Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Comparutions

Le prestataire, monsieur S. A., était présent à l’audience par téléconférence.

Introduction

[1] Le prestataire a présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploi le 17 février 2016. Cependant, le 9 mars 2016, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission) a rejeté la demande du prestataire. Elle a déterminé que le prestataire avait volontairement quitté son emploi sans justification le 24 janvier 2016 parce qu’il y avait d’autres solutions raisonnables. De plus, la Commission a conclu qu’à partir du 7 mars 2016, le prestataire suivait un cours de formation de sa propre initiative, et que par conséquent, il n’a pas prouvé qu’il était disponible pour travailler à partir de cette date. Finalement, elle a réparti son indemnité de vacances sur la semaine du 24 janvier 2016 au 30 janvier 2016.

[2] Le 24 mars 2016, le prestataire a demandé à la Commission une révision de sa décision relativement à son départ volontaire de son emploi. Le 4 mai 2016, la Commission a maintenu ses décisions concernant son départ volontaire et sa disponibilité.

[3] Le 31 mai 2016, le prestataire a uniquement interjeté appel de la question relative au départ volontaire devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal).

[4] L’audience a eu lieu par téléconférence parce que le prestataire était seul à y assister; la crédibilité ne devait pas figurer au nombre des questions principales et le mode d’audience respecte les dispositions du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale voulant que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Question en litige

[5] Le membre doit déterminer si le prestataire devrait être exclu du bénéfice des prestations parce qu’il a quitté volontairement son emploi sans justification aux termes des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE).

Preuve

[6] Dans sa demande, le prestataire a indiqué qu’il occupait un emploi jusqu’au 22 janvier 2016 et qu’il ne travaillait plus, car il était en congé autorisé (GD3-3 à GD3-12).

[7] Dans le relevé d’emploi (RE), l’employeur a indiqué que le prestataire avait quitté son emploi comme peintre afin de retourner à l’école (GD3-13).

[8] Le 9 mars 2016, la Commission a indiqué que le prestataire avait affirmé qu’il était toujours un employé et qu’il était en congé autorisé, car il n’était plus en mesure de se rendre au travail avec son beau-père à partir de décembre. Il avait (?) la voiture de sa cousine jusqu’à ce qu’elle termine l’école (pas clair); il n’y avait aucun transport en commun d’offert et un embarquer avec un collègue n’était pas possible. Il a commencé l’école le 7 mars 2016. La transcription n’est pas claire et semble indique ce qui suit : que s’il n’avait pas pris la décision d’aller à l’école, il aurait quitté son emploi à cause du problème de transport (GD3-14).

[9] L’employeur a avisé la Commission que le prestataire a quitté l’école et qu’il avait un autre poste. Ils ont avisé le prestataire que si ça ne fonctionnait pas avec son nouvel employeur, ils l’embaucheraient à nouveau s’ils avaient un poste vacant, bien que cela ne l’oblige en rien. Il ne leur a pas fait part de son problème de transport. L’employeur a confirmé qu’il n’y avait pas de transport en commun d’offert (GD3-15).

[10] Le 9 mars 2016, la Commission a rejeté la demande de prestations régulières de l’assurance-emploi du prestataire, car il n’a pas démontré qu’il avait été fondé à quitter son emploi à partir du 24 janvier 2016, car il y avait d’autres solutions raisonnables. De plus, il a été jugé comme n’étant pas disponible à partir du 7 mars 2016, car il suivait un cours de formation de sa propre initiative. De plus, elle a réparti son indemnité de vacances (115 $) sur la semaine du 24 janvier 2016 au 30 janvier 2016 (GD3-16).

[11] Dans sa demande de révision et son avis d’appel au Tribunal, le prestataire a indiqué qu’il avait une note d’un médecin afin de démontrer qu’il avait l’ordre du médecin de rester à la maison pendant une semaine à cause d’essoufflements (causés par des produits) et de douleur au dos. À son retour, il a été avisé qu’il avait été remplacé (GD2-3 et GD3-18).

[12] Le prestataire a affirmé à la Commission qu’il a été transféré à un poste de peinture au pistolet. Il a informé l’employeur de son asthme et de son incapacité à faire ce travail, en plus de sa douleur au dos. Le prestataire a affirmé qu’il était en congé pendant trois jours, mais qu’à son retour, il avait été remplacé parce qu’il ne les avait pas appelés pour leur dire qu’il allait être en congé. Le prestataire a affirmé qu’il les avait bel et bien informés, et qu’il avait une note de médecin. Il est allé parler avec le [traduction] « grand patron » qui, à son tour, a effectué un suivi avec le superviseur. Il a effectué un autre suivi, et on lui a dit qu’ils ne pouvaient pas congédier le nouvel employé et ils se sont excusés. Il a seulement mentionné à l’employeur qu’il voulait retourner à l’école en septembre, mais il n’a pas quitté son emploi (GD3-19).

[13] Le directeur d’usine a avisé la Commission que les déclarations du prestataire sont totalement fausses. Le prestataire ne souffrait d’aucune blessure au dos. Il a quitté son emploi pour retourner à l’école, et il voulait quelques semaines de congé avant de commencer. Ils lui ont demandé et il a accepté de rester jusqu’à ce qu’ils trouvent quelqu’un pour doter son poste, ce qui s’est avéré difficile. Cela a pris de 3 à 4 semaines pour embaucher un remplaçant (GD3-20).

[14] Le 4 mai 2016, la Commission a avisé le prestataire qu’elle avait déterminé que la version des faits de l’employeur était plus authentique, raisonnable et plausible; c’est-à-dire que les motifs de cessation d’emploi du prestataire qui avaient été précisés initialement (problèmes de transport et son retour à l’école) sont généralement une réflexion plus exacte de la situation que ses déclarations ultérieures; il n’avait pas mentionné auparavant qu’il avait pris trois jours de congé et qu’à son retour, il avait été remplacé. Depuis qu’il a affirmé avoir commencé sa formation le 7 mars 2016, les déclarations de l’employeur sont plus crédibles. La Commission a maintenu sa décision initiale (GD3-21 à GD3-23).

Témoignage lors de l’audience

[15] Le prestataire a affirmé qu’il n’a pas quitté son emploi. Le prestataire a affirmé qu’il a fourni à son employeur un billet du médecin selon lequel il devait arrêter de travailler pendant deux semaines à cause de douleurs au dos. L’employeur a approuvé ce congé. À son retour, son employeur lui a signalé qu’il était supposé être en congé pendant seulement une semaine (et non deux), et que par conséquent, il avait été remplacé. Il y a eu un malentendu entre lui, le superviseur et son patron. Il est resté en congé pendant que son patron discutait avec le superviseur/directeur d’usine et le bureau. Il a téléphoné à l’employeur pour assurer un suivi et le directeur d’usine lui a dit qu’il n’y a vraiment pas beaucoup de travail en janvier (c’est habituellement le cas tous les ans) et qu’ils allaient le rappeler en février ou mars. Le prestataire a affirmé que l’employeur lui a posé des questions au sujet de l’école, mais qu’il lui a dit qu’il voulait aller à l’école l’été prochain. Il a continué à assurer un suivi, et chaque fois, on lui a dit de rappeler. Trois semaines plus tard, il a téléphoné au service de rémunération et a demandé qu’on lui redonne son emploi ou qu’on lui donne tous ses papiers. On lui a conseillé de présenter une demande de prestations d’assurance-emploi. La Commission n’avait rien reçu, et il a donc rappelé le service de rémunération qui a alors envoyé les documents.

[16] Le prestataire a affirmé que lorsqu’il a finalement présenté sa demande, Service Canada lui a dit que le RE indique qu’il retournait à l’école. Il a affirmé qu’il a expliqué à l’agent qu’il avait l’intention de suivre un cours de métier, mais seulement en juillet ou en septembre lorsque le cours sera offert, mais pas en janvier ou en février. Le prestataire a affirmé qu’il avait indiqué [traduction] « congé autorisé » sur son formulaire de demande, car on lui a conseillé de [traduction] « cliquer sur n’importe quel » au bureau de Service Canada, puis lorsqu’on lui a demandé d’expliquer.

[17] Le membre a demandé au prestataire pourquoi il y a eu une cessation d’emploi; pourquoi il ne travaillait plus. Le prestataire a affirmé qu’il aimait travailler pour son employeur, mais qu’en raison de ses douleurs au dos, il n’a pas voulu le reprendre; il n’est pas certain s’il a été mis à pied. Le prestataire a affirmé qu’il ne comprend pas et qu’il n’a [traduction] « aucune idée » pourquoi il ne pouvait pas retourner travailler après avoir pris un congé en raison de ses douleurs au dos. Le prestataire a affirmé qu’il ne connaissait pas la raison pour laquelle il ne travaille plus à cet endroit, affirmant [traduction] « Je le jure devant Dieu, je ne sais pas pourquoi ». Il a affirmé que le superviseur était raciste envers lui et que depuis son départ, le directeur de l’usine a été rétrogradé à un poste de superviseur. Le prestataire a affirmé que l’on pouvait communiquer avec l’entreprise afin de confirmer combien de fois il a appelé depuis janvier afin de retourner travailler. Il a affirmé : [traduction] « Si l’on m’appelle à ce moment même... J’y retournerais aujourd’hui! »

[18] Le prestataire a affirmé que l’employeur savait qu’il était asthmatique et qu’il utilisait parfois sa pompe si l’odeur de peinture était trop prononcée pour lui. Le prestataire a affirmé qu’il a été en mesure de gérer son asthme préexistant au travail, et ce, pendant deux ans. Le prestataire a affirmé : [traduction] « Je n’ai pas arrêté de travailler ». Il est allé voir le médecin à cause de ses douleurs au dos, et il n’avait besoin que de deux semaines de repos. Le prestataire a affirmé qu’il n’aurait pas présenté de demande de prestations et poursuivi cette affaire devant le Tribunal s’il avait tout simplement choisi d’arrêter de travailler, ce qui n’est pas le cas.

[19] Le membre a posé des questions au prestataire au sujet des documents médicaux qu’il a fournis à son employeur. Le prestataire a affirmé que le billet du médecin qu’il a fourni à son employeur indiquait qu’il avait besoin de deux semaines de congé (le prestataire s’est référé à son calendrier) du 15 janvier jusqu’à la fin de janvier. En raison de conditions météorologiques, il avait avisé son employeur par téléphone, puis le 21 janvier, il est allé au travail pour lui donner le billet. À son retour, le 1er février, on lui a dit qu’il avait été remplacé. Il ne comprend pas pourquoi cela s’est produit, car il travaillait fort, de 10 à 12 heures par jour; il ne restait jamais assis à la maison. Le prestataire a affirmé qu’il fait preuve d’honnêteté et qu’il dit la vérité. La Commission ne lui a pas demandé le billet du médecin. Le prestataire croit avoir une copie du billet qu’il a fourni à l’employeur et il l’enverra au Tribunal.

[20] Le prestataire a été renvoyé aux déclarations de l’employeur à GD3-15 selon lesquelles il a quitté son emploi parce qu’il avait un autre emploi. Le prestataire a affirmé que cela n’était pas vrai. En fait, depuis janvier 2016, il se cherche activement un emploi (fait des entrevues; curriculum vitae), et il n’occupe un emploi que depuis environ deux mois. Le prestataire a affirmé qu’il n’est pas allé à l’école. Au cours de l’été (juin/juillet) 2015, il a eu une discussion avec son patron, lequel l’encourageait à aller à l’école parce qu’il est un jeune homme. Il lui a dit qu’il pensait y aller en septembre 2016. Le prestataire a affirmé que c’est pour cela qu’il trouve cela très contrariant.

[21] Le prestataire a été référé à la déclaration du directeur de l’usine à GD3-20; le prestataire a affirmé que l’employeur mentait et que [traduction] « absolument rien n’est vrai ». Le prestataire a affirmé que cela démontre à quel point [traduction] « ils » étaient [traduction] « racistes envers moi » à cet emploi. Le superviseur le prenait pour cible était [traduction] « sur son cas » et lui confiait les tâches les plus difficiles, mais il ne se plaignait jamais et faisait preuve de respect. Le prestataire a affirmé qu’il s’est plaint auprès du [traduction] « grand patron » de la façon dont [traduction] « ils », le directeur de l’usine (S. M.) et le superviseur (J.) le traitaient. Ils ont préparé une lettre que lui-même ainsi que le directeur de l’usine ont signée, laquelle démontrait que cela était un problème entre lui et eux. Le directeur de l’usine n’est pas sur le plancher, donc il se fiait à ce que le superviseur lui disait. Le prestataire a affirmé que c’était le directeur de l’usine qui avait fourni les déclarations à la Commission et avait créé ces problèmes pour lui. Le membre avait donné l’occasion au prestataire d’envoyer cette lettre.

[22] Le prestataire a témoigné qu’il n’avait aucun problème de transport, car il avait son propre véhicule. En fait, il amenait même une autre personne au travail. Il a affirmé qu’il avait en fait deux voitures (une pour l’hiver), et que par conséquent, le transport n’était pas un problème. Il a avisé la Commission que cette déclaration provenant de l’employeur n’était pas vraie. Le prestataire a affirmé que l’agente de la Commission avec qui il a parlé parlait en français et qu’il avait de la difficulté à comprendre ce qu’elle disait, car elle avait un accent québécois (il est africain). Son français est différent. Ce qu’il a dit et ce qu’elle a documenté sont erronés.

[23] Le prestataire a eu la chance d’envoyer a) le billet médical qu’il a fourni à son employeur à l’époque et b) la lettre à laquelle il a fait référence et qu’il veut fournir relativement aux problèmes qu’il avait eus avec le directeur de l’usine/superviseur.

[24] Le 12 décembre 2016, le prestataire a fourni au Tribunal la lettre signée par le directeur d’usine et le prestataire le 8 janvier 2015. Elle documente trois incidents (mai 2014, août 2014 et 7 janvier 2015) où le prestataire a présenté une plainte au directeur de l’usine au sujet du traitement qu’il recevait du superviseur (Jason). Il note que le prestataire avait l’impression qu’il était la cible du superviseur possiblement en raison de discriminations raciales (GD5).

[25] Le prestataire a noté, au sujet de cette pièce, qu’il n’a pas été en mesure de trouver une copie du billet médical.

Observations

[26] Le prestataire a affirmé qu’il n’a pas volontairement quitté son emploi. Le prestataire a fait valoir que les déclarations de l’employeur étaient fausses - il n’a pas quitté son emploi pour aller à l’école ou pour accepter un autre emploi, et il n’avait pas de problèmes de transport. Il a fait valoir que bien qu’il était en congé de maladie approuvé de deux semaines, il a été remplacé après seulement une semaine par un autre employé. Le directeur de l’usine s’en remettait au superviseur, qui faisait preuve de préjugés racistes envers lui (comme démontré à GD5) et a fourni des déclarations à la Commission. Le prestataire a fait valoir que l’agente de la Commission, avec qui il a parlé initialement, avait un accent français différent qu’il ne comprenait pas totalement. Le prestataire a fait valoir qu’il ne comprenait pas pourquoi il ne pouvait pas retourner travailler/il y a eu une cessation d’emploi.

[27] La Commission a fait valoir que le prestataire avait changé ses motifs initiaux pour avoir quitté son emploi (soit qu’il avait quitté pour aller à l’école et en raison de problèmes de transport) après que sa demande de prestations ait été rejetée pour ces motifs. La Commission a jugé que les motifs initiaux de l’employeur et du prestataire étaient plus crédibles. Elle a jugé que compte tenu de ses motifs initiaux, le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi parce qu’il n’a pas épuisé toutes les solutions raisonnables avant de quitter son emploi. La Commission a fait valoir que le prestataire aurait pu continuer à travailler et essayer d’organiser son horaire de cours en fonction de ses heures de travail. Faute de quoi, la Commission a fait valoir que le prestataire aurait pu se trouver un autre emploi convenable qui aurait pu accommoder son horaire de cours avant de quitter son emploi. De plus, le prestataire aurait pu discuter de ses problèmes de transport avec l’employeur qui aurait peut-être été en mesure de prendre des arrangements pour son transport ou il aurait pu se trouver un emploi à proximité de son lieu de résidence avant de quitter son emploi.

Analyse

[28] Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites à l’annexe de cette décision.

[29] Selon les articles 29 et 30 de la Loi sur l’AE, un prestataire qui quitte volontairement son emploi doit être exclu du bénéfice des prestations, à moins qu’il puisse établir qu’il était fondé à agir ainsi.

[30] Le membre reconnait qu’il existe un principe bien établi selon lequel un prestataire est fondé à quitter son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ constituait la seule solution raisonnable, aux termes de l’alinéa 29c) de laLoi sur l’AE (Patel A-274-09, Bell A-450-95, Landry A-1210-92, Astronomo A-141-97, Tanguay A-1458-84).

[31] Le membre a d’abord tenu compte du fait qu’il incombait à la Commission de démontrer que le prestataire avait quitté volontairement son emploi. Le fardeau de la preuve se déplace alors vers le prestataire à qui il incombe de démontrer qu’il était fondé à quitter son emploi (Green 2012 CAF 313, White, A-381-10 et Patel, A-274-09). En l’espèce, le membre estime que, pour les motifs qui suivent, la Commission ne s’est pas acquittée de son fardeau initial qui était de démontrer que le prestataire avait volontairement quitté son emploi.

[32] La Commission a fait face à des motifs contradictoires pour la cessation d’emploi. D’un côté, l’employeur a indiqué sur le RE et a affirmé à la Commission que le prestataire a quitté son emploi afin d’aller à l’école et parce qu’il s’était trouvé un autre emploi. D’un autre côté, le prestataire a indiqué dans sa demande et a affirmé initialement à la Commission qu’il était en congé sans date précise de retour au travail, car il retournait à l’école le 7 mars 2016 et parce qu’il avait des problèmes de transport. Le prestataire a par la suite informé la Commission du fait qu’il n’avait pas quitté son emploi. Il ne travaillait pas, parce que pendant qu’il était en congé de travail en raison de son asthme (peinture) et de ses douleurs au dos, son employeur l’a remplacé; non pas parce qu’il allait/voulait retourner à l’école et qu’il avait des problèmes de transport.

[33] La Commission a estimé que les déclarations initiales de l’employeur et du prestataire étaient plus crédibles que les motifs/déclarations subséquentes fournis par le prestataire après sa décision initiale d’exclure le prestataire du bénéfice des prestations. La Commission a justifié sa position en notant que a) il est possible que le prestataire a changé ses motifs pour avoir quitté son emploi, car sa demande de prestations a été rejetée sur ces motifs et b) il n’a pas mentionné initialement qu’il était en congé de son emploi à cause d’une blessure au dos qu’il avait été remplacé. Dans ses observations au Tribunal, l’auteur a également noté qu’elle avait remis davantage en question la crédibilité du prestataire, car elle était l’agente à qui le prestataire avait parlé le 4 mai 2016 (GD3-21) et elle nie avoir dit au prestataire qu’il était exclu du bénéfice des prestations parce qu’il était jeune et qu’il devait se trouver un emploi plutôt que de dépendre des prestations d’assurance-emploi (GD2-4, GD3-21 et GD4-3). La Commission n’a pas justifié pourquoi elle a jugé que l’employeur était plus crédible.

[34] Le membre reconnait que la considération de la Commission est appuyée par [traduction] « une jurisprudence abondante et constante a clairement établi qu’un conseil arbitral doit accorder beaucoup plus de poids aux déclarations initiales et spontanées faites par les personnes intéressées avant la décision de la Commission, qu’aux déclarations subséquentes offertes dans le but de justifier ou de bonifier la situation du prestataire face à une décision défavorable de la Commission. » (CUB 25154)

[35] Le membre reconnait aussi que la Cour fédérale a depuis ce temps confirmé que le Tribunal ne doit pas négliger ou ignorer les déclarations initiales et spontanées d’un prestataire, car cela peut soulever d’importantes questions de crédibilité. Il a noté qu’ [traduction] « [...] il était de la fonction et du devoir du conseil arbitral d’apprécier pour, par la suite, prendre une conclusion et surtout la justifier » (Bellefleur 2008 CAF 13).

[36] En l’espèce, le membre a tenu compte de la déclaration initiale du prestataire à la Commission (GD3-14) et n’a pas négligé celle-ci. Cependant, contrairement à la Commission, le membre n’a pas accordé davantage de poids (ou aucun poids) à cette déclaration initiale, et ce, pour quelques raisons.

[37] Premièrement, le membre a tenu compte de l’ensemble de la déclaration initiale et spontanée du prestataire, notant que non seulement le prestataire a fourni des motifs pour lesquels il ne travaillait pas, mais qu’il a également soutenu qu’il était encore un employé et qu’il était en période de congé sans date précise de retour au travail (GD3-14). Cette partie de la déclaration est étayée par le formulaire de demande antérieur (GD3- 6), par les observations subséquentes (GD3-18) et par son témoignage direct selon lequel il n’a pas quitté son emploi et qu’il était en congé de maladie lorsque son employeur l’a remplacé. Le membre estime que le prestataire n’a jamais dérogé à cette position. La Commission a placé davantage de poids seulement sur la partie de la déclaration initiale du prestataire à la Commission selon laquelle il ne travaillait pas en raison de problèmes de transport et parce qu’il avait commencé l’école. Elle a conclu que cela signifiait qu’il avait volontairement quitté son emploi, concluant que la déclaration de l’employeur était plus crédible. Cependant, le membre ne pouvait pas ignorer le fait que le prestataire avait également affirmé initialement qu’il était en congé et qu’il était toujours un employé.

[38] Deuxièmement, le prestataire a fourni un témoignage direct qui a remis en question l’exactitude de la transcription de sa déclaration ou discussion initiale (GD3-14). Le prestataire a affirmé que lorsqu’il a parlé avec la Commission pour la première fois, l’agente lui a parlé en français. Il a affirmé qu’il avait eu de la difficulté à comprendre l’accent québécois de l’agente et que son français était différent. Il a affirmé que ce que l’agente avait documenté était erroné. Ce n’est pas ce qu’il a dit. Le membre conclut que le témoignage du prestataire est plausible et note que la transcription est relativement ambiguë. Par conséquent, le membre a placé davantage de poids sur le témoignage direct selon lequel il y a eu un malentendu que sur cette preuve indirecte par ouï-dire de la Commission.

[39] De plus, le membre est obligé de tenir compte de l’ensemble de la preuve dont est saisi le Tribunal et de l’analyser. En l’espèce, le membre a noté que le seul élément de preuve fournie à la Commission avant l’audience était une déclaration initiale et subséquente du prestataire et de l’employeur. Aucun autre élément de preuve n’a été fourni pour étayer ou réfuter la position du prestataire ou celle de l’employeur. En revanche, le membre a également eu à considérer la preuve directe (témoignage) et documentaire (GD5) fournie à l’audience.

[40] Le prestataire a affirmé qu’il n’a pas volontairement quitté son emploi. Il a affirmé qu’il ne comprenait pas vraiment pourquoi il y a eu une cessation d’emploi et il pensait qu’il y avait eu un malentendu entre lui, son superviseur et son patron. Il a affirmé avoir fourni à son employeur un billet médical et que celui-ci a approuvé son congé de deux semaines. À son retour, l’employeur lui a dit qu’il pensait qu’il n’allait être en congé que pendant une semaine, et que par conséquent, il avait été remplacé. Il a affirmé que malgré le fait qu’il est assuré plusieurs suivis auprès de son employeur, on lui a dit qu’il ne pouvait pas congédier son remplaçant; il n’y avait pas beaucoup de travail en janvier et il allait le rappeler en février ou en mars. Le prestataire a témoigné qu’il a fourni un billet médical à son employeur, mais qu’il n’avait pas de copie à fournir au Tribunal (GD5). Cependant, le membre note que lorsque le prestataire a été directement confronté aux déclarations de l’employeur à la Commission (GD3-15 et GD3-20), il a catégoriquement insisté sur le fait que la déclaration de l’employeur selon laquelle il n’y a jamais eu de blessure au dos était fausse. Le membre estime que le témoignage direct du prestataire réfute la preuve directe de l’employeur à la Commission.

[41] De plus, le prestataire a affirmé que les déclarations que le directeur de l’usine a faites à la Commission sont complètement fausses. Pour étayer cette position et pour jeter le doute sur la crédibilité des déclarations que l’employeur a faites à la Commission, le prestataire a fourni des éléments de preuve documentaire démontrant ses problèmes antérieurs avec le superviseur, qui selon lui, le prenait comme cible et avait des préjugés racistes envers lui (GD5). Le prestataire a noté que le directeur de l’usine s’en remettait au superviseur pour fournir des déclarations à la Commission. Le prestataire a également affirmé qu’il n’avait pas dit à la Commission qu’il avait des problèmes de transport jusqu’au travail; il avait sa propre voiture et, en fait, il amenait également un collègue au travail. Le membre estime que le témoignage du prestataire est étayé par la déclaration de l’employeur à la Commission selon laquelle il ne leur a mentionné aucun problème de transport (GD3-15). Le témoignage du prestataire réfute également les déclarations par ouï-dire double de l’employeur à la Commission selon lesquelles le prestataire leur a dit qu’il quittait pour aller à l’école et parce qu’il s’était trouvé un nouvel emploi. Le prestataire a reconnu qu’il avait bel et bien parlé à son employeur au sujet d’aller à l’école plusieurs mois auparavant (juin 2015), car son employeur l’encourageait à aller à l’école. Il a affirmé que même s’il a contemplé cette idée, il a soutenu qu’il ne pouvait rien commencer avant l’été ou l’automne 2016. En ce qui a trait à un nouvel emploi, le prestataire a affirmé que ces déclarations sont fausses et qu’en fait, il est demeuré sans emploi jusqu’en automne 2016.

[42] Le membre estime que le prestataire a été franc, sincère et inflexible en ce qui a trait à sa position. Le membre estime que la preuve ne vient pas étayer la conclusion selon laquelle l’employeur était plus crédible. Par conséquent, le membre a accordé davantage d’importance au témoignage direct du prestataire qu’aux déclarations indirectes et non étayées de l’employeur à la Commission. Par conséquent, le membre n’a pas été en mesure d’arriver à la même conclusion que la Commission qui était que le motif de cessation d’emploi était que le prestataire avait volontairement quitté son emploi.

[43] Enfin, la Cour suprême du Canada a confirmé que l’objectif de la Loi sur l’AE est l’indemnisation des personnes dont l’emploi s’est involontairement terminé et qui se retrouvent sans travail (Gagnon [1988] R.C.S. 29). Autrement dit, les articles 29 et 30 de la Loi sur l’AE prévoient une exception à la règle générale selon laquelle les assurés qui se retrouvent involontairement en chômage ont droit à des prestations (Goulet A-358-83). En l’espèce, la preuve démontre que le prestataire a été remplacé pendant qu’il était en congé médical et qu’à son retour, il n’y avait pas de travail de disponible. Le prestataire a assuré plusieurs suivis par la suite, et ce, sans succès. L’employeur avait affirmé à la Commission que si le prétendu nouvel emploi du prestataire ne fonctionnait pas, il le réembaucherait s’il y avait du travail de disponible (GD3-15). Le prestataire a également affirmé que [traduction] « Si l’on m’appelle à ce moment même... J’y retournerais aujourd’hui! » Pour tous les motifs fournis, le membre estime que le prestataire ne s’est pas placé délibérément en situation de chômage.

[44] Après avoir examiné toutes les circonstances, le membre conclut que la Commission ne s’est pas acquittée de son fardeau initial qui était de démontrer que le prestataire avait volontairement quitté son emploi. Le prestataire ne doit donc pas être exclu du bénéfice de prestations en vertu des articles 29 et 30 de la Loi sur l’AE.

Conclusion

[45] L’appel est accueilli.

Annexe

Droit applicable

29 Pour l’application des articles 30 à 33 :

  1. a) emploi s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
  2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;
  3. (b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
    1. (i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin,
    2. (ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre,
    3. (iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert;
  4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
    1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
    2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
    3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
    4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
    5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
    6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
    7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
    8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
    9. (ix) modification importante des fonctions;
    10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
    11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
    12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
    13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
    14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.

30 (1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :

  1. a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
  2. b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

(2) L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.

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