Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est accueilli, la décision de la division générale en date du 30 septembre 2016 est annulée, et l’appel de l’intimée devant la division générale est rejeté.

Introduction

[2] En date du 30 septembre 2016, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal) a conclu que l’intimée n’avait pas quitté volontairement son emploi sans justification aux termes des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi).

[3] L’appelante a déposé une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel en date du 20 octobre 2016. La permission d’en appeler a été accordée le 28 octobre 2016.

Mode d'audience

[4] Le Tribunal a décidé que l’audience de cet appel serait instruite par téléconférence pour les raisons suivantes :

  • la complexité de la ou des questions en litige;
  • la crédibilité des parties ne figurait pas au nombre des questions principales;
  • le caractère économique et opportun du mode d’audience;
  • la nécessité de procéder de la façon la plus informelle et rapide possible tout en respectant les règles de justice naturelle.

[5] Lors de l’audience, l’appelante était représentée par Manon Richardson. L’intimée était présente et elle était représentée par Me Pierre Paradis.

Droit applicable

[6] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS ), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige

[7] Le Tribunal doit décider si la division générale a commis une erreur en concluant que l’intimée n’avait pas quitté volontairement son emploi sans justification aux termes des articles 29 et 30 de la Loi.

Observations

[8] L’appelante soumet les motifs suivants à l’appui de son appel :

  • L’intimée a quitté volontairement son emploi, puisqu’elle avait le choix de continuer à travailler ou non. La preuve non contestée au dossier révèle que l’intimée aurait travaillé pour son employeur jusqu’au 12 février 2016 si elle n’avait pas priorisé ses études. C’est donc la décision de l’intimée, et non celle de l’employeur, qui a provoqué la fin de son emploi.
  • L’intimée n’était pas fondée à quitter son emploi, puisqu’aucune des conditions répertoriées à l’alinéa 29c) de la Loi ne s’applique et qu’elle n’a pas démontré que, compte tenu de toutes les circonstances, il s’agissait de la seule solution raisonnable dans son cas.
  • L’intimée, s’étant vue refuser une modification de son horaire de travail, a choisi de prioriser ses études plutôt que son emploi. Il existe une jurisprudence abondante selon laquelle le fait de quitter un emploi dans le but de se consacrer à ses études relève d’une décision personnelle et ne constitue pas une justification au sens de la Loi.
  • La division générale a commis une erreur dans son application du paragraphe 49(2) de la Loi, ce qui constitue une erreur de droit. Le bénéfice du doute accordé en vertu du paragraphe 49(2) de la Loi est invoqué uniquement pour peser des prétentions contraires. En l’espèce, il n’y a aucune contradiction entre les versions de l’intimée et celle de son employeur.
  • En prenant la décision de débuter des études et n’ayant pas obtenu d’entente avec l’employeur, l’intimée n’a pu poursuivre son emploi à L’Âtre de X.

[9] L’intimée soumet les motifs suivants à l’encontre de l’appel de l’appelante :

  • La division générale n’a pas commis une erreur de droit ou de fait et elle a correctement exercé sa compétence.
  • Sur son relevé d’emploi, son employeur n’a pas inscrit qu’il s’agit d’un départ volontaire.
  • Elle n’a pas pris l’initiative de mettre fin à son emploi;
  • Elle occupait un poste de remplacement temporaire, et c’est son employeur qui a décidé de mettre un terme à son emploi.

Normes de contrôle

[10] L’appelante soutient que la norme de contrôle applicable aux questions de droit est celle de la décision correcte et que la norme de contrôle applicable aux questions mixtes de fait et de droit est celle de la décision raisonnable - Pathmanathan c. Bureau du juge-arbitre, 2015 CAF 50.

[11] L’intimée n’a fait aucune représentation quant à la norme de contrôle applicable.

[12] Le Tribunal constate que la Cour d’appel fédérale, dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Jean, 2015 CAF 242, mentionne au paragraphe 19 de sa décision que, lorsque la division d’appel « agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale, la Division d’appel n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieure ».

[13] La Cour d’appel fédérale poursuit en soulignant ce qui suit :

Non seulement la Division d’appel a-t-elle autant d’expertise que la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale et [qu’elle] n’est […] donc pas tenue de faire preuve de déférence, mais au surplus un tribunal administratif d’appel ne saurait exercer un pouvoir de contrôle et de surveillance réservé aux cours supérieures provinciales ou, pour les « offices fédéraux », à la Cour fédérale et à la Cour d’appel fédérale.

[14] La Cour d’appel fédérale termine en soulignant que « [l]orsqu’elle entend des appels conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, la Division d’appel n’a d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de cette loi ».

[15] Le mandat de la division d’appel du Tribunal décrit dans l’arrêt Jean a par la suite été confirmé par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Maunder c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 274.

[16] En conséquence, à moins que la division générale n’ait pas observé un principe de justice naturelle, qu’elle ait commis une erreur de droit ou qu’elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l’appel.

Analyse

[17] Le rôle de la division générale est d’examiner les éléments de preuve que lui présentent les deux parties pour déterminer les faits pertinents, soit les faits qui concernent le litige particulier qu’elle doit trancher, et d’expliquer, dans sa décision écrite, la décision qu’elle rend concernant ces faits. Elle doit évidemment justifier les conclusions auxquelles elle en arrive.

[18] Dans ce dossier, la division générale a clairement rendu sa décision en ignorant les éléments portés à sa connaissance pour conclure à tort qu’il n’y avait pas eu départ volontaire de la part de l’intimée. Au surplus, la division générale a commis une erreur de droit en ignorant la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale et en accordant le bénéfice du doute à l’intimée en vertu du paragraphe 49(2) de la Loi. En effet, ce paragraphe ne s’applique qu’en présence de versions contradictoires, ce qui n’est pas le cas dans ce dossier.

[19] Pour ces motifs, le Tribunal est justifié d’intervenir et de rendre la décision qui aurait dû être rendue par la division générale.

[20] Les faits au dossier sont relativement simples.

[21] L’intimée a accepté de travailler pour son employeur afin d’effectuer un remplacement temporaire à temps partiel (29 heures/semaine). Il manquait alors une personne qui était en congé de compassion pour prendre soin de sa mère en fin de vie. Il s’agissait d’un emploi temporaire, du lundi au vendredi, avec aucune possibilité de placement permanent. Elle a donc tenté dans l’intervalle de se trouver un nouvel emploi. Après plusieurs semaines de recherche d’emploi infructueuses, au lieu d’attendre de se retrouver encore une fois sans emploi, elle a entrepris des démarches afin de retourner aux études.

[22] L’intimée a tenté de discuter avec son employeur afin de trouver une solution, car elle ne pouvait plus travailler les lundi et mardi. Aucune entente n’était cependant possible avec son employeur. L’employeur a alors décidé de mettre un terme à l’emploi de l’intimée en date du 8 janvier 2016. Elle a commencé ses études le 11 janvier 2016.

[23] La preuve non contestée démontre que l’intimée a décidé de retourner aux études et qu’elle a proposé un changement d’horaire à son employeur. L’employeur n’a cependant pas accepté le changement d’horaire proposé par l’intimée et a plutôt décidé de mettre un terme à l’emploi en date du 8 janvier 2016, soit avant le retour aux études de l’intimée.

[24] Il ressort clairement de la preuve que c’est l’intimée, et non l’employeur, qui a initié la perte de l’emploi, car elle n’était plus en mesures de respecter son horaire de travail. L’intimée aurait très bien pu conserver son emploi jusqu’au 12 février 2016 n’eût été de son choix de retourner aux études.

[25] Un employé qui informe son employeur qu’il est moins disponible qu’auparavant invite à toutes fins utiles l’employeur à mettre fin au contrat de travail si l’employeur ne peut s’accommoder de la disponibilité réduite de l’employé. Le congédiement n’est alors que la sanction de la cause réelle de la perte d’emploi, soit la décision de l’employé de poursuivre ses études dans des conditions qui ne lui permettent plus d’être disponible. Le congédiement n’est en fait que la conséquence logique de l’acte délibéré de l’employé et ne saurait faire oublier qu’il y a eu, d’abord et avant tout, départ volontaire de l’employé - Canada (Procureur Général) c. Côté, 2006 CAF 219.

[26] De plus, le fait pour un prestataire de quitter volontairement son emploi pour retourner aux études ou suivre une formation ne constitue pas une « justification » au sens des articles 29 et 30 de la Loi - Canada (Procureur Général) c. King, 2011 CAF 29, Canada (Procureur Général) c. MacLeod, 2010 CAF 201, Canada (Procureur Général) c. Beaulieu, 2008 FCA 133, Canada (Procureur Général) c. Caron, 2007 CAF 204, Canada (Procureur Général) c. Côté, 2006 CAF 219, Canada (Procureur Général) c. Bois, 2001 CAF 175.

[27] Pour les motifs susmentionnés, il y a lieu donc lieu d’accueillir l’appel.

Conclusion

[28] L’appel est accueilli, la décision de la division générale en date du 30 septembre 2016 est annulée et l’appel de l’intimée devant la division générale est rejeté.

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