Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est accueilli, la décision de la division générale en date du 22 juillet 2016 est rescindée, et l’appel de l’intimé devant la division générale est rejeté.

Introduction

[2] En date du 22 juillet 2016, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a conclu que l’intimé n’avait pas perdu son emploi en raison de sa propre inconduite en vertu des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi).

[3] L’appelante a déposé une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel en date du 10 août 2016. La permission d’en appeler a été accordée le 18 août 2016.

Mode d’audience

[4] Le Tribunal a déterminé que l’audience de cet appel procéderait par téléconférence pour les raisons suivantes :

  • la complexité de la ou des questions en litige;
  • le fait que la crédibilité des parties ne figurait pas au nombre des questions principales;
  • le caractère économique et opportun du choix de l’audience;
  • la nécessité de procéder de la façon la plus informelle et rapide possible tout en respectant les règles de justice naturelle.

[5] Lors de l’audience, l’appelante était représentée par Rachel Paquette. L’intimé était présent et représenté par Me Adam Minier. L’employeur n’a pas assisté à l’audience malgré la réception de l’avis d’audience.

Droit applicable

[6] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige

[7] La division générale du Tribunal a-t-elle erré en concluant que l’intimé n’avait pas perdu son emploi en raison de son inconduite au sens des articles 29 et 30 de la Loi?

Arguments

[8] L’appelante a soumis les motifs suivants au soutien de son appel :

  • La question que la division générale devait trancher était de savoir si l’absence de l’intimé, sans autorisation et sans avis, malgré les avertissements, constituait de l’inconduite au sens de la Loi. Or, la Division Générale s’est plutôt attardée à justifier le comportement de l’intimé;
  • La division générale a erré dans son application du paragraphe 49(2) de la Loi, car l’on n’est pas en présence de versions contradictoires. Les éléments de preuve en l’espèce sont incontestés, corroborés et admis. L’intimé, ayant un dossier d’absences, s’est de nouveau absenté le 19 juin 2015 et a négligé de prévenir son employeur;
  • La division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Ainsi, l’avis disciplinaire au dossier indique clairement que toute absence devra être communiquée et autorisée au préalable par le président, monsieur A. B. L’avis mentionne également qu’une prochaine absence pourrait mettre l’emploi de l’intimé en péril. L’intimé a admis avoir reçu l’avis disciplinaire. Il a confirmé s’être absenté le 19 juin 2015 et ne pas avoir communiqué avec monsieur A. B. la journée de l’absence;
  • La preuve médicale présentée n’indique pas que l’intimé était dans l’impossibilité d’aviser son employeur. Face à cette preuve, la division générale ne pouvait raisonnablement conclure que l’intimé n’avait jamais été informé adéquatement par son employeur et ne pouvait savoir que son comportement pourrait mener à son congédiement;
  • Le fait que la situation était tolérée auparavant n’est pas pertinent. L’intimé a été clairement averti de corriger son comportement, de respecter son horaire de travail et de suivre des démarches bien précises en cas d’absence;
  • La conclusion de la division générale va à l’encontre de la jurisprudence en matière d’inconduite. La jurisprudence a établi que l’assiduité au travail est la première des conditions essentielles existant dans le contrat de travail conclu entre l’employé et l’employeur. Le fait de volontairement transgresser cette condition constitue une inconduite au sens de la Loi.

[9] L’intimé a soumis les motifs suivants à l’encontre de l’appel de l’appelante :

  • Que la décision de la division générale est bien fondée en fait et en droit;
  • Qu’il n’a fait aucunement preuve d’inconduite;
  • Que son absence était justifiée par son état de santé, tel qu’en fait foi la preuve médicale déposée au dossier.

Normes de contrôle

[10] Les parties soutiennent que la norme de contrôle applicable aux questions de droit est celle de la décision correcte et que la norme de contrôle applicable aux questions mixtes de fait et de droit est celle de la décision raisonnable - Pathmanathan c. Bureau du juge-arbitre, 2015 CAF 50.

[11] Le Tribunal constate que la Cour d’appel fédérale, dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Jean, 2015 CAF 242, mentionne au paragraphe 19 de sa décision que lorsque la division d’appel « agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale, la Division d’appel n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieure. »

[12] La Cour d’appel fédérale poursuit en soulignant que :

Non seulement la Division d’appel a-t-elle autant d’expertise que la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale et [qu’elle] n’est […] donc pas tenue de faire preuve de déférence, mais au surplus un tribunal administratif d’appel ne saurait exercer un pouvoir de contrôle et de surveillance réservé aux cours supérieures provinciales ou, pour les « offices fédéraux », à la Cour fédérale et à la Cour d’appel fédérale.

[13] La Cour d’appel fédérale termine en soulignant que « [l]orsqu’elle entend des appels conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, la Division d’appel n’a d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de cette loi. »

[14] Le mandat de la division d’appel du Tribunal décrit dans l’arrêt Jean a par la suite été confirmé par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Maunder c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 274.

[15] En conséquence, à moins que la division générale n’ait pas observé un principe de justice naturelle, qu’elle ait commis une erreur de droit ou qu’elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l’appel.

Analyse

[16] Le rôle de la division générale est d’examiner les éléments de preuve que lui présentent les deux parties pour déterminer les faits pertinents, soit les faits qui concernent le litige particulier qu’elle doit trancher et d’expliquer, dans sa décision écrite, la décision qu’elle rend concernant ces faits.

[17] Dans le présent dossier, la division générale a clairement rendu sa décision en ignorant les faits portés à sa connaissance, pour conclure à tort qu’il n’y avait pas eu d’inconduite de la part de l’intimé. Au surplus, la division générale a commis une erreur de droit en accordant le bénéfice du doute à l’intimé en vertu du paragraphe 49(2) de la Loi. En effet, ce paragraphe ne s’applique qu’en présence de versions contradictoires, ce qui n’est pas le cas dans le présent dossier.

[18] Pour ces motifs, le Tribunal est justifié d’intervenir et de rendre la décision qui aurait dû être rendue par la division générale.

[19] La preuve devant la division générale démontre que l’intimé s’est absenté plusieurs fois sans avertir son employeur, et ce, malgré les nombreux avertissements qu’il avait reçus.

[20] En date du 8 avril 2015, l’employeur procède à remettre à l’intimé un avis disciplinaire dans lequel il indique que ses absences répétées et injustifiées constituent de l’insubordination et que la situation ne sera plus tolérée. Il doit dorénavant obtenir l’autorisation de son employeur avant de s’absenter pour cause de maladie, vacances ou prise d’un congé. Il y est indiqué que toute récidive ou tout autre agissement de la sorte de sa part entrainera l’application d’autres mesures disciplinaires à son endroit, pouvant aller jusqu’au congédiement (pièces GD3-24, GD3-25).

[21] Suite à cet avis disciplinaire, l’intimé s’est absenté à deux reprises sans avoir avisé son employeur, soit le 6 mai et le 19 juin 2015. Suivant plusieurs tentatives infructueuses de la part de l’employeur pour joindre l’intimé sur le cellulaire qu’il mettait pourtant à sa disposition, la décision a été prise le 19 juin 2015 de le congédier.

[22] Dans une entrevue avec un représentant de l’appelante en date du 2 octobre 2015, l’intimé confirme ne pas s’être présenté au travail et ne pas avoir téléphoné le vendredi 19 juin 2015. Il confirme également avoir reçu l’avis écrit du 8 avril 2015 et qu’il savait qu’à la prochaine absence, il serait congédié. Il reconnait que tout employeur a le droit d’être informé quand son employé sera absent, d’autant plus qu’il avait un poste important au sein de l’entreprise (GD3-34).

[23] L’intimé plaide que son absence du 19 juin 2015 était justifiée par son état de santé. Or, rien dans la preuve médicale produite ne démontre que l’intimé était dans l’incapacité de communiquer avec son employeur afin de l’aviser de son absence. C’est cette omission qui a mené à son congédiement. La valeur probante de la preuve médicale est également faible puisqu’elle fait suite aux absences non signalées de l’intimé du 6 mai et du 19 juin. L’intimé admet d’ailleurs ne pas avoir consulté de médecin avant son congédiement (pièce GD3-34).

[24] De plus, le comportement de l’intimé immédiatement après son absence non signalée du vendredi 19 juin 2015 amenuise également le poids de la preuve médicale. En effet, la preuve démontre que l’intimé avait la capacité de texter un collègue de travail en date du dimanche 21 juin 2015 pour l’aviser qu’il devait rencontrer un médecin le lundi 22 juin 2015. Il lui a alors été expliqué qu’il devait communiquer avec monsieur A. B. afin d’obtenir l’autorisation, ce qu’il n’a pas fait, une fois de plus.

[25] Il est établi dans la jurisprudence que le fait de s’absenter du travail sans prévenir l’employeur constitue de l’inconduite. Le fait de s’absenter du travail sans en aviser l’employeur, ni lui donner de raisons valables, dénote une négligence volontaire ou gratuite des intérêts de l’employeur et un mépris des normes de comportement que l’employeur a le droit d’exiger d’un employé.

[26] Ce qui constitue dans le présent dossier un acte d’inconduite, c’est le fait que l’intimé n’ait pas signalé ses absences répétées à l’employeur. C’est en négligeant de prévenir l’employeur à plusieurs reprises qu’il était incapable d’aller travailler que l’intimé a fait preuve d’inconduite.

[27] Pour les motifs précédemment énoncés, il y a lieu d’accueillir l’appel.

Conclusion

[28] L’appel est accueilli, la décision de la division générale en date du 22 juillet 2016 est rescindée, et l’appel de l’intimé devant la division générale est rejeté.

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