Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Comparutions

Le prestataire, monsieur S. P., a participé à l’audience prévue par téléconférence.

Introduction

[1] Le prestataire a présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploi qui lui ont été accordées à compter du 6 mai 2016. Bien que le prestataire ait fait une déclaration le 23 mai 2016, il a retardé la présentation de ses déclarations subséquentes. La Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission) a déterminé que le prestataire n’a pas présenté ses déclarations en temps opportun, conformément au paragraphe 26(1) du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement). Il a aussi été conclu que les raisons du prestataire pour justifier son retard ne représentaient pas un motif valable, conformément au paragraphe 10(5) et à l’article 50 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE). Par conséquent, on lui a refusé des prestations pour la période du 22 mai 2016 au 2 juillet 2016.

[2] Le 4 octobre 2016, le prestataire a demandé une révision de la décision auprès de la Commission. Toutefois, le 19 octobre 2016, la Commission a maintenu sa décision initiale.

[3] Le 4 novembre 2016, le prestataire a porté la décision en appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal), Section de l’assurance-emploi.

[4] L’audience a été tenue par téléconférence à cause : a) de la complexité des questions en appel, b) de l’information au dossier et du besoin d’information additionnelle et c) que le mode d’audience respecte les exigences du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale voulant qu’il faut procéder de la façon la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Question en litige

[5] Le membre doit décider si le prestataire avait un motif valable pour avoir retardé le dépôt de ses déclarations pour la période du 22 mai 2016 au 2 juillet 2016, conformément aux articles 10 et 50 de la Loi sur l’AE et à l’article 26 du Règlement.

Preuve

[6] Le prestataire a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi le 13 mai 2016. Il a mentionné que personne ne l’a aidé pour remplir le formulaire de demande (GD3-7). Son relevé d’emploi confirme que le dernier jour de travail était le 6 mai 2016 (GD3-14).

[7] Le 3 juin 2016, la Commission a informé le prestataire que sa demande a été établie à partir du 8 mai 2016 et que la paie de vacances qu’il avait reçue au moment de la cessation d’emploi serait répartie entre le 8 mai 2016 et la semaine du 15 mai 2016. On lui a aussi indiqué ce qui suit [traduction] : « Il est important que vous présentiez vos déclarations. Si vous ne le faites pas, et que votre situation change, vous pouvez perdre vos prestations. »

[8] Le 13 juillet 2016, le prestataire a verbalement informé la Commission que son adresse et son numéro de téléphone sont demeurés inchangés, qu’il n’a pas travaillé et qu’il touchait une pension (219,08 $/mois) depuis le 22 février 2015. La Commission a indiqué que le prestataire a omis d’entreprendre le nécessaire pour obtenir un paiement entre le 22 mai 2015 et le 2 juillet 2016 et sa demande a immédiatement été réactivée (GD3-17 à GD3-19).

[9] Le 18 août 2016, le prestataire a demandé que sa demande soit antidatée au 6 juin 2016. Il a mentionné avoir retardé le dépôt de sa demande de prestations entre le 5 juin 2016 et le 2 juillet 2016 parce qu’il attendait que Service Canada lui envoie un document par la poste pour qu’il puisse faire sa déclaration. Il a confirmé avoir reçu son code d’accès et rempli sa première déclaration le 23 mai 2016. Il n’était pas certain de savoir quoi faire et il a attendu d’avoir l’information avant de faire sa déclaration suivante. Bien qu’il ait lu l’information et le code d’accès qu’on lui a envoyés, il ne les a pas compris. Il a aussi confirmé avoir reçu la lettre du 3 juin 2016 qui l’avisait de remplir ses déclarations ou il pourrait perdre ses prestations. Il a déclaré avoir tenté d’appeler deux ou trois fois sans succès avant le 13 juillet 2016 (GD3-20 à GD3-23).

[10] La Commission a informé le prestataire qu’on ne pouvait pas lui verser des prestations entre le 22 mai 2016 et le 2 juillet 2016 parce qu’il n’a pas rempli ses déclarations d’après le délai accordé et qu’il n’a pas présenté de motif valable pour justifier le retard (GD3-24).

[11] Le 4 octobre 2016, le prestataire a demandé à la Commission une révision de sa décision. Il a écrit qu’il était en train de déménager dans une autre province. Il a essayé d’avoir accès en ligne, mais a arrêté parce qu’il n’était pas certain du processus (GD3-25). Il a mentionné les mêmes raisons à la Commission. Le prestataire a aussi affirmé avoir été aidé pour présenter sa première déclaration, mais il n’a pas pu faire les autres déclarations par lui-même (GD3-27).

[12] Le 19 octobre 2016, la Commission a maintenu sa décision initiale du 18 août 2016 (GD3-28).

[13] Pendant l’audience, le prestataire a témoigné être parti de l’Ontario le 15 mai 2016 pour s’installer en Alberta. Quelques jours plus tard, la Commission l’a appelé pour obtenir son numéro de compte afin d’effectuer le dépôt direct de ses prestations. Après une semaine, il a reçu une lettre contenant son code d’accès. Le prestataire n’était pas certain d’avoir reçu la lettre du 3 juin 2016. Il a fait référence à GD3-15 (a vérifié dans ses dossiers), mais il se souvient tout de même avoir reçu une lettre, sauf qu’il ne se rappelle pas la date. Le prestataire a témoigné que sa bru l’a aidé à faire sa première déclaration le 23 mai 2016. Cette dernière lui a dit de faire ses autres déclarations par lui-même; elle était occupée, mais il pouvait l’appeler pour obtenir de l’aide.

[14] Le prestataire a confirmé et réitéré la même raison qu’il a présentée à la Commission à l’égard de son retard de sept semaines pour la présentation d’une déclaration subséquente. Il a mentionné quatre raisons : (1) il a déménagé dans une autre province à cette période; (2) il ne connaissait pas le processus pour effectuer les déclarations en ligne puisqu’il bénéficiait des prestations d’assurance-emploi pour la première fois; (3) il attendait une lettre de la Commission pour connaître la prochaine étape (c’est ce que son entourage lui a mentionné); (4) il a tenté d’appeler sans succès. Puis, en juin ou en juillet, il s’est présenté au bureau de Service Canada de Calgary, et un agent l’a aidé. Il a ensuite pu faire ses déclarations sans problème.

Observations

[15] Le prestataire a fait valoir qu’il n’a pas réussi à faire ses déclarations en temps opportun parce qu’il a déménagé dans une autre province, et au cours de cette période, il n’avait pas accès à un ordinateur, sans compter qu’il ne connaissait pas le processus et qu’il avait besoin d’aide pour le faire. Le prestataire a fait valoir qu’il attendait une lettre de la Commission, car c’est ce que son entourage lui a dit de faire. Entre-temps, il a tenté d’appeler la Commission, mais sans succès.

[16] La Commission a fait valoir qu’elle a correctement imposé une inadmissibilité au prestataire pour la réception de prestations entre le 22 mai 2015 et le 2 juillet 2016, parce qu’il ne répondait aux exigences du paragraphe 10(5) et de l’article 50 de la Loi sur l’AE et de l’article 26 du Règlement. Les raisons présentées par le prestataire ne justifient pas un retard de sept semaines, et il aurait pu appeler en utilisant son code d’accès ou se rendre dans un bureau de Service Canada pour obtenir de l’aide. Le 16 mai 2016, après avoir rempli sa demande, on lui a donné des renseignements précis sur les étapes suivantes, ainsi que des coordonnées. De plus, le 23 mai 2016, il a fait sa première série de déclarations, et on l’aurait aussi informé du moment auquel il devait faire ses prochaines déclarations. La Commission a fait valoir que le prestataire n’était pas dans l’impossibilité de présenter ses déclarations suivantes en temps opportun, et donc, il n’a pas agi comme une personne raisonnable l’aurait fait dans cette situation quand il a attendu plus de trois semaines après l’échéance du délai établi pour la présentation des déclarations avant de communiquer avec la Commission. Par conséquent, il n’a pas démontré un motif valable pour justifier le retard.

Analyse

[17] Les dispositions législatives pertinentes figurent en annexe à la présente décision.

[18] Conformément au paragraphe 50(4) de la Loi sur l’AE, toute demande de prestations pour une semaine de chômage comprise dans une période de prestations est présentée dans le délai prévu par règlement. Conformément au paragraphe 26(1) du Règlement, le délai est expressément établi et il est prévu que sous réserve du paragraphe (2), le prestataire qui demande des prestations pour une semaine de chômage comprise dans une période de prestations présente sa demande dans les trois semaines qui suivent cette semaine. De plus, conformément au paragraphe 50(1) de la Loi sur l’AE, un prestataire qui ne remplit pas une condition ou ne satisfait pas à une exigence prévue par le présent article n’est pas admissible au bénéfice des prestations tant qu’il n’a pas rempli cette condition ou satisfait à cette exigence.

[19] En l’espèce, le prestataire a présenté une demande de prestations régulières le 13 mai 2016. Il avait donc jusqu’au 6 juin 2016 pour présenter ses déclarations conformément au paragraphe 26(1) du Règlement. Il s’agit d’une preuve incontestée que le prestataire s’est conformé à cette exigence le 23 mai 2016, alors qu’il a réussi à présenter sa première déclaration pour la période des deux semaines précédentes, du 8 mai 2016 au 22 mai 2016. Sa déclaration suivante devait alors être présentée deux semaines plus tard. Il a cependant retardé de sept semaines la présentation de ses déclarations pour les semaines du 22 mai 2016 au 2 juillet 2016, et ce n’est que le 13 juillet 2016 qu’il les a soumises. Le membre juge qu’en omettant de présenter les documents requis selon un délai de trois semaines après la dernière demande de prestations (ce qu’il a fait plus de cinq semaines plus tard), il ne s’est pas conformé à l’exigence du paragraphe 26(1) du Règlement et du paragraphe 50(1) de la Loi sur l’AE. Pendant l’audience, le prestataire a confirmé l’exactitude de cette information et le fait d’avoir été capable de présenter ses déclarations subséquentes (pour les périodes débutant le 3 juillet 2016) sans problème.

[20] Le 18 août 2016, le prestataire a demandé que ses déclarations en retard soient antidatées au 6 juin 2016. Le paragraphe 10(5) de la Loi sur l’AE prévoit que lorsque le prestataire présente une demande de prestations, autre qu’une demande initiale (dans ce cas-ci la déclaration hebdomadaire), après le délai prévu par règlement pour la présenter, la demande doit être considérée comme ayant été présentée à une date antérieure si celui-ci démontre qu’il avait, durant toute la période écoulée entre cette date antérieure et la date à laquelle il présente sa demande, un motif valable justifiant son retard.

[21] Le membre souligne que le prestataire n’est pas simplement tenu d’agir de manière raisonnable ou d’avoir un « motif valable » justifiant son retard. D’après la Cour d’appel fédérale (CAF), le fardeau du prestataire est d’établir l’existence d’un « motif valable » pour avoir retardé la présentation d’une demande initiale de prestations en démontrant qu’il a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans la même situation pour connaître ses droits et ses obligations sous le régime de la Loi sur l’AE(Mauchel c. Procureur général du Canada,2012 CAF 202; Bradford c. Commission de l’assurance-emploi du Canada,2012 CAF 120; Procureur général du Canada c. Albrecht,A-172-85).

[22] Le même principe est applicable aux affaires comme celle-ci, où il existe un retard dans la présentation d’une demande de prestations pour une semaine de chômage, car la demande n’a pas été présentée selon le délai prévu. En l’espèce, le retard concernait la présentation des déclarations pour les semaines de la période du 22 mai 2016 au 2 juillet 2016, lesquelles devaient être présentées par le prestataire selon un délai de trois semaines après la semaine pour laquelle des prestations ont été demandées (en dernier), conformément au paragraphe 26(1) du Règlement (Procureur général du Canada c. Kokavec, A-232-08).

[23] De plus, d’après la CAF, sauf en cas de circonstances exceptionnelles, une personne raisonnable est tenue de prendre connaissance assez rapidement des prestations auxquelles elle a droit et de ses obligations en vertu de la Loi sur l’AE (Procureur général du Canada c. Kaler, 2011 CAF 266; Procureur général du Canada c. Innes, 2010 CAF 341; Procureur général du Canada c. Burke, 2012 CAF 139).

[24] En l’espèce, le membre a tenu compte de la position du prestataire voulant qu’il a déménagé dans une autre province à ce moment et qu’il n’avait pas accès à un ordinateur. De plus, il n’était pas familier avec le processus et avait besoin de l’aide de sa bru pour présenter ses déclarations. Le prestataire a fait valoir que son entourage lui a mentionné d’attendre pour une lettre, et au cours de cette attente, il a appelé la Commission, sans succès. Le membre comprend que le prestataire a déménagé (le 15 mai 2016) peu de temps après avoir fait une demande de prestations le 13 mai 2016 et que celui-ci n’avait pas accès à un ordinateur pendant le déménagement. Le membre souligne toutefois que le prestataire a demandé l’aide de sa bru et a présenté sa première déclaration le 23 mai 2016, sans retard. Son déménagement de l’Ontario en Alberta n’est pas une explication raisonnable au retard qui a suivi de sept semaines. Le membre reconnaît que le prestataire avait besoin d’aide parce qu’il n’était pas familier avec le processus et qu’il a tenté de faire des demandes téléphoniques sans succès. Le membre souligne cependant qu’il avait accès à un ordinateur et au téléphone sur une base quotidienne et qu’il pouvait se rendre à un bureau de Service Canada à Calgary, où il a finalement obtenu de l’aide. Le membre juge donc que si le prestataire ne savait pas comment présenter une déclaration lui-même, malgré le fait que son entourage lui a dit d’attendre pour une lettre, aucune circonstance exceptionnelle ne l’empêchait de se rendre dans un bureau de Service Canada pour se renseigner sur ses droits et ses obligations (et sur la façon de présenter ses déclarations ou autres) en temps opportun.

[25] La jurisprudence appuie les conclusions tirées par le membre. Le membre a tenu compte de la conclusion de la CAF, selon laquelle un prestataire ne peut se contenter d’invoquer, comme motif valable, qu’il s’est fondé sur des renseignements non vérifiés ou des hypothèses non fondées. Il est raisonnable de s’attendre à ce qu’un prestataire vérifie les renseignements qu’il a reçus, et l’existence de renseignements non vérifiés ne constitue pas un motif valable pour le retard (Procureur général du Canada c. Trinh, 2010 CAF 335; Rouleau A-4-95).

[26] Le membre a aussi tenu compte du fait qu’il est de jurisprudence constante que l’ignorance de la loi, même combinée à la bonne foi, ne constitue pas un motif valable pour un retard (Procureur général du Canada c. Kaler, 2011 CAF 266; Procureur général du Canada c. Howard, 2011 CAF 116; Procureur général du Canada c. Somwaru, 2010 CAF 336; Procureur général du Canada c. Innes, 2010 CAF 341).

[27] Compte tenu de la preuve, le membre juge que le prestataire n’a pas agi comme une personne raisonnable l’aurait fait pour s’enquérir de ses droits et de ses obligations en vertu de la Loi sur l’AE, surtout qu’il n’était pas familier avec le système et qu’il avait besoin de l’aide de sa bru. Le membre juge qu’il est raisonnable de s’attendre à ce que le prestataire se serait enquis de ses obligations et de ses responsabilités peu de temps après que sa bru lui ait montré comment présenter sa première déclaration et qu’il a vu qu’il ne pouvait pas faire la suivante par lui-même. De plus, le membre est d’accord avec la Commission sur le fait que le prestataire aurait pu prendre connaissance des exigences relatives à la présentation de déclarations sur le formulaire de demande, sous l’en-tête [traduction] « Prochaines étapes », sur internet ou grâce au Service de déclaration par téléphone (GD3-12), ou sur la lettre de prestation que le prestataire a reconnu avoir reçue le 3 juin 2016, où l’on mentionnait l’importance de présenter les déclarations, ainsi que les coordonnées utiles (GD3-15).

[28] Le membre juge, d’après tous les éléments en cause, que le prestataire n’avait pas de motif valable pour avoir retardé la présentation de ses déclarations, car il n’a pas agi comme une personne raisonnable l’aurait fait pour se renseigner sur ses droits et ses responsabilités. Le membre conclut donc que le prestataire ne s’est pas déchargé du fardeau de prouver qu’il avait un motif valable durant toute la période du retard pour la présentation de ses déclarations, conformément au paragraphe 10(5) de la Loi sur l’AE.

Conclusion

[29] L’appel est rejeté.

Annexe

Droit applicable

Conformément au paragraphe 26(1) du Règlement, il est prévu que sous réserve du paragraphe (2), le prestataire qui demande des prestations pour une semaine de chômage comprise dans une période de prestations présente sa demande dans les trois semaines qui suivent cette semaine.

Conformément au paragraphe 10(5) de la Loi sur l’AE, lorsque le prestataire présente une demande de prestations, autre qu’une demande initiale, après le délai prévu par règlement pour la présenter, la demande doit être considérée comme ayant été présentée à une date antérieure si celui-ci démontre qu’il avait, durant toute la période écoulée entre cette date antérieure et la date à laquelle il présente sa demande, un motif valable justifiant son retard.

Conformément au paragraphe 50(1) de la Loi sur l’AE, tout prestataire qui ne remplit pas une condition ou ne satisfait pas à une exigence prévue par le présent article n’est pas admissible au bénéfice des prestations tant qu’il n’a pas rempli cette condition ou satisfait à cette exigence.

Conformément au paragraphe 50(4) de la Loi sur l’AE, toute demande de prestations pour une semaine de chômage comprise dans une période de prestations est présentée dans le délai prévu par règlement.

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