, et qu’il a cessé de travailler pour cet employeur après avoir effectué un départ volontaire (code E – départ volontaire), (pièce GD3-13) ;
  2. Un relevé d’emploi, en date du 11 mai 2016, indique que l’appelant a travaillé pour l’employeur Jacobs Industrial Services Ltd., du 4 avril 2016 au 3 mai 2016 inclusivement, et qu’il a cessé de travailler pour cet employeur pour une raison « autre » (code K – Autre). Le commentaire suivant est inscrit à la case 18 du relevé : « Site evacuated due to Fort McMurray fire […] » (pièce GD3-14) ;
  3. Dans son Avis d’appel présenté le 20 juin 2016, l’appelant a transmis une copie d’un document de l’instance syndicale United Association of Journeymen and Apprentices of the Plumbing and Pipe Fitting Industry of the United States and Canada (Local Union 488 – Edmonton, Alberta) en date du 8 avril 2016. Ce document indique la procédure à suivre pour permettre à des travailleurs d’obtenir un emploi en Alberta selon certaines conditions (pièce GD2-1).

[11] Les éléments de preuve présentés à l’audience sont les suivants :

  1. L’appelant a rappelé les circonstances l’ayant amené à quitter volontairement l’emploi qu’il a occupé chez l’employeur Chantier Davie Canada inc. dans le but de démontrer que le départ volontaire qu’il a effectué était justifié au sens de la Loi.

Arguments des parties

[12] L’appelant a présenté les observations et les arguments suivants :

  1. Il a expliqué avoir quitté volontairement l’emploi qu’il avait chez l’employeur Chantier Davie Canada inc. pour aller occuper un emploi dans le domaine de la construction à Fort McMurray en Alberta (pièces GD2-4, GD2-8, GD3-17 et GD3-22) ;
  2. L’appelant a affirmé qu’au moment où il a quitté son emploi, il avait l’assurance d’obtenir un autre emploi lorsqu’il s’est rendu en Alberta avec un de ses amis. Il a indiqué qu’il savait qu’il trouverait facilement un autre emploi, mais qu’il ne savait pas exactement à quel moment il allait le commencer (pièces GD3-17, GD3-22) ;
  3. Il a expliqué que pour obtenir un emploi comme celui qu’il a occupé chez l’employeur Jacobs Industrial Services Ltd, à Fort McMurray, il a suivi les indications données par l’organisation syndicale dont il fait partie soit, le Local 144, qui regroupe les tuyauteurs et soudeurs en tuyauterie. À cet effet, l’appelant a indiqué avoir consulté le site www.local488.ca, un site web de référence de main-d’œuvre mis en place par un syndicat de travailleurs de l’Alberta (United Association of Journeymen and Apprentices of the Plumbing and Pipe Fitting Industry of the United States and Canada – Local Union 488) afin de prendre connaissance des emplois disponibles dans cette province (pièce GD2-1). Il a précisé consulter ce site chaque jour, car de nouveaux emplois y sont annoncés sur une base quotidienne. L’appelant a indiqué que pour être en mesure d’occuper un emploi à l’extérieur du Québec (ex. : Alberta), l’organisation syndicale qui le représente (Local 144) doit d’abord lui émettre une carte de travail (« Travel Card »). Il a spécifié que de cette manière, le syndicat qui le représente l’oriente pour obtenir un emploi à l’extérieur du Québec (pièces GD2-1 à GD2-9) ;
  4. L’appelant a expliqué avoir ensuite dû se rendre en Alberta, au printemps 2016, pour choisir parmi les emplois disponibles dans son domaine et dans des régions spécifiques (ex. : Fort McMurray, Edmonton). Il a souligné que la règle « premier arrivé, premier servi » s’appliquait alors, mais qu’il était certain d’avoir un emploi. L’appelant a spécifié que la seule chose qu’il ne pouvait préciser était la date exacte du début de son emploi. Il a expliqué que lorsqu’il s’est présenté chez l’employeur Jacobs Industrial Services Ltd, un document émis en date du 23 mars 2016 lui a été remis. Ce document indiquait qu’il allait commencer à travailler le 28 mars 2016. Cependant, il y a eu un retard, et il a commencé à travailler le 4 avril 2016 (pièces GD2-4 et GD2-8, GD3-14, GD3-17 et GD3-22) ;
  5. Il a indiqué que selon le processus pour obtenir un emploi en Alberta, dans le domaine de la construction, il n’a pas à participer à un entretien d’embauche chez l’employeur qu’il choisit, et qu’une telle procédure est très rare dans ce domaine. L’appelant a mentionné qu’il doit cependant se soumettre à un test de dépistage concernant l’usage de drogue et d’alcool. Il a précisé qu’il n’y a pas de signature de contrat lorsqu’il est embauché par un employeur. L’appelant a indiqué que la durée des contrats offerts est de quelques semaines ou plus, dès le départ. Il a spécifié qu’il s’agit de contrats ouverts, pouvant être prolongés (pièces GD2-4 et GD2-8, GD3-17 et GD3-22) ;
  6. L’appelant a expliqué que l’emploi qu’il a occupé chez l’employeur Jacobs Industrial Services Ltd a pris fin plus tôt que prévu en raison des feux de forêt survenus dans la région de Fort McMurray. Il a souligné que s’il n’y avait pas eu de feux de forêt, il aurait continué de travailler pour cet employeur, même si aucun contrat n’avait été conclu avec celui-ci. L’appelant a expliqué que lorsqu’il a été évacué en raison des feux de forêt, il a rempli un document dans lequel il a spécifié qu’il voulait effectuer un retour au travail lorsque les feux allaient être maîtrisés, et non pas qu’il voulait être licencié. Il a précisé être revenu au Québec et avoir été rappelé au travail par cet employeur, cinq semaines après avoir été évacué. Il a indiqué avoir repris le travail le 10 juin 2016 et avoir effectué 30 jours de travail à raison de 12 heures par jour. L’appelant a précisé avoir ensuite occupé un autre emploi, quelques jours plus tard, auprès d’un autre employeur (Horton CBI Ltd), après s’être présenté au local du syndicat (Local 488), (pièces GD2-4 et GD2- 8) ;
  7. Il a indiqué s’être rendu en Alberta à plusieurs reprises pour occuper un emploi à différentes périodes, en 2015 et en 2016 (ex. : automne 2015, printemps 2016 et été 2016). L’appelant a souligné avoir toujours travaillé dans la région de Fort McMurray. Il a spécifié que les besoins étaient très grands dans son domaine d’emploi. L’appelant a expliqué que la demande de main-d’œuvre est plus forte au printemps et à l’automne avec les horaires (cédules) de « Shut Down » (fermeture d’une partie d’une unité pour remplacer des tuyaux, des valves), (pièces GD2-4 et GD2-8) ;
  8. L’appelant a expliqué qu’en travaillant en Alberta, il pouvait accumuler plus de 1 000 heures de travail au cours d’une période de trois mois. Il a précisé qu’il pouvait travailler 12 heures par jour. L’appelant a mentionné que les périodes de travail peuvent s’effectuer selon les cycles suivants : six jours de travail et une journée de congé, 12 jours de travail et deux jours de congé, 18 jours de travail et trois jours de congé, 24 jours de travail et quatre jours de congé ;
  9. Il a expliqué que l’emploi qu’il a occupé chez l’employeur Chantier Davie Canada inc. lui procurait un salaire horaire de 24,77 $ (24,00 $), alors que celui qu’il a obtenu chez l’employeur Jacobs Industrial Services Ltd était beaucoup plus payant. Il a précisé qu’il recevait un salaire de 45,79 $ l’heure chez cet employeur, et qu’il pouvait être payé à temps et demi ou à temps double. L’appelant a indiqué que l’emploi qu’il a occupé chez Chantier Davie Canada inc., à titre d’assembleur mécanique, n’avait rien à voir avec le travail qu’il avait effectué comme tuyauteur industriel. Il a expliqué qu’il y avait aussi des changements continuels de département et d’horaire chez l’employeur Chantier Davie Canada inc. L’appelant a précisé avoir effectué des quarts de travail de jour, de soir et de nuit, et qu’il lui était difficile de s’adapter à ces changements, chaque fois. Il a affirmé qu’il y avait aussi de l’insécurité pour cet emploi, en raison de rumeurs circulant à cet effet et que par la suite, une mise à pied massive était survenue. L’appelant a indiqué ne pas avoir discuté de la situation avec cet employeur avant d’effectuer son départ volontaire. Il a spécifié que l’emploi qu’il a occupé chez l’employeur Jacobs Industrial Services Ltd lui a procuré plusieurs avantages (ex. : fonds de pension de la construction, paye de vacances et « Medic Construction »). L’appelant a affirmé que cet emploi devait être d’une durée plus longue que celui qu’il a quitté et qu’il lui offrait une plus grande sécurité d’emploi. Il a également souligné qu’il avait besoin d’heures de travail dans la construction pour son fonds de pension (pièces GD3-15, GD3-16, GD3-20 et GD3-21) ;
  10. L’appelant a soutenu que les 435 heures de travail qu’il a effectuées chez Chantier Davie Canada inc. (pièce GD3-13) ne pouvaient pas lui être enlevées et qu’il n’avait pas le goût de tout perdre. Il a dit trouver inacceptable de se faire couper toutes les heures qu’il avait effectuées parce qu’il avait quitté un emploi (pièces GD2-4, GD2-8, GD3-13 et GD3-20 à GD3-22) ;
  11. Il a fait valoir qu’il n’était pas normal de ne pas avoir le droit de recevoir des prestations. L’appelant a souligné avoir parcouru 4 300 kilomètres pour aller travailler en Alberta, alors que c’était une période morte dans le secteur de la construction au Québec (pièces GD2-4 et GD2-8) ;
  12. L’appelant a affirmé qu’un de ses amis a fait la même démarche que lui pour aller travailler en Alberta et qu’il avait le droit de recevoir des prestations. L’appelant a soutenu que ce qui est bon pour l’un, est bon pour l’autre (pièces GD2-4 et GD2-8 et GD3-22).

[13] L’intimée (la Commission) a présenté les observations et arguments suivants :

  1. Elle a expliqué que le paragraphe 30(2) de la Loi prévoit une exclusion indéfinie lorsque le prestataire quitte volontairement son emploi sans justification. La Commission a précisé que le test à appliquer, en tenant compte de toutes les circonstances, est de savoir si le prestataire avait une autre solution raisonnable que celle de quitter son emploi au moment où il l’a fait (pièce GD4-3) ;
  2. La Commission a indiqué que l’appelant a quitté l’emploi qu’il occupait pour aller travailler dans l’Ouest canadien. Elle a souligné qu’avant de partir, l’appelant n’avait pas l’assurance d’un autre emploi. La Commission a indiqué que l’appelant était sûr qu’il se trouverait un emploi rapidement, et que celui-ci a mentionné qu’il y a eu un délai de trois semaines avant qu’il en trouve un (pièce GD4-3) ;
  3. Elle a fait valoir que le fait que l’appelant se soit informé des possibilités d’avoir un emploi et qu’il avait eu bon espoir d’en trouver un, dans une autre région, est insuffisant pour justifier qu’il ait quitté volontairement un emploi pour occuper un autre emploi. La Commission a précisé que rien n’empêchait l’appelant de rester à l’emploi tout en effectuant une recherche (pièce GD4-3) ;
  4. La Commission a expliqué que pour déterminer qu’un prestataire avait l’assurance d’un autre emploi, il doit y avoir eu un contact avec l’employeur, avoir eu une offre quelconque d’emploi, et que les conditions et les délais d’embauche aient été précisés. Elle a souligné qu’aucun élément ne prouve l’existence d’une offre officielle d’emploi avant que l’appelant ait quitté l’emploi qu’il occupait. La Commission a fait valoir qu’avant de quitter un emploi, un prestataire doit s’assurer d’avoir un autre emploi, et qu’il doit avoir l’assurance d’un autre emploi dans l’immédiat (pièce GD4-3) ;
  5. Elle a conclu que l’appelant n’était pas justifié de quitter son emploi le 1er mars 2016 puisqu’il n’a pas démontré avoir épuisé toutes les solutions raisonnables avant de le quitter. La Commission a évalué que compte tenu de toutes les circonstances, une solution raisonnable aurait été de s’assurer d’un autre emploi avant de le quitter. Elle a déterminé, en conséquence, que l’appelant n’a pas réussi à prouver qu’il était justifié de quitter son emploi au sens de la Loi (White, 2011 CAF 190) ;
  6. La Commission a indiqué que l’avis de décision transmis à l’appelant comporte une erreur d’écriture sur la date de début de l’exclusion qui lui a été imposée. Elle a indiqué que ce document mentionne que : « vous n’avez pas droit aux prestations régulières de l’assurance-emploi à partir du 21 février 2016 », alors qu’il devrait se lire de la façon suivante : « vous n’avez pas droit aux prestations régulières de l’assurance-emploi à partir du 28 février 2016 » (pièces GD3-18 et GD3-19). La Commission a précisé que cette erreur n’a causé aucun préjudice à l’appelant. Elle a indiqué que la Cour d’appel fédérale (la « Cour ») a entériné le principe établi par le juge-arbitre dans la décision CUB 16233 selon laquelle une erreur d’écriture qui ne cause aucun préjudice au prestataire n’est pas fatale à la décision portée en appel et confère au Tribunal le droit de maintenir la décision de la Commission (Desrosiers, A-128-89).

Analyse

[14] Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites en annexe à la présente décision.

[15] Dans la cause Rena-Astronomo (A-141-97) qui a confirmé le principe établi dans l’affaire Tanguay (A-1458-84) à l’effet qu’il incombe au prestataire ayant volontairement quitté son emploi, de prouver qu’il n’existait aucune autre solution raisonnable de quitter son emploi à ce moment-là, la Cour a fait le rappel suivant : « Compte tenu de toutes les circonstances, le critère à appliquer se rapporte à la question de savoir si, selon la prépondérance des probabilités, le départ du prestataire constitue la seule solution raisonnable. ».

[16] Ce principe a été confirmé dans d’autres décisions de la Cour (Peace, 2004 CAF 56, Landry, A-1210-92).

[17] De plus, le mot « justification », tel qu’il est utilisé aux paragraphes 29c) et 30(1) de la Loi, a été interprété par la Cour dans la cause Tanguay c. C.A-C. (A-1458-84 (2 octobre 1985); 68 N.R. 154) de la manière suivante :

En effet, le mot, dans le contexte où il est employé, n’est pas synonyme de « raison » ou « motif ». L’employé qui a gagné le gros lot ou hérité d’une fortune peut avoir une excellente raison de quitter son emploi; il n’est pourtant pas justifié de le faire au sens du paragraphe 41(1). Ce paragraphe est une disposition importante d’une loi qui établit un système d’assurance contre le chômage et ses termes doivent être interprétés en ayant égard à l’obligation qui pèse normalement sur tout assuré de ne pas provoquer délibérément la réalisation du risque. Pour être plus précis, je dirais que l’employé qui a volontairement quitté son emploi et n’en a pas trouvé un autre s’est placé délibérément dans une situation lui permettant de forcer des tiers à lui payer tes (sic) [des] prestations d’assurance-chômage. Il n’est justifié d’avoir agi ainsi que s’il existait, au moment où il a quitté, des circonstances qui l’excusent d’avoir ainsi pris le risque de faire supporter par d’autres le fardeau de son chômage.

[18] La Cour a aussi confirmé qu’il incombe au prestataire ayant volontairement quitté son emploi de prouver qu’il n’existait aucune autre solution raisonnable que de quitter son emploi à ce moment-là (White, 2011 CAF 190).

[19] Un prestataire est justifié de quitter volontairement son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, dont celles énumérées au paragraphe 29c) de la Loi, son départ constitue la seule solution raisonnable dans son cas.

[20] Dans le cas présent, le Tribunal considère que la décision prise par l’appelant de quitter volontairement l’emploi qu’il occupait chez l’employeur Chantier Davie Canada inc., doit être considérée comme la seule solution raisonnable dans cette situation. Il existait, en vertu du paragraphe 29c) de la Loi, des circonstances justifiant son départ volontaire (White, 2011 CAF 190, Rena-Astronomo, A-141-97, Tanguay, A-1458-84, Peace, 2004 CAF 56, Landry, A-1210- 92).

Assurance raisonnable d’un autre emploi

[21] Le Tribunal est d’avis qu’au moment de quitter volontairement l’emploi qu’il avait chez l’employeur Chantier Davie Canada inc., celui-ci avait obtenu l’« assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat », tel que prévu à l’alinéa 29c)(vi) de la Loi.

[22] Le Tribunal considère que le témoignage crédible rendu par l’appelant lors de l’audience a permis d’avoir un portrait complet et très bien détaillé quant aux circonstances ayant mené à son départ volontaire chez l’employeur Chantier Davie Canada inc., pour occuper un emploi chez l’employeur Jacobs Industrial Services Ltd à Fort McMurray, en Alberta.

[23] L’appelant a démontré avoir obtenu l’assurance raisonnable d’avoir un autre emploi de la part du syndicat dont il est membre, le Local 144, une instance qui regroupe les tuyauteurs et soudeurs en tuyauterie.

[24] Il ressort du témoignage de l’appelant qu’afin de pouvoir obtenir un nouvel emploi, celui-ci s’est conformé aux exigences mises en place par le syndicat qui le représente ainsi que par le syndicat de travailleurs de l’Alberta (United Association of Journeymen and Apprentices of the Plumbing and Pipe Fitting Industry of the United States and Canada – Local Union 488).

[25] L’appelant a réalisé les étapes requises pour s’assurer de pouvoir occuper un emploi en Alberta, en suivant la procédure et les indications qui lui avaient été données par l’organisation syndicale dont il est membre.

[26] L’appelant a expliqué qu’après avoir consulté le site web de référence de main-d’œuvre du syndicat de travailleurs de l’Alberta (United Association of Journeymen and Apprentices of the Plumbing and Pipe Fitting Industry of the United States and Canada – Local Union 488) et après avoir obtenu une carte de travail (« Travel Card ») émise par le Local 144, il remplissait toutes les conditions pour être en mesure d’obtenir un emploi en Alberta, une fois rendu sur place.

[27] Le Tribunal ne retient pas l’argument de la Commission voulant qu’aucun élément ne prouve l’existence d’une offre officielle d’emploi avant que l’appelant ait quitté l’emploi qu’il occupait (pièce GD4-3).

[28] Le rôle primordial joué par le Local 144, de même que par le syndicat de travailleurs de l’Alberta, United Association of Journeymen and Apprentices of the Plumbing and Pipe Fitting Industry of the United States and Canada (Local 488) démontre que l’appelant avait la possibilité d’occuper un autre emploi, avant d’effectuer son départ volontaire.

[29] Le Tribunal considère qu’un contact a été établi auprès de plusieurs employeurs potentiels dont l’employeur Jacobs Industrial Services Ltd, par l’entremise de l’organisation syndicale dont l’appelant fait partie. L’appelant a ensuite été en mesure de choisir parmi plusieurs offres d’emploi dont les conditions et les délais d’embauche ont été précisés.

[30] L’appelant a d’ailleurs démontré avoir déjà occupé un emploi en Alberta dans le passé soit, à l’automne 2015, en effectuant les mêmes étapes que celles qu’il a réalisées au printemps 2016 avant d’aller travailler chez l’employeur Jacobs Industrial Services Ltd.

[31] Dans ce contexte, le Tribunal ne retient pas non plus l’argumentation de la Commission selon laquelle le fait que l’appelant se soit informé des possibilités d’avoir un emploi, et qu’il avait eu bon espoir de trouver un emploi dans une autre région, était insuffisant pour justifier son départ volontaire pour occuper un autre emploi (pièce GD4-3).

[32] L’appelant ne s’est pas seulement renseigné au sujet des possibilités d’emploi qu’il y avait en Alberta. Il a été orienté par l’organisation syndicale dont il fait partie et a suivi des règles spécifiques pour s’assurer qu’il allait obtenir un nouvel emploi. L’appelant n’a pas fait qu’entretenir un bon espoir de trouver un emploi dans une autre région, il a aussi satisfait les exigences mises en place par les organisations syndicales en cause pour occuper un autre emploi.

[33] L’appelant a démontré qu’il allait être en mesure d’occuper un emploi en Alberta, en suivant les règles auxquelles il était assujetti à titre de membre de son organisation syndicale. Il a satisfait toutes exigences prévues à cet égard et a réalisé les étapes prévues en ce sens.

[34] Un délai d’environ quatre semaines s’est écoulé entre le moment où l’appelant a quitté volontairement l’emploi chez l’employeur Chantier Davie Canada inc., le 1er mars 2016 (pièce GD3-13), et le moment où il a commencé son nouvel emploi chez l’employeur Jacobs Industrial Services Ltd. soit, le 4 avril 2016 (pièce GD3-14).

[35] Le Tribunal considère que ce délai n’est pas excessif et ne remet aucunement en cause l’assurance raisonnable que l’appelant avait d’obtenir un autre emploi dans un avenir immédiat.

[36] Sur cet aspect, l’appelant a démontré qu’en vertu des règles qu’il devait suivre, il avait d’abord dû consacrer du temps pour se rendre dans la région de Fort McMurray, une région située à plusieurs milliers de kilomètres de son lieu de résidence, pour ensuite être en mesure de choisir parmi les emplois disponibles.

[37] En plus du temps qu’il a dû consacrer pour aller s’établir en Alberta, après avoir effectué son départ volontaire le 1er mars 2016, l’appelant a expliqué qu’un document émis par l’employeur Jacobs Industrial Services Ltd, en date du 23 mars 2016, indiquait qu’il allait commencer à travailler le 28 mars 2016, mais qu’il y a eu un retard et que le début de son emploi s’est effectué le 4 avril 2016.

[38] Même si aucun contrat n’a été signé par l’appelant, cette situation ne fait pas en sorte qu’il n’avait pas l’assurance raisonnable d’un autre emploi avant de quitter volontairement l’emploi qu’il occupait. Sur cet aspect, l’appelant a expliqué que selon les conditions d’embauche en vigueur, aucun contrat n’était signé avec les employeurs potentiels. Il a précisé qu’il s’agissait de contrats d’une durée de quelques semaines au départ et qui pouvaient être prolongés par la suite.

[39] Malgré la durée des contrats offerts, l’appelant gardait la possibilité de trouver un autre emploi parmi les autres emplois disponibles dans la région de Fort McMurray. Il conservait ainsi l’assurance d’avoir un autre emploi.

[40] L’appelant ne pouvait non plus prévoir que l’emploi qu’il a occupé chez l’employeur Jacobs Industrial Services Ltd allait prendre abruptement fin le 3 mai 2016, en raison des incendies de forêt survenus à Fort McMurray et qui ont forcé l’évacuation de la Ville par les autorités.

[41] Le Tribunal est d’avis que l’appelant avait toutes les raisons de croire que cet emploi allait se poursuivre, mais que des circonstances graves, entièrement hors de sa volonté, ont fait en sorte de mettre prématurément fin à son emploi pour une durée de cinq semaines.

[42] Le relevé d’emploi émis par l’employeur Jacobs Industrial Services Ltd. indique d’ailleurs que l’appelant avait cessé de travailler le 3 mai 2016 pour une raison autre (code K – autre). L’employeur a ajouté le commentaire suivant à la case 18 du relevé : « Site evacuated due to Fort McMurray fire […] » (pièce GD3-14).

[43] L’appelant a ensuite repris le travail pour cet employeur à compter du 10 juin 2016.

[44] Il a par la suite travaillé pour un autre employeur, en juillet et en août 2016, après s’être présenté au bureau du Local 488 (United Association of Journeymen and Apprentices of the Plumbing and Pipe Fitting Industry of the United States and Canada).

[45] En regard des circonstances particulières portées à son attention dans ce dossier et en s’appuyant sur la jurisprudence mentionnée plus haut, le Tribunal estime que l’appelant a démontré qu’il n’existait aucune autre solution raisonnable que de quitter son emploi chez l’employeur Chantier Davie Canada inc. (White, 2011 CAF 190, Rena-Astronomo, A-141-97, Tanguay, A-1458-84, Peace, 2004 CAF 56, Landry, A-1210-92).

[46] Avant de quitter l’emploi qu’il occupait chez l’employeur Chantier Davie Canada inc., l’appelant avait l’« assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat », tel que prévu à l’alinéa 29c)(vi) de la Loi.

[47] Le Tribunal considère que, compte tenu de toutes les circonstances, l’appelant était justifié de quitter volontairement son emploi, aux termes des articles 29 et 30 de la Loi.

[48] L’appel est fondé sur la question en litige.

Conclusion

[49] L’appel est accueilli.

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi

30 (1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :

  1. (a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
  2. (b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

(2) L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.

(3) Dans les cas où l’événement à l’origine de l’exclusion survient au cours de sa période de prestations, l’exclusion du prestataire ne comprend pas les semaines de la période de prestations qui précèdent celle où survient l’événement.

(4) Malgré le paragraphe (6), l’exclusion est suspendue pendant les semaines pour lesquelles le prestataire a autrement droit à des prestations spéciales.

(5) Dans les cas où le prestataire qui a perdu ou quitté un emploi dans les circonstances visées au paragraphe (1) formule une demande initiale de prestations, les heures d’emploi assurable provenant de cet emploi ou de tout autre emploi qui précèdent la perte de cet emploi ou le départ volontaire et les heures d’emploi assurable dans tout emploi que le prestataire perd ou quitte par la suite, dans les mêmes circonstances, n’entrent pas en ligne de compte pour l’application de l’article 7 ou 7.1.

(6) Les heures d’emploi assurable dans un emploi que le prestataire perd ou quitte dans les circonstances visées au paragraphe (1) n’entrent pas en ligne de compte pour déterminer le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées, au titre du paragraphe 12(2), ou le taux de prestations, au titre de l’article 14.

(7) Sous réserve de l’alinéa (1)a), il demeure entendu qu’une exclusion peut être imposée pour une raison visée au paragraphe (1) même si l’emploi qui précède immédiatement la demande de prestations - qu’elle soit initiale ou non - n’est pas l’emploi perdu ou quitté au titre de ce paragraphe.

29 Pour l’application des articles 30 à 33 :

  1. a) emploi s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
  2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;
  3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
    1. (i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin,
    2. (ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre,
    3. (iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert;
  4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
    1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
    2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
    3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
    4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
    5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
    6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
    7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
    8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
    9. (ix) modification importante des fonctions,
    10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
    11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
    12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
    13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
    14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par
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