Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision



Motifs et décision

Comparution

[1] L’appelant, monsieur E. D., était présent lors de l’audience qui a eu lieu par téléconférence et était représenté par Me Jean-Sébastien Brady.

[2] Monsieur L. S., employé à l’Auberge du X Inc. (l’Auberge), a comparu devant le Tribunal à titre de témoin.

Décision

[3] Le Tribunal conclut que l’appelant a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite en vertu des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (la Loi).

Introduction

[4] Le 25 mars 2016, l’appelant présente une demande initiale de prestations régulières auprès de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission). Selon le relevé d’emploi fourni par l’Auberge l’appelant a cessé d’occuper cet emploi le 3 mars 2016 en raison d’un congédiement (code M-Congédiement), (pièces GD3-3 à GD3-9).

[5] Le 8 avril 2016, la Commission avise l’appelant qu’il n’a pas droit aux prestations régulières depuis le 28 février 2016 puisqu’il a cessé de travailler à l’Auberge en raison de son inconduite (pièces GD3-16 et GD3-17).

[6] Le 26 avril 2016, l’appelant présente une demande de révision de la décision quant au refus de la Commission de lui verser des prestations régulières en raison de son inconduite (pièces GD3-20 à GD3-22).

[7] Le 22 juin 2016, la Commission avise l’appelant qu’elle maintient la décision rendue le 8 avril 2016 (pièces GD3-29 et GD3-30).

[8] Le 14 juillet 2016, l’appelant présente un avis d’appel auprès de la section de l’assurance- emploi de la division générale du Tribunal (pièces GD2-1 à GD2-6).

Mode d’audience

[9] L’appel a été instruit selon le mode d’audience par vidéoconférence pour les raisons suivantes (pièce GD1) :

  1. L’information au dossier, y compris la nécessité d’obtenir des informations supplémentaires.
  2. Ce mode d’audience est celui qui permet le mieux de répondre aux besoins d’adaptation des parties.
  3. Ce mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Question en litige

[10] Le Tribunal doit déterminer si l’appelant a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite selon les articles 29 et 30 de la Loi.

Preuve

[11] Les éléments de preuve contenus dans le dossier de la Commission sont les suivants :

  1. Une demande initiale de prestations régulières transmise à la Commission par l’appelant le 25 mars 2016 (pièces GD3-3 à GD3-9);
  2. Un relevé d’emploi, daté du 15 mars 2016, indiquant que l’appelant a travaillé pour l’Auberge du 4 décembre 2015 au 3 mars 2016 inclusivement (code M–Congédiement), (pièce GD3-10);
  3. Une déclaration de l’employeur à la Commission indiquant qu’il a congédié l’appelant pour vol de bouteilles de vin. L’employeur déclare qu’il a découvert cet incident par hasard en regardant la vidéo de l’Auberge puisqu’il se demandait ce que faisaient les employés près des « containers » après leur quart de travail. L’employeur déclare que d’autres employés sont impliqués dans ce « stratagème  ». L’employeur déclare que le contenu de la caméra démontre quatre employés sortir de l’Auberge avec des bouteilles de vin. Une lettre de congédiement leur a été acheminée après cet événement (pièces GD3-15 et GD3-23);
  4. Une lettre de congédiement transmise à l’appelant par l’employeur indique qu’une rencontre a eu lieu le 24 février 2016 et que l’appelant a pu donner sa version des faits concernant l’appropriation sans droit des bouteilles de vin de l’Auberge. La lettre indique que l’employeur a procédé à une enquête qui a démontré que, le 15 janvier 2016, le 17 janvier 2016, le 28 janvier 2016, le 31 janvier 2016, le 12 février 2016, le 16 février 2016 ainsi que le 17 février 2016, l’appelant s’est approprié sans droit des bouteilles de vin et qu’il les a sorties de l’Auberge. Cette lettre mentionne que, pendant ses quarts de travail, l’appelant travaillait comme chef d’équipe, responsable de la bonne marche des opérations, et que, compte tenu de la gravité de la faute, le lien de confiance entre l’employeur et l’employé est définitivement rompu. La lettre indique que l’appelant a agi de façon organisée et délibérée. De plus, la lettre mentionne que les Règlements et politiques de l’Auberge prévoient à l’article 3.2.2 qu’aucun bien ne peut être sorti de l’Auberge sans autorisation préalable. Cette lettre indique que l’appelant a admis s’être approprié de bouteilles de vin pendant la rencontre et qu’il a banalisé ce geste et n’a éprouvé aucun remords. L’employeur indique que les gestes posés par l’appelant sont malhonnêtes et que le vol constitue une faute grave. L’employeur indique qu’il congédie l’appelant puisque sa fonction de serveur demande une confiance et une probité absolues. Cette lettre est signée par J. D., directeur des ressources humaines de l’Auberge (pièces GD3-13 et GD3-14);
  5. Une déclaration de l’appelant à la Commission admettant qu’il « est parti avec des restes de vin » même s’il n’avait pas l’autorisation de l’employeur. L’appelant déclare que tout le monde le fait, mais que ce ne sont que les quatre personnes reliées au syndicat qui ont été congédiées (pièce GD3-15);
  6. Une décision de la Commission, datée du 8 avril 2016, indiquant à l’appelant qu’il n’a pas droit aux prestations régulières à compter du 28 février 2016 puisqu’il a cessé de travailler à l’Auberge le 3 mars 2016 en raison de son inconduite (pièces GD3-16 et GD3-17);
  7. Une demande de révision de la décision initiale de la Commission déposée par l’appelant le 26 avril 2016 (pièces GD3-20 à GD3-22);
  8. Une déclaration de l’employeur à la Commission indiquant qu’en décembre 2015, en visionnant le contenu de la caméra de l’Auberge, il a découvert que des employés se rendaient au hangar à déchets après leur quart de travail et repartaient avec des bouteilles de vin pleines. L’employeur déclare qu’il a confié cette enquête à une firme spécialisée et que l’enquête s’est échelonnée sur une période de six semaines (pièces GD3-23 à GD3- 24);
  9. Une déclaration de l’employeur à la Commission indiquant que cette enquête ne visait pas à nuire au syndicat d’aucune façon. L’enquête a démontré que les employés visés avaient développé un stratagème pour s’approprier des bouteilles de vin à la fin des banquets. Par exemple, des clients venaient à un banquet, ils commandaient 20 bouteilles de vin et en consommaient 18. Les employés visés allaient porter les bouteilles pleines et vides près du hangar à déchets et repartaient avec les bouteilles pleines après leur quart de travail (pièces GD3-23 à GD3-24);
  10. Une déclaration de l’employeur à la Commission indiquant que l’appelant a signé le document concernant les Règlements et les Politiques de l’Auberge à son embauche et qu’il connaissait l’article 3.2.2 concernant l’interdiction de partir de l’hôtel avec de la nourriture ou de la boisson. L’employeur déclare qu’à la fin des banquets, il est prévu que les bouteilles pleines soient déposées au cellier et que les bouteilles ouvertes sont utilisées par la cuisine de l’Auberge pour confectionner des sauces. L’employeur déclare que l’appelant était un de ses meilleurs serveurs et que le contenu de la caméra a démontré qu’il s’appropriait des bouteilles de vin de l’Auberge régulièrement. L’employeur déclare que même si les bouteilles de vin avaient été payées par les clients, l’appelant savait qu’il n’était pas autorisé à repartir avec les bouteilles de vin et que participer à ce stratagème en se cachant, en catimini, démontre qu’il savait que ce n’était pas une pratique autorisée et qu’il avait conscience de contrevenir au Règlement de l’Auberge (pièces GD3-23 à GD3-24);
  11. Une déclaration de l’employeur à la Commission indiquant qu’il ne peut divulguer ou transmettre la preuve concernant ce dossier puisque l’appelant a contesté son congédiement en vertu de l’article 15 du Code du travail et qu’une audience est prévue le 7 juin 2016 au Tribunal administratif du travail;
  12. Une décision de la Commission rendue en révision, datée du 22 juin 2016, indiquant à l’appelant qu’elle n’a pas modifié la décision initiale rendue le 8 avril 2016 (pièces GD3- 29 et GD3-30).

[12] Le 14 juillet 2016, l’appelant transmet au Tribunal une copie des documents suivants :

  1. Une décision de la Commission rendue en révision, datée du 22 juin 2016, indiquant à l’appelant qu’elle n’a pas modifié la décision initiale rendue le 8 avril 2016 (pièce GD2- 6);
  2. Un avis d’appel de la décision rendue par la Commission le 22 juin 2016 (pièces GD2-1 à GD2-5);
  3. Une déclaration de l’appelant indiquant que la politique de sortie des biens de l’employeur était « élastique » et ne s’appliquait pas de façon égale à tous les employés. L’appelant ajoute qu’il est persuadé qu’il y a des circonstances atténuantes qui militent en sa faveur (pièce GD2-3).

[13] Le 13 avril 2016, le représentant de l’appelant transmet au Tribunal une copie des documents suivants (pièces GD8-1 à GD8-49) :

  1. Trois décisions rendues par la Commission des relations du travail en 2009 et en 2010, dont une impliquant le témoin, L. S.

[14] Lors de l’audience, l’appelant a présenté les éléments de preuve suivants :

  1. L’appelant déclare qu’il était serveur à l’Auberge depuis 2003. L’appelant déclare qu’il s’occupe du service aux tables de la salle à manger, au bar ainsi que lors des banquets. L’appelant déclare qu’il travaillait principalement de soir à temps plein;
  2. L’appelant déclare qu’il était délégué syndical à l’Auberge, il occupait des fonctions de trésorier ainsi que de directeur de griefs depuis environ cinq ans. En tant que trésorier l’appelant s’occupait de la comptabilité du syndicat et comme directeur de griefs, il recevait les plaintes des employés et déposait les griefs;
  3. L’appelant déclare qu’il a été congédié le 3 mars 2016 et qu’il a reçu une lettre de congédiement de l’employeur (pièce GD3-13). L’appelant déclare que pendant la période entourant les mois de janvier ainsi que février 2016, la gestion de la facturation des bouteilles de vin fonctionnait ainsi : Par exemple, lors d’un banquet, un quota de vin était calculé pour le groupe, environ une demi-bouteille de vin était calculée par personne. L’appelant déclare que si les personnes d’un groupe n’étaient pas assez « payantes » pour l’Auberge ou ne consommaient pas suffisamment, le maître d’hôtel, qui est aussi son supérieur immédiat, lui demandait de facturer les bouteilles de vin qui n’étaient pas consommées. L’appelant déclare que les bouteilles qui n’étaient pas consommées devaient retourner dans la cave à vin de l’Auberge. L’appelant déclare qu’il a dit à son supérieur immédiat qu’il facturerait ces bouteilles de vin, mais qu’il en garderait aussi pour sa consommation personnelle « y en aurait une coupe avec lesquelles je partirai». L’appelant déclare que son supérieur immédiat lui aurait dit qu’il n’y avait pas de problèmes, mais d’être discret;
  4. L’appelant déclare que c’est lui qui faisait la facturation, mais que le contrat était établi à l’avance par l’Auberge. L’appelant déclare qu’il avait l’autorisation de partir avec les bouteilles de vin et que l’appropriation des bouteilles à la fin de la soirée fonctionnait ainsi : parfois, certaines bouteilles de vin non consommées étaient complètes, d’autres étaient entamées. Pour celles qui étaient entamées, l’appelant et ses collègues transvidaient les bouteilles pour en faire des bouteilles pleines. L’appelant et ses collègues déposaient les bouteilles transvidées et pleines qui avaient déjà été facturées aux clients près de la cave à déchets. L’appelant déclare qu’il en remettait certaines dans la cave à vin et qu’il prenait les bouteilles qui étaient restées près de la cave à déchets après avoir pris son manteau et avant de sortir afin d’être discret. L’appelant déclare qu’il faisait ce que son supérieur immédiat lui avait dit de faire afin d’être professionnel et que les clients ne s’en aperçoivent pas;
  5. L’appelant déclare que la majorité des serveurs, et principalement ceux qui travaillent aux banquets, s’appropriaient des bouteilles de vin pleines ou entamées. L’appelant déclare que son supérieur immédiat était au courant de l’appropriation des bouteilles pleines ou entamées. L’appelant déclare que son supérieur immédiat était aussi directeur de la restauration. L’appelant déclare que si son inventaire ne balançait pas, son supérieur voyait qu’il avait facturé dix bouteilles en surplus et que s’il y en avait uniquement huit dans la cave à vin, c’était parce qu’il en avait pris deux. L’appelant déclare que son supérieur n’a jamais voulu savoir la manière dont ça se passait quand l’appelant quittait et s’appropriait des bouteilles de vin. L’appelant déclare que son supérieur immédiat lui aurait dit : « je suis Ponce Pilate je m’en lave les mains ». L’appelant déclare que l’important c’était d’être discret et que les clients ne voient pas cette pratique. L’appelant déclare que c’est son supérieur immédiat qui l’a initié à cette pratique;
  6. L’appelant déclare qu’il s’appropriait des bouteilles de vin depuis 2004. L’appelant déclare qu’il n’a reçu aucune mesure disciplinaire concernant l’appropriation de bouteilles de vin et que son supérieur immédiat ou un autre cadre aurait pu sanctionner cette pratique.
  7. L’appelant déclare que, concernant les dates mentionnées par l’employeur dans sa lettre de congédiement, il est vrai qu’il s’est approprié des bouteilles de vin, mais que ce n’est pas du vol parce qu’il avait l’autorisation. L’appelant déclare qu’il est surtout parti avec des bouteilles transvidées, mais que c’est arrivé une ou deux fois qu’il a pris des bouteilles pleines;
  8. L’appelant déclare que concernant les bouteilles de vin pleines, le ¾ des bouteilles étaient retournées dans la cave à vin pour être revendues une deuxième fois;
  9. L’appelant déclare qu’il a pris connaissance de la Politique de l’employeur concernant la sortie des biens et le laissez-passer requis pour sortir de la nourriture et de la boisson uniquement au moment où il a été congédié. L’appelant déclare que tout le monde pouvait partir avec ce qu’il voulait. Par exemple, le barman rapportait de la nourriture pour ses chiens. L’appelant déclare qu’il n’a jamais vu de laissez-passer physiquement et donc que ça n’existait pas. L’appelant déclare qu’il a déjà emprunté une cafetière ou des nappes pour une réunion syndicale et que l’employeur n’y voyait pas de problèmes;
  10. L’appelant déclare que ses collègues et lui-même ont contesté le congédiement devant le Tribunal administratif du travail;
  11. L’appelant déclare qu’il ne pouvait s’attendre à être congédié pour cette pratique parce que le « boss » était au courant et que c’était une pratique autorisée. L’appelant déclare qu’il n’a jamais eu l’impression de voler et que ses gestes ne méritaient pas un congédiement.

[15] Lors de l’audience, le témoin, monsieur L. S., a présenté les éléments de preuve suivants :

  1. Le témoin déclare qu’il travaillait comme serveur à l’Auberge depuis 2004. Le témoin déclare que ses fonctions sont le service aux tables de la salle à manger ainsi que lors des banquets;
  2. Le témoin déclare qu’il s’est impliqué syndicalement pendant environ dix ans et qu’il occupait la fonction de vice-président du syndicat de l’Auberge. Le témoin déclare que ses fonctions consistent à régler les mésententes, les avis disciplinaires, recevoir les griefs et il travaille en collaboration avec le directeur des ressources humaines;
  3. Le témoin déclare qu’en janvier et février 2016 la gestion de la facturation des bouteilles de vin à l’Auberge fonctionnait de cette manière : les bouteilles de vin étaient facturées au client selon le quota qui avait été établi et les bouteilles qui n’avaient pas été consommées se retrouvaient dans la cave à vin. Le témoin déclare que les bouteilles de vin entamées qui n’avaient pas été consommées retournaient au bar ou les serveurs mettaient le vin dans des carafons de carton pour les consommer ou les apporter à leur domicile. L’appelant déclare que c’est de cette manière que les serveurs s’appropriaient le vin qui était facturé aux clients;
  4. Le témoin déclare que lors d’un banquet si des bouteilles de vin n’avaient pas été consommées, les bouteilles étaient amenées à la cave à déchets et les serveurs les rapportaient à la maison. Le témoin déclare que la majorité des serveurs qui travaillaient s’appropriait des bouteilles de vin. Le témoin déclare que le maître d’hôtel, était au courant de cette pratique parce que lors d’un bal étudiant, des bouteilles de vin avaient été facturées et le maître d’hôtel s’était aperçu que les bouteilles n’étaient pas timbrées. Comme il ne pouvait les garder à l’Auberge, il a demandé à certains serveurs de les rapporter chez eux. Ils avaient, à ce moment, obtenu l’autorisation du maître d’hôtel pour rapporter les bouteilles de vin;
  5. Le témoin déclare que le maître d’hôtel était au courant de la pratique qui a eu lieu en juin 2015 lors du bal des étudiants et qu’à ce moment il a autorisé les serveurs à partir chez eux avec des bouteilles de vin. Le témoin déclare que les serveurs étaient responsables de faire la facturation lors des banquets. Le témoin déclare que cette pratique de surfacturation a lieu depuis qu’il travaille à l’Auberge;
  6. Le témoin déclare qu’il n’y a jamais eu de mesures disciplinaires données concernant l’appropriation de bouteilles de vin. Le témoin déclare que c’est le maître d’hôtel qui était responsable de la discipline;
  7. Le témoin déclare qu’il a déjà entendu parler de la Politique de l’employeur parce qu’il était représentant syndical et que l’employeur leur en avait déjà parlé, mais que concernant le laissez-passer, ce n’était pas une pratique qui était établie. Le témoin déclare qu’il n’y avait pas d’autorisation écrite, mais qu’il y avait des autorisations verbales;
  8. Le témoin déclare qu’il avait la connaissance de la Politique de l’employeur depuis deux ans, depuis 2013 ou 2014, parce qu’il y avait eu une révision des Politiques et Règlements de l’Auberge;
  9. Le témoin déclare que l’employeur prêtait les cafetières lors des réunions syndicales et qu’il n’y avait pas de problème;
  10. Le témoin déclare que le directeur des ressources humaines a quitté ses fonctions en 2014 et, depuis l’arrivée du nouveau directeur, les relations de travail ne sont pas les mêmes. De même, le fils d’un propriétaire est revenu travailler à l’Auberge pendant cette période, ce qui a changé radicalement les relations de travail;
  11. Le témoin déclare qu’il a eu gain de cause dans un litige impliquant l’employeur devant la Commission des relations du travail en 2009 (pièce GD8).

Arguments des parties

[16] Lors de l’audience, l’appelant a présenté les arguments suivants:

  1. Le représentant de l’appelant affirme que bien que l’employeur soutient que l’appelant s’est approprié ou a participé à l’appropriation de bouteilles de vin sans droit et l’a congédié, il y avait un système de surfacturation des bouteilles de vin instauré à l’Auberge;
  2. Le représentant de l’appelant affirme que les groupes participants aux banquets sont facturés selon le nombre de bouteilles de vin prévu au contrat et non en fonction de ce qu’ils ont consommé. Les bouteilles facturées en surplus sont destinées à retourner à la cave à vin ou au bar. Et, les serveurs repartent avec des bouteilles de vin « sous la bénédiction » de leur supérieur immédiat;
  3. Le représentant de l’appelant affirme que lorsque les soirées de banquets sont terminées, les bouteilles non consommées par les clients sont d’abord amenées à la cave à déchet et ensuite sont placées discrètement dans les sacoches, les manteaux ou les sacs à dos et les serveurs repartent avec les bouteilles de vin. Le représentant de l’appelant soutient que les serveurs agissaient de manière discrète d’abord à la demande de leur supérieur ensuite afin que les clients ne voient rien;
  4. Le représentant de l’appelant affirme que la Politique écrite et les Règlements de l’employeur étaient méconnus des employés, le témoin a affirmé en avoir entendu parler en 2014, mais, au-delà de cette affirmation, en pratique cette Politique n’était pas seulement méconnue, elle n’était pas appliquée;
  5. Le représentant de l’appelant affirme que la façon de faire de l’ensemble des serveurs quant à l’appropriation des bouteilles de vin était une pratique tolérée du supérieur immédiat de l’appelant et cette pratique n’a jamais été sanctionnée;
  6. Le représentant de l’appelant soutient que l’appelant a été congédié pour une pratique courante qui se déroulait chez l’employeur;
  7. Le représentant de l’appelant soutient que si c’est l’appelant et pas une autre personne qui est visée par ce congédiement, c’est peut-être étant donné son passé syndical;
  8. Le représentant de l’appelant soutient que l’appelant ne pouvait s’attendre à être congédié parce que c’était une pratique tolérée, connue, que l’employeur le savait et même en bénéficiait jusqu’à un certain point. Le représentant de l’appelant soutient que jamais l’appelant n’aurait pu s’attendre à être congédié;
  9. Le représentant de l’appelant soumet quelques décisions à l’attention du Tribunal dont les faits sont similaires : CUB 75570, décision du juge-arbitre Guy Collard (On reproche à l’employée d’avoir commis un vol et de s’être approprié de la marchandise chez l’employeur. L’employée soutient que lorsqu’il y avait de la marchandise qui n’était pas vendue, celle-ci était mise à la disposition des employés. Le Conseil arbitral a alors conclu que le vol est un geste d’une gravité telle que normalement l’employée aurait pu s’attendre à un congédiement, mais étant donné que la pratique était instaurée et tolérée par l’employeur, l’employée ne pouvait s’attendre à être congédiée). Dans la décision CUB 76282, une décision du juge-arbitre Guy Collard (On reproche à l’employé de s’être approprié des biens de l’employeur sans son consentement, des lavabos, des toitures, des escaliers, provenant d’un immeuble à l’abandon ainsi que des outils et l’utilisation du véhicule de la Ville. L’employé soutient que l’édifice était à l’abandon et qu’il avait le consentement de son contremaître. Le Conseil arbitral conclut que l’employé ne pouvait s’attendre à être congédié lorsqu’il a agi ainsi). Dans la décision 2010 CAF 237 (CUB 72004, juge-arbitre Guy Collard), (L’employeur congédie sept employés d’un entrepôt d’alimentation, l’employeur reproche aux employés d’avoir pris et consommé des aliments, comme des éclairs au chocolat, en contravention avec la Politique de l’employeur, ce qui constitue du vol. Cette pratique était tolérée par les contremaîtres et eux-mêmes consommaient ces produits. Les employés ont été congédiés. Le Conseil arbitral a conclu que puisque cette pratique était tolérée par les contremaîtres, les employés ne pouvaient pas s’attendre à être congédiés).
  10. Le représentant de l’appelant soutient que l’appelant ne pouvait s’attendre à être congédié et que ses gestes ne constituent pas de l’inconduite.

[17] Le 28 juillet 2016, la Commission a transmis au Tribunal une argumentation écrite (pièces GD4-1 à GD4-8) :

  1. La Commission soutient que le paragraphe 30(2) de la Loi prévoit l’imposition d’une exclusion d’une durée indéterminée s’il est établi que le prestataire a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite. La Commission affirme que pour que le geste reproché constitue de l’inconduite au sens de l’article 30 de la Loi, il faut qu’il ait un caractère volontaire ou délibéré ou qu’il résulte d’une insouciance ou d’une négligence telle qu’il frôle le caractère délibéré. Elle précise qu’il doit également y avoir une relation de cause à effet entre l’inconduite et le congédiement (pièce GD4-4);
  2. La Commission affirme que l’employeur a congédié l’appelant parce qu’il s’est approprié de bouteilles de vin, avec des collègues, à au moins quatre reprises. La Commission soutient la position de l’employeur qui affirme que ces gestes sont du vol et que l’appelant a agi de façon organisée et délibérée (pièces GD3-13, GD3-14 et GD4-4);
  3. La Commission affirme que l’appelant a admis être parti avec des restants de bouteilles de vin même s’il n’avait pas l’autorisation de l’employeur (pièces GD3-15 et GD4-5);
  4. La Commission soutient que partir avec des restes de vin lorsque l’on n’a pas cette autorisation porte atteinte à la relation de confiance entre l’employeur et l’employé puisque cette pratique est interdite selon les règlements de l’employeur (pièces GD3-15 et GD4-5);
  5. La Commission affirme que bien que l’appelant ait déclaré que ces bouteilles aient été payées par les clients, ce fait ne donne pas le droit à l’appelant de s’en emparer. Le Règlement de l’employeur prévoit qu’aucun employé ne peut partir avec de la boisson et il est convenu que les bouteilles pleines non consommées retournent au cellier alors que celles ouvertes sont destinées à la cuisine de l’hôtel (pièces GD3-23, GD3-24 et GD4-5);
  6. La Commission soutient que, bien que l’appelant affirme que la politique de l’employeur « était élastique » et ne s’appliquait pas également à tous les employés, la solution n’est pas de se faire justice soi-même en enfreignant les règlements et en présumant que tout le monde le fait. La solution dans ce cas est plutôt de faire une plainte ou de demander une enquête (pièces GD2-3 et GD4-5);
  7. La Commission soutient que ce sont les gestes posés par l’appelant qui ont mené à son congédiement. La Commission affirme que s’approprier du vin sans la permission de l’employeur constitue de l’inconduite au sens de la Loi parce que ce geste a eu pour effet de briser le lien de confiance avec l’employeur (pièce GD4-5);
  8. La Commission soutient que les gestes posés par l’appelant étaient conscients et délibérés. La Commission affirme que l’appelant a été congédié étant donné les gestes qu’il a posés et que ces gestes constituent un manquement à une obligation de son contrat de travail (pièce GD4-5).

Analyse

[18] Le paragraphe 30(1) de la Loi prévoit qu’un prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd son emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification.

[19] La Cour a défini l’inconduite de cette manière : « Pour constituer de l’inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement au travail » (Procureur général du Canada c. Tucker 1986 CAF 381).

[20] Pour que le Tribunal puisse conclure à l’inconduite, il doit disposer des faits pertinents et d’une preuve suffisamment circonstanciée pour lui permettre, d’abord, de savoir comment l’employé a agi et, ensuite, de juger si ce comportement était répréhensible (Meunier, A-130-96; Joseph, A-636-85).

[21] Il y a inconduite lorsque « le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié » (Procureure générale du Canada c. Mishibinijima 2007 CAF 85 (CanLII).

[22] La Cour a aussi déterminé que l'incapacité de respecter une condition à l'emploi est le résultat de l’inconduite et que c’est l’inconduite qui a pour conséquence la perte de l'emploi. (Procureure générale du Canada c. Brissette, A-1342-92).

[23] L’inconduite doit être commise par le prestataire alors qu’il était à l’emploi de l’employeur et cette inconduite doit constituer un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travail. Il doit donc y avoir un lien entre la perte de l’emploi et le geste reproché (Procureure générale du Canada c. Brissette, A-1342-92).

[24] L’appelant a témoigné qu’il était serveur à l’Auberge depuis 2003. Il a déclaré avoir comme fonctions le service aux tables de la salle à manger, au bar ainsi que lors des banquets. L’appelant a aussi témoigné occuper des fonctions syndicales à l’Auberge depuis environ cinq ans. Il est trésorier ainsi que directeur de griefs (pièce GD3-15).

[25] L’employeur a déclaré à la Commission que l’appelant était aussi chef d’équipe responsable des opérations. Le 3 mars 2016, l’appelant a été congédié au motif de s’être approprié des bouteilles de vin sans droit (pièces GD3-34 et GD3-35).

[26] L’employeur a transmis à la Commission la lettre exposant les motifs du congédiement : l’employeur a procédé à une enquête qui a démontré que le 15 janvier 2016, le 17 janvier 2016, le 28 janvier 2016, le 31 janvier 2016, le 12 février 2016, le 16 février 2016 ainsi que le 17 février 2016, l’appelant s’est approprié des bouteilles de vin sans droit et qu’il les a sorties de l’Auberge. Cette lettre mentionne que pendant ses quarts de travail, l’appelant travaillait comme chef d’équipe, responsable de la bonne marche des opérations, et que, compte tenu de la gravité de la faute, le lien de confiance entre l’employeur et l’employé est définitivement rompu. La lettre indique que l’appelant a agi de façon organisée et délibérée. De plus, la lettre mentionne que les Règlements et politiques de l’Auberge prévoient à l’article 3.2.2 qu’aucun bien ne peut être sorti de l’Auberge sans autorisation préalable. Cette lettre indique que lors de la rencontre disciplinaire ayant eu lieu le 24 février 2016, l’appelant a admis s’être approprié de bouteilles de vin, qu’il a banalisé ce geste et qu’il n’a éprouvé aucun remords (pièces GD3-34 et GD3-35).

[27] S’appuyant sur la déclaration de l’employeur, la Commission soutient que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite puisqu’il s’est approprié des bouteilles de vin sans la permission de l’employeur ce qui constitue de l’inconduite au sens de la Loi parce que ce geste a eu pour effet de briser le lien de confiance employé/employeur. La Commission affirme que les gestes posés par l’appelant étaient conscients et délibérés et que ces gestes constituent un manquement à une obligation du contrat de travail de l’appelant (pièce GD4-5).

[28] L’appelant ne conteste pas les événements, cependant il témoigne que ses gestes étaient connus et autorisés par son supérieur immédiat.

[29] Le Tribunal doit déterminer si le comportement de l’appelant, de s’être approprié des bouteilles de vin de l’Auberge, constitue une inconduite au sens de la Loi. La Commission a le fardeau de démontrer, suivant la prépondérance de la preuve, que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite (Procureur général du Canada c. Larivée 2007 CAF 312 (CanLII)).

La politique et les règlements de l’employeur

[30] L’employeur a déclaré à la Commission que l’appelant avait signé le document concernant les Politiques et les Règlements lors de son embauche et qu’il connaissait les Règles de l’Auberge. L’employeur a déclaré à la Commission que l’appelant connaissait la Règle voulant qu’aucun employé ne pouvait partir de l’Auberge avec de la nourriture ou de la boisson sans l’autorisation d’un cadre en service (pièces GD3-15, GD3-34 et GD3-35).

[31] L’employeur a déclaré à la Commission que les employés ne sont pas autorisés à partir avec de la boisson sans autorisation, que les bouteilles de vin pleines qui n’ont pas été consommées pendant les banquets, doivent être retournées au cellier et que les bouteilles ouvertes qui contiennent encore du vin doivent être retournées à la cuisine parce qu’elles servent à faire des sauces (pièce GD3-15).

[32] L’appelant a témoigné qu’il a pris connaissance de la Politique de l’employeur concernant la sortie des biens ainsi que du laissez-passer requis pour sortir de la nourriture et de la boisson uniquement au moment où il a été congédié. L’appelant a témoigné que tout le monde pouvait partir avec ce qu’il voulait, par exemple le barman rapportait de la nourriture pour ses chiens. L’appelant a témoigné qu’il n’a jamais vu un laissez-passer de façon matérielle et qu’il a déjà emprunté une cafetière ou des nappes pour une réunion syndicale et qu’il n’y avait pas eu de problème.

[33] Le témoin a témoigné qu’il connaissait la Politique de l’employeur au moins depuis la révision des Politiques et Règlements de l’Auberge en 2013 ou 2014. Le témoin a expliqué que l’employeur avait déjà parlé aux employés des Politiques et Règlements, mais que concernant le laissez-passer, ce n’était pas une pratique qui était établie. Le témoin explique qu’il n’y avait pas d’autorisation écrite, mais qu’il y avait des autorisations verbales.

[34] Le Tribunal a analysé les différentes déclarations dans le dossier de la Commission ainsi que celles ayant eu lieu à l’audience et il est d’avis que l’appelant connaissait la Politique et les Règlements de l’Auberge.

[35] Le Tribunal a entendu que l’employeur a révisé la Politique et les Règlements en 2013 ou en 2014. Le témoin a témoigné qu’en 2014, un changement de culture est survenu et qu’un nouveau directeur des ressources humaines a été embauché. Le Tribunal constate que la révision de la Politique et des Règlements concorde avec ce changement. Le Tribunal ne voit pas pourquoi l’employeur aurait révisé sa Politique si c’était pour la garder secrète.

[36] Le témoin a témoigné que l’employeur avait déjà parlé de cette Politique. Le Tribunal est d’avis que l’appelant, occupant des fonctions syndicales à l’Auberge, devait connaître cette politique s’il recevait les plaintes et les griefs des employés de l’Auberge.

[37] Le Tribunal conclut que l’appelant connaissait l’article 3.2.2 du Règlement concernant la sortie des biens de l’Auberge. Ce document prévoit (pièces GD3-34 et GD3-35) :

Article 3.2.2

Aucun bien (outils, matériel, nourriture, boisson ou autres), ne peut être sorti de la propriété de l’hôtel sans être autorisé.

L’employé doit obligatoirement se prévaloir d’un laissez-passer signé par un membre du personnel cadre en service.

[38] Concernant le laissez-passer autorisant la sortie de nourriture ou de la boisson, l’employeur a déclaré à la Commission qu’un employé qui désirait sortir de la nourriture ou de la boisson devait obtenir l’autorisation du cadre en service (pièces GD3-15 et GD3-23).

[39] L’appelant a témoigné qu’il n’avait jamais vu un laissez-passer de façon matérielle. Cependant, l’appelant a déclaré avoir déjà emprunté une cafetière ou des nappes pour une réunion syndicale et que l’employeur n’y voyait pas de problèmes. L’appelant avait donc demandé l’autorisation verbale à l’employeur avant d’emprunter des nappes et l’employeur avait donné son autorisation.

[40] Le témoin a témoigné que la pratique du laissez-passer n’était pas établie, mais que des autorisations verbales étaient données.

[41] Le Tribunal est d’avis que, minimalement, l’autorisation verbale pour sortir des biens de l’Auberge était requise pour l’appelant, que ce soit pour emprunter une nappe ou pour sortir des bouteilles de vin de l’Auberge. Le Tribunal estime que l’appelant savait ou aurait dû savoir qu’il devait demander une autorisation pour s’approprier de bouteilles de vin.

L’appropriation de bouteilles de vin et la participation à un stratagème visant l’appropriation de bouteilles de vin

[42] L’employeur a déclaré à la Commission qu’après avoir pris connaissance du contenu de la caméra de l’Auberge et afin de démystifier pourquoi les serveurs se regroupaient près du hangar à déchets après les banquets, il a confié une enquête à une firme spécialisée (pièce GD3- 23). L’employeur a déclaré à la Commission que l’enquête a dévoilé que l’appelant s’était approprié des bouteilles pleines qui étaient encore scellées, de façon régulière (pièces GD3-15 et GD3-23).

[43] La lettre de congédiement de l’employeur indique que l’appelant s’est approprié des bouteilles de vin le 15 janvier 2016, le 17 janvier 2016, le 28 janvier 2016, le 31 janvier 2016, le 12 février 2016, le 16 février 2016 ainsi que le 17 février 2016 (pièces GD3-34 et GD3-35).

[44] L’employeur a déclaré à la Commission que l’appelant a participé à un stratagème impliquant trois autres employés (pièce GD3-12). L’employeur a déclaré à la Commission que les gestes posés par l’appelant ont été faits en catimini, que l’appelant se cachait pour s’approprier des bouteilles de vin et qu’il ne pouvait ignorer que ses gestes constituaient une infraction parce qu’il avait conscience, en se cachant, de contrevenir aux règlements (pièce GD3- 23).

[45] L’appelant a déclaré à la Commission que tout le monde était au courant de cette pratique et que tous les serveurs s’appropriaient du vin parce que l’employeur ne pouvait les revendre, les bouteilles avaient déjà été payées par les clients (pièce GD3-10). L’appelant a témoigné se cacher pour demeurer discret devant les clients.

[46] Le Tribunal a analysé les différentes déclarations dans le dossier de la Commission ainsi que lors des témoignages. Tel qu’en a témoigné l’appelant, le Tribunal conçoit qu’une pratique visant à consommer ou à rapporter chez soi des restants des banquets pouvait être établie depuis l’entrée en fonction de l’appelant en 2004.

[47] Le Tribunal constate qu’un changement de culture est intervenu en 2014 lorsqu’un nouveau directeur des ressources humaines a été embauché. Tel qu’en a témoigné le témoin, la Politique et les Règlements ont été révisés à ce moment.

[48] Le Tribunal conçoit que les serveurs qui quittaient les lieux avec de la nourriture ou de la boisson devaient obtenir une autorisation de la part du cadre en service (pièces GD3-23, GD3-34 et GD3-35).

[49] L’appelant a soutenu lors de son témoignage qu’il avait l’autorisation de son supérieur pour s’approprier des bouteilles de vin. L’appelant a expliqué au Tribunal que l’employeur facturait aux clients des bouteilles de vin qu’ils n’avaient pas consommées. L’appelant admet que ces bouteilles de vin scellées, déjà payées par les clients, étaient destinées à retourner à la cave à vin de l’Auberge et le Tribunal n’est pas saisi de la légalité de cette pratique. L’appelant a témoigné qu’il aurait dit à son supérieur qu’il acceptait de facturer les clients pour les bouteilles non consommées, il lui aurait dit qu’il acceptait d’en rapporter à la cave à vin, mais qu’il allait en garder aussi pour lui. Son supérieur lui aurait dit qu’il n’y avait « pas de problème ».

[50] L’appelant a admis à la Commission être sorti de l’Auberge avec des restes de bouteilles de vin même s’il n’avait pas l’autorisation de l’employeur (pièce GD3-15).

[51] Lors de son témoignage, l’appelant a soutenu qu’il avait l’autorisation de son supérieur immédiat pour s’approprier des bouteilles de vin et que cette pratique existait à l’initiative de son supérieur. Bien que le Tribunal puisse concevoir que la facturation était établie par le supérieur de l’appelant, il en est autrement pour celle de l’appropriation des bouteilles de vin par les serveurs incluant l’appelant. L’appelant a témoigné qu’il avait lui-même dit à son supérieur qu’il acceptait de facturer les clients pour les bouteilles non consommées, mais qu’il allait alors en garder pour lui.

[52] Le Tribunal trouve crédible la version de l’appelant concernant les permissions obtenues concernant la consommation de vin provenant de bouteilles de vin entamées qu’il transvidait dans des verres de carton ou l’autorisation de rapporter certains restants de nourriture après les soirées de banquets.

[53] Le Tribunal ne retient pas la version de l’appelant concernant les bouteilles de vin scellées. Le Tribunal estime que l’appelant n’a pas fait la démonstration qu’il avait l’autorisation de son supérieur immédiat. Selon le témoignage de l’appelant, son supérieur immédiat lui aurait permis de partager des bouteilles de vin pleines à la cave à déchets sans décision préalable de sa part et que sa seule demande était de demeurer discret à ce sujet. L’employeur a déclaré à la Commission que les bouteilles de vin pleines qui n’avaient pas été consommées étaient destinées à la cave à vin de l’Auberge et que quatre employés avaient développé un stratagème visant à sortir des bouteilles de vin pleines scellées (pièces GD3-15 et GD3-23).

[54] L’appelant a témoigné qu’il ramenait les bouteilles de vin pleines à la cave à déchets pour en faire le partage entre les serveurs et qu’ensuite il ramenait des bouteilles à la cave à vin. L’appelant a déclaré que non seulement son supérieur était d’accord avec cette pratique, mais que c’est lui qui l’y avait initié. Le Tribunal doit-il comprendre que le supérieur de l’appelant avait initié ce stratagème, mais ne gardait aucune main mise sur celui-ci en laissant les serveurs décider du nombre de bouteilles de vin qu’ils choisissaient de rapporter avec eux et du nombre qu’ils déposaient à la cave à vin? L’appelant a témoigné qu’il avait l’autorisation de son supérieur pour s’approprier des bouteilles de vin et qu’il avait accepté de facturer les bouteilles non consommées aux clients, mais qu’en contrepartie, il avait averti son supérieur qu’il en garderait pour lui. L’appelant a pourtant témoigné un peu plus tard n’être parti qu’une fois ou deux avec des bouteilles de vin scellées.

[55] Le Tribunal est d’avis que le stratagème visait à s’approprier des bouteilles de vins scellés avant que l’employeur n’ait connaissance du nombre de bouteilles de vin consommées par les clients. Ce qui soulève aussi d’autres questions sur le service de ces bouteilles de vin. Mais le Tribunal s’en tient à la question de l’appropriation des bouteilles de vin dont il est saisi. Le Tribunal ne retient pas de la version de l’appelant qu’il avait l’autorisation de son supérieur immédiat pour s’approprier des bouteilles de vin le 15 janvier 2016, le 17 janvier 2016, le 28 janvier 2016, le 31 janvier 2016, le 12 février 2016, le 16 février 2016 ainsi que le 17 février 2016, puisque l’ensemble de la preuve au dossier ne permet pas de conclure à cette autorisation (pièces GD3-15, GD3-23, GD3-34 et GD3-35).

[56] L’employeur a déclaré à la Commission avoir confié l’enquête à une firme externe avant de congédier l’appelant. Cette enquête a eu une durée de six semaines. L’appelant a été convié à une rencontre le 24 février 2016 où il a pu donner sa version des faits. La lettre démontre que l’appelant a admis les faits, mais a banalisé son geste (pièces GD3-34 et GD3-35). Le Tribunal est d’avis que le geste de l’appelant, de s’approprier des bouteilles de vin de l’Auberge, était volontaire et délibéré et qu’il savait au moment où il a posé ces gestes ou aurait dû savoir que ce comportement était de nature à entraver ses obligations envers l’employeur et provoquer son congédiement (Procureur général du Canada c. Tucker 1986 CAF 381), (Procureur général du Canada) c. Mishibinijima 2007 CAF 85 (CanLII)).

[57] Le Tribunal est d’avis qu’en s’appropriant des bouteilles de vin pleines et scellées le 15 janvier 2016, le 17 janvier 2016, le 28 janvier 2016, le 31 janvier 2016, le 12 février 2016, le 16 février 2016 ainsi que le 17 février 2016, l’appelant a contrevenu à l’article 3.2.2 de la Politique et des Règlements de l’employeur. Le Tribunal estime que l’appelant connaissait cette Politique et qu’il n’a pas respecté une condition matérielle de son emploi (Procureure générale du Canada c. Brissette, A-1342-92).

[58] Certes, le Tribunal a entendu la situation exposée par l’appelant concernant les relations de travail. Le Tribunal retient que les relations avec l’employeur ont pu être encadrées différemment depuis les changements intervenus à l’Auberge en 2014 (pièces GD3-34 et GD3- 35).

[59] Le Tribunal estime que l’appelant connaissait les règles de l’employeur et il est d’avis que la preuve présentée permet de conclure que le congédiement est la conséquence directe du non-respect, par l’appelant, d’une obligation de son contrat de travail (pièces GD3-30 et GD3- 39), (Procureure générale du Canada c. Brissette, A-1342-92).

[60] La Commission a démontré que les gestes posés par l’appelant étaient conscients et délibérés. La preuve démontre que le 15 janvier 2016, le 17 janvier 2016, le 28 janvier 2016, le 31 janvier 2016, le 12 février 2016, le 16 février 2016 ainsi que le 17 février 2016, l’appelant s’est approprié des bouteilles de vin sans en être autorisé par l’employeur.

[61] Le Tribunal estime que l’appelant pouvait présumer que son comportement, en s’appropriation des bouteilles de vin, qui étaient destinées à être déposée dans la cave à vin de l’Auberge, était de nature à entraver ses obligations envers son employeur et qu’il pourrait mener à son congédiement parce qu’il connaissait les règles de l’employeur auxquelles il devait se conformer (Procureur général du Canada c. Mishibinijima 2007 CAF 85 (CanLII).

[62] Enfin, la Cour a déterminé que le Tribunal n’a pas à se demander si le congédiement ou la sanction était justifié (Fakhari, A-732-95). Il doit plutôt déterminer si le geste posé par le prestataire constituait une inconduite au sens de la Loi (Marion 2002 CAF 185). En l’espèce, l’appelant a admis s’être approprié des bouteilles de vin pleine et scellées et les éléments de preuve démontrent que l’appelant a posé ce gestes sans autorisation de l’employeur. Le Tribunal est d’avis que l’appelant a démontré un comportement « volontaire ou délibéré ou résulte d’une insouciance telle qu’il frôle le caractère délibéré ».

[63] Le Tribunal estime justifiée l’imposition d’une exclusion au bénéfice des prestations imposée à l’appelant en raison de sa propre inconduite en vertu des articles 29 et 30 de la Loi.

Conclusion

[64] Après avoir soupesé la preuve et les arguments des parties, le Tribunal est d’avis que l’appelant a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite, en vertu des articles 29 et 30 de la Loi.

[65] L’appel est rejeté.

Annexe

Droit applicable

29 Pour l’application des articles 30 à 33 :

  1. a) emploi s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
  2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;
  3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
    1. (i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin,
    2. (ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre,
    3. (iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert;
  4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci- après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
    1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
    2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
    3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
    4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
    5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
    6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
    7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
    8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
    9. (ix) modification importante des fonctions,
    10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
    11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
    12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
    13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
    14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.

30 (1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :

  1. (a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
  2. (b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

(2) L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.

(3) Dans les cas où l’événement à l’origine de l’exclusion survient au cours de sa période de prestations, l’exclusion du prestataire ne comprend pas les semaines de la période de prestations qui précèdent celle où survient l’événement.

(4) Malgré le paragraphe (6), l’exclusion est suspendue pendant les semaines pour lesquelles le prestataire a autrement droit à des prestations spéciales.

(5) Dans les cas où le prestataire qui a perdu ou quitté un emploi dans les circonstances visées au paragraphe (1) formule une demande initiale de prestations, les heures d’emploi assurable provenant de cet emploi ou de tout autre emploi qui précèdent la perte de cet emploi ou le départ volontaire et les heures d’emploi assurable dans tout emploi que le prestataire perd ou quitte par la suite, dans les mêmes circonstances, n’entrent pas en ligne de compte pour l’application de l’article 7 ou 7.1.

(6) Les heures d’emploi assurable dans un emploi que le prestataire perd ou quitte dans les circonstances visées au paragraphe (1) n’entrent pas en ligne de compte pour déterminer le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées, au titre du paragraphe 12(2), ou le taux de prestations, au titre de l’article 14.

(7) Sous réserve de l’alinéa (1)a), il demeure entendu qu’une exclusion peut être imposée pour une raison visée au paragraphe (1) même si l’emploi qui précède immédiatement la demande de prestations - qu’elle soit initiale ou non - n’est pas l’emploi perdu ou quitté au titre de ce paragraphe.

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