Assurance-emploi (AE)

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Sur c

Motifs et décision

Comparutions

[1] L’appelant a assisté à l’audience par téléconférence. La Commission de l’assurance‑emploi du Canada (la Commission) a reçu l’avis d’audience par voie électronique le 31 janvier 2017, mais n’y a pas assisté. Le Tribunal est convaincu que la Commission a reçu l’avis d’audience et a donc procédé en son absence conformément au paragraphe 12(1) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale.

Contexte

[2] L’appelant a quitté son emploi le 19 février 2014. Le 13 avril 2016, la Commission a exclu l’appelant du bénéfice des prestations parce qu’elle a déterminé qu’il avait volontairement quitté son emploi sans justification. L’appelant a demandé une révision de cette décision le 25 mai 2016. La Commission a avisé l’appelant qu’elle maintenait sa décision initiale le 27 juin 2016. Le Tribunal a accueilli l’appel de l’appelant le 23 août 2016.

[3] L’audience a été tenue par téléconférence pour les raisons suivantes :

  1. la complexité de la question soulevée en appel;
  2. le fait que la crédibilité ne semble pas être une question déterminante;
  3. le fait que plus d’une partie assistera à l’audience;
  4. les renseignements au dossier, y compris le besoin de renseignements supplémentaires;
  5. le mode d’audience respecte l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale voulant que l’instance se déroule de la façon la plus informelle et expéditive que le permettent les circonstances, l’équité et la justice naturelle.

Question en litige

[4] L’appelant interjette appel de la décision de la Commission de l’exclure du bénéfice des prestations en vertu des articles 29 et 30 de la Loi au motif qu’il a volontairement quitté son emploi sans justification.

Preuve

[5] L’appelant a travaillé pour la fonction publique de l’Ontario. Il a été mis à pied en août 2011 et on lui a accordé le droit de poser sa candidature à des concours internes pendant les deux années suivantes. Il a réussi à obtenir un nouvel emploi dans la fonction publique de l’Ontario en mai 2013.

[6] Sa mise à pied en août 2011 a fait l’objet d’un grief en vertu de sa convention collective. En février 2014, son grief a été réglé par une entente conclue entre lui, le gouvernement de l’Ontario et son agent négociateur. Son agent négociateur l’a représenté pendant les négociations qui ont mené au règlement du grief. L’entente prévoyait le versement de certains montants à titre de salaire, de prestations de retraite et d’indemnités de congé accumulées. De plus, l’entente prévoyait que l’appelant prendrait sa retraite le jour où l’entente a été conclue et lui interdisait de postuler un emploi dans la fonction publique de l’Ontario à l’avenir.

[7] L’appelant a témoigné que la clause de l’entente l’obligeant à prendre sa retraite et interdisant son réemploi a été ajoutée par son employeur à la fin des négociations qui ont mené à l’entente. Il a déclaré qu’on ne lui avait pratiquement pas laissé le temps d’examiner cette clause de l’entente avant de devoir la signer. Il a indiqué que cette clause de l’entente lui avait été présentée par son employeur comme étant une proposition « à prendre ou à laisser ». Il a déclaré qu’il s’était senti contraint par son employeur à l’accepter. Après avoir signé l’entente, on lui a permis de retourner à son lieu de travail suffisamment longtemps pour récupérer ses effets personnels et quitter les lieux.

[8] Le dossier de preuve ne montre pas que l’agent négociateur de l’appelant a déposé une objection à cette clause de l’entente ou qu’il l’a appuyée.

[9] L’appelant a fait remarquer que les paiements qui lui avaient été versés à titre de salaire étaient traités comme une rémunération assurable.

[10] L’appelant a reconnu qu’il avait la possibilité de se retirer de l’entente. Il a déclaré que s’il l’avait fait, il aurait conservé l’emploi qu’il occupait alors. Il a témoigné qu’il n’avait aucune idée des perspectives à long terme pour cet emploi et qu’on ne lui avait pas donné suffisamment de temps pour évaluer ses options. Il a également noté que s’il avait refusé d’accepter cette clause de l’entente, il risquait de perdre le paiement substantiel prévu dans l’entente et le fruit du travail qu’il avait accompli pour donner suite à son grief.

[11] L’appelant a indiqué que l’entente lui imposait une retraite obligatoire alors qu’aucune exigence de cet ordre n’existait dans la fonction publique de l’Ontario à ce moment-là.

[12] L’appelant a également déclaré qu’il ne croyait pas que l’obligation de démissionner et de ne pas être rembauché était une disposition courante dans les ententes similaires.

Observations

[13] L’appelant a soutenu qu’il avait été contraint de quitter son emploi en raison de l’imposition d’une condition de retraite obligatoire dans l’entente qu’il avait conclue pour régler son grief. Il a affirmé qu’il avait signé l’entente sous la contrainte de son employeur parce qu’il craignait de perdre les avantages financiers liés à l’entente s’il refusait d’en accepter toutes les modalités.

[14] L’appelant a insisté sur le fait que, de son point de vue, il avait quitté involontairement son emploi.

[15] La Commission a soutenu qu’elle avait conclu que l’appelant n’était pas fondé à quitter son emploi en février 2014 parce qu’il n’avait pas réussi à épuiser toutes les solutions de rechange raisonnables avant de quitter son emploi. La Commission a affirmé que, compte tenu de l’ensemble de la preuve, l’appelant pouvait opter pour la solution raisonnable de conserver son emploi s’il n’acceptait pas les modalités de l’entente qui lui avait été proposée.

Analyse

[16] Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites en annexe de la présente décision.

[17] Un prestataire qui quitte volontairement son emploi sans justification est exclu du bénéfice des prestations en vertu du paragraphe 30(1) de la Loi. Cela est conforme à l’objet de la Loi, qui est de fournir des prestations aux personnes qui perdent involontairement leur emploi et qui sont sans travail (Gagnon, A-1059-84).

[18] L’article 29 de la Loi prévoit qu’un prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ constitue la seule solution raisonnable dans son cas. L’article dresse également une liste non exhaustive de circonstances qui peuvent faire en sorte que le prestataire soit fondé à quitter volontairement son emploi. L’analyse d’un cas de départ volontaire s’effectue en deux étapes.

[19] Au cours de la première étape, la Commission doit convaincre le Tribunal que l’appelant a volontairement quitté son emploi (Green c Canada [Procureur général], 2012 CAF 313). Si elle réussit à le faire, il incombe alors à l’appelant, à la deuxième étape de l’analyse, de prouver qu’il n’avait aucune autre solution raisonnable que de quitter son emploi (Tanguay, A-1458-84).

[20] Le juge Sexton a expliqué le départ volontaire en ces termes au paragraphe 15 de la décision Canada (Procureur général) c Peace, 2004 CAF 56 :

« En vertu du paragraphe 30(1), la question de savoir si un employé a quitté volontairement son emploi est une question simple. La question qu’il faut se poser est la suivante : L’employé avait-il le choix de rester ou de quitter? »

[21] En l’espèce, l’appelant a témoigné que pendant la négociation d’une entente visant à régler un grief, son employeur a, de façon inattendue et à la dernière minute, ajouté une clause dans l’entente l’obligeant à quitter son emploi. Il a affirmé qu’il n’avait d’autre choix que d’accepter l’entente et de prendre sa retraite parce que son employeur l’avait forcé à le faire. Toutefois, l’appelant a reconnu que s’il avait été disposé à renoncer aux paiements prévus dans l’entente, ce qui, selon lui, n’était pas un véritable choix, il aurait pu conserver son emploi.

[22] Le Tribunal note que l’appelant croyait qu’il avait été contraint de prendre sa retraite. Toutefois, la preuve établit que l’appelant avait le choix, aussi peu attrayant fût-il, de rejeter l’entente et de conserver son emploi, et le Tribunal arrive à la même conclusion. Le Tribunal conclut donc qu’en prenant sa retraite comme prévu dans l’entente qu’il a conclue, l’appelant a volontairement quitté son emploi comme le prévoit la Loi (Canada [Procureur général] c Peace, 2004 CAF 56).

[23] La deuxième question que le Tribunal doit trancher est de savoir si l’appelant était « fondé » à quitter son emploi. L’appelant a affirmé que son employeur a exercé des pressions indues sur lui pour qu’il quitte son emploi en ajoutant l’exigence qu’il prenne sa retraite à l’entente qui lui était proposée. C’est peut-être le cas, mais il incombe à l’appelant de prouver qu’il n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi.

[24] Pour savoir si un prestataire est « fondé à quitter volontairement son emploi » en vertu de l’alinéa 29c), il faut se demander « si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ constitue selon la prépondérance des probabilités la seule solution raisonnable dans son cas ». (Harold MacNeil c Canada [Commission de l’assurance-emploi], 2009 CAF 306). L’alinéa 29c) dresse également une liste non exhaustive de circonstances qui peuvent faire en sorte que le prestataire soit fondé à quitter volontairement son emploi, notamment :

(xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi

[25] Le mot « justification », tel qu’il est utilisé à l’alinéa 29c), a été interprété par la Cour dans l’arrêt Tanguay (A-1458-84) de la manière suivante :

En effet, le mot, dans le contexte où il est employé, n’est pas synonyme de « raisons » ou « motifs ». L’employé qui a gagné le gros lot ou hérité d’une fortune peut avoir une excellente raison de quitter son emploi; il n’est pourtant pas justifié de le faire au sens du paragraphe 41(1). Ce paragraphe est une disposition importante d’une loi qui établit un système d’assurance contre le chômage et ses termes doivent être interprétés en ayant égard à l’obligation qui pèse normalement sur tout assuré de ne pas provoquer délibérément la réalisation du risque. Pour être plus précis, je dirais que l’employé qui a volontairement quitté son emploi et n’en a pas trouvé un autre s’est placé délibérément dans une situation lui permettant de forcer des tiers à lui payer des prestations d’assurance-chômage. Il n’est justifié d’avoir agi ainsi que s’il existait, au moment où il a quitté, des circonstances qui l’excusent d’avoir ainsi pris le risque de faire supporter par d’autres le fardeau de son chômage.

[Non souligné dans l’original.]

[26] Bien que le Tribunal ne souhaite pas assimiler les paiements auxquels l'appelant avait droit en vertu de l'entente qu'il a conclue à des gains de loterie ou à un héritage, ce passage de l’arrêt Tanguay illustre le fait qu’un prestataire qui choisit de quitter son emploi en raison d’un changement de sa situation économique peut avoir un motif valable ou une raison ou un motif de le faire, mais ne pas être en mesure d’établir qu’il était « fondé » à quitter volontairement son emploi en vertu de l’article 29 de la Loi.

[27] Une situation qui s’apparente davantage à celle de l’appelant s’est présentée dans l’affaire Quinn (A-175-96), dans laquelle une infirmière, après avoir appris au cours de la négociation collective que son employeur menaçait d’éliminer l’indemnité de départ de sa nouvelle convention collective, a choisi de démissionner et de réclamer une indemnité de départ au lieu de risquer de perdre l’indemnité de départ substantielle prévue dans la convention existante. La Cour a indiqué que la décision de l’infirmière de démissionner pour obtenir son indemnité de départ était compréhensible, mais elle a conclu qu’elle n’était pas « fondée » à quitter son emploi.

[28] L’arrêt Quinn, qui lie le Tribunal, consacre la règle qu’un prestataire qui choisit de demander un paiement forfaitaire au lieu de conserver son emploi n’est pas en mesure de démontrer qu’il était « fondé » à quitter volontairement son emploi. Le Tribunal note également que pareille conclusion est compatible avec des décisions comme l’arrêt Tanguay, selon lequel un prestataire ne doit pas provoquer le risque de chômage ou transformer un simple risque en une certitude de chômage.

[29] L’appelant a fait valoir qu’il était fondé à quitter son emploi parce que son employeur avait exercé des pressions indues sur lui pour qu’il quitte son emploi. Les seules preuves de pressions indues exercées sur lui sont le moment où la clause relative à la retraite a été ajoutée et les conséquences financières du refus de l’accepter. Le Tribunal reconnaît que l’appelant a été contraint de faire un choix difficile et peu attrayant en peu de temps, mais le Tribunal estime que cette circonstance ne constitue pas une pression indue au sens du paragraphe 29c) de la Loi.

[30] Les raisons invoquées par l’appelant dans son témoignage sont des raisons logiques et sensées d’accepter les modalités de l’entente et de prendre sa retraite plutôt que de conserver son emploi. Ces raisons établissent que le prestataire avait un motif valable comme il est question dans la jurisprudence qui lie ce Tribunal, mais elles ne font pas en sorte que le prestataire était « fondé » à quitter volontairement son emploi. Le Tribunal conclut que l’appelant ne s’est pas acquitté de son fardeau de démontrer qu’il était « fondé » à quitter volontairement son emploi.

Conclusion

[31] L’appel est rejeté.

Annexe

La loi

29 Pour l’application des articles 30 à 33 :

  1. a) emploi s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
  2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;
  3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
    1. (i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin,
    2. (ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre,
    3. (iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert;
  4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
    1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
    2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
    3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
    4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
    5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
    6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
    7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
    8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
    9. (ix) modification importante des fonctions,
    10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
    11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
    12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
    13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
    14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.

30 (1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :

  1. a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
  2. b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

(2) L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.

(3) Dans les cas où l’événement à l’origine de l’exclusion survient au cours de sa période de prestations, l’exclusion du prestataire ne comprend pas les semaines de la période de prestations qui précèdent celle où survient l’événement.

(4) Malgré le paragraphe (6), l’exclusion est suspendue pendant les semaines pour lesquelles le prestataire a autrement droit à des prestations spéciales.

(5) Dans les cas où le prestataire qui a perdu ou quitté un emploi dans les circonstances visées au paragraphe (1) formule une demande initiale de prestations, les heures d’emploi assurable provenant de cet emploi ou de tout autre emploi qui précèdent la perte de cet emploi ou le départ volontaire et les heures d’emploi assurable dans tout emploi que le prestataire perd ou quitte par la suite, dans les mêmes circonstances, n’entrent pas en ligne de compte pour l’application de l’article 7 ou 7.1.

(6) Les heures d’emploi assurable dans un emploi que le prestataire perd ou quitte dans les circonstances visées au paragraphe (1) n’entrent pas en ligne de compte pour déterminer le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées, au titre du paragraphe 12(2), ou le taux de prestations, au titre de l’article 14.

(7) Sous réserve de l’alinéa (1)a), il demeure entendu qu’une exclusion peut être imposée pour une raison visée au paragraphe (1) même si l’emploi qui précède immédiatement la demande de prestations — qu’elle soit initiale ou non — n’est pas l’emploi perdu ou quitté au titre de ce paragraphe.

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