Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Motifs et décision

Comparutions

[1] L’appelant, monsieur S. C., était présent lors de l’audience tenue par vidéoconférence le 26 janvier 2017. Il était représenté par Me Marie-Pier Durocher du cabinet Poudrier Bradet avocats, S. E. N. C. et par monsieur Benoît Malo du Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec (SFPQ).

[2] L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la « Commission »), était absente lors de l’audience.

[3] En plus du membre désigné par le Tribunal de la sécurité sociale du Canada (le « Tribunal ») pour entendre l’appel, une autre membre du Tribunal soit, madame Bernadette Syverin, nouvellement en poste, était présente lors de l’audience, à titre d’observatrice.

Introduction

[4] Le 30 mars 2016, l’appelant a présenté une demande initiale de prestations ayant pris effet le 27 mars 2016. L’appelant a déclaré avoir travaillé à titre d’« agent/agente d’immigration – services gouvernementaux » pour le ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion (Québec), du 2 juillet 2012 au 24 mars 2016 inclusivement, et avoir cessé de travailler pour cet employeur en raison d’un congédiement ou d’une suspension (pièces GD3-3 à GD3-15).

[5] Le 28 avril 2016, la « Commission a informé l’appelant qu’il n’avait pas droit aux prestations régulières de l’assurance-emploi, à partir du 27 mars 2016, car il a cessé de travailler pour le ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion (Québec), le 24 mars 2016, en raison de son inconduite (pièce GD3-23).

[6] Le 29 avril 2016, l’appelant a présenté une Demande de révision d’une décision d’assurance-emploi (pièces GD3-24 et GD3-25).

[7] Le 3 juin 2016, la Commission a avisé l’appelant qu’elle maintenait la décision rendue à son endroit le 28 avril 2016 (pièces GD3-55 et GD3-56).

[8] Le 3 juin 2016, la Commission a informé l’employeur, gouvernement du Québec (ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion), qu’elle avait maintenu la décision rendue à l’endroit de l’appelant concernant la perte de son emploi en raison de son inconduite (pièces GD3-57 et GD3-58).

[9] Le 4 juillet 2016, l’appelant, représenté par monsieur François Catineau du Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec (SFPQ), a présenté un Avis d’appel auprès de la Division générale de la Section de l’assurance-emploi du Tribunal (pièces GD2-1 à GD2-12).

[10] Le 12 juillet 2016, le Tribunal a informé l’employeur, gouvernement du Québec (ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion), que s’il voulait être ajouté à titre de « personne mise en cause » dans le présent dossier, il devait déposer une demande à cet effet auprès dudit Tribunal, au plus tard le 27 juillet 2016 (pièces GD5-1 et GD5-2). L’employeur n’a pas donné suite à cette lettre.

[11] Le 30 septembre 2016, le Syndicat de la fonction publique et parapublique (SFPQ) a transmis au Tribunal un formulaire « Autorisation de divulguer des renseignements » indiquant que l’appelant était maintenant représenté par monsieur Benoît Malo. Ce document a été dûment complété et signé par l’appelant, en date du 27 septembre 2016, et par son nouveau représentant, en date du 30 septembre 2016 (pièce GD6-1).

[12] Cet appel a été instruit selon le mode d’audience vidéoconférence pour les raisons suivantes :

  1. L’information au dossier, y compris la nécessité d’obtenir des informations supplémentaires ;
  2. Le fait que l’appelant ou d’autres parties sont représentées ;
  3. La disponibilité de la vidéoconférence dans la localité où habite l’appelant ;
  4. Ce mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Question en litige

[13] Le Tribunal doit déterminer si l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite, en vertu des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi »).

Preuve

[14] Les éléments de preuve contenus dans le dossier sont les suivants :

  1. Un relevé d’emploi, en date du 29 avril 2016, indique que l’appelant a travaillé à titre de « recherchiste » pour l’employeur, gouvernement du Québec – secrétariat du Conseil du trésor (ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion), du 25 mai 2015 au 24 mars 2016 inclusivement, et qu’il a cessé de travailler pour cet employeur pour une raison autre (code K – autre). Le commentaire suivant est indiqué à la case 18 (observation) du relevé : « Révocation », (pièce GD3-16) ;
  2. Le 18 avril 2016, l’employeur (madame M. L.) a déclaré que le congédiement de l’appelant est en lien avec la sécurité, mais qu’il n’avait pas le droit de donner des renseignements supplémentaires à cet effet, car il s’agit de données hautement confidentielles (pièce GD3-19) ;
  3. Le 21 avril 2016, l’employeur (madame T., service des ressources humaines) a expliqué que l’appelant a été congédié, car il ne peut effectuer le travail pour lequel il a été embauché, selon les conditions mises en place le 17 février 2016. L’employeur a précisé que, sans son consentement, l’appelant ne peut se rendre sur les lieux du travail (pièce GD3-21) ;
  4. Le 24 mai 2016, monsieur François Catineau, représentant de l’appelant, a transmis à la Commission une copie des documents suivants :
    1. Traduction d’un article de journal rédigé en roumain, et publié le 14 novembre 2005, dont le titre est le suivant : « Le chef de l’Agence de X [ville de Roumanie] de l’Autorité routière roumaine fait l’objet d’une enquête criminelle ». Cet article indique que monsieur L. P. fait face à des accusations de graves manquements durant son activité à la présidence de la Chambre du taxi de X, et que l’actuel président par intérim de l’organisation professionnelle a reconnu que l’argent provenant des cotisations des chauffeurs de taxi avait été dépensé de façon inappropriée (pièces GD3-29 à GD3-32) ;
    2. Traduction d’un article de journal rédigé en roumain et paru le 11 mars 2006. Cet article relate comment monsieur L. P. a utilisé l’argent de la CNT [Chambre du taxi de X] pour acheter différents biens et services (pièce GD3-33) ;
    3. Formulaire de grief complété par l’appelant dans le but de contester le congédiement dont il a fait l’objet en date du 24 mars 2016. L’appelant a indiqué avoir présenté le grief le 19 mars 2016. L’employeur a indiqué sur ce document, le 6 avril 2016, qu’il n’allait pas faire droit à ce grief (pièce GD3-34) ;
    4. Lettre de l’employeur (ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion – congédiement administratif) en date du 24 mars 2016, avisant l’appelant qu’après avoir été relevé provisoirement de ses fonctions d’agent d’aide socio-économique depuis le 17 février 2016, il était congédié administrativement de ses fonctions à compter du 24 mars 2016. Dans cette lettre, l’employeur a donné la précision suivante à l’appelant : « Compte tenu de votre incapacité à exercer les attributions caractéristiques de votre classe d’emploi par le fait que vous n’avez pas accès à votre lieu de travail en raison du maintien des conditions imposées par la Cour le 17 février 2016, nous vous congédions en vertu de l’article 18 de la Loi sur la fonction publique. Cet article stipule ceci : Un fonctionnaire incompétent dans l’exercice de ses fonctions ou incapable de les exercer peut être rétrogradé ou congédié. » (pièce GD3-35 ou pièce GD3-50) ;
    5. Lettre de l’employeur (ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion – relevé provisoire de fonctions) en date du 17 février 2016, avisant l’appelant qu’il était relevé provisoirement de ses fonctions à compter du 17 février 2016, et ce, jusqu’à ce que l’autorité compétente ait pris une décision dans son cas. Le document précise que l’appelant allait continuer de recevoir son traitement. Dans cette lettre, l’employeur a demandé à l’appelant de ne pas se présenter au bureau jusqu’à nouvel ordre, et l’a informé que sa carte d’accès avait été désactivée (pièce GD3-36) ;
    6. « Engagement – Recognizance » (Canada – Province de Québec – District judiciaire de X – Localité de X […]) décrivant les conditions auxquelles l’appelant doit se conformer à la suite de son inculpation (art. 122 c. cr. & al), dont les conditions suivantes : Ne pas communiquer de quelque façon que ce soit avec L. P. et les membres de sa famille, ne pas traiter de demande auprès du ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion (MIDI), ne pas se trouver au 285 Notre-Dame Ouest [Montréal] soit, les bureaux du ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion (MIDI), sauf avec le consentement express de son employeur (pièce GD3-37) ;
    7. Documents intitulés « Acte de nomination – employé occasionnel – Québec » (prolongation de contrat) indiquant que l’appelant a été embauché à titre de technicien en immigration au ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion, aux dates suivantes : 9 juillet 2012 (pièce GD3-43), 9 juillet 2013 (pièce GD3-41), 31 mars 2014 (pièce GD3-46), 1er avril 2014 (pièce GD3-45) et 3 avril 2015 (pièces GD3-38 et GD3-44), (pièces GD3-38, GD3-41 et GD3-43 à GD3-46) ;
    8. Lettres de l’employeur (prolongation d’engagement), l’une en date du 2 juillet 2013 et l’autre en date du 13 mars 2014, informant l’appelant de sa prolongation d’engagement à titre de technicien en immigration (pièces GD3-39 et GD3-40) ;
    9. Lettre de l’employeur (nomination à titre de personnel occasionnel), en date du 16 juillet 2012, informant l’appelant qu’il faisait partie du personnel du Service de la sélection des travailleurs qualifiés (Europe de l’Est, Amérique, Asie, Moyen- Orient) du ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion (pièce GD3-42) ;
    10. Lettre du cabinet Mercadante, Di Pace avocats/Barristers, adressée à l’appelant, en date du 1er avril 2016, pour l’informer que son dossier (La Reine c. S. C.) avait été reporté au 10 juin 2016 (pièces GD3-47 et GD3-48) ;
    11. Extrait de la Loi sur la fonction publique (Québec) portant sur les droits et obligations des fonctionnaires (pièce GD3-49) ;
    12. « Documents du dossier personnel », en date du 27 avril 2016, indiquant que l’appelant autorise le représentant mandaté par le Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec (SFPQ) à obtenir des renseignements le concernant (ex. : dossier personnel, rapports d’enquête), (pièce GD3-52).
  5. Le 26 mai 2016, l’employeur (madame J. J., service des ressources humaines) a expliqué que l’appelant a été suspendu à compter du 17 février 2016 et qu’un jugement a été rendu à son endroit indiquant qu’il ne pouvait plus traiter des demandes auprès du ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion, et qu’il ne pouvait plus se présenter sur les lieux du travail. L’employeur a précisé que l’appelant a ensuite été congédié, car il ne pouvait plus occuper ses fonctions. L’employeur a expliqué que l’appelant était un employé occasionnel et qu’il avait été embauché en raison d’un surcroît de travail au traitement des demandes d’immigration. L’employeur a précisé qu’il n’avait aucune obligation de le transférer dans un autre département, et que les autres départements avaient déjà leurs employés permanents et occasionnels. L’employeur a expliqué que même en donnant à l’appelant une autorisation lui permettant de se présenter sur les lieux du travail, celui-ci ne pouvait plus accomplir la tâche pour laquelle il avait été embauché soit, le traitement des demandes (pièce GD3-53) ;
  6. Dans son Avis d’appel présenté le 4 juillet 2016, l’appelant a transmis au Tribunal une copie des documents suivants :
    1. Lettre de la Commission (décision en révision) adressée à l’appelant en date du 3 juin 2016 (pièce GD2-6 ou pièces GD3-55 et GD3-56) ;
    2. Lettre du cabinet Mercadante, Di Pace avocats/Barristers, adressée à l’appelant en date du 1er avril 2016 (pièce GD2-7 ou pièces GD3-47 et GD3-48) ;
    3. Lettre du Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec (SFPQ), en date du 5 avril 2016, informant l’appelant qu’il avait reçu son grief (pièce GD2- 8) ;
    4. Avis d’arbitrage (SFPQ) indiquant que le dépôt d’arbitrage a été effectué le 16 mai 2016, dans le but de contester la suspension qui été imposée à l’appelant et le congédiement dont il fait l’objet (pièce GD2-9) ;
    5. « Engagement – Recognizance » (Canada – Province de Québec – District judiciaire de X – Localité de X […]) décrivant les conditions auxquelles l’appelant doit se conformer à la suite de son inculpation (art. 122 c. cr. & al), (pièce GD2-10 ou GD3-37) ;
    6. Formulaire « Autorisation de divulguer des renseignements » indiquant que l’appelant était représenté par monsieur François Catineau du Syndicat de la fonction publique et parapublique (SFPQ). Ce document a été dûment complété et signé par l’appelant et son représentant, en date du 5 juillet 2016 (pièce GD2- 12).
  7. Le 31 janvier 2017, Me Marie-Pier Durocher, représentante de l’appelant, a transmis au Tribunal une copie des documents suivants :
    1. Décision J. J. c. Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2014 TSSDGAE 145 (16 décembre 2014), (pièces GD7-3 à GD7-16) ;
    2. Jugements de la Cour d’appel fédérale (la « Cour ») dans les affaires Granstrom (2003 CAF 485), (pièces GD7-17 à GD7-22) et Meunier (A-130-96), (pièces GD7-24 à GD7-29).

[15] Les éléments de preuve présentés à l’audience sont les suivants :

  1. L’appelant a rappelé les principaux éléments au dossier dans le but de démontrer qu’il n’a pas perdu son emploi en raison de son inconduite. Il a décrit sa formation scolaire et son historique de travail chez son employeur, le ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion (MIDI), du 2 juillet 2012 au 24 mars 2016. Il a précisé avoir travaillé à titre d’agent d’aide socio-économique (agent d’immigration) même si le relevé d’emploi indique qu’il a travaillé comme « recherchiste » (pièces GD3-3 à GD3-18) ;
  2. L’appelant a indiqué détenir un baccalauréat en droit, reconnu par le ministère de l’Immigration du Québec (MIDI). Il a indiqué détenir aussi un certificat en criminologie de l’Université de Montréal, depuis 2006. L’appelant a expliqué qu’avant de travailler pour le MIDI (ministère), il a travaillé comme agent de sécurité pour l’entreprise Garda, entre 2004 et 2006, alors qu’il faisait ses études en criminologie. L’appelant a expliqué avoir également travaillé à titre d’agent psychosocial dans des (deux ou trois) maisons œuvrant auprès de jeunes et d’adultes aux prises avec des problèmes d’alcool, de drogue ou de santé mentale. Il a indiqué qu’il voulait alors acquérir de l’expérience pour travailler à titre d’agent de libérations conditionnelles. L’appelant a indiqué avoir travaillé comme agent d’aide socio-économique pour le ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale, en 2010 et 2011. Il a indiqué avoir commencé à travailler pour le ministère de l’Immigration (MIDI) en 2012, également à titre d’agent d’aide socio- économique, et avoir été congédié le 24 mars 2016.

Arguments des parties

[16] L’appelant et ses représentants ont présenté les observations et les arguments suivants :

  1. a. L’appelant a expliqué avoir d’abord été suspendu par son employeur (lettre de suspension en date du 17 février 2016 – relevé provisoire de fonctions) parce qu’il avait été arrêté (pièce GD3-36). Il a précisé avoir ensuite reçu une lettre de congédiement (lettre en date du 24 mars 2016 – congédiement administratif), (pièce GD3-35) parce qu’il n’était plus en mesure de se présenter au travail à la suite de son inculpation (mise en accusation), en vertu de l’article 122 du Code criminel (pièces GD3-20 et GD3-35 à GD3-37) ;
  2. b. Il a indiqué être en attente de la tenue d’un procès en lien avec les accusations de nature criminelle dont il fait l’objet et être représenté par un avocat (Me Mercadante). L’appelant a précisé avoir enregistré un plaidoyer de non-culpabilité, en octobre ou novembre 2016. Il a expliqué que la prochaine étape dans le cadre de ce dossier consiste en la tenue d’une enquête préliminaire, prévue en juillet 2017 ;
  3. c. L’appelant a soutenu avoir été congédié pour inaptitude au travail (pièces GD3-9, GD3- 17 et GD3-18) ;
  4. d. Il a précisé que les déclarations qui lui sont attribuées, en date du 21 avril 2016, sont un résumé d’une conversation qu’il a eue avec une agente de la Commission (pièce GD3- 20). Lors de cette conversation, l’appelant a affirmé qu’un client l’a accusé d’abus de pouvoir et l’a accusé d’avoir demandé de l’argent en échange. Il a indiqué ne jamais avoir posé de tels gestes et qu’il s’agissait d’un piège. L’appelant a déclaré ne pas savoir pourquoi il avait été congédié. Il a précisé que son employeur a été mis au courant par la police. L’appelant a expliqué ne pas avoir le droit de s’approcher du siège social (employeur) et qu’il n’a pas pu rencontrer une personne du service des ressources humaines. Il a spécifié que l’employeur l’a d’abord suspendu, avec traitement, parce qu’il avait un problème de nature juridique. L’appelant a indiqué avoir ensuite été congédié, le 24 mars 2016, parce qu’il ne pouvait plus exercer ses fonctions, étant donné qu’il ne pouvait plus se présenter au travail. Il a précisé que l’employeur a été mis au courant par la police. L’appelant a affirmé n’avoir eu aucun problème avec un collègue de travail (pièce GD3-20) ;
  5. e. Lors de l’audience, l’appelant a précisé que monsieur L. P., dont le nom apparaît dans des articles faisant référence aux accusations auxquelles ce dernier fait face, au sujet de l’utilisation qu’il a faite de l’argent provenant des cotisations des chauffeurs de taxi lorsqu’il était à la présidence de la Chambre du taxi de X (Roumanie), était le client qui avait déposé une plainte contre lui, auprès du service de police. L’appelant a indiqué que l’article de journal en question avait pour but de montrer quelle était la crédibilité de la personne ayant déposé une plainte contre lui (pièces GD3-20 et GD3-29 à GD3-33) ;
  6. f. Il a expliqué qu’un jugement préliminaire avait été rendu à son endroit selon lequel il ne pouvait plus être en contact avec la clientèle immigrante ni se rendre sur les lieux du travail. L’appelant a précisé qu’il s’agissait d’un jugement provisoire et qu’il n’avait pas été déclaré coupable. Il a expliqué qu’à la suite du jugement provisoire rendu à son endroit (préjugement), en février 2016, un tribunal a rendu un autre préjugement l’autorisant à se rendre sur les lieux du travail et à effectuer d’autres tâches, si l’employeur y consent (pièce GD3-26) ;
  7. g. L’appelant a soutenu que la décision rendue à son endroit par la Commission était injuste, car son inconduite n’a pas été démontrée par son employeur. Il a expliqué que la Commission a seulement tenu compte de la décision de l’employeur. L’appelant a affirmé ne pas avoir été déclaré coupable par aucun tribunal. Il a fait valoir que ses arguments n’avaient pas été pris en compte. L’appelant a demandé pourquoi l’employeur et la Commission le considèrent comme coupable. Il a souligné que la Commission lui refuse le droit de recevoir des prestations d’assurance-emploi avant qu’une décision de culpabilité ait été rendue à son endroit. Selon l’appelant, il s’agit d’un déni de justice (pièces GD2-4, GD3-24 et GD3-54) ;
  8. h. Il a indiqué avoir déposé un grief auprès du syndicat qui le représente dans le but de contester son congédiement (pièces GD3-20 et GD3-34) ;
  9. i. Monsieur François Catineau, du Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec (SFPQ), représentant de l’appelant, a soutenu que ce dernier a subi un congédiement abusif. Il a expliqué que l’appelant a été accusé d’avoir demandé des sommes d’argent afin de faire accélérer le processus de sélection d’un client. Le représentant syndical a affirmé que l’Unité permanente anticorruption (UPAC) était impliquée dans le cas présent. Le représentant a indiqué que l’appelant a été suspendu, avec salaire, en février 2016, et que le 24 mars 2016, il a été congédié, malgré le fait que l’enquête menée à son endroit n’avait pas été complétée. Le représentant a précisé que la lettre de congédiement indique que l’appelant a été congédié, car il est dans l’incapacité d’exercer les attributions caractéristiques de sa classe d’emploi étant donné le fait qu’il n’a pas accès à son lieu de travail, en raison du maintien des conditions imposées par la Cour le 17 février 2016. Le représentant a précisé que ces conditions sont les suivantes : Ne pas traiter de demande auprès du ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion (MIDI), ne pas se trouver au 285 Notre-Dame Ouest (Montréal) soit, dans les bureaux du ministère (MIDI). Le représentant a précisé qu’un document a été émis, en date du 1er avril 2016, indiquant que l’appelant pouvait retourner sur les lieux de travail avec le consentement de son employeur et qu’il pouvait pourvoir tout autre poste disponible. Il a fait valoir qu’à titre d’agent socio-économique, l’appelant pouvait accomplir plusieurs autres tâches que de traiter des demandes [d’immigration]. Le représentant a souligné qu’avec le consentement de l’employeur, il aurait pu travailler dans les bureaux de celui-ci (pièces GD3-22 et GD3-27) ;
  10. j. Me Marie-Pier Durocher, représentante de l’appelant, a expliqué que la nature du témoignage de ce dernier portait davantage sur sa formation scolaire (académique) et sur son expérience de travail chez l’employeur. Elle a précisé que le relevé d’emploi émis par l’employeur indique que l’appelant a travaillé comme recherchiste, alors que celui-ci occupait un poste d’agent d’aide socio-économique (pièce GD3-16). La représentante a expliqué que la nature des accusations ayant été portées contre l’appelant n’a pas été précisée quant aux gestes ou aux manquements qui lui ont été reprochés. Elle a fait valoir qu’il n’y avait pas d’éléments dans le dossier qui avaient besoin d’être réfutés par le témoignage de l’appelant. La représentante a souligné que l’appelant était en instance de procès ;
  11. k. La représentante a fait valoir que dans un cas d’inconduite le fardeau de la preuve appartient à l’employeur ou à la Commission. Elle a soutenu qu’il n’y avait aucun élément de preuve dans le dossier pouvant démontrer l’inconduite de l’appelant. La représentante a expliqué que la seule chose que l’on sait est que l’appelant fait l’objet d’accusations de nature criminelle et que ces accusations sont en lien avec un possible cas d’abus de confiance, sans que les faits au soutien de ces accusations ne soient connus. Elle a souligné qu’on n’a aucune idée de quoi il s’agit. La représentante a expliqué que les renseignements fournis par un des représentants de l’appelant au sujet des accusations portées contre celui-ci représentaient la seule information dans le dossier en regard de ces accusations (pièce GD3-22). Elle a soutenu que le Tribunal n’a pas à considérer les accusations de nature criminelle pesant contre l’appelant, mais doit plutôt regarder si, à la lumière du dossier, il y a une preuve d’inconduite ;
  12. l. Elle a expliqué qu’étant donné le dossier tellement laconique sur le plan de la preuve présentée, et ce, tant pour les manquements et les gestes reprochés à l’appelant, que les accusations de nature criminelle dont celui-ci fait l’objet, elle ne se sentait pas à l’aise de bonifier cette preuve avec le témoignage de ce dernier. La représentante a spécifié ne pas vouloir pallier l’absence de preuve de la Commission ou de l’employeur par le témoignage de l’appelant, et vouloir aussi éviter que celui-ci puisse se commettre à l’égard de son procès de nature criminelle ;
  13. m. La représentante a précisé que pour constituer de l’inconduite, les gestes, les omissions ou les manquements doivent être volontaires ou délibérés, ou encore, constituer de l’insouciance ou de la négligence. Elle a fait valoir que la jurisprudence indique que pour déterminer s’il y a eu inconduite dans un cas donné, la Commission et le Tribunal doivent être en mesure d’examiner et d’apprécier les faits qui se trouvent au dossier soit, les éléments factuels qu’on y retrouve ;
  14. n. La représentante a expliqué qu’il fallait d’abord examiner le motif du congédiement de l’appelant. Elle a souligné que la lettre de congédiement de l’appelant précise qu’il s’agit d’un congédiement administratif et non d’un congédiement disciplinaire (pièce GD3-35). La représentante a précisé que le congédiement a été imposé en raison de l’incapacité de l’appelant à exercer les attributions caractéristiques de la classe d’emploi de celui-ci parce qu’il n’a pas accès à son lieu de travail (pièce GD3-35). Elle a soutenu que l’employeur n’a pas congédié l’appelant en raison d’actes ou de gestes qu’il aurait posés dans le cadre de son travail ou en lien avec celui-ci. La représentante a fait valoir que dans la lettre de congédiement adressée à l’appelant, l’employeur n’a pas mentionné que celui-ci était congédié en raison des accusations de nature criminelle dont il fait l’objet ou parce que c’était inconciliable avec l’entreprise ou encore, parce qu’il y avait eu rupture du lien de confiance. Elle a indiqué que dans sa décision de congédier l’appelant, l’employeur a choisi de se baser uniquement sur l’ordonnance de la Cour, en date du 17 février 2016 (pièce GD3-37). La représentante a soutenu que le fait que l’appelant ne pouvait plus faire son travail d’agent d’aide socio-économique constituait l’unique motif de son congédiement. Elle a fait valoir que le Tribunal doit décider si ce motif de congédiement constitue de l’inconduite au sens de la Loi. La représentante a spécifié que l’appelant a perdu son emploi parce qu’il ne peut plus exercer ses fonctions, et non parce qu’il ne pouvait plus se présenter sur son lieu de travail puisque celui-ci aurait pu le faire avec le consentement de son employeur, selon l’ordonnance émise le 17 février 2016. Elle a indiqué que l’empêchement de l’appelant de se présenter sur les lieux du travail est en lien avec l’inculpation de ce dernier, en vertu de l’article 112 du Code criminel. La représentante a souligné que l’engagement ou l’ordonnance de la Cour, en date du 17 février 2016, mentionne clairement que l’appelant peut se présenter sur les lieux du travail avec le consentement de l’employeur (pièce GD2-10 ou GD3-37) ;
  15. o. Elle a fait valoir que dans la décision J. J. c. Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2014 TSSDGAE 145 (16 décembre 2014), le Tribunal a indiqué que « le fait que des accusations criminelles ont été déposées ou abandonnées n’est pas pris en compte quand il faut trancher une affaire d’inconduite. Le Tribunal doit peser la preuve portée à sa connaissance et établir les faits en fonction de la preuve qui lui est présentée. » (pièce GD7-14). La représentante a soutenu qu’il n’y avait aucun élément de preuve dans le dossier permettant de statuer qu’il y a eu une inconduite ;
  16. p. La représentante a expliqué que les seuls éléments au dossier se rapportant à des gestes ayant pu être commis par l’appelant et qui ont mené à des accusations de nature criminelle contre lui, sont constitués des éléments suivants : l’ordonnance de la Cour, en date du 17 février 2017 (pièce GD3-37), les observations faites par un des représentants de l’appelant selon lesquelles des sommes d’argent auraient été demandées pour faire accélérer le processus de sélection d’un client (pièce GD3-22) et l’argumentation de la Commission dans laquelle celle-ci fait référence à un abus de pouvoir (pièce GD4-1) ;
  17. q. Elle a précisé que contrairement à l’affirmation faite en ce sens par la Commission dans son argumentation (pièce GD4-3), l’article de journal faisant référence aux accusations auxquelles monsieur L. P. fait face, relativement à l’usage qu’il a fait de l’argent provenant des cotisations des chauffeurs de taxi lorsqu’il était à la présidence de la Chambre du taxi de X (Roumanie), ne concerne pas l’appelant, mais uniquement monsieur L. P. Elle a souligné que le nom de l’appelant n’était pas mentionné dans les articles en question. La représentante a indiqué que ces articles sont en lien avec la personne qui aurait remis de l’argent pour faire accélérer le processus de sélection auprès du service de l’immigration (pièces GD3-29 à GD3-33 et GD4-3) ;
  18. r. La représentante a fait valoir que le dossier ne permet pas de cerner le nombre de chefs d’accusation dont l’appelant fait l’objet ni du libellé des chefs d’accusation pouvant préciser de quoi celui-ci est accusé concrètement, ni de la période visée. Elle a souligné qu’aucun acte d’accusation n’a été déposé dans le présent dossier. La représentante a précisé que l’appelant a enregistré un plaidoyer de non-culpabilité au sujet des chefs d’accusation ayant été déposés contre lui et que ce dernier est en attente de l’enquête préliminaire devant débuter en juillet 2017. Elle a expliqué que malgré le plaidoyer de non-culpabilité enregistré par l’appelant, l’employeur ou la Commission aurait pu tenter de prouver les manquements supposément commis par l’appelant. La représentante a souligné qu’il n’y avait pas de déclaration de culpabilité et que la présomption d’innocence doit jouer en faveur de l’appelant dans un tel cas. Elle a expliqué que s’il n’était pas possible de démontrer la culpabilité de l’appelant au sens du droit criminel, on aurait pu tenter de démontrer que l’appelant a commis des manquements dans le cadre de son travail qui constituent de l’inconduite. La représentante a expliqué que même si on n’a pas nécessairement besoin d’une déclaration de culpabilité pour statuer qu’il y a inconduite, il faut qu’il y ait une preuve que des gestes ont été commis ou qu’il y a eu des manquements ou des omissions démontrant l’inconduite. La représentante a souligné qu’il n’y a rien dans le dossier en ce qui concerne les accusations de nature criminelle portées contre l’appelant, qu’au sujet des faits qui ont mené à ces accusations. Elle a soutenu qu’en l’absence d’une telle déclaration de culpabilité de la part de l’appelant, la Commission ou l’employeur aurait dû tenter de prouver que celui-ci a commis des gestes constituant de l’inconduite. La représentante a affirmé que le Tribunal devait se limiter aux éléments factuels se trouvant dans le dossier et à ceux recueillis lors de l’audience ;
  19. s. Elle a fait valoir que dans la décision Granstrom (2003 CAF 485), la Cour a déclaré que : « La Commission a agi en se fondant sur la prémisse que l’accusation de conduite avec facultés affaiblies, sans plus, constituent (sic) [constitue] un acte d’inconduite. Je suis d’accord avec le point de vue adopté par le conseil arbitral suivant lequel, tant que nulle déclaration de culpabilité n’a été enregistrée suite à une accusation, l’acte fautif n’a pas été prouvé. » (pièces GD7-19 et GD7-20). La représentante a souligné que dans cette décision (Granstrom, 2003 CAF 485), le prestataire en cause avait admis avoir conduit après avoir bu, mais qu’il n’y avait pas de preuve qu’il dépassait la limite légale permise par la loi. Elle a également fait valoir que dans cette décision (Granstrom, 2003 CAF 485), la Cour a déclaré : « [8] En toute déférence, nous croyons que dans l’affaire Speckling, le juge-arbitre a dénaturé la conclusion à laquelle nous sommes arrivés dans l’arrêt Brissette. Il a défini l’inconduite du demandeur par son incapacité de satisfaire à une condition d’emploi. Ce faisant, il a confondu l’effet d’une inconduite avec la cause de cette inconduite. Selon ce critère, il y aurait inconduite chaque fois qu’une personne est incapable de satisfaire à une condition de son poste. Ce ne saurait être le cas. Dans la décision Brissette, notre Cour a statué que c’était la perpétration d’une infraction qui avait débouché sur une déclaration de culpabilité en vertu du Code criminel qui constituait l’inconduite au sens de la Loi. L’incapacité de respecter une condition à l’emploi était le résultat de l’inconduite et elle a eu pour conséquence la perte de l’emploi. La perte de l’emploi était donc attribuable à l’inconduite. » (pièce GD7-20). Sur ce point, la représentante a expliqué que dans le cas présent, il n’y avait pas de preuve de la perpétration d’une infraction. Elle a aussi indiqué que dans cette décision (Granstrom, 2003 CAF 485), la Cour a également affirmé que : « [10] Il nous semble plutôt que la décision du juge-arbitre de rejeter l’appel résulte d’un manque total de preuve quant à la cause et à la légalité de la suspension du permis de conduire du défendeur. D’une part, il n’y avait aucune déclaration de culpabilité fondée sur le Code criminel et donc toujours pas d’inconduite vérifiable à cet égard qui aurait pu entraîner la perte d’emploi. [...] Autrement dit, si le juge-arbitre avait disposé d’éléments de preuve adéquats quant au fondement légal de la suspension, il aurait été en position de décider si les conditions ou les exigences applicables à la suspension avaient été remplies. » (pièce GD7-21). La représentante a fait valoir que nonobstant les accusations criminelles dont l’appelant fait l’objet et le plaidoyer de culpabilité ou de non-culpabilité de ce dernier, l’employeur ou la Commission aurait dû faire la preuve des manquements qui lui ont été reprochés et qui pourraient constituer de l’inconduite. Elle a demandé au Tribunal de suivre le raisonnement de la Cour dans l’affaire Granstrom (2003 CAF 485), puisque cette affaire ressemble le plus au présent dossier ;
  20. t. La représentante a également fait valoir que dans l’affaire Meunier (A-130-76), la Cour a fait le rappel suivant : « [...] "pour qu’un conseil arbitral puisse conclure à l’inconduite d’un employé, il doit avoir devant lui une preuve suffisamment circonstanciée pour lui permettre, d’abord, de savoir comment l’employé a agi et, ensuite, de juger si ce comportement était répréhensible" [Joseph, A-636-85] En l’espèce, la seule preuve au dossier qui émane de l’employeur est la lettre de suspension que ce dernier envoyait au requérant au moment où il apprenait que des accusations d’agression sexuelle avaient été portées. [...] Force est de constater qu’essentiellement la seule preuve au dossier de la Commission était la version des faits de l’employeur, et encore cette version était-elle remarquablement vague et spéculative. [...] Non seulement la Commission n’a-t-elle pas cherché à vérifier la nature et le bien-fondé de ces "informations préliminaires" sur lesquelles l’employeur disait se fonder, mais de plus, en dépit de la demande de supplément d’enquête que lui faisait le conseil, a-t-elle jugé inutile de poursuivre l’enquête. [...] Il n’est pas suffisant, pour démontrer l’inconduite que sanctionne l’article 28 et le lien entre cette inconduite et l’emploi, de faire état du dépôt d’allégations de nature criminelle non encore prouvées au moment de la cessation d’emploi et de s’en remettre, sans autre vérification, aux spéculations de l’employeur. Les conséquences qui s’attachent à une perte d’emploi en raison d’inconduite sont sérieuses. On ne peut pas laisser la Commission et, après elle, le conseil arbitral et le juge-arbitre, se satisfaire de la seule version des faits, non vérifiée, de l’employeur à l'égard d’agissements qui ne sont, au moment où l’employeur prend sa décision, qu’allégations non prouvées. [...] » (pièces GD7-24 à GD7-29). La représentante a expliqué que dans le cas présent, on ne sait pas comment l’appelant a agi et si les faits qui lui sont reprochés sont réels. Elle a précisé que l’employeur n’a pas fourni de spéculations ou d’informations au sujet des gestes reprochés à l’appelant. La représentante a souligné que non seulement les allégations à l’endroit de l’appelant n’ont pas été prouvées, mais qu’on n’a aucune idée des accusations dont celui-ci fait l’objet (Meunier, A-130-76) ;
  21. u. La représentante a soutenu que le dossier de l’appelant est différent des dossiers référant à des décisions rendues par la Cour en matière de suspension de permis de conduire, dans des cas mettant en cause des prestataires n’étant plus en mesure de remplir des conditions essentielles à l’obtention ou le maintien de leur emploi (ex. : Brissette, A-1342-92). Elle a expliqué que dans ces cas, la cause de la perte du permis de conduire était l’inconduite (ex. : conduite avec facultés affaiblies, déclaration de culpabilité suivie d’une perte du permis de conduire, non-paiement d’une amende). La représentante a expliqué que le cas de l’appelant est complètement différent de ces cas. Elle a expliqué qu’on n’est pas en mesure de statuer si la raison pour laquelle l’ordonnance a été émise à l’endroit de l’appelant représente une inconduite parce qu’on n’a aucun fait justifiant les accusations de nature criminelle dont celui-ci fait l’objet. La représentante a soutenu que même s’il y avait des faits, il n’y a aucune déclaration de culpabilité de la part de l’appelant relativement à la survenance de ces faits ;
  22. v. La représentante a fait valoir que dans son argumentation, la Commission a indiqué que « Le prestataire déclare qu’il n’est pas coupable. La Commission lui expliquer (sic) [explique] que ce n’est pas son rôle de trancher si le prestataire est coupable ou non. La Commission doit se référer aux prépondérances de la preuve [...] » (pièce GD4-3). Sur cet aspect, la représentante a fait valoir qu’il n’y a pas de preuve dans le dossier démontrant l’inconduite de l’appelant ;
  23. w. Elle a indiqué que la Commission a également fait l’affirmation suivante : « [...] De multiples actions ou omissions peuvent se voir attribuer le qualificatif d’inconduite dans le sens où ces agissements s’avèrent incompatibles avec les visées d’un contrat de travail, entrent en conflit d’intérêt (sic) [d’intérêts] avec les activités de l’employeur ou portent atteinte à la relation de confiance entre les parties. » (pièce GD4-4). La représentante a mentionné être d’accord avec cette affirmation, mais a fait valoir qu’il n’y a pas de preuve relativement aux agissements de l’appelant pouvant constituer de l’inconduite ;
  24. x. La représentante a indiqué que la Commission a tenu pour acquis que l’appelant était coupable des accusations portées à son endroit lorsque celle-ci a affirmé qu’elle « n’a pas à juger de la sévérité de la sanction de l’employeur, mais bien des gestes qui ont menés (sic) [mené] directement au congédiement et à la perte de confiance employeur/employée. » (pièce GD4-4), alors qu’on ne connaît pas les gestes ayant mené au congédiement de ce dernier ;
  25. y. La représentante a expliqué que la Commission a fait valoir l’argument suivant : « Il n’est pas essentiel de démontrer hors de tout doute qu’une personne est coupable ou pas des infractions reprochées. [...] Le prestataire a agi de façon délibéré (sic) [délibérée] et savait qu’il ne pouvait poser les gestes reprochés. [...] La Commission a donc conclu que les gestes posés sont liés directement au congédiement du prestataire et constituaient des gestes d’inconduite au sens de la Loi. » (pièces GD4-4 et GD4-5). Sur ces aspects, la représentante a fait valoir qu’il faut démontrer par des éléments factuels, de la preuve, que la personne a commis par ses actes ou ses manquements, ses gestes ou ses omissions, une inconduite. Elle a demandé quels étaient les gestes qui avaient été reprochés à l’appelant ;
  26. z. La représentante a expliqué qu’à partir de l’argumentation présentée par la Commission, il n’était pas clair si l’appelant avait été congédié parce qu’il ne pouvait exercer ses fonctions d’agent d’aide socio-économique ou parce qu’il ne pouvait plus se présenter sur les lieux du travail. Elle a précisé qu’en vertu de l’ordonnance émise en date du 17 février 2016 (pièce GD3-37), l’appelant ne pouvait se rendre sur les lieux du travail, sauf avec le consentement exprès de l’employeur. La représentante a précisé que dans la correspondance que le procureur de l’appelant a adressée à ce dernier, en date du 1er avril 2016, il est fait mention que celui-ci peut, avec le consentement de son employeur, se rendre sur les lieux du travail pour accomplir d’autres tâches que celles qui lui ont été dévolues à tire d’agent d’aide socio-économique (pièce GD3-47) ;
  27. aa. La représentante a expliqué qu’à partir d’une conversation téléphonique tenue avec l’employeur, la Commission a donné l’indication suivante : « [...] le client a été suspendu à partir du 17 février 2016. Puis, il y a eu un jugement mentionnant que Monsieur ne pouvait plus traiter des demande (sic) [demandes] auprès du Ministère de l’immigration de la diversité et de l’inclusion et qu’il ne pouvait plus se présenté (sic) au 285 Notre Dame Ouest [...] » (pièce GD3-53). La représentante a affirmé que ce renseignement était inexact puisque l’ordonnance émise le 17 février 2016 était la même depuis le début et qu’il n’y pas eu une autre ordonnance par la suite. Elle a indiqué que malgré le fait que la note de la Commission indique aussi que l’employeur s’est aperçu, après le congédiement de l’appelant (24 mars 2016), que celui-ci pouvait se présenter au 285, Notre-Dame Ouest, avec l’autorisation de l’employeur, alors que cet élément était déjà indiqué dans l’ordonnance du 17 février 2016, et non après le congédiement survenu le 24 mars 2016 (pièce GD3-53). Elle a souligné que cette note précise que l’appelant ne pouvait plus exercer les fonctions pour lesquelles il avait été embauché (pièce GD3-53) ;
  28. bb. La représentante a fait valoir que dans l’éventualité où l’appelant serait déclaré innocent, au terme des procédures criminelles, celui-ci aurait été privé injustement de son droit de recevoir des prestations d’assurance-emploi. Elle a souligné que l’appelant était sans emploi depuis qu’il a été congédié ;
  29. cc. Elle a mentionné que l’appelant était représenté relativement aux accusations de nature criminelle dont il fait l’objet et que des frais étaient attachés à cette situation. La représentante a indiqué qu’un grief avait été déposé dans le but de contester le congédiement de l’appelant, mais que ce grief n’avait pas encore été entendu ;
  30. dd. La représentante a demandé au Tribunal de conclure qu’il n’y pas d’inconduite dans le présent dossier et d’accueillir l’appel.

[17] L’intimée (la Commission) a présenté les observations et arguments suivants :

  1. Le paragraphe 30(2) de la Loi prévoit l’imposition d’une exclusion d’une durée indéterminée, s’il est établi que le prestataire a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite. La Commission a expliqué que pour que le geste reproché constitue de l’inconduite au sens de l’article 30 de la Loi, il faut qu’il ait un caractère volontaire ou délibéré ou qu’il résulte d’une insouciance ou d’une négligence telles qu’il frôle le caractère délibéré. Elle a précisé qu’il doit également y avoir une relation de cause à effet entre l’inconduite et le congédiement (pièce GD4-4) ;
  2. La Commission a expliqué qu’un contrat de travail peut se définir globalement comme une convention entre un employeur et une personne employée concernant l’attribution d’une rémunération et d’autres avantages en échange de services et implique, du fait de cette association d’intérêts, le respect de règles de conduite entendues entre les parties et consacrées par l’éthique professionnelle, le bon sens, l’usage ou les mœurs. Elle a précisé que de multiples actions ou omissions peuvent se voir attribuer le qualificatif d’inconduite dans le sens où ces agissements se révèlent incompatibles avec les visées d’un contrat de travail, entrent en conflit d’intérêts avec les activités de l’employeur ou portent atteinte à la relation de confiance entre les parties. La Commission a souligné qu’il en est de même d’une violation de la loi, d’un règlement ou d’une règle de déontologie et qui fait en sorte qu’une condition essentielle de l’emploi cesse d’être satisfaite et entraîne le congédiement (pièce GD4-4) ;
  3. Elle a expliqué qu’elle n’a pas à juger de la sévérité de la sanction de l’employeur, mais bien les gestes qui ont mené directement au congédiement et à la perte de confiance employeur/employée. La Commission a précisé qu’il n’est pas essentiel de démontrer hors de tout doute qu’une personne est coupable ou pas des infractions reprochées. Elle a spécifié que ce rôle et ces fonctions ne lui appartiennent pas, mais qu’ils appartiennent à la Couronne et aux tribunaux compétents en la matière. La Commission a évalué que l’appelant a agi de façon délibérée et savait qu’il ne pouvait poser les gestes reprochés (pièce GD4-4) ;
  4. La Commission a conclu que les gestes posés étaient directement liés au congédiement de l’appelant et que ces gestes constituaient de l’inconduite au sens de la Loi (Mishibinijima, 2007 CAF 36, Lemire, 2010 CAF 314), (pièce GD4-5) ;
  5. Elle a précisé que dans l’avis qu’elle a transmis à l’appelant, en date du 28 avril 2016, il est précisé que les prestations sont refusées à l’appelant à compter du 27 mars 2016, alors que cette date est la date de début de la demande de prestations. Elle a précisé avoir imposé une exclusion d’une durée indéterminée à compter du 20 mars 2016 conformément au paragraphe 30(1) de la Loi. La Commission a spécifié que le dossier électronique de l’appelant est conforme à la décision qu’elle a rendue et qu’aucun préjudice ne lui a été causé à cet égard (pièce GD4-2).

Analyse

[18] Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites en annexe à la présente décision.

[19] Bien que la Loi ne définisse pas le terme d’inconduite, la jurisprudence mentionne, dans l’arrêt Tucker (A-381-85), que :

Pour constituer de l’inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement au travail.

[20] Dans cette décision (Tucker, A-381-85), la Cour a rappelé les propos du juge Reed indiquant que :

[…] L’inconduite, qui rend l’employé congédié inadmissible au bénéfice des prestations de chômage, existe lorsque la conduite de l’employé montre qu’il néglige volontairement ou gratuitement les intérêts de l’employeur, par exemple, en commettant des infractions délibérées, ou ne tient aucun compte des normes de comportement que l’employeur a le droit d’exiger de ses employés, ou est insouciant ou négligent à un point tel et avec une fréquence telle qu’il fait preuve d’une intention délictuelle […].

[21] Dans l’affaire Mishibinijima (2007 CAF 36), la Cour a fait le rappel suivant :

Il y a donc inconduite lorsque la conduite du prestataire est délibérée, c’est-à- dire que les actes qui ont mené au congédiement sont conscients, voulus ou intentionnels. Autrement dit, il y a inconduite lorsque le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié.

[22] Dans l’arrêt McKay-Eden (A-402-96), la Cour a apporté la précision suivante : « À notre avis, pour qu’une conduite soit considérée comme une «inconduite» sous le régime de la Loi sur l’assurance chômage, elle doit être délibérée ou si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéré. ».

[23] La Cour a défini la notion juridique d’inconduite au sens du paragraphe 30(1) de la Loi comme une inconduite délibérée dont le prestataire savait ou aurait dû savoir qu’elle était de nature à entraîner son congédiement. Pour déterminer si l’inconduite peut mener à un congédiement, il doit exister un lien de causalité entre l’inconduite reprochée au prestataire et la perte de son emploi. L’inconduite doit donc constituer un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travail (Lemire, 2010 CAF 314).

[24] Dans l’affaire Lavallée (2003 CAF 255), la Cour a déclaré que :

[…] la prestation de service est une condition essentielle du contrat de travail. L’employé qui par ses propres gestes fait en sorte qu’il n’est plus en mesure de remplir cette condition, et qui de ce fait perd son emploi, ne peut faire assumer par d’autres le risque de son chômage, pas plus que celui qui quitte son emploi volontairement […].

[25] Dans l’affaire Borden (2004 CAF 176), la Cour a déclaré que :

Le fait est que l’emploi du défendeur a pris fin lorsqu’il a été incarcéré, parce qu’il ne pouvait plus remplir une condition essentielle de son contrat de travail. Comme la Cour suprême du Canada l’a établi dans l’arrêt Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Maksteel Québec Inc., 2003 CSC 68, aux paragraphes 32 et 33, lorsqu’un employé qui ne peut travailler parce qu’il est incarcéré est renvoyé, « [l]e congédiement découle [...] de l’indisponibilité de l’employé. Cette indisponibilité est une conséquence inéluctable de la privation de liberté qui est légitimement imposée à l’employé qui a commis un acte prohibé. [...] Tout contrevenant doit subir les conséquences découlant de son emprisonnement, voire la perte de son emploi en cas d’indisponibilité ». [...] Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie, la décision du juge-arbitre sera annulée et l’affaire sera renvoyée au juge-arbitre en chef ou à un juge-arbitre désigné par lui pour qu’il rende une nouvelle décision en tenant pour acquis que le défendeur a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite.

[26] Dans l’affaire Djalabi (2013 CAF 213), la Cour a fait le rappel suivant :

[...] selon la jurisprudence, la notion d’inconduite ne requiert pas la preuve des éléments de la responsabilité pénale : « [p]our qu’il y ait inconduite au sens de la [L]oi, il n’est pas nécessaire que le comportement en cause résulte d’une intention coupable. Il suffit que l’acte répréhensible ou l’omission reproché à l’intéressé soit "délibéré", c’est-à-dire, conscient, voulu ou intentionnel » (Canada (Procureur général) c. Secours, [1995] A.C.F. no 210 (QL) au paragraphe 2, tel que repris dans Canada (Procureur général) c. Pearson, 2006 CAF 199 au paragraphe 15). Ainsi, un acte sera délibéré si « le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié […] » (Mishibinijima c. Canada (Procureur général), 2007 CAF 36 au paragraphe 14).

[27] Les décisions rendues dans les affaires Cartier (A-168-00) et MacDonald (A-152-96) confirment le principe établi dans la cause Namaro (A-834-82) selon lequel il doit également être établi que l’inconduite a constitué la cause du congédiement du prestataire.

[28] La Cour a réaffirmé le principe selon lequel il incombe à l’employeur ou à la Commission de prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite (Lepretre, 2011 CAF 30, Granstrom, 2003 CAF 485).

[29] Pour que le geste reproché constitue de l’inconduite au sens de l’article 30 de la Loi, il faut qu’il ait un caractère volontaire ou délibéré ou qu’il résulte d’une insouciance ou d’une négligence telle qu’il frôle le caractère délibéré. Il doit également y avoir une relation de cause à effet entre l’inconduite et le congédiement.

[30] Déterminer si la conduite d’un employé ayant entraîné la perte de son emploi constitue une inconduite est une question de fait à régler à partir des circonstances de chaque cas.

[31] Dans le présent dossier, le geste commis par l’appelant soit, de ne plus avoir été en mesure d’exercer ses fonctions d’agent d’aide socio-économique auprès de son employeur, en raison des conditions auxquelles il a dû se conformer suivant son inculpation en vertu de l’article 122 du Code criminel, constitue clairement de l’inconduite au sens de la Loi.

[32] L’appelant n’était plus en mesure de remplir une condition essentielle de son contrat de travail (Lavallée, 2003 CAF 255, Borden, 2004 CAF 176).

[33] Dans la lettre de congédiement qu’il adressée à l’appelant, en date du 24 mars 2016, l’employeur lui a donné les indications suivantes :

[…] Compte tenu de votre incapacité à exercer les attributions caractéristiques de votre classe d’emploi par le fait que vous n’avez pas accès à votre lieu de travail en raison du maintien des conditions imposées par la Cour le 17 février 2016, nous vous congédions en vertu de l’article 18 de la Loi sur la fonction publique. Cet article stipule ceci : Un fonctionnaire incompétent dans l’exercice de ses fonctions ou incapable de les exercer peut être rétrogradé ou congédié (pièce GD3-35 ou pièce GD3-50).

[34] La preuve au dossier révèle que l’appelant a été mis en accusation, en vertu de l’article 122 du Code criminel, pour avoir demandé des sommes d’argent afin de faire accélérer le processus de sélection d’un client (pièces GD2-10, GD3-22 et GD3-37). L’un des représentants de l’appelant a indiqué que cette situation avait mené à l’intervention de l’Unité permanente anticorruption (UPAC) dans ce dossier.

[35] L’appelant a déclaré avoir été accusé d’abus de confiance par un client (pièce GD3-20).

[36] La preuve démontre que l’appelant doit se soumettre à des conditions spécifiques en raison de son inculpation en vertu de l’article 122 du Code criminel (pièce GD2-10 ou GD3-37).

[37] Cet article, se rapportant à l’« abus de confiance par un fonctionnaire », stipule que :

[...] Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans tout fonctionnaire qui, relativement aux fonctions de sa charge, commet une fraude ou un abus de confiance, que la fraude ou l’abus de confiance constitue ou non une infraction s’il est commis à l’égard d’un particulier.

[38] Parmi les conditions auxquelles l’appelant doit se conformer à la suite de son inculpation, en vertu de l’article 122 du Code criminel, l’ordonnance émise par la Cour du district judiciaire de X, en date du 17 février 2016, précise que l’appelant doit s’engager à « ne pas traiter de demande auprès du ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion (MIDI) » et « ne pas se trouver au 285 Notre-Dame Ouest [Montréal], soit les bureaux du ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion (MIDI), sauf avec le consentement express de votre [son] employeur » (pièce GD2-10 ou GD3-37).

[39] En raison de cette ordonnance, l’appelant n’a plus été en mesure, à compter du 17 février 2016, d’accomplir les tâches qui lui étaient dévolues comme agent d’aide socio-économique ni de se présenter au travail, à moins d’obtenir l’autorisation de l’employeur pour le faire, ce qui n’a pas été le cas. L’employeur a mis fin au lien qui l’unissait à son employé, en date du 24 mars 2016.

[40] La prestation de service est une condition essentielle du contrat de travail. L’empêchement de l’appelant d’exercer ses fonctions découle des conditions qu’il s’est engagé à respecter à la suite de son inculpation. Cette situation a fait en sorte que l’appelant n’était plus en mesure de s’acquitter des fonctions qui lui incombaient en vertu de son contrat d’emploi.

[41] La perte de son emploi lui est entièrement imputable. L’appelant « ne peut faire assumer par d’autres le risque de son chômage, pas plus que celui qui quitte son emploi volontairement » (Lavallée, 2003 CAF 255).

[42] Le fait que l’appelant n’était plus en mesure d’exercer ses fonctions, à la suite des accusations de nature criminelle dont il fait l’objet, représente également un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travail et ce manquement a entraîné son congédiement (Lemire, 2010 CAF 314, Namaro, A-834-82, MacDonald, A-152- 96, Cartier, A-168-00).

[43] L’appelant a fait valoir qu’il n’avait été reconnu coupable d’aucun geste et n’a pas reconnu avoir posé de gestes ayant mené à son congédiement.

[44] La représentante a soutenu que l’employeur n’avait aucune preuve pouvant permettre de conclure que les accusations de nature criminelle dont l’appelant fait l’objet sont fondées. Elle a souligné qu’il n’y avait aucun fait justifiant les accusations de nature criminelle dont l’appelant fait l’objet et qu’il n’y avait eu aucune déclaration de culpabilité de sa part.

[45] Le Tribunal ne retient pas l’argumentation présentée par la représentante de l’appelant sur ces aspects en s’appuyant sur les décisions Granstrom (2003 CAF 485) et Meunier (A-130-76).

[46] Le Tribunal considère que dans le cas présent, il n’est pas essentiel de faire la démonstration que l’appelant est coupable des actes qui lui ont été reprochés et pouvant être associés à un cas d’abus de confiance, en vertu de l’article 122 du Code criminel. Le Tribunal souligne que, selon la jurisprudence, « la notion d’inconduite ne requiert pas la preuve des éléments de la responsabilité pénale » (Djalabi, 2013 CAF 213).

[47] Dans le cas qui nous occupe, l’inconduite de l’appelant est essentiellement liée au fait que celui-ci ne pouvait plus accomplir son travail pour traiter des demandes auprès du ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion (MIDI) ni se présenter sur les lieux du travail, à moins d’obtenir le consentement de son employeur, et ce, en vertu d’une ordonnance émise par la Cour (district judiciaire de X), en date du 17 février 2016 (pièce GD2-10 ou GD3-37).

Cause du congédiement

[48] Le Tribunal est d’avis que le lien de causalité entre le geste reproché à l’appelant et son congédiement a été établi. L’employeur a clairement démontré les motifs ayant mené au congédiement de l’appelant (Namaro, A-834-82, MacDonald, A-152-96, Cartier, A-168-00).

[49] L’appelant n’était plus en mesure d’exercer ses fonctions d’agent d’aide socio- économique ni même de se présenter sur les lieux du travail, à moins que son employeur ne lui en ait donné l’autorisation spécifique (pièce GD2-10 ou GD3-37). Son congédiement est la conséquence directe du geste qui lui a été reproché (Namaro, A-834-82, MacDonald, A-152-96, Cartier, A-168-00).

[50] S’appuyant sur la jurisprudence mentionnée plus haut et sur la preuve présentée, le Tribunal considère que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite parce qu’il ne pouvait plus remplir une condition essentielle de son contrat de travail et qu’en conséquence, la décision de la Commission de l’exclure du bénéfice des prestations d’assurance-emploi est justifiée dans les circonstances.

[51] Le Tribunal conclut que l’appel n’est pas fondé à l’égard du litige en cause.

Conclusion

[52] L’appel est rejeté.

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi
  1. 29 Pour l’application des articles 30 à 33 :
    1. a) emploi s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
    2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;
    3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
      1. (i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin,
      2. (ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre,
      3. (iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert;
    4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci- après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
      1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
      2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
      3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
      4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
      5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
      6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
      7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
      8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
      9. (ix) modification importante des fonctions,
      10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
      11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
      12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
      13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
      14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.
  2. 30 (1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :
    1. (a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
    2. (b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.
  3. (2) L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.
  4. (3) Dans les cas où l’événement à l’origine de l’exclusion survient au cours de sa période de prestations, l’exclusion du prestataire ne comprend pas les semaines de la période de prestations qui précèdent celle où survient l’événement.
  5. (4) Malgré le paragraphe (6), l’exclusion est suspendue pendant les semaines pour lesquelles le prestataire a autrement droit à des prestations spéciales.
  6. (5) Dans les cas où le prestataire qui a perdu ou quitté un emploi dans les circonstances visées au paragraphe (1) formule une demande initiale de prestations, les heures d’emploi assurable provenant de cet emploi ou de tout autre emploi qui précèdent la perte de cet emploi ou le départ volontaire et les heures d’emploi assurable dans tout emploi que le prestataire perd ou quitte par la suite, dans les mêmes circonstances, n’entrent pas en ligne de compte pour l’application de l’article 7 ou 7.1.
  7. (6) Les heures d’emploi assurable dans un emploi que le prestataire perd ou quitte dans les circonstances visées au paragraphe (1) n’entrent pas en ligne de compte pour déterminer le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées, au titre du paragraphe 12(2), ou le taux de prestations, au titre de l’article 14.
  8. (7) Sous réserve de l’alinéa (1)a), il demeure entendu qu’une exclusion peut être imposée pour une raison visée au paragraphe (1) même si l’emploi qui précède immédiatement la demande de prestations - qu’elle soit initiale ou non - n’est pas l’emploi perdu ou quitté au titre de ce paragraphe.
Règlement sur l’assurance-emploi
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