Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision



Motifs et décision

Comparutions

Appelante

Introduction

[1] L’appelante, une enseignante qui occupait un poste de remplacement à long terme au cours de l’année scolaire 2015-2016 a présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploi (AE) le 30 juin 2016.

[2] L’intimée a rejeté la demande de l’appelante de la façon suivante :

  1. entre le 30 juin 2016 et le 5 septembre 2016, parce que des prestations ne sont pas payables aux enseignants pendant une période de congé et que l’appelante travaillait comme enseignante, et elle n’était pas visée par l’une des exceptions;
  2. entre le 6 septembre 2016 et le 30 juin 2017, parce qu’elle travaillait une semaine de travail entière.

[3] L’appelante a demandé une révision de la décision de l’intimée par rapport à la période du 30 juin 2016 au 5 septembre 2016, faisant valoir qu’elle était remplaçante et ne détenait aucun statut, qu’elle était payée uniquement pour les jours travaillés et ne recevait pas un salaire pendant l’été ou pendant les autres congés scolaires.

[4] L’intimée a maintenu sa décision lors de la révision, et l’appelante en appelle maintenant de la décision de révision auprès du Tribunal.

[5] Le Tribunal a choisi d’instruire l’appel par téléconférence après avoir tenu compte des éléments suivants :

  1. la complexité de la ou des questions en litige;
  2. le fait que l’appelante sera la seule partie à participer à l’audience;
  3. l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Question en litige

[6] Le Tribunal doit déterminer si l’appelante était inadmissible au bénéfice des prestations d’AE entre le 30 juin 2016 et le 5 septembre 2016, conformément à l’article 33 du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement).

Preuve

[7] L’appelante occupait un poste d’enseignante suppléante à long terme au cours de l’année scolaire 2015-2016. Elle remplaçait un enseignant (l’enseignant régulier) qui était en congé de maladie. L’appelante n’était pas assujettie aux termes d’un contrat écrit.

[8] L’appelante a expliqué que si l’enseignant régulier était retourné au travail, elle n’aurait eu aucun droit pour obtenir un autre poste. Cette situation est différente de celle d’un enseignant qui possède un contrat écrit, et qui aurait obtenu un autre poste si l’enseignant régulier était retourné au travail.

[9] Quoi qu’il en soit, l’enseignant régulier n’est pas retourné au travail, et l’appelante a pu travailler toute l’année, comme le démontre son relevé d’emploi (GD3-17). Elle a expliqué ne pas avoir été rémunérée pendant les congés scolaires, comme le congé de Noël et la semaine de relâche. Elle a seulement été rémunérée pour les jours qu’elle a réellement travaillés.

[10] Le Questionnaire pour enseignants (GD3-8) a été revu avec l’appelante pendant l’audience. L’appelante a expliqué ce qui suit :

  1. Question 3 : Avez-vous reçu une offre d’emploi verbale ou écrite pour la prochaine période d’enseignement? Elle a répondu « oui » sur le formulaire. Pendant l’audience, elle a expliqué qu’en effet, elle avait la certitude d’être enseignante suppléante, c’est-à-dire qu’elle avait été approuvée comme enseignante suppléante, mais pas qu’elle avait un emploi garanti, bien qu’elle pouvait être appelée tous les jours à travailler comme enseignante suppléante. On ne lui a pas offert ou garanti un poste contractuel ni le même poste qu’elle détenait au cours de l’année 2015-2016.
  2. Question 4 : Elle a précisé sur le formulaire que son expérience en enseignement serait reconnue pour établir l’ancienneté, que ses congés de maladie inutilisés sont reportés à la période d’enseignement suivante et que ses cotisations de pension de retraite sont reportées à la période d’enseignement suivante. Pendant l’audience, l’appelante a expliqué que son « expérience » est reconnue aux fins de rémunération, mais elle n’a pas de statut d’« ancienneté », parce qu’elle n’a pas un contrat déterminé ou à temps plein. Elle a la même ancienneté qu’une personne nouvellement diplômée, et les années d’enseignement n’y changent rien parce qu’elle n’avait pas de contrat de travail. L’appelante a expliqué qu’elle accumulait un jour de maladie pour tous les 10 jours qu’elle travaillait. Elle a mentionné avoir pu reporter ses congés de maladie à l’année scolaire suivante, car elle a obtenu un poste d’enseignante suppléante à long terme pour l’année 2016-2017. Si elle n’avait pas obtenu le poste d’enseignante suppléante à long terme, elle aurait perdu ses congés de maladie. Voir aussi l’article 32.07 du contrat du Syndicat des enseignants de la Nouvelle-Écosse (contrat du SENE) présenté par l’intimée (GD3-42), où l’on stipule que les congés de maladie peuvent être accumulés et demeurent associés au compte de l’enseignant, pour autant qu’il soit employé de façon continue par le conseil scolaire.

    Soulignons que l’article 32.08 du contrat du SENE prévoit que si un enseignant suppléant remplace un enseignant régulier le dernier jour de l’année scolaire et remplace ce même enseignant le premier jour de l’année scolaire suivante, la fonction de l’enseignant suppléant doit être considérée comme continue et sans bris. Cet article comprend deux parties, et l’une des parties fait référence au contrat déterminé conformément à l’article 33.01, ce dernier article n’ayant pas été présenté au Tribunal.
  3. Question 6 : Quel genre de contrat vous a été offert? Elle a coché la case « Suppléant ».
  4. Question 7 : Comment cette offre a-t-elle été faite? Elle a répondu que c’était une offre verbale. Elle a expliqué pendant l’audience qu’elle a parlé à K. R. de la division des ressources humaines (RH) du conseil scolaire. D’après l’appelante, madame K. R. l’a informée qu’elle n’avait qu’à réactiver son compte dans le système téléphonique utilisé pour téléphoner aux enseignants suppléants pour pouvoir enseigner l’année suivante.
  5. Question 8 : À quelle date cette offre a-t-elle été faite? Elle a répondu que c’était le 29 juin 2016. Elle affirme qu’il s’agit du jour où elle a appelé les RH pour avoir de l’information sur les postes de suppléance. Elle a expliqué dans le questionnaire avoir répondu qu’elle a accepté le poste (questions 9 et 10) le 29 juin 2016, car elle n’avait rien de plus à faire.
  6. Question 11 : Quelle est la date de début du contrat? Elle a écrit que c’était le 1er septembre 2016. Elle a expliqué avoir écrit cette date, parce qu’elle marquait le début de la période d’enseignement.

[11] L’appelante a expliqué pendant l’audience qu’elle n’a jamais reçu une autre offre que celle d’un poste de suppléance et qu’elle n’a jamais eu de contrat écrit. Elle a expliqué que dans sa demande de prestations d’AE, elle a précisé qu’elle retournerait travailler pour le même conseil scolaire à l’automne (GD3-4), car elle avait confirmé avec les RH qu’on l’avait approuvée comme enseignante suppléante pour la prochaine année scolaire débutant en septembre 2016. Il est souligné que dans sa demande de prestations d’AE, elle n’a pas mentionné de date de retour au travail (GD3-4).

[12] L’appelante a confirmé qu’en tant qu’« enseignante suppléante à long terme », elle touchait le même taux salarial, d’après le nombre d’années de service et d’enseignement, que si elle avait occupé un poste à temps plein. Cependant, elle a mentionné qu’il s’agissait tout de même d’activités quotidiennes d’enseignement et qu’on la payait pour les jours où elle enseignait.

[13] L’appelante a mentionné qu’elle ne bénéficiait pas des avantages médicaux du conseil scolaire. Elle versait ses cotisations syndicales, car il s’agit d’une obligation. Elle cotise au régime de pension, ce qui est aussi une obligation.

[14] L’appelante a mentionné qu’à la fin du mois d’août 2016, le même poste qu’elle occupait pendant l’année 2015-2016 a été affiché, parce que l’enseignant régulier ne reviendrait pas. Le poste était affiché en tant que remplacement. Elle a précisé avoir postulé pour le poste, avoir passé une entrevue, tout comme d’autres participants. Elle a mentionné que les demandes d’emploi sont évaluées grâce à un système de pointage. Elle a précisé détenir une maîtrise en psychologie, et comme il s’agissait d’un poste ressource, elle a obtenu le plus de points et a obtenu le poste. Elle a réitéré qu’en aucun temps n’y a-t-il eu une entente verbale quant à l’obtention de ce poste, et que lorsqu’elle a indiqué avoir une entente verbale, elle faisait référence au remplacement en général, et non au poste de remplacement à long terme.

[15] La preuve présentée par l’intimée à l’égard de l’offre verbale, conformément au formulaire Renseignements supplémentaires concernant la demande de prestations daté du 27 juillet 2016, est en quelque sorte différente de la preuve qui a été présentée au Tribunal pendant l’audience. L’intimée a indiqué dans ses notes écrites, préparées suite à une conversation téléphonique avec l’appelante, que [traduction] :

La cliente a déclaré qu’avant la fin de l’année scolaire, on lui a offert un poste de remplacement à long terme, lequel deviendra un contrat déterminé, pour le remplacement du même enseignant qu’elle a remplacé toute l’année scolaire 2015/2016. La cliente a déclaré avoir agréé verbalement à cette offre avant son dernier jour de travail et elle retournera travailler le même jour que les enseignants permanents retourneront à l’école, car elle sera responsable de cette classe. La cliente a déclaré qu’elle ne pourra pas obtenir un contrat d’une durée déterminée tant que l’enseignant qu’elle remplace n’aura pas épuisé tous ses congés de maladie.

[16] Lors de l’audience, l’appelante a expliqué que pendant sa discussion avec un agent de l’intimée, on lui a demandé s’il y avait une possibilité qu’elle occupe le même emploi l’année suivante, et elle a répondu que si un enseignant régulier demeurait malade, l’administration lui a expliqué que le poste devrait être affiché avant la fin de l’été et qu’au moins trois participants devraient passer une entrevue, selon une évaluation par pointage.

[17] L’appelante a mentionné avoir fait des demandes d’emploi pendant l’été pour différents domaines, dont l’enseignement et la billetterie.

[18] À date, l’appelante a remplacé le même enseignant pour l’année scolaire 2016-2017, sur une base de remplacement à long terme.

[19] L’article 32.16 du contrat stipule que les enseignants suppléants qui obtiennent la classification d’enseignant régulier, dont le service est interrompu par le retour d’un enseignant qui est ensuite absent après cinq jours ou moins, peuvent ravoir le même poste, s’ils ou elles sont toujours disponibles, et le mandat peut continuer comme s’il n’y avait pas eu de bris, et le service sera considéré comme s’il avait été consécutif.

[20] Une lettre datée du 8 août 2016 provenant de madame K. R. de la division des RH confirme que l’appelante occupait un poste de remplacement à long terme auprès du conseil pendant l’année scolaire 2015-2016, du 28 septembre 2015 au 29 juin 2016. La lettre mentionnait que l’appelante n’avait pas obtenu à ce moment un poste déterminé pour 2016-2017 par l’entremise des processus d’affichage.

[21] L’intimée a communiqué par téléphone avec madame K. R. le 27 juillet 2016. L’intimée a présenté les notes suivantes par rapport à cette conversation téléphonique (GD3-19) :

K. R. [madame K. R.] a déclaré ne pas pouvoir confirmer que cette cliente a reçu l’offre d’un poste pour la prochaine période d’enseignement, car il s’agirait d’une offre faite par le directeur de l’école, et les RH n’auraient pas été avisées. K. R. a déclaré pouvoir confirmer que l’enseignant remplacé par la cliente ne retournait pas au travail en septembre 2016. K. R. a déclaré qu’il serait raisonnable que l’on ait offert à cette cliente de retourner remplacer l’enseignant en septembre 2016.

K. R. a déclaré que si l’on avait offert à cette cliente de retourner remplacer le même enseignant, on lui aurait immédiatement offert un poste de remplacement à long terme, et elle n’aurait pas eu à travailler 18 jours pour que son salaire soit augmenté et elle aurait reçu d’emblée le salaire plus élevé.

K. R. a déclaré que pour les enseignants suppléants à long terme, les congés de maladie sont accumulés, et ceux que la cliente a accumulés pendant la période d’enseignement prenant fin le 29 juin 2016 seraient reportés à la suivante qui débute en septembre 2016. K. R. a déclaré que cette cliente aurait cotisé au régime de pension, et ces cotisations seraient reportées à la période d’enseignement suivante. K. R. a déclaré que l’expérience professionnelle associée au poste à long terme qui prenait fin le 29 juin 2016 de cette cliente serait prise en considération pour les augmentations salariales.

Observations

[22] L’appelante a fait valoir que sa situation correspond aux exceptions consenties à l’article 33 du Règlement pour les raisons suivantes :

  1. elle n’avait pas de contrat de travail écrit et son emploi a pris fin;
  2. elle enseignait sur une base occasionnelle ou de suppléance parce qu’elle était rémunérée pour les jours travaillés uniquement, sans contrat écrit. Elle souligne qu’elle n’a pas de statut ou de droits en vertu de son poste de remplacement.

[23] L’appelante a présenté à GD2-5 qu’elle est une enseignante suppléante sans contrat qui est rémunérée à la journée. Elle a indiqué que les autres enseignants suppléants pour le même conseil scolaire qui ont eu la chance d’obtenir un contrat pour l’année scolaire 2016-2017 ont touché des prestations d’AE et ont eu un versement rétroactif pour tout le mois d’août.

[24] L’appelante a fait valoir que l’intimée aurait dû communiquer avec l’administration de l’école (en plus des RH), car un contrat verbal ou une entente verbale n’auraient jamais été conclus. L’emploi est fondé sur un système de pointage.

[25] L’appelante a confirmé qu’elle n’est pas admissible aux prestations en vertu d’une occupation autre que celle de l’enseignement.

[26] L’intimée a fait valoir que la relation d’emploi entre l’appelante et son employeur a perduré au cours de la période d’enseignement suivante, et il ne s’agit donc pas d’une exception consentie à l’alinéa 33(2)a) du Règlement parce que l’appelante a accepté verbalement un autre contrat d’enseignement avec le même conseil scolaire le 29 juin 2016, avant la fin de son contrat existant, et ses congés de maladie, ses cotisations au régime de retraite et son ancienneté seront reportés à l’année scolaire suivante (GD3-18).

Analyse

[27] Les dispositions législatives pertinentes figurent en annexe de la présente décision.

[28] Aucune observation n’a été présentée pour démontrer que l’appelante n’était pas employée en « enseignement », conformément à la définition de l’article 33 du Règlement. Le Tribunal a tenu compte du travail accompli par l’appelante et il juge, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelante était employée en tant qu’enseignante, comme le prévoit l’article 33 du Règlement.

[29] Si l’appelante était employée en tant qu’enseignante, elle n’est pas admissible aux prestations régulières d’AE conformément à l’article 33 du Règlement, sauf si elle se trouve dans une situation qui correspond aux exceptions consenties sous cet article. Ces exceptions sont les suivantes :

[30] son contrat de travail dans l’enseignement a pris fin;

[31] son emploi dans l’enseignement était exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance;

[32] il [le prestataire] remplit les conditions requises pour recevoir des prestations à l’égard d’un emploi dans une profession autre que l’enseignement.

[33] Il incombe à l’appelante de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle est dans une situation qui cadre avec l’une de ces exceptions.

L’appelante est admissible aux prestations d’AE à l’égard d’un emploi dans une profession autre que l’enseignement (alinéa 33(2)c) du Règlement)

[34] L’appelante n’a pas présenté un élément de preuve qui permettrait d’établir qu’elle a occupé un emploi dans une profession autre que l’enseignement pour bénéficier des prestations d’AE, conformément à l’exception consentie à l’alinéa 33(2)c) du Règlement. En fait, elle a déclaré que cette exception ne correspond pas à sa situation.

[35] Par conséquent, le Tribunal juge que l’appelante ne se trouve pas dans une situation qui correspond à l’exception consentie à l’alinéa 33(2)c) du Règlement.

Contrat sur une base occasionnelle ou de suppléance (alinéa 33(2)b) du Règlement)

[36] À l’égard de la seconde exception possible pour l’appelante, celle-ci doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, que son emploi dans l’enseignement était exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance, comme le prévoit l’alinéa 33(2)b) du Règlement.

[37] La Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Blanchet, 2007 CAF 377, a confirmé que l’exception consentie à l’alinéa 33(2)b) met l’emphase sur l’exercice de l’emploi et non sur le statut de l’enseignant qui l’exerce. Le juge Létourneau a écrit pour la Cour au paragraphe 38 que :

[38] L’exception consentie à l’alinéa 33(2)b) met l’emphase sur l’exercice de l’emploi et non sur le statut de l’enseignant qui l’exerce. En d’autres termes, un enseignant peut, par exemple, avoir un statut de suppléant, mais durant sa période de référence être appelé, et s’engager par contrat, à exercer un emploi non pas sur une base occasionnelle ou de suppléance, mais sur une base régulière ou à intervalle régulier à temps partiel. Même s’il garde son statut de suppléant selon l’entente collective qui régit la commission scolaire et le syndicat des enseignants, il n’exerce pas sur une base de suppléance l’emploi à temps partiel qu’il a contracté. Il ne rencontre pas alors les conditions de l’exception de l’alinéa 33(2)b). Comme le disait notre collègue la juge Sharlow au paragraphe 2 de l’affaire Stephens c. Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines), supra, il est possible « qu’un enseignant soit employé comme suppléant pendant des périodes qui surviennent à des intervalles suffisamment réguliers pour qu’on ne puisse pas affirmer qu’il s’agit d’un emploi “exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance ».

[Mis en évidence par la soussignée]

Et il poursuit au paragraphe [40] :

Je le répète, le bénéfice de l’exception ne s’obtient pas par le statut de l’enseignant au sein de la commission ou du conseil scolaire, mais par l’exercice de l’emploi durant la période de référence. Si l’emploi est exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance, l’exception peut être invoquée, que l’enseignant perde ou garde son statut de suppléant.

[38] La Cour d’appel fédérale a jugé que les enseignants dans le cadre de cette affaire n’étaient pas dans une situation qui cadrait avec l’exception de l’alinéa 33(2)b), puisque leur emploi n’était pas exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance. Chacun de ces enseignants avait un contrat d’emploi écrit, comme le prévoyait leur convention collective.

[39] Les faits relatifs à la cause de l’appelante sont bien différents. L’appelante n’était pas partie à un contrat d’enseignement écrit au cours de l’année scolaire 2015-2016 et elle n’est pas partie à un contrat d’enseignement écrit au cours de l’année scolaire 2016-2017. Bien que le contrat avec le conseil scolaire stipule que l’appelante obtiendra certains avantages en tant qu’enseignante suppléante à long terme, comme le taux salarial d’un enseignant régulier, si l’enseignant régulier retourne au travail, le conseil scolaire n’est pas tenu de trouver un autre poste pour l’appelante. Même si le poste se trouve vacant, il n’est aucunement garanti que l’appelante sera la candidate retenue (voir l’article 32.18, page GD3- 45).

[40] Nonobstant des différences entre les faits en l’espèce et ceux de l’affaire Blanchet, le Tribunal juge que le poste occupé par l’appelante pour l’année scolaire 2015-2016 n’était pas exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance. Son poste, aussi temporaire et précaire pouvait-il être, était continu, et non exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance. Son emploi était suffisamment régulier qu’il ne pouvait pas constituer un emploi exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance comme prévu pour cadrer avec l’exception consentie à l’alinéa 33(2)b).

Le contrat de travail dans l’enseignement a pris fin (alinéa 33(2)a) du Règlement)

[41] La dernière possibilité pour l’appelante est de convaincre le Tribunal, selon la prépondérance des probabilités, que son contrat de travail dans l’enseignement a pris fin en juin 2016.

[42] Le juge Nadon, pour le compte de la Cour d’appel fédérale, dans la décision Bazinet c. Canada (Procureur général), 2006 CAF 174, a confirmé que le but de l’exercice n’est pas d’interpréter les dispositions contractuelles afin d’établir les droits respectifs de l’employeur et de l’appelante, mais de décider si l’appelante a droit de recevoir des prestations d’AE parce qu’elle est, de fait, en période de chômage (voir les paragraphes 44 et 51 de la décision Bazinet).

[43] Le Tribunal a tenu compte de la preuve présentée et l’a soupesée attentivement, de même que les congés de maladie de l’appelante qui ont été reportés et les notes associées aux diverses conversations téléphoniques, dont les conversations du 27 juillet 2016 entre l’agent de l’intimée et l’appelante et entre l’agent de l’intimée et les RH.

[44] Le Tribunal accepte le témoignage de l’appelante sur le fait qu’elle n’a jamais reçu une offre d’emploi verbale pour le poste de remplacement en 2016-2017 et juge qu’elle a présenté une explication raisonnable à ses réponses dans le Questionnaire pour enseignants. Ce faisant, le Tribunal a accordé plus d’importance au témoignage sous serment de l’appelante qu’aux notes des conversations de l’intimée avec l’appelante et avec les RH. Le Tribunal juge qu’aucune offre d’emploi verbale n’a été faite pour les motifs suivants. De plus, le Tribunal est convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que le contrat d’emploi en enseignement de l’appelante a pris fin le 29 juin 2016.

[45] Le Tribunal juge que l’explication de l’appelante pour avoir répondu comme elle l’a fait aux questions du Questionnaire pour enseignants est appuyée par le fait qu’elle n’a pas indiqué une date de retour dans sa demande de prestations d’AE. Si l’appelante avait véritablement accepté un contrat d’emploi verbal au moment où elle a présenté sa demande de prestations d’AE, le Tribunal juge qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle aurait indiqué une date de début d’emploi. Le fait qu’elle n’a pas indiqué de date de retour appuie son témoignage de ne pas avoir eu d’offre d’emploi verbale (dont le poste à long terme qu’elle a obtenu à la fin du mois d’août seulement) et d’avoir eu uniquement l’assurance d’un poste de remplacement. Compte tenu de la nature des postes de remplacement, il aurait été impossible pour l’appelante d’indiquer une date de retour dans sa demande de prestations d’AE.

[46] Par ces conclusions, le Tribunal accorde une grande importance au fait que le poste de remplacement à long terme était affiché et que l’appelante a dû poser sa candidature pour l’obtenir, ainsi que deux autres personnes, au moins. Ces faits n’appuient pas la conclusion que l’emploi de l’appelante était continu.

[47] L’exception consentie à l’alinéa 33(2)a) est prévue pour assister les enseignants pour lesquels les contrats prennent fin et qui, par conséquent, souffrent d’une réelle rupture de la relation entre employeur et employé. En d’autres mots, l’exception est prévue pour assister les enseignants qui sont « chômeurs », selon le véritable sens de ce terme, qui n’équivaut pas pour autant à l’expression « ne pas travailler » (le juge Létourneau dans Oliver c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 98).

[48] Bien que les congés de maladie de l’appelante aient été reportés, ils l’ont été uniquement parce qu’elle a remporté un processus d’embauche APRÈS la fin de son emploi. Si elle n’avait pas été retenue, ses congés n’auraient pas été reportés. Le report de ses congés de maladie est régi par le contrat du SENE et n’est pas un véritable indicateur de la continuité de l’emploi. Il indique seulement que l’emploi était considéré comme continu en vertu de ce contrat. Ce qui est pertinent est de déterminer si l’appelante était « chômeuse », selon le véritable sens de ce terme. Le Tribunal juge que, malgré le report des congés de maladie, l’appelante était « chômeuse », selon le véritable sens de ce terme, jusqu’au moment où elle a passé une entrevue et a été réembauchée à la fin du mois d’août 2016.

[49] Bien que la preuve de l’intimée concerne le fait que l’appelante a accepté une offre d’emploi verbale pour l’année scolaire 2016-2017 en juin 2016, le Tribunal est en désaccord. Le Tribunal est convaincu par l’explication des réponses de l’appelante dans le Questionnaire pour enseignants et juge que ses réponses n’étaient pas contraires à la lettre transmise par les RH, laquelle ne mentionnait pas que l’appelante avait assurément un poste d’enseignement à long terme, mais bien qu’elle n’avait pas, en fait, un poste sous contrat. Le Tribunal juge que toute discussion que l’appelante aurait pu avoir avec l’administration scolaire concernant son retour dans le même poste pour l’année 2016-2017 n’aurait pas pu représenter une offre d’emploi ferme sur laquelle l’appelante se serait raisonnablement appuyée. Il y a eu une interruption de son emploi en juin 2016, jusqu’à ce que l’année scolaire début en septembre 2016.

[50] D’après la preuve présentée, le Tribunal est convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelante était « chômeuse » du 30 juin 2016 au 5 septembre 2016. Puisque l’appelante a dû présenter sa candidature et passer une entrevue pour obtenir le poste, il n’y a pas eu continuité d’emploi entre le 30 juin 2016 et le début de l’année scolaire suivante, en septembre 2016.

Conclusion

[51] Le Tribunal juge que l’appelante a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle satisfait aux exigences requises par l’exception consentie à l’alinéa 33(2)a) du Règlement pour la période du 30 juin 2016 au 4 septembre 2016. Il y a eu une rupture claire dans la continuité de son emploi, comme on l’établit dans Oliver, supra.Sa situation ne cadrait pas avec les exceptions des alinéas 33(2)b) et 33(2)c), mais ce n’était pas requis puisque ces situations sont mutuellement exclusives.

[52] L’appel est accueilli.

Annexe

Droit applicable

Règlement sur l’assurance-emploi
  1. 33 (1) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.
  2. enseignement La profession d’enseignant dans une école maternelle, primaire, intermédiaire ou secondaire, y compris une école de formation technique ou professionnelle.
    (teaching)
  3. période de congé La période qui survient annuellement, à des intervalles réguliers ou irréguliers, durant laquelle aucun travail n’est exécuté par un nombre important de personnes exerçant un emploi dans l’enseignement.
    (non-teaching period)
  4. (2) Le prestataire qui exerçait un emploi dans l’enseignement pendant une partie de sa période de référence n’est pas admissible au bénéfice des prestations — sauf celles prévues aux articles 22, 23, 23.1 ou 23.2 de la Loi — pour les semaines de chômage comprises dans toute période de congé de celui-ci, sauf si, selon le cas :
    1. a) son contrat de travail dans l’enseignement a pris fin;
    2. b) son emploi dans l’enseignement était exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance;
    3. c) il remplit les conditions requises pour recevoir des prestations à l’égard d’un emploi dans une profession autre que l’enseignement.
  5. (3) Lorsque le prestataire qui exerçait un emploi dans l’enseignement pendant une partie de sa période de référence remplit les conditions requises pour recevoir des prestations à l’égard d’un emploi autre que l’enseignement, les prestations payables pour une semaine de chômage comprise dans toute période de congé de celui-ci se limitent au montant payable à l’égard de l’emploi dans cette autre profession.
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