Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est accueilli, et le dossier est renvoyé à la division générale pour qu’une nouvelle audience soit tenue devant un membre différent.

Introduction

[2] Le 20 juin 2016, la division générale du Tribunal a conclu que l’appelant n’avait pas réussi à prouver qu’il était disponible pour travailler, conformément aux articles 18 et 50 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE) et à l’article 9.001 du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement sur l’AE).

[3] Le 26 juillet 2016, l’appelant a présenté une demande de permission d’en appeler à la division d’appel après avoir reçu une communication de la décision de la division générale le 27 juin 2016. La permission d’en appeler lui a été accordée le 10 août 2016.

Mode d'audience

[4] Le Tribunal a tenu une audience par téléconférence pour les raisons suivantes :

  • la complexité de la question en litige;
  • du fait que la crédibilité des parties ne figurait pas au nombre des questions principales;
  • les renseignements figurant au dossier, y compris le besoin d’en obtenir davantage;
  • l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Droit applicable

[5] Au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), il est prévu que les seuls moyens d’appels sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige

[6] Le Tribunal doit déterminer si la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que l’appelant n’avait pas réussi à prouver qu’il était disponible pour travailler, conformément aux articles 18 et 50 de la Loi sur l’AE et à l’article 9.001 du Règlement sur l’AE.

Arguments

[7] L’appelant invoque les arguments suivants pour étayer l’appel :

  • La division générale s’est fondée à tort sur sa déclaration du 8 septembre 2015 selon laquelle il n’était pas à la recherche d’un emploi.
  • Il a reçu des prestations de maladie de l’assurance-emploi (AE) jusqu’au 10 octobre 2015. Par conséquent, le relevé du 8 septembre 2015 avait été produit au moment où il touchait des prestations de maladie de l’AE. En fait, il n’a pas renouvelé sa demande de prestations régulières d’AE avant le 25 octobre 2015.
  • Cette déclaration faite au téléphone a immédiatement été réfutée dans sa lettre à l’intention de Service Canada (GD3-12).
  • Son admissibilité aux prestations régulières d’AE à partir du 26 octobre 2015 peut être évaluée de manière équitable et correcte seulement s’il est tenu compte des efforts qu’il a déployés pour trouver un emploi à cette date et après celle-ci.
  • La division générale a commis une erreur en ne tenant pas compte de la lettre datée du 8 septembre 2015. Dans le même ordre d’idées, il soutient que la division générale a commis une erreur en omettant d’expliquer dans sa décision la raison pour laquelle elle avait refusé de juger comme étant véridique la lettre à l’intention de Service Canada, datée du 8 septembre 2016, ainsi que le témoignage sous serment qui correspondait à cet argument.
  • Il soutient que, pour évaluer sa disponibilité pour travailler à partir du 26 octobre 2015, le fait de se fonder sur une déclaration faite le 8 septembre 2015 est contraire aux principes de justice naturelle.
  • Il soutient que la décision de lui refuser les prestations régulières d’AE à partir du 26 octobre 2015 avait été rendue avant qu’il ait droit à une occasion équitable et raisonnable de modifier sa notion d’emploi convenable. La détermination de ce qui constitue une période raisonnable dépend des circonstances particulières qui s’appliquent.
  • Il est respectueusement soutenu que l’appelant n’a pas eu une occasion équitable étant donné qu’il a été déclaré non admissible seulement 16 jours après la dernière journée où il avait touché des prestations de maladie de l’AE.
  • Il n’avait pas déterminé ce qu’il avait l’intention d’accepter ou de chercher comme emploi convenable, comme il est prétendu dans la décision de la division générale (ADI-31). Sa recherche d’emploi était plutôt influencée par sa blessure attestée sur le plan médical, son invalidité, ses qualifications et son expérience professionnelle.
  • Il soutient que la décision de la division générale ne parvient pas à expliquer le fondement sur lequel sa preuve a été rejetée et la façon dont elle a rendu une conclusion quant à la crédibilité à la lumière de la preuve contradictoire.
  • La division générale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu qu’il préférait chercher un emploi relativement à son expérience de chauffeur, mais qu’il n’a pas fourni une preuve de recherche d’emploi sérieuse qui convenait à ses aptitudes et à ses limitations.
  • Il soutient que l’appréciation de sa disponibilité n’a pas tenu compte de ses antécédents de travail à temps plein après sa blessure et de la réalité que, en appelant des employeurs pour demander si des tâches légères sont disponibles, la réponse sera inévitablement qu’aucune tâche légère n’est disponible chez certains employeurs potentiels.
  • Plus particulièrement, la décision de la division générale semble être fondée sur un certain nombre d’emplois pour lesquels il a postulé, et non sur la preuve qu’il a présentée relativement à de nombreuses activités différentes effectuées pour trouver un emploi.
  • La décision de la division générale n’a pas abordé la jurisprudence présentée par l’appelant, et cela porte à conclure que la division générale a écarté ladite jurisprudence pour rendre ses décisions.
  • Il est respectueusement soutenu que, même s’il a indûment limité sa recherche d’emploi, les prestataires d’AE ont droit à une période pour limiter la recherche au domaine pour lequel il a été formé, mais que, après une certaine période de chômage, il y a lieu de s’attendre à ce que les prestataires cherchent des emplois dans d’autres domaines et des occupations à l’extérieur de leur domaine habituel.
  • Il est respectueusement soutenu que le fait qu’il souffre d’un trouble médical ne signifie pas qu’il est incapable de travailler ou non disponible pour le faire. Chaque prestataire souffrant d’une blessure ou d’une maladie doit être évalué de manière individuelle. Un prestataire qui est incapable d’effectuer son emploi régulier sur le plan médical pourrait être obligé de chercher à obtenir des tâches légères chez un autre employeur. C’est exactement ce qu’il a fait.
  • Le fait de refuser de donner au prestataire un avis et une période raisonnable pour trouver un emploi dans un autre domaine constitue une erreur de droit.
  • Une erreur de droit a été commise, car la division générale a tenu compte de la nature de son invalidité et de sa blessure de manière inadéquate.

[8] L’intimée fait valoir les arguments suivants à l’encontre de l’appel :

  • La disponibilité d’une personne s’établit en fonction de trois critères : le désir sincère de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable se présente; la manifestation de ce désir par la recherche d’emploi et le fait de ne pas s’imposer des conditions personnelles pouvant limiter indûment ses chances de retour sur le marché du travail. La disponibilité est appréciée au moyen de la preuve selon laquelle une personne est apte et disponible chaque journée d’une période de prestations.
  • La division générale a appliqué le bon critère juridique aux faits; sa décision était conforme aux dispositions législatives et appuyée par la jurisprudence.
  • La division générale a présenté le raisonnement qui sous-tend sa décision c’est-à-dire que sa disponibilité n’avait pas été démontrée, conformément à l’article 18 de la Loi sur l’AE. Elle a conclu que l’appelant ne voulait pas retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable lui serait offert, mais qu’il préférait chercher un emploi relatif à son expérience de chauffeur, car aucune recherche d’emploi sérieuse pour un emploi convenable à ses capacités n’a été produite.
  • L’appelant n’a déployé aucun effort important pour chercher du travail après la date à laquelle il a été jugé non admissible le 26 octobre 2015. En limitant sa recherche d’emploi et en ne cherchant pas un emploi pour lequel il avait des limitations médicales ou pour lequel il manquait d’expérience, il a limité ses chances de retourner travailler.
  • La décision de la division générale fait partie des issues raisonnables, compte tenu de l’ensemble des faits présentés. Aucun élément de preuve ne montre que la division générale a agi de façon impartiale, a commis une erreur de droit ou a tiré une conclusion de fait erronée, de façon abusive ou arbitraire.

Norme de contrôle

[9] L’appelant n’a pas présenté d’observations concernant la norme de contrôle applicable.

[10] L’intimée soutient que la division d’appel ne doit aucune déférence à l’égard des conclusions de la division générale en ce qui a trait aux questions de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier. Toutefois, pour les questions mixtes de fait et de droit, la division d’appel doit faire preuve de déférence à la division générale. Elle ne peut intervenir que si la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance – Pathmanathan c. Bureau du juge-arbitre, 2015 CAF 50.

[11] Le Tribunal souligne que la Cour d’appel fédérale, dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Jean, (2015) CAF 242, a indiqué au paragraphe [19] de sa décision que [traduction] « [l]orsqu ‘elle agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, la division d’appel n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieure ».

[12] La Cour d’appel fédérale a également précisé ce qui suit :

[N]on seulement la Division d’appel a-t-elle autant d’expertise que la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale et [qu’elle] n’est […] donc pas tenue de faire preuve de déférence, mais au surplus un tribunal administratif d’appel ne saurait exercer un pouvoir de contrôle et de surveillance réservé aux cours supérieures provinciales ou, pour les « offices fédéraux », à la Cour fédérale et à la Cour d’appel fédérale ».

[13] La Cour conclut que « lorsqu’elle entend des appels conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, la division d’appel n’a d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de cette loi ».

[14] Le mandat de la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale décrit dans la décision Jean a par la suite été confirmé par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Maunder c. Canada (Procureur général), (2015) CAF 274.

[15] Par conséquent, à moins que la division générale n’ait pas observé un principe de justice naturelle, qu’elle ait erré en droit ou qu’elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l’appel.

Analyse

[16] Conformément à l’alinéa 18(1)b) de la Loi sur l’AE, un prestataire qui prouve qu’il est incapable de travailler en raison d’une maladie, d’une blessure ou d’une mise en quarantaine prévue par règlement et qui aurait été sans cela disponible pour travailler ne doit pas être jugé non admissible parce qu’il n’est pas disponible. Cependant, après la fin des prestations de maladie, un prestataire n’est pas automatiquement admissible à des prestations régulières et il y sera admissible seulement s’il prouve sa disponibilité.

[17] Aux termes de l’alinéa 18(1)a) de la Loi sur l’AE, le prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations pour tout jour ouvrable d’une période de prestations pour lequel il ne peut prouver qu’il était, ce jour-là, capable de travailler et disponible à cette fin et incapable d’obtenir un emploi convenable.

[18] La disponibilité d’une personne s’établit en fonction de trois critères : le désir sincère de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable se présente; la manifestation de ce désir par la recherche d’emploi et le fait de ne pas s’imposer des conditions personnelles pouvant limiter indûment ses chances de retour sur le marché du travail; La disponibilité est appréciée au moyen d’une preuve selon laquelle une personne est apte et disponible chaque jour d’une période de prestations – Faucher c. Canada (Procureur général), A-56-96.

[19] En l’espèce, l’appelant a reçu 15 semaines de prestations de maladie du 28 juin 2015 au 10 octobre 2015. L’intimée a conclu qu’il était impossible pour l’appelant de travailler et qu’il devait être considéré comme étant malade et toucher des prestations de maladie (pièce GD3-19).

[20] Une demande de renouvellement des prestations régulières d’AE a pris effet le 25 octobre 2015 (pièce GD3-3 à GD3-11). Il a ensuite été rappelé que, pour ce type de prestations, il devait être apte à travailler et disponible pour travailler, en plus d’être incapable d’obtenir un emploi convenable. De plus, l’appelant a été informé qu’il devait chercher activement un emploi convenable et qu’il devait accepter des offres pour un emploi convenable.

[21] La division générale a conclu que l’admissibilité de l’appelant à des prestations régulières d’AE, à la suite de l’épuisement de ses prestations de maladie, ne pouvait pas être établie parce qu’il n’avait pas démontré sa disponibilité pour travailler, au titre de l’alinéa 18(1)a) de la Loi sur l’AE, en date du 26 octobre 2015.

[22] L’appelant fait valoir que son admissibilité aux prestations régulières d’AE à partir du 26 octobre 2015 peut être évaluée de manière équitable et correcte seulement s’il est tenu compte des efforts qu’il a déployés pour trouver un emploi à cette date et après celle-ci. La division générale s’est fondée à tort sur sa déclaration du 8 septembre 2015 selon laquelle il n’était pas à la recherche d’un emploi. Il a reçu des prestations de maladie de l’AE jusqu’au 10 octobre 2015. Par conséquent, le relevé du 8 septembre 2015 avait été produit au moment où il touchait des prestations de maladie de l’AE. En fait, il n’a pas renouvelé sa demande de prestations régulières d’AE avant le 25 octobre 2015.

[23] Il soutient que la division générale a commis une erreur en ne tenant pas compte de sa lettre datée du 8 septembre 2015. Dans le même ordre d’idées, il soutient que la division générale a commis une erreur en omettant d’expliquer dans sa décision la raison pour laquelle elle avait refusé de juger comme étant véridique la lettre à l’intention de Service Canada, datée du 8 septembre 2016, ainsi que le témoignage sous serment qui correspondait à la lettre.

[24] Le Tribunal a examiné attentivement la décision de la division générale et il convient avec l’appelant que la division générale s’est fondée à tort sur sa déclaration du 8 septembre 2015 alors qu’il touchait des prestations de maladie pour déterminer sa non-disponibilité pour les prestations régulières en date du 25 octobre 2015. Plus précisément, le Tribunal estime que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a examiné ladite déclaration en analysant les critères prévus dans l’arrêt Faucher, précité.

[25] De plus, la division générale n’a aucunement tenu compte de l’argument de l’appelant selon lequel il n’avait pas reçu un avertissement adéquat relativement à sa disponibilité, en date du 25 octobre 2015.

[26] Finalement, il est bien établi que la division générale est tenue d’examiner toute la preuve et que si elle décide d’en écarter certains éléments ou de ne pas leur accorder la force probante qu’ils semblent mériter, elle doit clairement expliquer sa décision – Bellefleur c. Canada (Procureur général), 2008 CAF 13. En l’espèce, la division générale a omis d’expliquer la raison pour laquelle elle a écarté la lettre de réfutation de l’appelant concernant sa déclaration du 8 septembre 2015 (pièce GD3‑12).

[27] Pour les raisons susmentionnées, l’appel est accueilli, et le dossier est renvoyé à la division générale pour qu’une nouvelle audience soit tenue devant un membre différent.

Conclusion

[28] L’appel est accueilli, et le dossier est renvoyé à la division générale pour qu’une nouvelle audience soit tenue devant un membre différent.

[29] La décision de la division générale datée du 20 juin 2016 doit être retirée du dossier.

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