Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Motifs et décision

Comparutions

L’appelant et son représentant, Yvan Bousquet, étaient présents à l’audience qui s’est tenue en personne.

Introduction

[1] L’appelant a déposé une demande initiale de prestations d’assurance-emploi prenant effet le 17 mars 2013.

[2] Le 26 mai 2016, suite à un réexamen de la demande, la Commission de l’assurance- emploi du Canada (Commission) a déterminé que l’appelant était exclu des prestations d’assurance-emploi en raison d’un départ volontaire sans justification de l’entreprise X. La Commission a aussi imposé un avertissement en guise de pénalité à l’appelant pour avoir sciemment fait une déclaration fausse ou trompeuse.

[3] Le 2 août 2016, après une révision de la décision, la Commission a maintenu sa décision initiale.

[4] Un appel de la révision de décision a été déposé au Tribunal de la sécurité sociale le 10 août 2016.

[5] Cet appel a été instruit selon le mode d’audience en personne pour les raisons suivantes :

  1. Le fait que la crédibilité puisse être une question déterminante.
  2. L’information au dossier, y compris la nécessité d’obtenir des informations supplémentaires.
  3. Le fait que l’appelant ou d’autres parties sont représentés.
  4. La disponibilité de la vidéoconférence dans la localité où habite l’appelant.

Questions en litige

[6] Le Tribunal doit déterminer si la Commission pouvait procéder au réexamen de la demande de l’appelant ans un délai de 72 mois, en application du paragraphe 52(5) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi).

[7] Le Tribunal doit déterminer si l’appelant doit être exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi en raison d’un départ volontaire sans justification, en application des articles 29 et 30 de la Loi.

[8] Le Tribunal doit déterminer si la Commission pouvait imposer à l’appelant un avertissement en guise de pénalité non monétaire pour avoir sciemment fait une déclaration fausse ou trompeuse, en application du paragraphe 38(1) et de l’article 41.1 de la Loi.

Preuve

Au dossier

[9] La demande initiale de prestations d’assurance-emploi de l’appelant mentionne une cessation d’emploi en raison d’un « manque de travail ». (GD3-3 à 13)

[10] Le relevé d’emploi de l’appelant rempli le 2 mai 2013 mentionne «manque de travail/fin de saison ou de contrat» comme raison d’émission du relevé. (GD3-14)

[11] Dans une conversation entre l’appelant et la Commission le 28 avril 2016, l’appelant mentionne à la Commission avoir quitté X, car il avait l’intention de se partir à son compte avec un ami. (GD3-15)

[12] Dans une deuxième conversation entre l’appelant et la Commission le 28 avril 2016, l’appelant mentionne qu’il a quitté X pour «prendre un break». L’employeur, ne voulant pas faire perdre les prestations de chômage à l’appelant, aurait inscrit «manque de travail » sur le relevé d’emploi. Pendant que l’appelant était au chômage, un ami l’aurait approché pour démarrer l’entreprise AFPAC, qui n’a jamais vu le jour. (GD3-16)

[13] Dans une conversation entre l’appelant et l’employeur, Monsieur P., le 4 mai 2016, celui-ci confirme que l’appelant a quitté son emploi chez X. C’est l’employeur qui aurait pris la décision d’inscrire « manque de travail » sur le relevé d’emploi, afin de ne pas nuire à l’appelant en lui faisant perdre ses prestations d’assurance-emploi. (GD3-18)

[14] Le 26 mai 2016, la Commission avise l’appelant du réexamen de sa demande datant du 17 mars 2013. En raison de déclarations ou affirmations fausses ou trompeuses qui ont été faites au dossier, la Commission a utilisé les dispositions de la loi qui lui permettent de réexaminer une demande dans un délai de 72 mois. (GD3-22)

[15] Le 26 mai 2016, la Commission détermine que l’appelant est exclu des prestations d’assurance-emploi en raison d’un départ volontaire sans justification de l’entreprise X. Un avertissement en guide de pénalité a été donné à l’appelant en raison d’une fausse déclaration faite en toute connaissance de cause. (GD3-20 à 21)

[16] L’exclusion des prestations d’assurance-emploi de l’appelant a causé un trop payé de 14472$ (GD3-24)

[17] Le 21 juillet 2016, dans sa demande de révision de décision, l’appelant relate les évènements suivants (GD3-32 et 33):

  1. L’appelant a été engagé par l'entreprise X en tant que plombier de première année.
  2. Il était en conflit avec son employeur, car celui-ci lui demandait de travailler seul sur les chantiers, ce qui est interdit, car un plombier de première année doit toujours être accompagné par un plombier « compagnon ». Il en a discuté plusieurs fois avec son employeur qui « s’en foutait » et disait qu’il n’y avait pas de danger. L’employeur aurait menacé de le congédier si l’appelant ne faisait pas ce qu’on lui demandait.
  3. Après plusieurs discussions, l’employeur l’a avisé qu’il le remplaçait par un employé qui avait ses cartes de « compagnon ».
  4. Il a discuté avec son employeur afin que celui-ci ne lui fasse pas de « trouble » en inscrivant qu’il avait dû le congédier.

[18] Le 2 août, suite à la révision de décision, la Commission a maintenu sa décision initiale. (GD3-35 et 36)

À l’audience

[19] L’appelant a essentiellement réitéré les évènements présentés dans sa déclaration écrite présentée au moment de la demande de révision de décision. (GD3-32 et 33)

[20] L’employeur savait au moment de l’embauche que l’appelant n’avait pas ses cartes de plombier «compagnon» et était donc inapte à travailler seul sur un chantier, mais l’aurait embauché malgré tout.

[21] L’appelant aurait protesté plusieurs fois auprès de son superviseur, car on l’envoyait travailler seul sur des chantiers même si c’était interdit par les règles de la Commission de la construction du Québec (CCQ). Lors de ces discussions, le superviseur aurait incité l’appelant à continuer à travailler seul sur les chantiers et lui aurait demandé de passer un examen maison afin de confirmer sa compétence.

[22] Un vendredi, à la fin de la journée, le superviseur de l’appelant l’aurait fait venir dans son bureau pour lui apprendre qu’il avait été remplacé par un employé possédant ses cartes de compagnon.

[23] Il aurait eu une discussion avec son superviseur afin de s’assurer que celui-ci indique «manque de travail» sur le relevé d’emploi. Cette conversation aurait eu lieu, car l’appelant et son superviseur étaient en mauvais termes et le superviseur menaçait l’appelant de lui faire perdre son chômage.

Arguments des parties

L’Appelant a fait valoir que

[24] Il n’a jamais fait les déclarations telles que transcrites dans les registres de ses conversations avec la Commission. Il devait répondre à des questions en rafale qui étaient davantage des affirmations, et on l’a contacté au moment où il était au travail pour son nouvel employeur et en présence de celui-ci.

[25] Il n’était pas en bons termes avec son employeur pour différentes raisons, notamment le fait qu’on lui demandait de travailler seul sur les chantiers alors qu’il n’était pas apte à le faire légalement.

[26] Il n’a pas quitté son emploi volontairement, mais a été poussé vers la porte et remplacé par un autre employé possédant des qualifications supérieures aux siennes, soit des cartes de plombier « compagnon ».

[27] Il n’a jamais fait de fausse déclaration sciemment. Il a simplement inscrit sur sa demande d’assurance-emploi le motif qu’il croyait le plus approprié considérant les circonstances.

[28] Son motif de fin d’emploi n’était pas de prendre un «break». Il aurait utilisé ce mot auprès de la Commission, car il souhaitait prendre un «break» après sa cessation d’emploi en raison des tourments causés par son employeur.

[29] Il a été approché par un ami qui souhaitait se partir à son compte après sa cessation d’emploi.

L’intimée a soutenu que

[30] L’appelant a affirmé de lui-même à l’enquêteur de la Commission qu’il avait quitté son emploi volontairement. Cette version des faits a été confirmée par l’employeur.

[31] L’appelant aurait quitté, car il souhaitait se partir à son compte et prendre du repos, il aurait aussi évoqué un conflit avec l’employeur au sujet des tâches à exécuter. Que l’appelant ait quitté volontairement en raison d’un choix personnel ou en raison d’un conflit avec son employeur, il n’a pas démontré que son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas.

[32] L’appelant a créé sa propre situation de chômage.

[33] L’appelant a sciemment commis des gestes délictueux en indiquant lors du dépôt de sa demande qu’il avait été mis à pied pour manque de travail alors qu’il avait plutôt quitté son emploi.

Analyse

[34] Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites en annexe à la présente décision.

Délais de réexamen

[36] Cette question n’est pas directement abordée par la Commission dans sa révision de décision ou dans son argumentaire au Tribunal, cependant l’appelant a mentionné spécifiquement dans sa demande écrite de révision de décision et lors de l’audience qu’il souhaitait contester le délai de réexamen de 72 mois établi par la Commission. Le Tribunal se penchera donc sur cette question.

[37] Le paragraphe 52(1) de la Loi indique que la Commission peut, dans les trente-six mois qui suivent le moment où des prestations ont été payées ou sont devenues payables, examiner de nouveau toute demande au sujet de ces prestations.

[38] Le paragraphe 52(5) de la Loi indique que la Commission dispose d’un délai de 72 mois pour réexaminer une demande de prestation lorsqu’elle estime qu’une déclaration ou affirmation fausse ou trompeuse a été faite relativement à cette demande.

[39] Dans la décision Canada (Procureur général) c. Dussault 2003 CAF 372, la Cour d’appel fédérale a confirmé le principe selon lequel la Commission n’a pas à prouver qu’une déclaration fausse ou trompeuse a été faite sciemment ou qu’elle a été sanctionnée par une pénalité afin d’invoquer le paragraphe 52(5). Selon cette décision, la simple existence ou présence d'une déclaration fausse ou trompeuse suffit, dans la mesure où la Commission est raisonnablement satisfaite de ce fait, pour procéder à un réexamen dans un délai de 72 mois sans qu'il soit nécessaire de rechercher l'intention de son auteur.

[40] Dans ce dossier, la Commission reproche à l’appelant d’avoir inscrit « manque de travail » sur sa demande initiale de prestations d’assurance-emploi alors qu’il a quitté son emploi de manière volontaire.

[41] L’appelant mentionne qu’il ne s’agissait pas d’un départ volontaire, mais d’un congédiement déguisé.

[42] Que la raison de la cessation d’emploi soit un congédiement, un départ forcé ou un départ volontaire, il est établi en révisant la preuve au dossier que l’appelant n’a pas été mis à pied par manque de travail, ceci a d’ailleurs été confirmé par l’appelant à l’audience. Par conséquent, le « manque de travail » déclaré par l’appelant sur sa demande de prestations d’assurance-emploi constitue objectivement une fausse déclaration.

[43] Tel que mentionné dans la décision Dussault, la simple présence d’une déclaration fausse ou trompeuse au dossier suffit à prolonger le délai de réexamen à 72 mois, sans qu’il soit nécessaire de démontrer que la fausse déclaration a été faite sciemment ou qu’elle a été sanctionnée par une pénalité, et sans qu’il soit nécessaire de se pencher sur l’intention de son auteur.

[44] La preuve au dossier démontrant une déclaration fausse ou trompeuse de l’appelant, le Tribunal est d’avis que la Commission pouvait réexaminer la demande de l’appelant dans un délai de 72 mois en vertu du paragraphe 52(5) de la Loi.

Départ volontaire

[45] L’article 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi) prévoit une exclusion du bénéfice des prestations d’assurance emploi si un prestataire perd son emploi en raison de sa propre inconduite ou s’il quitte volontairement cet emploi sans justification. L’alinéa 29c) prévoit qu'un prestataire sera fondé à quitter volontairement son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ constitue la seule solution raisonnable dans son cas. Une énumération de certaines circonstances pouvant justifier un départ volontaire est faite à l’alinéa 29c).

[46] Il incombe à la Commission de prouver que le départ était volontaire, et à l’appelant de démontrer qu’il était fondé à quitter son emploi. (Green c. Canada [Procureur général] 2012 CAF 313)

[47] Donc, en premier lieu et avant de se pencher sur la question de la justification, le Tribunal doit d’abord déterminer s’il y a eu, dans ce dossier, une situation de départ volontaire.

[48] Les faits au dossier démontrent deux versions contradictoires en ce qui traite à la question du départ volontaire.

[49] D’abord, il y a la version de l’appelant telle que rapportée par la Commission via deux relevés de conversation téléphonique au cours de la journée du 28 avril 2016. Dans ces conversations, on apprend que l’appelant a quitté X, car il avait l’intention de se partir à son compte avec un ami. Un peu plus tard, l’appelant dit qu’il a quitté pour prendre un « break » et que son ami l’a approché après son départ de l’entreprise pour voir s’il voulait se partir à son compte.

[50] La version de l’appelant présentée au moment de la révision de décision et à l’audience est différente. Dans cette version, on y apprend que l’appelant ne souhaitait pas quitter X. Il aurait été forcé de partir après avoir fait part à son employeur de ses réticences à travailler seul sur les chantiers, ce qu’on lui demandait de faire même s’il n’avait pas atteint le niveau nécessaire de plombier «compagnon». Cette situation aurait créé un conflit entre l’appelant et son employeur et l’appelant aurait ensuite été avisé qu’il était remplacé par un employé mieux qualifié possédant ses cartes de « compagnon ».

[51] Le Tribunal connait bien la décision de la Cour d’appel fédérale Clinique dentaire O. Bellefleur c. Canada (Procureur général) 2008 CAF 13 établissant le principe selon lequel on doit accorder beaucoup plus de poids aux déclarations initiales et spontanées qu’aux déclarations subséquentes, faites à la suite d’une décision défavorable de la Commission.

[52] Les déclarations initiales et spontanées de l’appelant perdent toutefois une partie de leurs poids lorsqu’on les remet en contexte:

  1. Selon l’appelant, ces déclarations ont été obtenues alors que l’appelant était au travail, dans un véhicule et en compagnie de son nouvel employeur. L’appelant a mentionné qu’il ne se sentait donc pas à l’aise de parler librement avec la Commission à ce moment.
  2. Les questions posées au téléphone par la Commission touchaient le déroulement d’évènements remontant à plus de 3 ans.
  3. L’appelant a mentionné à plusieurs reprises que la Commission a posé des questions en rafale et était dirigé vers certaines réponses. Il affirme qu’il n’a pas eu le temps de s’expliquer et que les réponses qu’il a données ont possiblement été mal comprises ou mal transcrites par la Commission.

[53] Pour ces raisons, le Tribunal est d’avis que les déclarations initiales et spontanées de l’appelant ont un poids diminué.

[54] À l’audience, le Tribunal juge que l’appelant était crédible, il a répondu aux questions avec assurance et ne s’est jamais contredit. Il a été en mesure de fournir une explication détaillée et convaincante aux contradictions mentionnées précédemment.

[55] En somme, pour les raisons mentionnées ci-haut, le Tribunal accorde un poids légèrement supérieur aux déclarations de l’appelant faites à l’étape de la révision de décision et lors de l’audience.

[56] Quant à la version de l’employeur, son poids est limité par le fait que l’enquêtrice a « expliqué » à l’employeur la conversation qu’elle a eue avec l’appelant quelques jours plus tôt et les réponses que celui-ci lui a fourni. Cet élément a possiblement affecté les réponses de l’employeur, d’autant plus que les questions concernaient des faits loin survenus plus de 3 ans auparavant. Le relevé de conversations avec l’employeur est peu détaillé et la formulation semble indiquer que l’employeur n’a fait que confirmer les affirmations de l’enquêtrice en ce qui touche aux circonstances de la cessation d’emploi de l’appelant. De plus, malgré les contradictions au dossier, la Commission n’a pas jugé bon de tenter d’obtenir à nouveau la version des faits de l’employeur lors de la révision administrative de la décision.

[57] Après avoir considéré tous les éléments, le Tribunal est d’avis que la preuve tend à démontrer que l’appelant n’a pas démissionné ou quitté volontairement, mais a été poussé à la porte par son employeur qui souhaitait le remplacer en raison de ses réticences à travailler seul sur les chantiers et de son manque de qualification. L’appelant aurait été contraint de quitter en se faisant placer devant l’évidence qu’il avait été remplacé par un autre employé mieux qualifié. Cette version des faits est d’ailleurs appuyée par les déclarations de l’employeur, qui a affirmé à la Commission avoir embauché un autre employé que l’appelant, car il avait besoin d’un plombier qui possédait ses cartes de « compagnon ».

[58] Comme il a été mentionné plus tôt, c’est la Commission doit prouver que l’appelant a quitté volontairement son emploi. Dans ce dossier, le poids des éléments de preuve tend à pencher légèrement en faveur de l’appelant en démontrant davantage un congédiement déguisé ou un départ forcé qu’un départ volontaire.

[59] Le Tribunal conclut qu’il n’a pas été démontré que l’appelant a quitté volontairement l’entreprise X. L’appelant ne peut pas être exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi pour cette raison. Le départ volontaire n’ayant pas été démontré, le Tribunal ne se penchera pas sur la question de la justification.

Avertissement en guise de pénalité

[60] En vertu du paragraphe 38(1) de la Loi, la Commission peut infliger une pénalité à un prestataire qui a fait sciemment des déclarations fausses ou trompeuses lors d’une demande de prestations ou a fourni des renseignements qu’il savait faux ou trompeurs. Il incombe à la Commission de démontrer que le prestataire a fait sciemment une déclaration fausse ou trompeuse. Une fois que cette preuve est faite, c’est l’appelant qui doit expliquer pourquoi il a fourni des renseignements inexacts.

[61] L’article 40 de la Loi prévoit qu’une pénalité ne peut pas être émise au-delà d’un 36 mois suivant la perpétration de l’acte délictueux. L’article 41.1 prévoit que la Commission peut émettre un avertissement en guise de pénalité à la personne ayant commis un acte délictueux. Cet avertissement peut être émis dans un délai de 72 mois.

[62] Afin de déterminer si une fausse déclaration a été faite «sciemment», le Tribunal doit déterminer si, selon la prépondérance des probabilités, l’appelant avait la connaissance subjective du fait qu’il faisait une déclaration fausse ou trompeuse. (Canada [Ministre du Développement des ressources humaines] c. Mootoo 2003 CAF 2006)

[63] Les éléments au dossier indiquent que l’appelant aurait lui-même indiqué une cessation d’emploi par «manque de travail » sur sa demande initiale d’assurance-emploi.

[64] La preuve retenue et soupesée précédemment tend à démontrer que l’appelant a quitté son emploi dans un contexte s’apparentant davantage à un congédiement déguisé ou un départ forcé qu’à un autre motif tel un manque de travail ou un départ volontaire. Dans ce contexte, déclarer que l’emploi a pris fin par manque de travail constitue objectivement une déclaration fausse ou trompeuse.

[65] Le Tribunal doit maintenant déterminer si cette déclaration a été faite sciemment.

[66] L’appelant a déclaré avoir indiqué « manque de travail » sur sa demande initiale, car il croyait que c’était, dans les circonstances, la meilleure chose à y inscrire parmi les différents choix de réponses proposés. Il a simplement inscrit sur sa demande ce qu’il croyait être le plus approprié considérant qu’il n’envisageait pas son départ comme étant volontaire ou comme un congédiement en bonne et due forme.

[67] Tel que déjà mentionné, le Tribunal juge l’appelant crédible dans ses déclarations. Les explications fournies par l’appelant lors de la révision de décision et à l’audience sont plausibles et tendent à démontrer que l’appelant n’avait pas la connaissance subjective de faire une déclaration fausse ou trompeuse.

[68]Dans la décision Procureur général du Canada c. Purcell A-694-94, la Cour d’appel fédérale a confirmé le principe suivant: « Si, en définitive, le juge des faits est d’avis que le prestataire ne savait effectivement pas que sa déclaration était fausse, l’irrégularité commise au paragraphe 38(1) n’a pas été commise. »

[69] En suivant ce principe, le Tribunal conclut que l’appelant a effectivement fait une déclaration fausse ou trompeuse dans le contexte de sa demande initiale d’assurance-emploi, mais que cette déclaration n’a pas été faite sciemment par l’appelant, car celui-ci a été en mesure de démontrer qu’il ne savait pas que sa déclaration était fausse.

[70] Une pénalité non monétaire (avertissement) n’aurait pas dû être émise à l’appelant pour les faits reprochés par la Commission.

Conclusion

[71] En ce qui concerne le litige entourant le délai de réexamen, l’appel est rejeté.

[72] En ce qui concerne le litige entourant le départ volontaire, l’appel est accueilli.

[73] En ce qui concerne le litige entourant l’émission d’un avertissement en guise de pénalité, l’appel est accueilli.

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi

30 (1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :

  1. (a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
  2. (b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

(2) L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.

(3) Dans les cas où l’événement à l’origine de l’exclusion survient au cours de sa période de prestations, l’exclusion du prestataire ne comprend pas les semaines de la période de prestations qui précèdent celle où survient l’événement.

(4) Malgré le paragraphe (6), l’exclusion est suspendue pendant les semaines pour lesquelles le prestataire a autrement droit à des prestations spéciales.

(5) Dans les cas où le prestataire qui a perdu ou quitté un emploi dans les circonstances visées au paragraphe (1) formule une demande initiale de prestations, les heures d’emploi assurable provenant de cet emploi ou de tout autre emploi qui précèdent la perte de cet emploi ou le départ volontaire et les heures d’emploi assurable dans tout emploi que le prestataire perd ou quitte par la suite, dans les mêmes circonstances, n’entrent pas en ligne de compte pour l’application de l’article 7 ou 7.1.

(6) Les heures d’emploi assurable dans un emploi que le prestataire perd ou quitte dans les circonstances visées au paragraphe (1) n’entrent pas en ligne de compte pour déterminer le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées, au titre du paragraphe 12(2), ou le taux de prestations, au titre de l’article 14.

(7) Sous réserve de l’alinéa (1)a), il demeure entendu qu’une exclusion peut être imposée pour une raison visée au paragraphe (1) même si l’emploi qui précède immédiatement la demande de prestations - qu’elle soit initiale ou non - n’est pas l’emploi perdu ou quitté au titre de ce paragraphe.

29 Pour l’application des articles 30 à 33 :

  1. a) emploi s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
  2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;
  3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
    1. (i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin,
    2. (ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre,
    3. (iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert;
  4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci- après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
    1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
    2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
    3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
    4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
    5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
    6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
    7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
    8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
    9. (ix) modification importante des fonctions,
    10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
    11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
    12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
    13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
    14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.

41.1 (1) La Commission peut, en guise de pénalité pouvant être infligée au titre de l’article 38 ou 39, donner un avertissement à la personne qui a perpétré un acte délictueux.

(2) Malgré l’article 40, l’avertissement peut être donné dans les soixante-douze mois suivant la perpétration de l’acte délictueux.

52 (1) Malgré l’article 111, mais sous réserve du paragraphe (5), la Commission peut, dans les trente-six mois qui suivent le moment où des prestations ont été payées ou sont devenues payables, examiner de nouveau toute demande au sujet de ces prestations.

(2) Si elle décide qu’une personne a reçu une somme au titre de prestations pour lesquelles elle ne remplissait pas les conditions requises ou au bénéfice desquelles elle n’était pas admissible, ou n’a pas reçu la somme pour laquelle elle remplissait les conditions requises et au bénéfice de laquelle elle était admissible, la Commission calcule la somme payée ou à payer, selon le cas, et notifie sa décision au prestataire.

(3) Si la Commission décide qu’une personne a reçu une somme au titre de prestations auxquelles elle n’avait pas droit ou au bénéfice desquelles elle n’était pas admissible :

  1. (a) la somme calculée au titre du paragraphe (2) est celle qui est remboursable conformément à l’article 43
  2. (b) la date à laquelle la Commission notifie la personne de la somme en cause est, pour l’application du paragraphe 47(3), la date où la créance a pris naissance.

(4) Si la Commission décide qu’une personne n’a pas reçu la somme au titre de prestations pour lesquelles elle remplissait les conditions requises et au bénéfice desquelles elle était admissible, la somme calculée au titre du paragraphe (2) est celle qui est payable au prestataire.

(5) Lorsque la Commission estime qu’une déclaration ou affirmation fausse ou trompeuse a été faite relativement à une demande de prestations, elle dispose d’un délai de soixante-douze mois pour réexaminer la demande.

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