Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision



Motifs et décision

Comparutions

[1] L’appelante, madame E. L., était absente lors de l’audience tenue par vidéoconférence le 24 février 2017.

[2] Un avis d’audience a été envoyé à l’appelante, en date du 24 janvier 2017, pour l’informer de la tenue de l’audience du 24 février 2017 (pièces GD1-1 à GD1-4). Une preuve de livraison de l’avis d’audience adressé à l’appelante, en date du 26 janvier 2017, a été transmise au Tribunal de la sécurité sociale du Canada (le « Tribunal »), le 9 février 2017.

[3] Convaincu que l’appelante a été avisée de la tenue de l’audience du 24 février 2017, le Tribunal a procédé en son absence, comme le permet l’article 12 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, dans une telle situation. Le Tribunal a attendu plus de 30 minutes après le début de l’audience du 24 février 2017 afin de s’assurer de la présence de l’appelante. Malgré cette période d’attente, l’appelante n’a pas signifié sa présence. Avant la tenue de l’audience, le Tribunal n’a pas reçu d’avis de la part de l’appelante indiquant qu’elle n’allait pas être en mesure d’être présente.

[4] L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la « Commission ») était absente lors de l’audience.

Introduction

[5] Le 31 mars 2016, l’appelante a présenté une demande initiale de prestations ayant pris effet le 27 mars 2016. L’appelante a déclaré avoir travaillé pour l’employeur Place Lacordaire inc., du 12 juillet 2015 au 17 février 2016 inclusivement, et avoir cessé de travailler pour cet employeur en raison d’un congédiement ou d’une suspension (pièces GD3-3 à GD3-14).

[6] Le 26 avril 2016, la Commission a informé l’appelante qu’elle n’avait pas droit aux prestations régulières de l’assurance-emploi, à partir du 14 février 2016, car elle a cessé de travailler pour l’employeur Place Lacordaire inc., le 14 février 2016, en raison de son inconduite (pièces GD3-27 et GD3-28).

[7] Le 29 avril 2016, l’appelante a présenté une Demande de révision d’une décision d’assurance-emploi (pièces GD3-29 et GD3-30).

[8] Le 2 juin 2016, la Commission a avisé l’appelante qu’elle maintenait la décision rendue à son endroit le 26 avril 2016 (pièces GD3-37 et GD3-38).

[9] Le 2 juin 2016, la Commission a informé l’employeur Place Lacordaire inc. qu’elle avait maintenu la décision rendue à l’endroit de l’appelant, en date du 26 avril 2016, au sujet de la perte de son emploi en raison de son inconduite (pièces GD3-39 et GD3-40).

[10] Le 16 juin 2016, l’appelante a présenté un avis d’appel auprès de la Section de l’assurance-emploi de la Division générale du Tribunal (pièces GD2-1 à GD2-3).

[11] Le 4 juillet 2016, en réponse à une demande formulée en ce sens par le Tribunal, en date du 17 juin 2016, l’appelante a transmis à cette instance une copie de la décision de révision qui fait l’objet de l’appel (pièce GD2A-1).

[12] Le 5 juillet 2016, le Tribunal a informé l’employeur Place Lacordaire inc. que s’il voulait être ajouté à titre de « personne mise en cause » dans le présent dossier, il devait déposer une demande à cet effet, au plus tard le 20 juillet 2016 (pièces GD5-1 et GD5-2). L’employeur n’a pas donné suite à cette lettre.

[13] Cet appel a été instruit selon le mode d’audience vidéoconférence pour les raisons suivantes :

  1. La disponibilité de la vidéoconférence dans la localité où habite l’appelante ;
  2. Ce mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Question en litige

[14] Le Tribunal doit déterminer si l’appelante a perdu son emploi en raison de son inconduite, en vertu des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi »).

Preuve

[15] Les éléments de preuve contenus dans le dossier sont les suivants :

  1. Un relevé d’emploi, en date du 7 mars 2016, indique que l’appelante a travaillé à titre de préposée aux résidants pour l’employeur Place Lacordaire inc., du 12 juillet 2015 au 14 février 2016 inclusivement, et qu’elle a cessé de travailler pour cet employeur en raison d’un congédiement (code M – congédiement), (pièce GD3-15) ;
  2. Le 19 avril 2016, l’employeur (madame V. C., directrice) a expliqué que l’appelante a utilisé un langage abusif et intimidant à l’endroit de ses collègues de travail. Il a précisé que l’appelante a reçu un avis écrit et que celle-ci a été suspendue à deux reprises. L’employeur a précisé qu’à la suite d’une dispute survenue le 29 décembre 2015, au cours de laquelle l’appelante a utilisé un langage abusif à l’endroit de collègues de travail, celle-ci a alors été suspendue le 2 janvier 2016 et le 3 janvier 2016. Il a indiqué que le 7 février 2016, l’appelante a utilisé un langage inapproprié, accompagné d’un ton de voix élevé, et qu’elle a alors été suspendue à compter du 16 février 2016, et ce, pour une durée indéterminée. L’employeur a expliqué avoir ensuite tenté de communiquer avec l’appelante, à quatre reprises, afin de la réintégrer, mais que celle-ci n’a jamais retourné les appels. Il a précisé avoir congédié l’appelante pour cette raison, le 11 mars 2016 (pièce GD3-16) ;
  3. Le 20 avril 2016, l’employeur (madame V. C.) a expliqué avoir congédié l’appelante parce que celle-ci n’a pas retourné les appels qu’il lui a faits, à la suite de la deuxième suspension qui lui a été imposée le 16 février 2016. L’employeur a expliqué avoir suspendu l’appelante principalement en raison de sa mauvaise façon de communiquer avec ses collègues. L’employeur a précisé que l’événement déclencheur de la deuxième suspension imposée à l’appelante a été une altercation que cette dernière a eue avec une collègue de travail, et non pas en raison d’un problème de procédure non respectée, bien qu’un événement ait eu lieu à cet effet (pièce GD3-21) ;
  4. Le 21 avril 2016, l’appelante a transmis à la Commission une copie de la lettre que lui a adressée l’employeur (avis disciplinaire avec suspension indéterminée pour mauvaise conduite et faute grave), en date du 17 février 2016 (la lettre a été envoyée à l’appelante par courrier recommandé le 24 février 2016). Dans cette lettre, l’employeur a indiqué avoir reçu, en date du 8 février 2016, une autre plainte officielle pour du harcèlement et des propos menaçants tenus par l’appelante à l’endroit d’un autre employé. L’employeur a expliqué qu’en janvier 2016, pendant un de ses quarts de travail, l’appelante a eu une altercation avec une collègue de travail (ex. : ton très élevé employé par l’appelante, intimidation intentionnelle de sa part, utilisation de termes non respectueux, de propos menaçants, vexatoires et dégradants par l’appelante). Il a aussi mentionné qu’une altercation s’est produite avec une infirmière auxiliaire au sujet du transfert à l’hôpital. L’employeur a indiqué à l’appelante qu’elle était suspendue, sans traitement, pour une période indéterminée, jusqu’à nouvel ordre. Il a précisé qu’il allait informer l’appelante de la décision finale qui allait être prise à son endroit (pièces GD3-24 à GD3-26) ;
  5. Le 26 mai 2016, l’employeur (madame V. C.) a expliqué que l’appelante a été congédiée parce qu’à la suite de la suspension qui lui a été imposée le 17 février 2016, l’appelante n’a pas retourné les appels du coordonnateur (service de soins), monsieur M. E., au sujet de sa réintégration au travail. L’employeur a précisé que l’appelante ne voulait pas travailler avec le coordonnateur en question, mais que celui-ci était parti entre temps, et qu’il n’était plus à son emploi. L’employeur a indiqué que l’appelante a eu des conflits avec d’autres employés, qu’elle a reçu des avertissements et des avis disciplinaires à cet effet, en raison de son comportement inacceptable. L’employeur a expliqué avoir rencontré l’appelante le 29 avril 2016 afin de lui donner une autre chance et de lui offrir de la réintégrer au travail, à certaines conditions. Il a indiqué que l’appelante allait avoir une nouvelle période de probation étant donné qu’elle a déjà été congédiée. L’employeur a précisé que l’appelante allait être réintégrée selon l’horaire de travail de juin 2016. Il a souligné que l’appelante lui avait demandé de reprendre le travail (pièce GD3-32) ;
  6. Le 19 avril 2016 et le 26 mai 2016, l’employeur a transmis à la Commission une copie des documents suivants :
    1. Lettre de l’employeur (1er avis disciplinaire) adressée à l’appelante, en date du 15 janvier 2016, pour l’aviser qu’elle était suspendue, sans traitement, pour une période de deux jours, parce qu’elle a crié et tenu des propos injurieux à l’endroit d’une collègue de travail et parce qu’elle a eu une altercation verbale avec une autre collègue. Dans cette lettre, l’employeur a indiqué à l’appelante que si les situations mentionnées dans la lettre ne se corrigent pas le plus rapidement possible, à défaut d’acquiescer à cette demande, des mesures disciplinaires plus sévères pourraient être prises à son endroit, pouvant entraîner son congédiement (pièce GD3-17) ;
    2. Lettre de l’employeur (fermeture de dossier) adressée à l’appelante, en date du 11 mars 2016, pour l’aviser qu’elle ne pourra pas être réintégrée dans son poste de travail, en raison de récents événements s’étant déroulés sur une base périodique au cours des six derniers mois. L’employeur a précisé que la dernière journée de travail de l’appelante fut le 16 février 2016, date à laquelle elle avait été suspendue sans traitement et sans date de retour au travail, pour l’étude de son dossier. L’employeur a indiqué avoir ensuite tenté de communiquer avec elle, à quatre reprises, afin de la rencontrer, mais qu’il avait été dans l’impossibilité de la rejoindre. L’employeur a indiqué lui avoir fait parvenir sa cessation d’emploi (pièces GD3-18 et GD3-19) ;
    3. « Entente de retour au travail suite à un congédiement » conclue entre l’employeur et l’appelante, en date du 29 avril 2016. Ce document indique que puisque l’appelante a déjà été congédiée pour des motifs d’attitudes non appropriées, l’employeur accepte son retour au travail selon les conditions suivantes : Respect en tout temps avec les résidents, familles, visiteurs, intervenant du CIUSSS [Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux], collègues de travail et chef d’équipe. Le document précise que lorsque l’appelante n’est pas d’accord avec une situation, elle doit référer à son chef d’équipe et discuter de la situation calmement (pièce GD3-34).
  7. Le 2 juin 2016, l’employeur (madame V. C.) a indiqué que le coordonnateur (service de soins), monsieur M. E. a cessé de travailler le 16 avril 2016. L’employeur a précisé que le premier message (boîte vocale) qu’il a reçu de la part de l’appelante est en date du 14 avril 2016. Il a indiqué avoir donné une suite à ce message le 15 avril 2016 et que l’appelante lui a laissé un autre message quelques jours plus tard. L’employeur a expliqué avoir communiqué avec l’appelante et avoir convenu avec elle d’un rendez-vous le 29 avril 2016 au sujet de sa réintégration au travail. L’employeur a précisé que l’appelante a laissé deux messages dans sa boîte vocale (pièce GD3-35).

[16] Les éléments de preuve présentés à l’audience sont les suivants :

  1. Les deux parties au dossier étaient absentes lors de l’audience et aucun élément de preuve n’a donc été présenté au cours de celle-ci.

Arguments des parties

[17] L’appelante a présenté les observations et les arguments suivants :

  1. Elle a expliqué être en désaccord avec la décision en révision rendue à son endroit par la Commission. L’appelante a soutenu être admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi. Elle a fait valoir que les lettres que l’employeur lui a adressées n’étaient plus valides (pièces GD3-29 à GD3-31) ;
  2. L’appelante a indiqué qu’elle travaillait pour l’employeur Place Lacordaire inc. depuis 2015 (pièce GD2-2) ;
  3. Dans sa demande de prestations, l’appelante a expliqué avoir été congédiée pour ne pas avoir voulu signer une lettre de suspension qui lui était destinée. Elle a expliqué que la lettre de suspension que l’employeur lui a adressée faisait suite à une discussion qu’elle avait eue avec deux collègues de travail. L’appelante a indiqué avoir été convoquée au bureau de l’employeur pour donner sa version des faits, mais que celui-ci avait retenu celle donnée par les deux collègues de travail en question (pièces GD3-7 et GD3-8) ;
  4. Elle a expliqué avoir été suspendue injustement, pendant deux jours, sans traitement. L’appelante a indiqué être ensuite retournée au travail à la suite de sa suspension (pièce GD2-2) ;
  5. L’appelante a précisé s’être disputée avec une collègue de travail, le 29 décembre 2015, et avoir été suspendue, une première fois, en janvier 2016. Elle a indiqué être au courant du premier avis disciplinaire que lui a remis l’employeur et avoir refusé de signer le document en question après avoir consulté les normes du travail (Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail – CNESST), (pièces GD3-7, GD3-8, GD3-17 et GD3-20) ;
  6. Dans une déclaration faite à la Commission, en date du 19 avril 2016, l’appelante a affirmé que l’employeur lui a dit qu’elle était congédiée pour ne pas avoir respecté les procédures lors d’un événement survenu le 7 février 2016 soit, d’avoir appelé une ambulance pour un résident malade. Elle a affirmé ne pas avoir eu de dispute avec une collègue de travail cette journée-là. L’appelante a souligné que le 7 février 2016, il y a eu un problème de procédure et non pas de comportement. Elle a également indiqué que l’employeur lui avait aussi fait savoir qu’il était tanné de ses chicanes et qu’une infirmière ne voulait plus travailler avec elle (pièce GD3-20) ;
  7. Dans son avis d’appel, l’appelante a relaté que le 14 février 2016, un bénéficiaire (résident) s’était plaint de douleurs. L’appelante a indiqué avoir demandé l’aide d’une infirmière, mais que celle-ci avait refusé d’apporter l’aide demandée, car il ne s’agissait pas de l’étage où elle était assignée. L’appelante a affirmé que l’infirmière lui a dit qu’elle devait appeler l’ambulance. L’appelante a indiqué que c’était ce qu’elle avait fait (pièce GD2-2) ;
  8. Dans une déclaration faite à la Commission, en date du 24 mai 2016, l’appelante a expliqué avoir eu un conflit avec une infirmière (I. S.). L’appelante n’a pas précisé la date à laquelle cet événement s’était produit. Elle a expliqué que l’infirmière en question n’avait pas donné suite à la demande qu’elle lui avait faite de venir en aide à un patient. L’appelante a affirmé que l’infirmière lui a dit que ce n’était pas son étage. L’appelante a expliqué qu’il n’y avait pas d’infirmière en poste sur l’étage en question, et qu’un préposé est alors intervenu pour donner le médicament au patient. L’appelante a précisé que pendant la nuit qui a suivi, le patient a demandé de se rendre à l’hôpital. Elle a indiqué avoir à nouveau demandé l’aide de l’infirmière et avoir aussi fait en sorte qu’un transport par ambulance soit demandé pour ce patient, mais que l’infirmière en question lui a de nouveau répondu que ce n’était pas sur son étage. L’appelante a expliqué avoir ensuite demandé au préposé qui avait administré un médicament au patient si, dans le cadre de ses fonctions, elle pouvait demander un transport par ambulance et que celui-ci lui a répondu par l’affirmative. Elle a alors appelé l’ambulance. L’appelante a affirmé que l’infirmière en question lui a crié après lorsqu’elle a constaté l’arrivée de l’ambulance. L’appelante a indiqué avoir ensuite quitté l’étage sur lequel elle se trouvait parce qu’elle n’avait pas aimé l’atmosphère. Dans sa déclaration du 24 mai 2016, l’appelante a aussi indiqué avoir eu un conflit avec une employée (madame S. E.) parce que celle-ci lui avait dit qu’elle ne faisait pas son travail étant donné qu’elle n’avait pas changé tous les patients sous sa responsabilité. L’appelante a affirmé avoir fait tout son travail. L’appelante a aussi indiqué avoir aussi eu un conflit avec une autre employée (madame M. I.). L’appelante a précisé que cette employée s’était plainte parce qu’elle était arrivée au travail plus tard que prévu et parce qu’elle avait téléphoné pendant ses heures de travail (pièce GD3-31) ;
  9. Elle a expliqué que quelques jours après l’événement survenu lorsqu’elle a demandé l’assistance d’une infirmière pour venir en aide à un patient (7 février 2016 ou 14 février 2016), le coordonnateur (service de soins), monsieur M. E. l’a convoquée à son bureau et lui a remis une lettre lui indiquant qu’elle était suspendue pour une durée indéterminée. L’appelante a affirmé que le coordonnateur lui a dit d’attendre l’appel de la directrice (madame V. C.), (pièce GD2-2) ;
  10. Dans une déclaration faite à la Commission, en date du 21 avril 2016, l’appelante a indiqué avoir reçu une lettre de l’employeur (lettre par envoi recommandé), en date du 17 février 2016, l’avisant qu’elle était suspendue (pièce GD3-22). L’appelante a indiqué que cette lettre précise qu’elle était suspendue sans traitement, jusqu’à la fin de l’enquête menée à son endroit par l’employeur et qu’elle allait être avisée de la décision finale qui allait être prise. Elle a précisé que cette lettre ne fait pas mention d’un congédiement (pièces GD3-22 et GD3-23) ;
  11. Dans une déclaration faite à la Commission le 2 juin 2016, l’appelante a affirmé qu’elle savait depuis le 17 février 2016 qu’elle était congédiée, lorsque le coordonnateur lui a remis une lettre de suspension. L’appelante a indiqué qu’elle avait gardé un espoir, car celui-ci lui avait dit qu’elle allait être rappelée (pièce GD3-36) ;
  12. Elle a affirmé ne jamais avoir reçu la lettre de congédiement de l’employeur, en date du 11 mars 2016 (pièces GD3-18 et GD3-19), car elle n’a jamais été cherché cette lettre qui lui a été envoyée par courrier recommandé. L’appelante a précisé qu’elle savait que c’était une lettre de congédiement (pièces GD3-18, GD3-19, GD3-22, GD3-23, GD3-26 et GD3-36) ;
  13. L’appelante a déclaré que l’employeur a menti lorsqu’il a affirmé qu’il avait tenté de la rejoindre, à quatre reprises, à la suite de la suspension qui lui a été imposée à compter du 16 février 2016. Elle a affirmé n’avoir reçu qu’un seul appel de la part de l’employeur soit, le 17 mars 2016, alors qu’elle se trouvait à l’extérieur du pays pour assister à des funérailles. L’appelante a précisé que c’est son fils qui avait alors pris le message de l’employeur. Elle a expliqué avoir rappelé l’employeur à son retour de voyage soit, le 21 mars 2016. L’appelante a affirmé avoir laissé trois messages à l’employeur, mais que celui-ci n’avait pas retourné ses appels (pièces GD3-22 et GD3-23) ;
  14. Elle a expliqué ne pas se souvenir exactement des dates relatives à la période au cours de laquelle elle a dû s’absenter de chez elle en raison d’une mortalité. L’appelante a indiqué qu’elle croit que c’était au cours de la période du 10 mars 2016 au 14 mars 2016 (pièce GD3-36) ;
  15. Dans sa déclaration du 24 mai 2016, l’appelante a expliqué ne pas avoir retourné les appels de l’employeur après la suspension qui lui a été imposée le 17 février 2016 parce qu’elle ne voulait plus travailler avec celui qui l’avait appelé soit, le coordonnateur (service de soins). Elle a affirmé avoir communiqué, à trois reprises, avec la directrice (madame V. C.) et lui avoir laissé des messages, mais que celle-ci n’avait pas retourné ses appels (pièce GD3-31). Dans sa demande de prestations, l’appelante a précisé avoir laissé trois messages à l’employeur, après avoir été congédiée, mais ne pas avoir eu de retour d’appel de sa part (pièces GD3-7 et GD3-8) ;
  16. Dans sa déclaration du 21 avril 2016, l’appelante a indiqué ne pas avoir effectué de suivi auprès de son employeur, pour éclaircir sa situation. Elle a fait valoir que ce n’était pas à elle de rappeler l’employeur, mais plutôt à lui de le faire, puisque celui-ci lui avait dit qu’il allait la rappeler. L’appelante a expliqué que des collègues de travail lui ont dit avoir entendu qu’elle allait être congédiée. Elle a aussi affirmé avoir su qu’elle était congédiée, en date du 7 mars 2016. L’appelante a précisé que le relevé d’emploi émis par l’employeur indiquant qu’elle avait cessé de travailler en raison d’un congédiement était en date du 7 mars 2016 (pièce GD3-15). Elle a expliqué qu’après avoir parlé avec une agente de la Commission, le 31 mars 2016, elle a appris que l’employeur avait émis un relevé d’emploi, en date du 7 mars 2016, indiquant qu’elle avait cessé de travailler en raison d’un congédiement (pièce GD3-15). L’appelante a affirmé qu’elle savait depuis le 16 février 2016 qu’elle était congédiée, et qu’elle l’a également constaté à l’aide du relevé d’emploi qu’elle a vu le 31 mars 2016. Elle a aussi expliqué s’être présentée chez un concessionnaire de voitures, le 3 mars 2016, afin d’endosser (cautionner) sa fille qui effectuait l’achat d’une voiture. L’appelante a relaté qu’à cette occasion, le directeur du financement du concessionnaire en question avait dû téléphoner à l’employeur, Place Lacordaire inc., et que celui-ci avait alors indiqué qu’elle ne travaillait plus pour lui. Elle a expliqué avoir alors dit au directeur du financement qu’elle travaillait toujours pour cet employeur (pièces GD3-22 et GD3-23)
  17. Elle a indiqué avoir attendu pendant un mois et demi avant que le coordonnateur la rappelle soit, au début du mois d’avril 2016 (pièce GD2-2) ;
  18. L’appelante a affirmé ne pas avoir reçu de messages de l’employeur avant avril 2016 (pièce GD3-36) ;
  19. Elle a expliqué que la directrice, madame V. C., l’a contactée pour la réintégrer à son poste (pièce GD3-31) ;
  20. Dans sa déclaration du 2 juin 2016, l’appelante a indiqué être en accord avec l’affirmation de l’employeur, selon laquelle elle lui a laissé deux messages dans sa boîte vocale soit, un message le 14 avril 2016 et un autre, quelques jours plus tard. L’appelante a aussi indiqué être d’accord avec l’explication donnée par un agent de la Commission voulant que la directrice (madame V. C.) lui ait laissé un message sur sa boîte vocale le 15 avril 2016 et qu’au deuxième retour d’appel, une rencontre a été planifiée avec l’employeur le 29 avril 2016. La Commission a indiqué avoir informé l’appelante que la directrice a spécifié avoir reçu seulement deux messages de sa part. L’appelante a également fait entendre le message téléphonique qu’elle a reçu de la part de la directrice, en date du 26 avril 2016. Elle a également nié avoir eu des messages de l’employeur avant avril 2016. L’appelante a également expliqué qu’elle ne voulait pas parler avec le coordonnateur (pièce GD3-36) ;
  21. Elle a indiqué avoir rencontré la directrice le 29 avril 2016. L’appelante a affirmé que la directrice lui a dit qu’elle enlevait la suspension et qu’elle allait lui donner une deuxième chance. Elle a expliqué avoir accepté l’offre de réintégration de l’employeur. L’appelante a précisé que si le coordonnateur avait encore été en poste, elle n’aurait pas accepté l’offre de l’employeur. Elle a indiqué avoir également accepté la condition de l’employeur voulant que si elle devait être à nouveau congédiée, elle n’aurait pas de préavis. L’appelante a affirmé ne jamais avoir eu un langage irrespectueux ou menaçant (pièces GD2-2 et GD3-31) ;
  22. L’appelante a fait valoir que les lettres que l’employeur lui a adressées (ex. : lettre de suspension et lettre de congédiement) n’étaient plus valides (pièces GD3-29 et GD3-30).

[18] L’intimée (la Commission) a présenté les observations et arguments suivants :

  1. Elle a expliqué que le paragraphe 30(2) de la Loi prévoit l’imposition d’une exclusion d’une durée indéterminée s’il est établi que le prestataire a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite. La Commission a précisé que pour que le geste reproché constitue de l’inconduite au sens de l’article 30 de la Loi, il faut qu’il ait un caractère volontaire ou délibéré ou qu’il résulte d’une insouciance ou d’une négligence telles qu’il frôle le caractère délibéré. Elle a précisé qu’il doit également y avoir une relation de cause à effet entre l’inconduite et le congédiement (pièce GD4-5) ;
  2. La Commission a indiqué avoir tout d’abord conclu que le motif du congédiement était dû au fait que l’appelante n’a pas retourné les messages des quatre appels que l’employeur a faits entre le 17 février 2016 et le 11 mars 2016 (pièce GD4-5) ;
  3. Elle a fait valoir que bien que l’appelante ait été suspendue pour l’utilisation d’un langage abusif et intimidant envers ses collègues de travail, ce motif n’entre pas en ligne de compte pour déterminer s’il y a eu de l’inconduite au sens de la Loi (pièce GD4-5) ;
  4. La Commission a précisé que pendant la période de suspension de l’appelante, l’employeur a tenté de la rejoindre afin de lui faire une proposition de réintégration au travail, mais que celle-ci n’a pas répondu aux demandes de l’employeur (pièce GD4-5) ;
  5. Elle a indiqué que l’appelante a confirmé ne pas avoir retourné les appels du coordonnateur aux soins, après la suspension dont elle a fait l’objet le 17 février 2016, parce qu’elle ne voulait plus travailler avec lui. La Commission a souligné que l’appelante a admis avoir reçu tous les messages de son fils, mais elle n’a pas retourné ses appels (pièces GD3-31 et GD4-5) ;
  6. La Commission a expliqué que l’appelante a aussi confirmé avoir reçu la lettre de suspension de l’employeur, en date du 17 février 2016, et que celui-ci lui avait fait parvenir par courrier recommandé (pièce GD3-22). Elle a spécifié que cette lettre indique que pendant la période de suspension, la direction allait compléter l’enquête, analyser le dossier de l’appelante et que celle-ci allait être informée de la décision finale (pièce GD3-25). La Commission a souligné que l’appelante savait que l’employeur communiquerait avec elle (pièce GD4-5) ;
  7. Elle a soutenu que le fait de ne pas répondre aux appels de l’employeur, sachant qu’elle est en attente d’une décision, relève d’un choix personnel. Selon la Commission, l’appelante a eu un comportement délibéré et intentionnel (Mishibinijima, 2007 CAF 36, Lemire, 2010 CAF 314), (pièce GD4-6) ;
  8. La Commission a conclu que le fait de ne pas retourner les appels de l’employeur constituait un geste d’inconduite au sens de la Loi parce que l’appelante savait qu’elle était en attente d’une décision et que son emploi était en jeu, car celle-ci avait reçu des avertissements auparavant (pièce GD4-6).

Analyse

[19] Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites en annexe à la présente décision.

[20] Bien que la Loi ne définisse pas le terme d’inconduite, la jurisprudence mentionne, dans l’arrêt Tucker (A-381-85), que :

Pour constituer de l’inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement au travail.

[21] Dans cette décision (Tucker, A-381-85), la Cour d’appel fédérale (la « Cour ») a rappelé les propos du juge Reed indiquant que :

[…] L’inconduite, qui rend l’employé congédié inadmissible au bénéfice des prestations de chômage, existe lorsque la conduite de l’employé montre qu’il néglige volontairement ou gratuitement les intérêts de l’employeur, par exemple, en commettant des infractions délibérées, ou ne tient aucun compte des normes de comportement que l’employeur a le droit d'exiger de ses employés, ou est insouciant ou négligent à un point tel et avec une fréquence telle qu’il fait preuve d’une intention délictuelle […].

[22] Dans l’arrêt McKay-Eden (A-402-96), la Cour a apporté la précision suivante : « À notre avis, pour qu'une conduite soit considérée comme une "inconduite" sous le régime de la Loi sur l’assurance chômage, elle doit être délibérée ou si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéré. ».

[23] Dans l’affaire Mishibinijima (2007 CAF 36), la Cour a fait le rappel suivant :

Il y a donc inconduite lorsque la conduite du prestataire est délibérée, c’est-à- dire que les actes qui ont mené au congédiement sont conscients, voulus ou intentionnels. Autrement dit, il y a inconduite lorsque le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié.

[24] La Cour a défini la notion juridique d’inconduite au sens du paragraphe 30(1) de la Loi comme une inconduite délibérée dont le prestataire savait ou aurait dû savoir qu’elle était de nature à entraîner son congédiement. Pour déterminer si l’inconduite peut mener à un congédiement, il doit exister un lien de causalité entre l’inconduite reprochée au prestataire et la perte de son emploi. L’inconduite doit donc constituer un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travail (Lemire, 2010 CAF 314).

[25] Les décisions rendues dans les affaires Cartier (A-168-00) et MacDonald (A-152-96) confirment le principe établi dans la cause Namaro (A-834-82) selon lequel il doit également être établi que l’inconduite a constitué la cause du congédiement du prestataire.

[26] La Cour a réaffirmé le principe selon lequel il incombe à l’employeur ou à la Commission de prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite (Lepretre, 2011 CAF 30, Granstrom, 2003 CAF 485).

[27] Pour que le geste reproché constitue de l’inconduite au sens de l’article 30 de la Loi, il faut qu’il ait un caractère volontaire ou délibéré ou qu’il résulte d’une insouciance ou d’une négligence telle qu’il frôle le caractère délibéré. Il doit également y avoir une relation de cause à effet entre l’inconduite et le congédiement.

[28] Déterminer si la conduite d’un employé ayant entraîné la perte de son emploi constitue une inconduite, est une question de fait à régler à partir des circonstances de chaque cas.

[29] Dans le cas présent, les gestes reprochés à l’appelante, soit de ne pas avoir rappelé l’employeur après avoir été suspendue, pour une durée indéterminée, de même que des gestes d’intimidation envers des collègues de travail, l’utilisation d’un langage abusif et d’un ton voix élevé et déplacé, ainsi que son manque de travail d’équipe, ne constituent pas de l’inconduite au sens de la Loi.

[30] Dans la lettre de fin d’emploi (fermeture de dossier) adressée à l’appelante, en date du 11 mars 2016, l’employeur lui a donné les explications suivantes :

[…] À la suite de l’évaluation de votre dossier, la direction de Place Lacordaire est venue à la conclusion que nous ne pourrons vous réintégrer dans votre poste de travail en dépit (sic) des récents événements qui se sont déroulés sur une base périodique des 6 derniers mois. Vous savez déjà, conformément au Guide des employées que vous avez reçu à votre embauche, que notre entreprise n’accepte pas aucune forme d’intimidation, langage abusif et harcèlement psychologique. Suite à plusieurs plaintes reçues à votre égard pour : [...] intimidation envers des collègues de travail [...] langage abusif utilisé en milieu de travail [...] ton de voix élevé et déplacer (sic) [...] Manque de travail d’équipe [...] Il va sans dire que dans les situations qui se sont produites, nous vous avons rencontré à 2 reprises et laissé une chance de porter correction à vos agissements, et ce sans mesures disciplinaires majeures. L’employeur estime que vous avez manqué de professionnalisme dans votre interaction avec les autres employés face à vos conflits en agissant face aux usagers comme témoin avec tout le vacarme que cela provoque, et ceci est totalement inacceptable. Votre dernière journée de travail a été le 16 février 2016, ou vous avez été suspendu (sic) sans solde et sans date de retour pour étude de votre dossier. Par la suite, l’employeur à tenter (sic) de communiquer avec vous à 4 reprises afin de vous rencontrer, et la dernière fois, sois (sic) votre fils nous a fait part que vous étiez absente pour de la mortalité. Par conséquent, suite à notre impossibilité de vous rejoindre, nous vous faisons parvenir par courrier recommandé votre cessation d’emploi [...] » (pièces GD3-18 et GD3-19).

Caractère non délibéré des gestes reprochés

[31] L’appelante n’a pas reconnu avoir négligé de communiquer avec son employeur à la suite de la suspension qui lui a été imposée à compter du 17 février 2016.

[32] L’appelante a reconnu avoir posé certains des gestes qui lui ont été reprochés et qui ont été à l’origine de suspensions dont elle a fait l’objet soit, d’avoir eu des altercations verbales avec des collègues de travail.

[33] En tenant compte du contexte particulier dans lequel les gestes reprochés à l’appelante ont été commis, le Tribunal considère que ces gestes ne revêtaient pas un caractère délibéré ou intentionnel et pouvant être assimilés à de l’inconduite au sens de la Loi (Mishibinijima, 2007 CAF 36, McKay-Eden, A-402-96, Tucker, A-381-85).

Motifs de fin d’emploi

[34] Le Tribunal trouve contradictoires les explications données par l’employeur relativement à la fin d’emploi de l’appelante.

[35] Dans des déclarations faites à la Commission, les 19 avril 2016, 20 avril 2016 et 26 mai 2016, l’employeur a expliqué avoir congédié l’appelante, en date du 11 mars 2016, parce que celle-ci n’avait pas retourné les appels qui lui ont été faits, à quatre reprises, dans le but de la réintégrer dans son poste, à la suite de la suspension qui lui a été imposée le 17 février 2016, en raison de conflits survenus avec d’autres employés (pièces GD3-16, GD3-21 et GD3-32).

[36] Dans ses déclarations, l’employeur a invoqué des motifs différents de ceux qu’il a présentés dans la lettre de congédiement (fermeture de dossier) adressée à l’appelante, en date du 11 mars 2016 (pièces GD3-18 et GD3-19).

[37] Le Tribunal considère que cette lettre fait essentiellement référence à des plaintes que l’employeur a reçues pour des gestes d’intimidation que cette dernière aurait posés envers des collègues de travail, son manque de travail d’équipe, ainsi que son utilisation d’un langage abusif, de même que d’un ton de voix élevé et déplacé (pièces GD3-18 et GD3-19).

[38] La lettre en question ne fait pas explicitement mention d’un congédiement parce que l’appelante n’a pas rappelé son employeur. Sur ce point, l’employeur a écrit qu’il avait essayé de communiquer avec l’appelante, à quatre reprises, et que lors de son dernier appel, le fils de l’appelante lui avait indiqué que cette dernière était absente pour des raisons de mortalité. L’employeur a alors indiqué à l’appelante que parce qu’il avait été dans l’impossibilité de la rejoindre, il lui avait fait parvenir sa cessation d’emploi (pièces GD3-18 et GD3-19).

Suite donnée par l’appelante aux appels de l’employeur

[39] Dans le cas présent, le Tribunal considère que l’appelante a effectué un suivi auprès de son employeur après avoir fait l’objet d’une suspension d’une durée indéterminée, à compter du 17 février 2016.

[40] Dans l’avis de suspension (Avis disciplinaire avec suspension indéterminée pour mauvaise conduite et faute grave) qu’il a transmis à l’appelante, en date du 17 février 2016, l’employeur lui a donné les précisions suivantes : « [...] vous êtes suspendue du travail pour une période indéterminée sans salaire jusqu’à nouvel ordre. Pendant cette période de suspension, la direction va compléter l’enquête, analyser votre dossier et après va vous informer de sa décision finale. » (pièces GD3-24 et GD3-25).

[41] Il ressort de la preuve au dossier qu’une communication a été établie à la mi-avril 2016 (14 et 15 avril 2016) entre l’employeur et l’appelante soit, presque deux mois après que cette dernière ait été suspendue, le 17 février 2016, et plus d’un mois après son congédiement survenu le 11 mars 2016.

[42] Dans la lettre de suspension du 17 février 2016, il est question d’une suspension d’une durée indéterminée, d’une enquête menée par la direction, à la suite de laquelle une décision finale allait être communiquée à l’appelante (pièces GD3-24 et GD3-25). Dans cette lettre, l’employeur ne définit aucune condition relative à un éventuel retour au travail de l’appelante ni aucune modalité à cet effet, exception faite que celui-ci allait l’informer du résultat de l’enquête menée à son endroit, mais qu’entre temps, elle était suspendue jusqu’à nouvel ordre.

[43] En tenant compte de la nature imprécise de la mesure disciplinaire prise à l’endroit de l’appelante, plus particulièrement au sujet de son éventuel retour en poste, le Tribunal considère que le moment où celle-ci a donné une suite aux messages que l’employeur lui a transmis afin de discuter de la suite qu’il entendait donner à la suspension qu’il lui avait imposée, ne permet pas d’associer ce geste à de l’inconduite au sens de la Loi.

[44] Même si les déclarations de l’appelante contiennent plusieurs imprécisions et des contradictions apparentes relativement aux dates auxquelles elle a mentionné avoir pris contact avec l’employeur, elle a donné une suite au message que celui-ci lui a transmis.

[45] Le Tribunal considère que la mesure disciplinaire que l’employeur a prise à l’endroit de l’appelante (lettre de suspension du 17 février 2016) ne précise pas la date relative à la communication de la décision finale qu’il entendait prendre à l’endroit de l’appelante ni dans quelle condition la réintégration à son poste allait être possible, si tel était le cas.

[46] La preuve recueillie auprès de l’employeur contient également plusieurs imprécisions qui ne viennent pas démontrer en quoi l’appelante a commis un geste délibéré dans le suivi qu’elle a effectué auprès de son employeur pour réintégrer son poste, à la suite de la suspension qui lui a été imposée.

[47] D’abord, l’employeur n’a pas été en mesure de spécifier les dates auxquelles il a communiqué avec l’appelante. La lettre de congédiement adressée à l’appelante ne fait mention d’aucune date à cet effet (pièces GD3-18 et GD3-19).

[48] La preuve démontre que l’employeur a fait des appels à l’appelante entre le moment de sa suspension, le 17 février 2016, et l’envoi de la lettre de congédiement, le 11 mars 2016. Rien dans la preuve au dossier ne précise la teneur des messages en question ni le délai alloué à l’appelante pour y donner suite.

[49] L’appelante, pour sa part, a déclaré n’avoir reçu qu’un seul appel de la part de l’employeur soit, le 17 mars 2016, mais que ce fut son fils qui avait pris le message puisqu’elle se trouvait alors à l’extérieur du pays pour assister à des funérailles (pièces GD3-22 et GD3-23).

[50] L’appelante a affirmé avoir rappelé l’employeur le 21 mars 2016 (pièces GD3-22 et GD3-23).

[51] Sans toutefois préciser de dates à cet effet, outre celle du 21 mars 2016, l’appelante a également déclaré, à plusieurs reprises, qu’elle avait laissé trois messages à la directrice, mais que celle-ci n’avait pas retourné ses appels (pièces GD3-7 et GD3-8, GD3-22, GD3-23 et GD3- 31).

[52] L’employeur a déclaré avoir reçu un premier message (boîte vocale) de la part de l’appelante, en date du 14 avril 2016 et y avoir donné suite le 15 avril 2016. L’employeur a précisé que l’appelante lui a laissé un autre message quelques jours plus tard (pièce GD3-35).

[53] L’appelante a reconnu avoir laissé deux messages dans la boîte vocale de l’employeur soit, un message le 14 avril 2016 et un autre, quelques jours plus tard, tout en affirmant ne pas avoir eu des messages de la part de celui-ci avant avril 2016 (pièce GD3-36).

[54] Il ressort de la preuve au dossier qu’une communication a finalement été établie entre l’employeur et l’appelante, à la mi-avril 2016 (14 et 15 avril 2016), pour discuter de la réintégration de cette dernière à son poste (pièces GD3-31 et GD3-36). Une rencontre a d’ailleurs été tenue entre l’employeur et l’appelante, en date du 29 avril 2016, à la suite de laquelle cette dernière a pu retrouver son poste.

[55] Le Tribunal ne retient pas l’argumentation de la Commission selon laquelle l’appelante n’a pas retourné les appels de l’employeur et que ce geste constituait de l’inconduite au sens de la Loi, parce qu’elle savait qu’elle était en attente d’une décision et que son emploi était en jeu, car elle avait reçu des avertissements auparavant (pièce GD4-6).

[56] Le Tribunal est d’avis que l’appelante a donné suite aux appels effectués par son employeur, à la suite de la suspension qui lui a été imposée, et ce, même si le suivi effectué à cet égard, n’a pas été fait selon le délai ou les conditions que l’employeur en question aurait pu souhaiter, mais qu’il n’a toutefois jamais précisé.

Gestes à l’origine de la suspension de l’appelante

[57] Relativement aux gestes reprochés à l’appelante dont il est fait mention dans la lettre de congédiement du 11 mars 2016, l’employeur a expliqué avoir reçu plusieurs plaintes portées contre elle pour les raisons suivantes : intimidation envers des collègues de travail ; langage abusif utilisé en milieu de travail ; ton de voix élevé et déplacé ; manquement au travail d’équipe [...] (pièces GD3-18 et GD3-19).

[58] L’employeur a conclu que l’appelante avait manqué de professionnalisme dans ses interactions avec les autres employés, une situation que l’employeur a jugé totalement inacceptable (pièces GD3-18 et GD3-19).

[59] La preuve au dossier et les déclarations de l’employeur ne permettent pas de mettre en contexte les gestes qui ont été reprochés à l’appelante et de les associer à de l’inconduite au sens de la Loi.

[60] Dans les déclarations faites à la Commission, les 19 avril 2016, 20 avril 2016 et 26 mai 2016, l’employeur a relaté que les événements survenus le 7 février 2016 au cours desquels l’appelante avait, selon lui, utilisé un langage inapproprié et un ton de voix élevé, étaient à l’origine de la suspension qui lui a été imposée, à compter du 16 février 2016 (17 février 2016).

[61] L’employeur a toutefois clairement indiqué dans ses déclarations qu’il n’a pas congédié l’appelante en raison de ces événements, mais bien parce que celle-ci n’avait pas retourné les appels qu’il lui avait faits pour discuter de sa réintégration (pièces GD3-16, GD3-21 et GD3-32).

[62] Ces déclarations viennent ainsi contredire ce que l’employeur a décrit dans la lettre de fin d’emploi qu’il lui a adressée en date du 11 mars 2016 (pièces GD3-18 et GD3-19).

[63] La lettre de fin d’emploi de l’appelante du 11 mars 2016 ne décrit pas de faits ou d’événements précis en lien avec des gestes d’intimidation qu’aurait posés l’appelante à l’endroit de ses collègues, le langage abusif qu’elle aurait utilisé, le ton de voix élevé ou déplacé qu’elle aurait employé ou en regard de son manque de travail en équipe.

[64] Le Tribunal souligne que dans son argumentation, la Commission a conclu que le fait que l’appelante ait été suspendue pour l’utilisation d’un langage abusif et intimidant envers ses collègues de travail ne représentait pas un motif qui entrait en ligne de compte pour déterminer s’il y a eu de l’inconduite au sens de la Loi (pièce GD4-5).

[65] En fonction de la preuve présentée, le Tribunal estime que les actes reprochés à l’appelante, qu’il s’agisse de la façon dont elle a donné une suite aux appels que lui a faits l’employeur ou des gestes ayant mené à sa suspension, ne constituent pas un manquement à une obligation fondamentale résultant expressément ou implicitement du contrat de travail (Tucker, A-381-85, Lemire, 2010 CAF 314).

[66] Le Tribunal considère que l’appelante n’a pas négligé volontairement ou gratuitement les intérêts de son employeur ni fait preuve d’une intention délictuelle à son endroit (Tucker, A-381- 85).

[67] Le Tribunal considère que les gestes reprochés à l’appelante n’étaient pas d’une portée telle que celle-ci pouvait normalement prévoir qu’ils seraient susceptibles de provoquer son congédiement. L’appelante ne pouvait savoir que sa conduite était de nature à entraver les obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit congédiée (Tucker, A-381-85, Mishibinijima, 2007 CAF 36).

Preuve recueillie par la Commission

[68] Le Tribunal rappelle que dans un cas d’inconduite, le fardeau de la preuve appartient à la Commission ou à l’employeur, selon le cas (Lepretre, 2011 CAF 30, Granstrom, 2003 CAF 485).

[69] Le Tribunal est d’avis que dans le cas présent, la Commission ne s’est pas acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombe à cet égard (Lepretre, 2011 CAF 30, Granstrom, 2003 CAF 485).

[70] Le Tribunal considère que malgré les gestes reprochés à l’appelante, la preuve recueillie par la Commission est insuffisante et que cette preuve n’est pas suffisamment circonstanciée pour conclure que l’appelante a perdu son emploi en raison de son inconduite.

Cause du congédiement

[71] Le Tribunal considère que l’appelante n’a pas été congédiée en raison d’actes posés de manière volontaire et délibérée (Tucker, A-381-85, McKay-Eden, A-402-96, Mishibinijima, 2007 CAF 36).

[72] Le Tribunal estime que les gestes qui lui ont été reprochés ne constituent pas de l’inconduite au sens de la Loi (Tucker, A-381-85, McKay-Eden, A-402-96, Mishibinijima, 2007 CAF 36).

[73] S’appuyant sur la jurisprudence mentionnée plus haut et sur la preuve présentée, le Tribunal considère que l’appelante n’a pas perdu son emploi en raison de son inconduite, en vertu des articles 29 et 30 de la Loi (Namaro, A-834-82, MacDonald, A-152-96, Cartier, A- 168-00).

[74] Le Tribunal conclut que l’appel est fondé à l’égard du litige en cause.

Conclusion

[75] L’appel est accueilli.

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi

30 (1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :

  1. (a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
  2. (b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

(2) L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.

(3) Dans les cas où l’événement à l’origine de l’exclusion survient au cours de sa période de prestations, l’exclusion du prestataire ne comprend pas les semaines de la période de prestations qui précèdent celle où survient l’événement.

(4) Malgré le paragraphe (6), l’exclusion est suspendue pendant les semaines pour lesquelles le prestataire a autrement droit à des prestations spéciales.

(5) Dans les cas où le prestataire qui a perdu ou quitté un emploi dans les circonstances visées au paragraphe (1) formule une demande initiale de prestations, les heures d’emploi assurable provenant de cet emploi ou de tout autre emploi qui précèdent la perte de cet emploi ou le départ volontaire et les heures d’emploi assurable dans tout emploi que le prestataire perd ou quitte par la suite, dans les mêmes circonstances, n’entrent pas en ligne de compte pour l’application de l’article 7 ou 7.1.

(6) Les heures d’emploi assurable dans un emploi que le prestataire perd ou quitte dans les circonstances visées au paragraphe (1) n’entrent pas en ligne de compte pour déterminer le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées, au titre du paragraphe 12(2), ou le taux de prestations, au titre de l’article 14.

(7) Sous réserve de l’alinéa (1)a), il demeure entendu qu’une exclusion peut être imposée pour une raison visée au paragraphe (1) même si l’emploi qui précède immédiatement la demande de prestations - qu’elle soit initiale ou non - n’est pas l’emploi perdu ou quitté au titre de ce paragraphe.

29 Pour l’application des articles 30 à 33 :

  1. a) emploi s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
  2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;
  3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
    1. (i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin,
    2. (ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre,
    3. (iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert;
  4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci- après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
    1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
    2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
    3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
    4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
    5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
    6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
    7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
    8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
    9. (ix) modification importante des fonctions,
    10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
    11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
    12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
    13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
    14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.
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