Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Motifs et décision

Comparutions

L’appelant a assisté à l’audience le 8 février 2017 et il était accompagné de « A.S. », interprète.

Personne d’autre n’était présent.

Décision

[1] Le Tribunal estime que la Commission a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite.

[2] Par conséquent, l’appel est rejeté.

Introduction

[3] L’appelant a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi le 15 juin 2015 (GD3-12). La demande de prestations a pris effet le 7 juin 2015 (GD4-1).

[4] Le 5 août 2015, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission ou intimée) a statué qu’elle ne pouvait pas verser des prestations d’assurance-emploi à l’appelant parce que celui-ci a perdu son emploi en raison de son inconduite (GD3-18).

[5] Le 22 septembre 2015, la Commission a révisé sa décision à la suite de la demande de l’appelant et elle a décidé de maintenir sa décision originale (GD3-33).

[6] L’appelant a interjeté appel de la décision rendue au terme de la révision au Tribunal de la sécurité sociale le 4 juillet 2016 (GD2), soit après le délai de prescription fixé au paragraphe 52(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS).

[7] L’appelant a également présenté une copie de la décision découlant de la révision de la Commission qui a été rendue le 4 août 2016, soit quelques semaines après la demande formulée par le Tribunal de la sécurité sociale (GD2A).

[8] Par la voie d’une décision interlocutoire datée du 25 octobre 2016, la Tribunal a accordé à l’appelant une prorogation de délai et a autorisé l’instruction de l’appel.

Mode d’audience

[9] L’audience a été tenue dans le cadre d’une téléconférence pour les raisons inscrites dans l’avis d’audience daté du 23 décembre 2016.

Question en litige

[10] Il s’agit de déterminer si l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite au titre du paragraphe 30(1) de la Loi sur l’assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23, (Loi).

Preuve

Demande de prestations (GD3-2 à GD3-12)

[11] L’appelant a travaillé pour « A.U. » (employeur) du 2 mai 2011 au 2 juin 2015 en tant que [traduction] « conducteur de véhicule motorisé ». On ne savait pas si l’appelant allait retourner travailler pour l’employeur. L’appelant ne travaillait plus en raison d’une pénurie de travail (GD3-5).

Demande de révision (13 août 2015, GD3-22)

[12] L’appelant a perdu son permis en raison d’une décision d’un tribunal, qui a retiré son permis pour une période de trois mois.

[13] L’employeur était au courant de cela depuis le début de l’infraction. J.A. (directeur général à l’époque) a informé qu’il donnerait à l’appelant un autre poste au sein de l’entreprise.

[14] L’employeur (N.N.) a présenté une lettre au tribunal selon laquelle l’appelant [traduction] « était un élément clé dans le cadre des activités quotidiennes du département des ventes et du service ».

[15] L’appelant a été surpris lorsqu’il a appris que l’employeur a dit qu’il a été congédié pour inconduite. L’appelant a même travaillé pour l’employeur en effectuant d’autres tâches qui n’exigeaient pas la possession d’un permis de conduire jusqu’au 2 juin 2015. L’employeur a déclaré qu’il mettrait l’appelant à pied jusqu’à ce que celui-ci récupère son permis. Cela prouve qu’il y avait d’autres travaux pour l’appelant qui n’exigeaient pas la possession d’un permis de conduire ou que l’appelant n’avait pas besoin d’un permis de conduire pour continuer de travailler chez l’employeur.

[16] Ce n’est que trois semaines plus tard, lorsque l’appelant a parlé à la Commission, que celui-ci a appris qu’il avait été congédié de son emploi.

Avis d’appel

[17] L’appelant a déclaré à GD2-4 qu’il a reçu la décision découlant de la révision de la Commission rendue le 22 septembre 2015 et qu’il a présenté son avis d’appel en retard en raison d’une barrière linguistique et du fait qu’il avait besoin de l’aide d’un intervenant pour remplir sa demande précédente (demande de révision) et qu’il ne pouvait pas se permettre de payer l’intervenant à nouveau pour présenter l’avis d’appel.

[18] L’appelant a également déclaré que l’employeur était au courant que l’appelant avait perdu son permis de conduire quatre ou cinq ans auparavant. Il a également continué de travailler pour l’employeur pendant plus d’une semaine après la suspension de son permis. Après avoir travaillé pendant une semaine, il a été privé de son emploi.

Lettre de l’employeur (N.N.) datée du 11 avril 2013 (GD3-24)

[19] L’appelant travaille pour le groupe de l’employeur depuis 2008 et il a transféré au bureau de l’employeur en 2011.

[20] L’appelant a occupé un poste à temps plein à titre de [traduction] « gestionnaire de cour » et il était un [traduction] « élément clé des activités quotidiennes du département des ventes et du service ». Les tâches de l’appelant comprenaient la collecte de voiture chez d’autres concessionnaires, l'organisation du parc automobile et la coordination de la livraison des véhicules vendus avec le département des ventes.

[21] Toutes les tâches mentionnées ci-dessus demandent que l’appelant possède un permis de conduire valide en tout temps, et l’appelant ne pourrait pas travailler sans ce permis.

Relevé d’emploi

[22] Selon le relevé d’emploi (RE), daté du 9 juin 2015, l’appelant a travaillé pour l’employeur du 1er mars 2015 au 2 juin 2015 comme [traduction] « conducteur ». La raison de la délivrance du relevé d’emploi était [traduction] « congédiement » et le code « M » (GD3-14).

Conversations de la Commission avec l’Employeur

[23] « Z.H. », teneur de comptes / comptable, l’appelant était un bon employé et travaillait bien. Le congédiement a été causé par la perte du permis de conduire, qui était essentiel pour exécuter les fonctions de son emploi. Aucun autre poste n’était vacant. L’appelant a travaillé pour l’employeur pendant plusieurs années. Le 1er mars 2015, l’employeur est devenu une nouvelle personne morale. C’est la raison pour laquelle le RE avait une date de début différente (notes de la Commission, 3 juillet 2015, GD3-15).

[24] « F.T. », directeur, a informé que le travail continu de l’appelant était temporaire et qu’il a principalement effectué du travail de bureau ou [traduction] « travaillé de l’intérieur ». L’appelant ne conduisait pas dans le stationnement à ce moment-là, car il n’était pas en mesure de le faire. L’employeur a consulté l’avocat de l’entreprise, et il lui a été dit que l’appelant ne pouvait pas faire cela. F.T. a déclaré avoir informé l’appelant que l’employeur ferait tout en son pouvoir pour le garder. L’employeur a été incapable de le garder plus d’une semaine et demie. Il était prêt à la reprendre une fois qu’il aurait récupéré son permis. L’appelant aurait dû munir sa voiture d’un antidémarreur éthylométrique, alors l’employeur ne pouvait pas le reprendre pour l’instant. F.T. a ajouté que même les réceptionnistes devaient posséder un permis de conduire. L’appelant a travaillé comme [traduction] « conducteur » et il devait posséder un permis de conduire. L’appelant travaillait bien, il effectuait d’autres tâches et il allait obtenir les permis pour les nouvelles voitures. L’employeur a fait de son mieux pour le garder. L’appelant a été remplacé par un autre employé qui possédait un permis de conduire. L’employeur ne pouvait pas créer un autre poste. F.T. a ensuite déclaré que, même s’il a discuté avec l’appelant, celui-ci déclaré qu’il s’agissait de Monsieur A. (notes de la Commission, 21 et 22 septembre 2015, GD3-30).

Conversations de la Commission avec l’appelant

[25] En réponse aux demandes de renseignements de la Commission au sujet de son congédiement et de sa conduite, l’appelant a déclaré qu’il pensait qu’il avait seulement été mis à pied. Le dernier jour de travail de l’appelant a été le 2 juin 2015 (notes de la Commission, 10 juillet 2015, GD3-16).

[26] L’appelant a perdu son permis de conduire le 22 mai 2015. Celui-ci était suspendu pendant une période de trois mois en raison d’un incident ayant eu lieu quatre ans auparavant. L’appelant s’est déplacé d’un concessionnaire à l’autre au nom de l’employeur pendant cinq ans. Il pensait qu’il serait mis à pied (notes de la Commission, 13 juillet 2015, GD3-17).

[27] Le représentant de l’appelant a informé la Commission que celui-ci s’est fait offrir un autre poste pendant une semaine et demie. On devrait lire [traduction] « mise à pied » dans le RE, car l’appelant a continué de travailler chez l’employeur. L’incident d’alcool au volant s’est produit en 2013. Le permis de l’appelant a été suspendu en mai 2015 (notes de la Commission, 16 septembre 2015, GD3-29).

Témoignage à l’audience

[28] L’appelant a témoigné par voie d’affirmation solennelle.

[29] A.S. a affirmé solennellement qu’il interpréterait de l’anglais au tamoul et du tamoul à l’anglais au meilleur de ses capacités.

[30] L’appelant a déclaré avoir travaillé pendant quatre ans chez l’employeur à titre de conducteur de voitures avant que son permis soit suspendu et avant qu’il soit congédié. Il a affirmé que son permis a été suspendu en mai 2015.

[31] L’appelant a déclaré que l’incident à l’origine des accusations s’est produit en 2010. L’appelant a déclaré que son permis avait été suspendu pendant trois mois et qu’il devait également se faire installer un antidémarreur éthylométrique dans sa voiture pour une période d’un an.

[32] L’appelant a répété ses arguments et la preuve versés au dossier. Il a mis l’accent sur le fait qu’il a travaillé chez l’employeur pendant une semaine et demie avant d’être congédié. L’appelant a également déclaré qu’il pensait vraiment que l’employeur le garderait et qu’il occuperait d’autres fonctions. Il a expliqué qu’il était très choqué et déçu lorsqu’il a perdu son emploi. L’appelant a déclaré qu’il serait parti travailler ailleurs s’il avait su à l’avance que l’employeur ne le garderait pas.

[33] L’appelant a déclaré qu’il ne travaille pas chez l’employeur à l’heure actuelle.

Observations

[34] L’appelant a soutenu ce qui suit :

  1. l’appelant a présenté l’avis d’appel en retard en raison d’une barrière linguistique et du fait qu’il avait besoin de l’aide d’un intervenant et qu’on ne lui en a pas offert un (GD2-4);
  2. l’appelant n’a pas perdu son emploi en raison de son inconduite (GD2; GD3);
  3. le RE aurait dû mentionner une mise à pied, car l’appelant n’a pas été congédié pour inconduite (GD2, GD3-29);
  4. la possession d’un permis de conduire n’était pas une condition essentielle de l’emploi de l’appelant parce que celui-ci a occupé d’autres fonctions chez l’employeur pendant une semaine et demie après la suspension de son permis (GD3-29, GD2, GD3-22, témoignage);
  5. l’appelant a continué de travailler chez l’employeur pendant une semaine et demie, et l’employeur a rédigé une lettre de référence pour l’appelant, ce qui prouve qu’il n’y a eu aucune inconduite (GD3);
  6. l’employeur savait depuis au moins 2013 que le permis de conduire de l’appelant serait suspendu et il s’est engagé à conserver l’emploi de l’appelant en cas de suspension (GD3-29, GD2, GD3-22, témoignage).

[35] L’intimée a fait valoir que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite en invoquant les motifs suivants :

  1. Selon le paragraphe 30(2) de la Loi, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations pour une période indéterminée s’il perd son emploi en raison de son inconduite. Pour que la conduite en question puisse constituer de l’inconduite au sens de l’article 30 de la Loi, elle doit être volontaire ou délibérée, ou résulter d’une insouciance telle qu’elle frôle le caractère délibéré. Il doit également y avoir une relation de cause à effet entre l’inconduite et le congédiement et l’inconduite doit constituer un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travail du prestataire. (Lemire, 2010 CAF 314; Mishibinijima, 2007 CAF 96) (GD4-3, GD4-4 et GD4-5).
  2. La décision d’exclure une personne des prestations dans cette circonstance peut seulement être rendue si la Commission peut répondre par l’affirmative aux deux questions concernant l’inconduite : [traduction] « Les renseignements versés au dossier appuient-ils la conclusion que l’appelant a commis des actions ou des omissions définies par l’interprétation donnée du mot "inconduite" », et [traduction] « Les renseignements appuient-ils la conclusion que l’appelant a perdu son emploi en raison de ses actions ou de ses omissions? »(GD4-3).
  3. Les renseignements versés au dossier démontrent que la Commission peut répondre par l’affirmative aux deux questions (GD4-3).
  4. Il existe une preuve claire selon laquelle l’appelant a été congédié parce que son permis de conduire a été suspendu et qu’il ne pouvait pas effectuer les tâches relatives à son poste sans ce permis (GD4-3).
  5. Étant donné que l’appelant conduisait un véhicule au travail, il aurait dû savoir qu’il avait besoin de son permis de conduire pour effectuer les tâches liées à son poste (GD4-3).
  6. En [traduction] « commettant un geste ayant causé la suspension de son permis de conduire, l’appelant s’est mis dans une position où il ne respecte plus les conditions établies pour le poste qu’il occupe » (GD4-3).
  7. De multiples actions ou omissions peuvent se voir attribuer le qualificatif d’inconduite dans le sens où ces agissements s’avèrent incompatibles avec les visées d’un contrat de travail, entrent en conflit d’intérêts avec les activités de l’employeur ou portent atteinte à la relation de confiance entre les parties. Il en est de même d’une violation d’une loi, d’un règlement ou d’une règle de déontologie et qui fait en sorte qu’une condition essentielle de l’emploi cesse d’être satisfaite et entraîne le congédiement. La personne qui, en raison d’une condition d’emploi exigeant la possession d’un permis de conduire, perd son permis et son emploi par conséquent serait passible d’exclusion des prestations (GD4-3).
  8. Étant donné que l’appelant conduisait d’un concessionnaire à l’autre, un permis de conduire valide était une condition essentielle de l’emploi (GD4-4).
  9. Il existe une preuve claire selon laquelle la raison du congédiement était la suspension du permis de conduire de l’appelant (GD4-4).
  10. La Commission comprend que l’appelant était un bon employé, mais cela ne change pas le fait que l’appelant a perdu son emploi en raison de la suspension de son permis de conduire (GD4-4).
  11. Le fait que l’employeur a donné du travail à l’appelant pendant une semaine et demie supplémentaire n’invalide pas la vraie raison de sa perte d’emploi (GD4-4).
  12. Si l’appelant n’avait pas perdu son permis de conduire, il serait encore employé, et on ne lui aurait pas affecté un travail temporaire (GD4-4).
  13. L’employeur devait remplacer le poste de l’appelant que celui-ci ne pouvait plus occuper (GD4-4).
  14. Lorsqu’un employé perd son emploi en raison du fait qu’il n’est plus capable de travailler en raison de la suspension de son permis parce qu’il a omis de payer une pension alimentaire ordonnée par la cour, il perd son emploi en raison d’une inconduite. Le défaut d’obtempérer constitue une inconduite au sens de la Loi (Churchi, A-666-02; Desson [A-78-04][GD4-5]).
  15. [traduction] « Si les employés qui perdaient leur permis de conduire et, par conséquent, leur emploi en raison d’un défaut d’obtempérer inexcusable ou injustifiable à une ordonnance légale de payer une amende afin d’être admissible aux prestations régulières d’assurance-emploi, cela modifierait de façon fondamentale la nature et les principes du régime d’assurance-emploi et la Loi. »
  16. Même si les décisions Churchi (A-666-02), Desson (A-78-04) et Neveu (A-72-04) s’appliquent seulement à une situation très précise dans laquelle la perte du permis de conduire entraîne l’inobservation d’une ordonnance légale d’un tribunal, elles sont importantes à savoir si le tribunal établit clairement ce qui constitue une inconduite au sens de la Loi dans de telles situations (GD4-5).

Analyse

Critère d’inconduite

[36] Conformément au paragraphe 30(1) de la Loi, un prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification.

[37] La Loi ne définit pas la notion d’inconduite. Le critère à appliquer dans les cas d’inconduite consiste à déterminer si l’acte reproché était volontaire ou procédait à tout le moins d’une insouciance ou d’une négligence telle que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement fait abstraction des conséquences que ses actes auraient sur son rendement au travail (Tucker A-381-85) ou qu’il ne répondait pas à une norme que l’employeur avait le droit d’exiger de ses employés (Brisette A-1342-92, [1994] 1 CF 684). Pour que l’acte reproché soit considéré comme un acte d’« inconduite » au sens de la Loi, il faut qu’il ait un caractère volontaire ou délibéré ou qu’il procède d’une insouciance ou d’une négligence telle qu’il frôle le caractère délibéré (Mackay-Eden A‑402-96; Tucker A-381-85).

[38] L’inconduite peut se manifester par une violation de la loi, d’un règlement ou d’une règle de déontologie, et il doit être démontré que la conduite reprochée constitue un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travail et que ce manquement est d’une portée telle que son auteur pouvait normalement prévoir qu’il serait susceptible de provoquer son congédiement (Brisette; Nolet A-517-91; Langlois A-94-95).

[39] Il doit également être établi que l’inconduite a été la cause du congédiement de l’appelant (Cartier A-168-00; Namaro A-834-82). En fait, il faut que l’inconduite soit une cause opérante de la perte d’emploi et non un simple prétexte pour justifier le renvoi (Bartone A-369-88; Davlut A-241-82, [1983] C.S.C.R 398; McNamara A-239-06, 2007 CAF 107; CUB 38905; 1997).

[40] À cet égard, il incombe à la Commission de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite (Larivee,2007 CAF 312, Falardeau,A-396-85).

[41] En ce qui a trait à la question de savoir si le congédiement de l’appelant était une sanction appropriée, la Commission, le Tribunal et la cour ne sont pas en mesure d’évaluer ou d’examiner la sévérité de la sanction imposée par l’employeur. La seule question sur laquelle le Tribunal doit statuer est de savoir si la conduite reprochée constitue une « inconduite » au sens de l’article 30 de la Loi (Secours,A-352-94, [2002] ACF 711 (Cour d’appel fédérale); Marion,2002 CAF 185, A-135-01; Jolin 2009 CAF 303; Roberge,2009 CAF 336; Lemire,2010 CAF 314).

[42] À ce titre, le Tribunal doit se demander s’il a clairement été établi, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelant a contrevenu à une règle ou à une norme établie par l’employeur ou a, en quelque sorte, enfreint une condition d’emploi explicite ou implicite (Tucker,A-381-85).

Conclusions de fait

[43] Le Tribunal estime que l’appelant a perdu son permis le 22 mai 2015 en raison d’une décision d’un tribunal qui a suspendu son permis pendant trois mois (GD3-22, témoignage). Toujours selon l’ordonnance du tribunal, l’appelant devait se faire installer un antidémarreur éthylométrique dans son véhicule pendant une période d’un an (témoignage, GD3-30). L’appelant a travaillé comme conducteur pendant environ quatre ans chez l’employeur jusqu’à ce que son permis soit suspendu. L’appelant devait posséder un permis de conduire valide pour occuper le poste de [traduction] « conducteur » (GD3-24).

[44] L’appelant a déclaré à l’employeur que, après avoir été accusé (en 2010), il y avait un risque que son permis soit suspendu. L’employeur a déclaré qu’il s’efforcerait de conserver l’emploi de l’appelant malgré la suspension du permis.

[45] Après la suspension du permis de l’appelant en mai 2015, l’employeur a tenté de garder l’appelant et de lui assigner un rôle différent dans le cadre duquel un permis n’était pas exigé. Cependant, cette tentative a seulement duré une semaine et demie.

[46] Même si l’appelant ne conteste pas la conduite reprochée (la déclaration de culpabilité ayant mené à la suspension du permis de l’appelant), celui-ci fait valoir qu’il était un employé modèle chez l’employeur et que la conduite reprochée a été commise avant qu’il occupe l’emploi duquel il a été congédié et que cette conduite n’était pas liée à son emploi.

Nature de la conduite reprochée

[47] Le Tribunal estime que l’observation de l’appelant, selon laquelle il ne devrait pas être pénalisé pour une conduite antérieure, est logique. Le Tribunal éprouve également de l’empathie pour l’appelant étant donné que celui-ci n’a pas été embauché de nouveau pas l’employeur et qu’il semblait être très satisfait au travail.

[48] Le Tribunal estime que, même si l’inconduite en question n’a pas un lien direct avec l’emploi dont l’appelant a été congédié, le tribunal a imposé la suspension d’un permis en raison de l’inconduite antérieure de l’appelant (les accusations qui ont mené à la déclaration de culpabilité de l’appelant), et cela a rapproché la cessation d’emploi à l’inconduite antérieure, car cela l’a rendu incapable de satisfaire à une condition de son emploi (Brisette, [1994] 1 C.F. 684 (C.A.), A-1342-92; CUB 65001).

[49] À cet égard, le Tribunal estime qu’on peut dire que l’appelant a commis délibérément des actes en conséquence desquels il est incapable de continuer de détenir son emploi, et ce, malgré le fait que l’inconduite adjacente ne s’est pas réellement produite sur le lieu d’emploi (Brisette, [1994] 1 C.F. 684 (C.A.); CUB 75959; CUB 79422, 2012).

[50] Autrement dit, l’inconduite est à l’essence des limitations imposées par un tribunal, ce qui a fait en sorte que l’appelant a été incapable de détenir son emploi. L’acte répréhensible de l’appelant est en fin de compte à l’origine des limitations imposées par un tribunal. Le fait que l’appelant était incapable d’assumer les fonctions de son emploi et de respecter les normes établies à son égard en raison de son inconduite du passé est à l’origine de la cessation. Selon la jurisprudence, il s’agit en soi d’une inconduite (Brisette, [1994] 1 C.F. 684 (C.A.); Lemire, 2010 CAF 314; CUB 80483, 2013; CUB 80208, 2012).

[51] Le Tribunal souligne également qu’une conclusion selon laquelle il n’y a aucune inconduite en l’espèce serait défavorable à l’objectif, aux politiques publiques et aux principes de la Loi et du régime d’assurance-emploi (Wasylka, 2004 CAF 219; Neveu, 2004 CAF 362).

[52] Comme a conclu la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Wasylka,2004 CAF 219 :

Il existe une jurisprudence volumineuse selon laquelle lorsqu’un employé, par ses propres gestes équivalant à une inconduite, fait en sorte qu’il n’est plus en mesure de s’acquitter des fonctions qui lui incombent en vertu du contrat d’emploi et perd de ce fait son emploi, il _ ne peut faire assumer par d’autres le risque de son chômage, pas plus que celui qui quitte son emploi volontairement _ : voir Canada (Procureure générale) c. Brissette, 1993 CanLII 3020 (CAF), [1994] 1 C.F. 684; Procureure générale du Canada c. Lavallée, 2003 CAF 255 (CanLII), 2003 C.A.F. 255, au paragraphe 10, suivi dans l’arrêt Procureur général du Canada c. Borden, 2004 CAF 176 (CanLII), 2004 C.A.F. 176, rendu le 28 avril 2004.

[53] Dans un même ordre d’idées, dans l’affaire Brisette, [1994] 1 C.F. 684 (C.A.), la Cour d’appel fédérale (a cité la déclaration du juge Pratte dans l’affaire Tanguay (1985), 10 C.C.E.L. 239 (CAF) et) a conclu que l’exclusion pour inconduite selon la loi [traduction] « est une disposition importante d’une loi qui établit un système d’assurance contre le chômage et ses termes doivent être interprétés en ayant égard à l’obligation qui pèse normalement sur tout assuré de ne pas provoquer délibérément la réalisation du risque ».

La conduite était-elle suffisamment prévisible?

[54] En ce qui concerne l’élément de prévisibilité, l’appelant savait ou aurait dû savoir que, en commettant les actes pour lesquels il a été déclaré coupable, cette conduite aurait des répercussions, y compris de possibles difficultés à conserver son permis ainsi qu’à obtenir et à conserver un emploi futur. À cet égard, il serait possible de dire que l’appelant aurait volontairement ignoré les effets qu’auraient ses actes sur son rendement au travail (Tucker, A-381-85) ou des normes que l’employeur avait le droit d’exiger (Brisette, [1994] 1 C.F. 684 (C.A.); Lemire, 2010 CAF 314).

[55] Pour ces motifs, le Tribunal estime que l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite l’aurait rendu incapable de satisfaire à une condition essentielle de son emploi ou qu’elle aurait autrement mené à la perte de son emploi (Nolet, A-517-91; Langlois, A‑94-95; Lemire, A-51-10, 2010 CAF 314).

La conduite a-t-elle causé la perte d’emploi?

[56] En ce qui concerne l’argument de l’appelant selon lequel l’employeur a affirmé qu’il conserverait l’emploi de l’appelant dans d’autres fonctions si le permis de celui-ci était suspendu et le fait que l’appelant a assumé d’autres fonctions pendant une semaine et demie, le Tribunal estime que, même si le dernier poste occupé par l’appelant n’aurait pas nécessité la possession d’un permis valide, la raison pour laquelle l’appelant a perdu sa sécurité d’emploi et pour laquelle il s’est finalement retrouvé au chômage était la suspension de son permis de conduire.

[57] À cet égard, le Tribunal estime que les limitations imposées par un tribunal découlent de l’inconduite de l’appelant et que celle-ci a été la cause principale du congédiement de l’appelant (Brissette, [1994] 1 C.F. 684 (C.A.); Cartier, A-168-00; Namaro, A-834-82; McNamara, 2007 CAF 107, CUB 38905, 1997).

Conclusion

[58] Pour les motifs susmentionnés, l’appel est rejeté.

Annexe

Droit applicable

29 Pour l’application des articles 30 à 33 :

  1. a) « emploi » s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
  2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;
  3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
    1. (i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin,
    2. (ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre,
    3. (iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert;
  4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
    1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
    2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
    3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
    4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
    5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
    6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
    7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
    8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
    9. (ix) modification importante des fonctions,
    10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
    11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
    12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
    13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
    14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement. »

30 (1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :

  1. a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
  2. b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

(2) L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.

(3) Dans les cas où l’événement à l’origine de l’exclusion survient au cours de sa période de prestations, l’exclusion du prestataire ne comprend pas les semaines de la période de prestations qui précèdent celle où survient l’événement.

(4) Malgré le paragraphe (6), l’exclusion est suspendue pendant les semaines pour lesquelles le prestataire a autrement droit à des prestations spéciales.

(5) Dans les cas où le prestataire qui a perdu ou quitté un emploi dans les circonstances visées au paragraphe (1) formule une demande initiale de prestations, les heures d’emploi assurable provenant de cet emploi ou de tout autre emploi qui précèdent la perte de cet emploi ou le départ volontaire et les heures d’emploi assurable dans tout emploi que le prestataire perd ou quitte par la suite, dans les mêmes circonstances, n’entrent pas en ligne de compte pour l’application de l’article 7 ou 7.1.

(6) Les heures d’emploi assurable dans un emploi que le prestataire perd ou quitte dans les circonstances visées au paragraphe (1) n’entrent pas en ligne de compte pour déterminer le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées, au titre du paragraphe 12(2), ou le taux de prestations, au titre de l’article 14.

(7) Sous réserve de l’alinéa (1)a), il demeure entendu qu’une exclusion peut être imposée pour une raison visée au paragraphe (1) même si l’emploi qui précède immédiatement la demande de prestations — qu’elle soit initiale ou non — n’est pas l’emploi perdu ou quitté au titre de ce paragraphe.

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