Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Comparutions

N. P., le prestataire, a participé à l’audience par vidéoconférence.

Introduction

[1]  Le prestataire s’est retrouvé sans emploi le 16 avril 2015. Il a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi (AE) le 15 mars 2016. La Commission d’assurance-emploi du Canada (Commission) a rejeté sa demande parce qu’il n’avait pas accumulé suffisamment d’heures d’emploi assurable pour être admissible à des prestations d’AE. La Commission a également conclu que le prestataire n’avait pas démontré qu’il disposait d’un motif valable justifiant la présentation tardive de sa demande de prestations d’AE. L’appelant a demandé une révision de la décision de la Commission, laquelle celle-ci a décidé de maintenir, dans sa lettre datée du 19 mai 2016. Le prestataire a interjeté appel devant le Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal).

[2] L’audience a été tenue par téléconférence pour les raisons suivantes :

  1. La complexité des questions en litige;
  2. Le fait que le prestataire sera la seule partie présente;
  3. L’information au dossier, y compris la nécessité d’obtenir des renseignements supplémentaires.

Questions en litige

[3] Les questions en litige sont les suivantes :

  1. Le prestataire a-t-il prouvé qu’il disposait d’un motif valable justifiant la présentation tardive de sa demande initiale de prestations conformément au paragraphe 10(4) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE)?
  2. Le prestataire a-t-il accumulé suffisamment d’heures d’emploi assurable pour qu’une période de prestations puisse être établie à son profit en vertu de l’article 7 de la Loi sur l’AE?

Preuve

Renseignements au dossier

[4] Le prestataire a présenté une demande de prestations régulières d’AE le 15 mars 2016, déclarant que son dernier jour de travail avait été le 16 avril 2015 et qu’il reprendrait un emploi auprès de cet employeur, mais que la date de retour était inconnue. Le prestataire a confirmé qu’il n’avait eu aucune autre période d’emploi au cours de 52 dernières semaines et qu’il n’avait pas, durant les deux dernières années, touché des indemnités pour accident de travail, été incapable de travailler pour des raisons de santé, touché des indemnités d’assurance-salaire de groupe, été incapable de travailler en raison d’un conflit de travail, suivi une formation recommandée par une autorité compétente, été en prison, ou reçu un paiement du Programme de protection des salariés. Le prestataire a également confirmé qu’il n’avait aucun lien de parenté avec un propriétaire ou copropriétaire d’une entreprise pour laquelle il avait travaillé, mais il a affirmé qu’il était un actionnaire possédant plus de 40 % des actions d’une société pour laquelle il avait travaillé et qu’il était propriétaire ou copropriétaire d’une entreprise où il avait travaillé. Le prestataire a déclaré qu’il n’était pas un travailleur indépendant (pages GD3-3 à GD3-16).

[5] L’employeur a soumis un relevé d’emploi (RE) daté du 14 mars 2016, dans lequel il était écrit que le prestataire avait commencé à travailler comme apprenti grutier le 16 juin 2015 et qu’il avait cessé de travailler le 16 avril 2015 en raison d’un manque de travail, ayant accumulé 1 842,5 heures d’emploi assurable (page GD3-17).

[6] La Commission a communiqué avec le prestataire, qui a affirmé qu’il avait commencé à travailler à son compte il y a de cela 32 ans et qu’il avait mis fin à ses activités le 31 janvier 2016. Le prestataire a déclaré qu’il avait travaillé comme grutier à temps plein en 2014 et en 2015 et qu’il avait suivi une formation d’apprenti du 9 mai 2016 au 17 juin 2016. Le prestataire a affirmé qu’il a l’intention de trouver un emploi à temps plein et qu’il est à la recherche d’un emploi (page GD3-18).

[7] La Commission a fourni la Recherche de renseignements sur les taux de chômage de l’AE, qui révélait que le prestataire vivait dans la région 49 dont le taux de chômage était de 8,3 %, nécessitant que le prestataire ait accumulé 595 heures d’emploi assurable (page GD3-22).

[8] La Commission a fourni une feuille de travail de Répartition des heures assurables et/ou réglementaires, montrant que le prestataire avait accumulé 201 heures d’emploi assurable avant la date limite pour la période de référence. La feuille de travail révèle également que le prestataire n’était pas une personne devenant ou redevenant membre de la population active comme il comptait 1 643 heures assurables de participation à la population active (pages GD3- 23 à GD3-27).

[9] Au moyen d’une lettre datée du 7 avril 2016, la Commission a fait savoir au prestataire qu’il avait accumulé 201 heures d’emploi assurable entre le 15 mars 2015 et le 12 mars 2016, et qu’il avait cependant besoin de 595 heures d’emploi assurable pour être admissible à des prestations d’AE (page GD3-28).

[10] La Commission a communiqué avec le prestataire après le dépôt de sa demande de révision. Le prestataire a affirmé qu’il n’avait pas présenté sa demande de prestations d’AE immédiatement parce qu’il était autosuffisant et parce qu’il avait aussi sa propre entreprise. Il a affirmé qu’il n’avait jamais eu recours aux prestations d’AE auparavant et qu’il croyait pouvoir [traduction] « emmagasiner » les heures jusqu’à ce qu’il en ait besoin. Le prestataire a fait savoir qu’il prévoyait retourner aux études pour mettre à jour sa certification de grutier, et qu’il avait donc pensé simplement attendre jusqu’à ce moment-là, précisant qu’il ne savait pas que ses prestations d’AE [traduction] « s’écoulaient » pendant tout ce temps. Le prestataire a confirmé qu’il n’y avait eu aucune semaine civile complète, durant sa période de référence, où il n’avait pas pu travailler parce qu’il aurait été malade ou blessé, en prison, ou en train de suivre un cours recommandé par la Commission. Le prestataire a aussi confirmé qu’il n’y avait eu aucun autre emploi au cours de la période de référence et qu’il avait mis fin à son travail indépendant en janvier 2016, et qu’il avait simplement attendu, après cette date, d’avoir besoin d’argent avant de présenter sa demande (page GD3-32).

Témoignage livré à l’audience

[11] À l’audience, le prestataire a témoigné qu’il n’avait jamais demandé de prestations d’AE en 40 ans. Il a affirmé qu’il était travailleur indépendant mais que l’entreprise avait cessé d’exister. Il a affirmé qu’il avait exploité des grues pendant un certain temps, mais qu’il avait travaillé pendant son apprentissage lorsqu’il avait été mis à pied. Il a affirmé qu’il avait économisé de l’argent qu’il avait gagné pendant la période où il avait travaillé et qu’il pensait qu’il lui serait bénéfique de conserver ses prestations d’AE pour le moment où il commencerait son apprentissage; sa formation était donnée à l’extérieur de sa ville, ce qui entraînerait des dépenses considérables, et il pensait que ses prestations d’AE seraient le plus utiles à cette fin. Il a affirmé qu’il était allé à l’école et qu’il avait fait une demande de prestations d’AE, et qu’il savait désormais qu’il aurait dû faire sa demande de prestations d’AE tout de suite après s’être retrouvé sans emploi.

[12] Le prestataire a déclaré qu’il s’agissait d’une erreur de sa part comme il n’était pas très familier avec la procédure, mais qu’il avait cotisé au système d’AE, que les heures étaient là et qu’il avait pris la décision de présenter sa demande lorsque l’argent répondrait le mieux à ses besoins. Il a dit que, en présentant sa demande, il a appris qu’il ne lui restait aucune prestation parce qu’il aurait dû présenter sa demande plus tôt. Il croit avoir rempli tous les critères et avoir cotisé pour pouvoir toucher ces prestations, et il est mécontent de la décision qui a été rendue.

[13] Le prestataire a affirmé qu’il avait dû assumer des coûts considérables pour changer son type d’occupation et qu’il avait prévu utiliser les prestations d’AE comme aide financière au cours de cette transition. Il a dit qu’il s’est retrouvé sans prestations en raison de son manque de connaissance de la Loi sur l’AE et de son honnêteté, puisqu’il n’avait pas eu besoin de l’argent tout de suite.

[14] Le prestataire a confirmé qu’il n’avait pas occupé d’autre emploi durant la période suivant sa mise à pied et au moment de la présentation de sa demande. Il a affirmé qu’il organisait son apprentissage et sa formation de conducteur et qu’il était complètement occupé par la cessation de ses activités de travailleur indépendant; il n’avait pas touché de revenu durant cette période.

[15] Le prestataire a confirmé qu’il aurait à subvenir à ses besoins durant son apprentissage parce qu’il lui coûtait très cher d’aller à l’école à l’extérieur de sa ville, et c’est d’après cette logique qu’il avait conservé ses prestations d’AE, pour qu’elles l’aident durant cette période. Le prestataire a confirmé qu’il n’avait pas communiqué avec Service Canada en personne ou par téléphone et qu’il n’avait pas consulté son site Web parce qu’il avait présumé qu’il avait les bons documents de son employeur et comptait présenter sa demande de prestations d’AE au moment où il jugerait que l’argent lui serait le plus utile.

[16] Le prestataire a confirmé que la date du RE précède d’un seul jour la date de présentation de sa demande de prestations, expliquant qu’il avait seulement demandé son RE au moment où il avait été prêt à faire sa demande de prestations. Il a affirmé qu’il avait cru qu’il recommencerait à travailler, mais que la conjoncture économique ne le lui avait pas permis. Il a affirmé qu’il espérait pouvoir reprendre un emploi auprès de cet employeur lorsqu’il aura besoin de lui.

[17] Le prestataire a dit que son employeur ne l’avait jamais informé qu’il devait présenter une demande de prestations d’AE immédiatement, que personne d’autre ne l’en avait informé et que, comme il n’avait jamais présenté une demande de prestations d’AE, il ignorait qu’il devait faire sa demande immédiatement.

Observations

[18] La prestataire a fait valoir ce qui suit :

  1. Il croit avoir travaillé les heures nécessaires et que le RE a été envoyé à Service Canada le 15 mars 2016 (page GD3-29).
  2. Entre le 16 avril 2015 et le 15 mars 2016, il pensait qu’il recommencerait à travailler à un certain moment donné et que le ralentissement économique n’était qu’une autre baisse. Il n’a pas présenté une demande de prestations d’AE tout de suite après avoir été mis à pied comme il avait continué à espérer un changement de situation et, comme il n’avait pas été informé en matière d’emploi, il ne savait pas qu’une demande d’AE était sujette à des délais et que son hésitation à présenter une demande serait mal perçue (page GD2-3).
  3. Il pensait qu’il était judicieux d’utiliser cette période peu occupée pour travailler indépendamment à tenter de faire son apprentissage de grutier et il l’a réussi. Il avait aussi continué à travailler en vue d’obtenir son permis de conduire de classe 1, nécessaire pour travailler avec une grue. Il est présentement à l’école où il termine sa troisième et dernière année de formation de grutier. Il essaie d’effectuer de façon proactive un changement de carrière avec succès. (page GD2-3).
  4. Il n’avait pas fait de recherches sur la Loi sur l’AE et croyait qu’il avait travaillé et cotisé et qu’il allait utiliser ses prestations à sa convenance, durant son recyclage professionnel. Il s’était trompé en pensant ainsi, mais l’idée était de l’aider à financer son recyclage pour le reste de sa carrière professionnelle; il avait fait une erreur.

[19] La Commission a fait valoir ce qui suit :

Antidatation

  1. Le prestataire n’a pas agi comme l’aurait fait une « personne raisonnable » dans la même situation pour s’enquérir de ses droits et de ses obligations en vertu de la Loi sur l’AE. Il est indéniable qu’il est facile d’obtenir l’information sur le moment où il faut présenter une demande. Un RE version papier, non électronique, avait été émis à l’intention du prestataire. Les renseignements au dos du RE conseillent au prestataire de présenter une demande dans un délai de quatre semaines, à défaut de quoi il pourrait perdre des prestations. On peut également obtenir en un seul clic des renseignements semblables sur le site Web de Service Canada, à partir du lien [traduction] « Présenter une demande de prestations d’assurance-emploi ». La Commission maintient que le prestataire [traduction] « n’avait pas obtenu de conseils en matière d’emploi » parce qu’il n’avait pas cherché à en obtenir. Le prestataire savait qu’il repoussait la présentation de sa demande d’AE et ne s’est pas renseigné sur les exigences de présentation de la demande, comme aurait pu le faire une personne raisonnable et prudente dans la même situation. Le prestataire aurait également pu appeler ou visiter son bureau régional et s’informer sur les exigences relativement à la présentation de la demande, compte tenu du fait qu’il avait décidé d’attendre avant de faire une demande de prestations (page GD4-3).
  2. L’envie de travailler ou d’attendre une occasion de travailler advenant une reprise économique ne constitue pas un motif valable pour reporter la présentation d’une demande, même s’il est louable qu’une personne choisisse de dépendre seulement de ses propres ressources plutôt que de demander des prestations immédiatement (page GD4-4).

Période de prestations non établie

  1. Il a été établi que la période de référence du prestataire allait du 15 mars 2015 au 12 mars 2016, conformément à l’alinéa 8(1)a) de la Loi sur l’AE. Le prestataire n’a pas démontré que d’autres RE existaient et il ne répondait pas aux motifs qui permettraient de prolonger la période de référence, par application du paragraphe 8(2) de la Loi sur l’AE.
  2. Le prestataire n’était pas une personne devenant ou redevenant membre de la population active conformément au paragraphe 7(4) de la Loi sur l’AE, puisqu’il avait accumulé plus de 490 heures de participation à la population active au cours de 52 semaines précédant sa période de référence. Par conséquent, il était nécessaire pour le prestataire d’avoir accumulé le nombre d’heures d’emploi assurable spécifié à l’alinéa 7(2)b) de la Loi sur l’AE.
  3. Conformément au tableau du paragraphe 7(2) de laLoi sur l’AE, le prestataire devait avoir accumulé au moins 595 heures d’emploi assurable pour être admissible au bénéfice des prestations, compte tenu du taux de chômage de 8,3 % dans la région où il résidait. Cependant, d’après la preuve, il n’a accumulé que 201 heures d’emploi assurable pendant sa période de référence. La Commission soutient donc que le prestataire n’a pas démontré qu’il était admissible à des prestations d’AE en vertu du paragraphe 7(2) de la Loi sur l’AE (page GD4 -5).
  4. Le nombre d’heures assurables qu’a établi la Commission n’est pas une décision discrétionnaire. Ni la Commission ni le Tribunal n’ont compétence pour ignorer la loi sur cette question ou pour en modifier les exigences, quelle que soit la situation personnelle du prestataire, y compris dans les cas où le prestataire a été incapable de travailler le nombre d’heures assurables minimal exigé pour des raisons indépendantes de sa volonté (page GD4-5).

Analyse

[20] Les dispositions législatives pertinentes figurent en annexe de la présente décision.

Antidatation

[21] Il est possible d’antidater une demande en vertu du paragraphe 10(4) de la Loi sur l’AE, s’il est démontré qu’il existait un motif valable justifiant la présentation tardive de la demande de prestations. Pour démontrer l’existence d’un motif valable, la jurisprudence de cette cour exige qu’un prestataire démontre qu’il « a agi comme l’aurait fait une personne raisonnable dans la même situation pour s’assurer des droits et obligations que lui impose la Loi »(Canada (Procureur général) c. Albrecht, A-172-85).

[22] Il est également établi en droit qu’il incombe au prestataire de « vérifier assez rapidement » s’il a droit à des prestations et de s’enquérir de ses droits et de ses obligations en vertu de laLoisur l’AE (Canada (Procureur général) c. Carry, 2005 CAF 367).

[23] L’obligation de présenter avec célérité sa demande de prestations est considérée comme étant très exigeante et très stricte. C’est la raison pour laquelle l’exception relative au « motif valable justifiant le retard » est appliquée parcimonieusement(Canada (Procureur général) c. Brace, 2008 CAF 118).

[24] Le prestataire doit démontrer qu’il avait un motif valable durant toute la période pour laquelle une antidatation est demandée (Canada (Procureur général) c. Chalk, 2010 CAF 243).

[25] L’ignorance de la loi, même combinée à la bonne foi, ne constitue pas un motif valable (Canada (Procureur général) c. Somwaru, 2010 CAF 336).

[26] Le fardeau de la preuve incombe au prestataire (Canada (Procureur général) c. Kaler, 2011 CAF 266).

[27] En l’espèce, le paragraphe 10(4) de la Loi sur l’AE exige qu’un prestataire puisse démontrer qu’il remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations à la date antérieure. Même si la Commission n’a pas mentionné si le prestataire remplissait ou non les exigences à la date antérieure, le prestataire avait accumulé 1 842,5 heures d’emploi assurable, ce qui lui aurait permis de remplir n’importe laquelle des conditions prévues aux articles 7 et 7.1 de la Loi sur l’AE. Le Tribunal est donc convaincu que le prestataire remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations d’AE à la date antérieure, et la question sur laquelle il doit statuer est donc de savoir si le prestataire disposait d’un motif valable justifiant la présentation tardive de sa demande initiale de prestations d’AE.

[28] Le prestataire s’est retrouvé sans emploi sans toutefois présenter immédiatement une demande de prestations d’AE parce qu’il n’avait jamais reçu des prestations d’AE et parce qu’il ne savait pas qu’il devait faire sa demande avec célérité; il a décidé d’attendre de retourner aux études avant de présenter sa demande de prestations d’AE. Lorsque le prestataire est retourné à l’école, il a présenté sa demande de prestations d’AE et a appris qu’il aurait dû la présenter peu de temps après s’être retrouvé sans emploi. Le Tribunal admet les déclarations du prestataire selon lesquelles il n’avait pas essayé de communiquer avec la Commission pour obtenir des renseignements sur les prestations d’AE avant d’avoir été prêt à faire sa demande en mars 2016, soit 11 mois après la cessation de son emploi.

[29] Dans Howard c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 116, la Cour d’appel fédérale a statué que le fait de s’attendre à trouver un emploi ou de compter de bonne foi sur ses propres ressources ne constitue pas un « motif valable » justifiant le retard à présenter une demande de prestations au sens du paragraphe 10(4) de la Loi sur l’AE.

[30] Le prestataire a soutenu que, même s’il avait présenté sa demande de prestations d’AE en retard, il croyait avoir travaillé les heures nécessaires et avait payé pour recevoir ces prestations. Le Tribunal se rappelle la décision Shebib c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 88, où la Cour d’appel fédérale s’était exprimée comme suit :

Malheureusement, ce sont souvent ceux qui ont peu d'expérience ou qui n'ont aucune expérience en ce qui concerne les prestations d'emploi et qui ont les meilleures intentions qui s'empêtrent dans l'amas de dispositions législatives et réglementaires que le législateur et le gouverneur en conseil semblent considérer comme nécessaires pour empêcher l'abus du système d'assurance-emploi. Je reconnais que le demandeur a agi de bonne foi et avec les meilleures intentions. Malheureusement, selon l'état actuel du droit, cela ne constitue pas un motif valable l'autorisant à antidater sa demande de prestations d'emploi.

[31] La Cour d’appel fédérale a également expliqué ce qui suit dans Canada (Procureur général) c. Beaudin, 2005 CAF 123 :

En l'espèce, la justification fournie par le défendeur consiste essentiellement dans le fait qu'il n'était pas familier avec le système d'assurance-emploi et que c'est la raison pour laquelle il a formulé sa demande initiale presqu'un an après son congédiement […].

Il n'est pas inutile de rappeler que le paragraphe 10(4) de la Loi n'est pas le produit d'un simple caprice législatif. Il renferme une politique, sous forme d'exigence, qui participe d'une saine et efficiente administration de la Loi. Car d'une part, cette politique permet de « veiller à la bonne gestion et au traitement efficace des demandes de prestations » ainsi qu'à la Commission « de vérifier constamment l'admissibilité continue des prestataires à qui des prestations sont versées » […]. Le fait d'antidater la demande de bénéfices peut porter atteinte à l'intégrité du système en ce qu'il accorde à un prestataire un octroi rétroactif et inconditionnel du bénéfice des prestations, sans possibilité de vérification des critères d'admissibilité durant la période de rétroactivité […].

En outre, une saine et équitable administration du système requiert que la Commission se livre à une vérification rapide et la plus contemporaine possible des événements et des circonstances qui génèrent la demande de bénéfices […]. Sans quoi, la Commission se retrouve dans la difficile position de devoir se livrer à un travail ou à un processus de reconstruction des événements, avec les coûts et les aléas afférents à un tel processus. C'est ce qui explique le principe, depuis longtemps établi par la jurisprudence de notre Cour, que l'ignorance de la Loi n'excuse pas le retard à produire une demande initiale de bénéfices.

[32] Le Tribunal estime que le prestataire n’a pas démontré qu’il disposait d’un motif valable justifiant la présentation tardive de sa demande initiale de prestations d’AE. Si le Tribunal admet que le prestataire n’était pas familier avec le système d’AE, le prestataire n’a fait aucun effort pour communiquer avec la Commission ou pour prendre connaissance des règles et des règlements; on ne peut donc pas dire que le prestataire ait fait ce qu’une personne raisonnable et prudente aurait fait dans la même situation pour s’enquérir de ses droits et de ses obligations en vertu de la Loi sur l’AE.

[33] Le prestataire a soutenu qu’il croyait qu’il allait recommencer à travailler, mais que cela n’avait pas été le cas en raison du ralentissement économique. Il a expliqué qu’il avait répondu aux exigences de la Loi sur l’AE, qu’il avait versé les cotisations et qu’il allait utiliser les prestations d’AE à sa convenance, en fonction de son recyclage professionnel. Malheureusement, le simple fait de cotiser au programme d’AE ne garantit pas que des prestations d’AE soient payables. Les prestataires sont encore tenus de présenter une demande de prestations d’AE avec célérité et de remplir les conditions d’admissibilité nécessaires.

[34] Le Tribunal respecte le choix du prestataire de planifier une réorientation professionnelle en utilisant d’abord ses propres ressources et en pressentant le besoin de prestations d’AE plus tard; cela dit, le prestataire avait des a priori incorrects et n’a déployé aucun effort pour les vérifier ou pour protéger ses prestations d’AE. Même si le Tribunal reconnaît que le prestataire n’a pas bénéficié de conseils sur le besoin de présenter immédiatement une demande, la jurisprudence est claire : l’ignorance de la loi et la bonne foi ne sont pas considérées comme des motifs valables justifiant d’avoir omis de présenter une demande de prestations d’AE, et un prestataire est tenu d’entreprendre les démarches nécessaires pour se renseigner sur ses droits et ses obligations en vertu de l’AE.

[35] Pour ces motifs, le Tribunal conclut que le prestataire n’a pas démontré qu’il disposait d’un motif valable justifiant la présentation tardive de sa demande de prestations d’AE et qu’il ne peut donc pas faire antidater sa demande. La Commission a raison de refuser d’antidater sa demande en vertu du paragraphe 10(4) de laLoi sur l’AE.

Période de prestations non établie

[36] Pour qu’une période de prestations soit établie à son profit, un prestataire doit avoir accumulé le nombre d’heures d’emploi assurable requis pendant sa période de référence.

[37] Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Lévesque, 2001 CAF 304, de la Cour d’appel fédérale, la juge Desjardins s’est exprimée comme suit :

Il lui manque une heure de travail pour rencontrer [sic] les conditions requises par cet article afin d’être éligible [sic] aux prestations de chômage. Cette exigence de la Loi ne permet aucun écart et ne donne aucune discrétion. Ni le conseil arbitral [désormais le Tribunal] ni le juge-arbitre ne pouvaient relever la prestation de son défaut.

[38] Le prestataire a décidé de reporter la présentation de sa demande de prestations d’AE jusqu’à ce qu’il soit prêt à participer à son apprentissage et, lorsqu’il a finalement présenté sa demande, sa période de référence allant du 15 mars 2015 au 12 mars 2016 ne comptait que 201 heures d’emploi assurable. Le Tribunal admet que le prestataire résidait dans une région économique où le taux de chômage était de 8,3 %, nécessitant 595 heures d’emploi assurable pour être admissible à des prestations d’AE. D’après ce qui précède, le Tribunal conclut que le prestataire n’a pas accumulé suffisamment d'heures d’emploi assurable pour être admissible à des prestations d’AE.

[39] Par conséquent, le Tribunal conclut que le prestataire n’a pas suffisamment d’heures d’emploi assurable pour établir une période de prestations en vertu du paragraphe 7(2) de la Loi sur l’AE.

Conclusion

[40] L’appel est rejeté.

Annexe

  1. 7 (1) Les prestations de chômage sont payables, ainsi que le prévoit la présente partie, à un assuré qui remplit les conditions requises pour les recevoir.
  2. (2) L’assuré remplit les conditions requises si, à la fois :
    1. a) il y a eu arrêt de la rémunération provenant de son emploi;
    2. b) il a, au cours de sa période de référence, exercé un emploi assurable pendant au moins le nombre d’heures indiqué au tableau qui suit en fonction du taux régional de chômage qui lui est applicable.
Tableau
Taux régional de chômage Nombre d’heures d’emploi assurable requis au cours de la période de référence
6 % et moins 700
plus de 6 % mais au plus 7 % 665
plus de 7 % mais au plus 8 % 630
plus de 8 % mais au plus 9 % 595
plus de 9 % mais au plus 10 % 560
plus de 10 % mais au plus 11 % 525
plus de 11 % mais au plus 12 % 490
plus de 12 % mais au plus 13 % 455
plus de 13 % 420
  1. 8 (1) Sous réserve des paragraphes (2) à (7), la période de référence d’un assuré est la plus courte des périodes suivantes :
    1. a) la période de cinquante-deux semaines qui précède le début d’une période de prestations prévue au paragraphe 10(1);
    2. b) la période qui débute en même temps que la période de prestations précédente et se termine à la fin de la semaine précédant le début d’une période de prestations prévue au paragraphe 10(1).
  2. (2) Lorsqu’une personne prouve, de la manière que la Commission peut ordonner, qu’au cours d’une période de référence visée à l’alinéa (1)a) elle n’a pas exercé, pendant une ou plusieurs semaines, un emploi assurable pour l’une ou l’autre des raisons ci-après, cette période de référence est prolongée d’un nombre équivalent de semaines :
    1. a) elle était incapable de travailler par suite d’une maladie, d’une blessure, d’une mise en quarantaine ou d’une grossesse prévue par règlement;
    2. b) elle était détenue dans une prison, un pénitencier ou une autre institution de même nature et n’a pas été déclarée coupable de l’infraction pour laquelle elle était détenue ni de toute autre infraction se rapportant à la même affaire;
    3. c) elle recevait de l’aide dans le cadre d’une prestation d’emploi;
    4. d) elle touchait des indemnités en vertu d’une loi provinciale du fait qu’elle avait cessé de travailler parce que la continuation de son travail la mettait en danger ou mettait en danger son enfant à naître ou l’enfant qu’elle allaitait.
  3. 10 (4) Lorsque le prestataire présente une demande initiale de prestations après le premier jour où il remplissait les conditions requises pour la présenter, la demande doit être considérée comme ayant été présentée à une date antérieure si le prestataire démontre qu’à cette date antérieure il remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations et qu’il avait, durant toute la période écoulée entre cette date antérieure et la date à laquelle il présente sa demande, un motif valable justifiant son retard.
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