Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision



Motifs et décision

Comparutions

L’appelante n’a pas participé à l’audience. Son époux, H. J., y a participé à titre de représentant autorisé (représentant).

Un interprète a participé à l’audience à la demande du représentant.

L’intimée n’a pas participé à l’audience, mais a déposé des observations.

Introduction

[1] L’appelante fait appel de la décision de révision de l’intimée, dans laquelle il a été conclu qu’elle n’était pas admissible à des prestations d’assurance-emploi durant une période de congé.

[2] Après la fin du semestre scolaire, le 30 juin 2016, l’appelante a présenté une demande de prestations régulières, et une période de prestations a été établie à compter du 3 juillet 2016.

[3] Le 23 juin 2016, elle avait accepté un nouveau contrat pour l’année scolaire suivante, dont le semestre d’automne débutait en septembre 2016.

[4] L’intimée a conclu que l’appelante exerçait un emploi dans l’enseignement et qu'elle n’était pas admissible à des prestations d’assurance-emploi pendant la période « de congé » de juillet et août 2016. L’intimée lui a donc imposé une inadmissibilité, conformément au paragraphe 33(2) du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement).

[5] L’appelante a demandé une révision de cette décision le 30 août 2016. Durant une entrevue auprès de l’intimée ainsi que dans une lettre datée du 26 septembre 2016, l’appelante a été informée du maintien de la décision originale.

[6] L’appelante a interjeté appel devant le Tribunal de la sécurité sociale en date du 10 octobre 2016.

[7] L’audience a été tenue par téléconférence pour les raisons suivantes :

  1. Le fait que l’appelante était la seule partie présente.
  2. L’information au dossier, y compris la nécessité d’obtenir des renseignements supplémentaires.
  3. Le mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

[8] L’appelante n’était pas présente à l’audience comme elle se trouvait alors à l’étranger, mais elle avait autorisé son époux à agir à titre de représentant. Le Tribunal a proposé que l’audience soit ajournée en expliquant qu’il ne pourrait pas témoigner, mais uniquement présenter des observations basées sur la preuve déjà versée au dossier. Il a accepté les restrictions de son rôle et décliné l’ajournement.

[9] Le représentant avait demandé les services d’un interprète en raison d’une opération qu’il avait récemment subie et qu’il croyait pouvoir nuire à sa prononciation et, par conséquent, à sa capacité de se faire comprendre. L’interprète a participé à l’audience, mais ses services n’ont pas été nécessaires; le Tribunal a quand même vérifié régulièrement que le représentant comprenait pleinement l’instance, et il est convaincu qu’il a été capable de présenter ses observations clairement.

Question en litige

[10] Le Tribunal doit déterminer si l’appelante, qui occupe un emploi dans l'enseignement, est admissible à des prestations régulières durant une période de congé.

Preuve

[11] Le 11 juillet 2016, l’appelante a présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploi, et une période de prestations commençant le 3 juillet 2016 a été établie (GD3-3 à GD3-16).

[12] Au soutien de sa demande, elle a soumis un relevé d’emploi (RE) d’une école privée, daté du 11 juillet 2016. La case 18 indiquait « Fin de contrat » comme raison de l’émission du RE, et il était noté qu’elle retournerait à l’école en septembre 2016 (GD3-17 à GD3-18).

[13] Le 23 juin 2016, l’appelante a accepté un nouveau contrat, daté du 20 juin 2016, pour l’année scolaire suivante, spécifiant une entrée en fonction en date du 29 août 2016. Elle n’a pas soumis le contrat en preuve mais, d’après sa demande de prestations (voir GD3-8), il s’agissait d’un contrat écrit. 

[14] Le 8 août 2016, l’intimée a communiqué avec le directeur de l’école pour confirmer la nature des fonctions de l’appelante, et pour vérifier si elle bénéficiait d’un régime de santé de l’école durant la période entre ses deux postes d’enseignante. L’école a confirmé qu’elle bénéficiait d’un tel régime, pour lequel l’école versait 50 % des cotisations, et qu’elle recommencerait à travailler comme enseignante en septembre 2016 (GD3-19).

[15] L’intimée a ensuite conclu que l’appelante exerçait un emploi dans l’enseignement, et qu’elle n’était pas admissible à des prestations d’assurance-emploi durant la période « de congé » de juillet et août 2016. Elle lui a donc imposé une inadmissibilité allant du 4 juillet 2016 au 26 août 2016, en application du paragraphe 33(2) du Règlement. L’intimée a informé l’appelante de cette décision dans une lettre datée du 8 août 2016 (GD3-20 à GD2-21).

[16] L’appelante a présenté une demande de révision le 30 août 2016, affirmant qu’elle avait travaillé sans contrat du 31 août 2015 au 30 juin 2016, et qu’elle avait donc perdu son emploi au terme de l’année scolaire, et n’avait touché aucune rémunération jusqu’à ce que commence son nouveau contrat le 29 août 2016 (GD3-21 à GD3-24). Ses motifs sont davantage détaillés ci-dessous dans la section Observations.

[17] Le 26 septembre 2016, une entrevue téléphonique s’est déroulée entre l’intimée et l’appelante dans le cadre du processus de révision, et l’appelante a fait valoir que sa position était appuyée par la jurisprudence.

[18] Au cours de l’entrevue, l’appelante a confirmé qu’elle avait enseigné sans interruption durant l’année scolaire 2015-2016, et qu’elle continuait de bénéficier d’avantages sociaux en matière de santé durant le congé estival, dont les coûts des cotisations étaient partagés à parts égales entre elle et l’école (GD3-26).

[19] Elle a d’abord affirmé qu’elle n’avait pas signé le nouveau contrat avant le 30 juin 2016, mais a ensuite admis qu’elle avait accepté le contrat le 23 juin 2016, comme l’indiquait sa demande de prestations (GD3-8). Elle a été informée qu’un contrat d’enseignement pouvait être oral comme écrit aux fins des prestations d’assurance-emploi (GD3-6).

[20] À la fin de l’entrevue téléphonique, l’appelante a été informée qu’il n’y avait pas eu résiliation définitive de son contrat avant la période « de congé », et qu’elle ne remplissait aucune des exigences pour un recours contre son inadmissibilité conformément à l’article 33 du Règlement. Elle a affirmé qu’elle n’était pas d’accord, et l’intimée l’a avisée de son droit de faire appel devant le Tribunal de la sécurité sociale (GD3-26).

[21] Dans une lettre datée du 26 septembre 2016, l’intimée a communiqué à l’appelante une confirmation par écrit de sa décision de révision (GD3-27 à GD3-28).

[22] L’appelante a déposé un appel daté du 10 octobre 2016 à l’encontre de cette décision, que le Tribunal a reçu le 13 octobre 2016 (GD2-1 à GD2-6).

Observations

[23] L’appelante a présenté les observations suivantes :

  1. Elle a travaillé sans contrat pour une école privée du 31 août 2015 au 30 juin 2016, et avait seulement été payée pour les jours où elle avait travaillé. Elle avait travaillé pendant un total de 10 mois, et avait seulement été payée pour ces mois-là, et non pour une période de 12 mois. Son nouveau contrat lui permettrait seulement de toucher une rémunération à compter du 29 août 2016.
  2. Elle s’est retrouvée sans emploi quand le semestre d’été a pris fin, et n’a touché aucune rémunération en juillet et en août 2016 puisque, même si elle avait cherché du travail, il était difficile de trouver un emploi en enseignement durant la période estivale.
  3. Elle satisfaisait aux exceptions prévues aux alinéas 33(1)a) et b) de la Loi.
  4. Elle devrait être admissible à des prestations puisque dans CUB 63254, des prestations avaient été accordées à la prestataire après la fin du semestre d’été.
  5. Sa situation était « identique à celle d’un employé qui attend un rappel au travail » car, tout comme dans CUB 70576, elle « n’a pas recommencé à toucher une rémunération avant d’avoir commencé à travailler en vertu de son nouveau contrat. »
  6. Le fait qu’elle conservait son assurance médicale, payée en partie par son employeur, durant les mois de juillet et août, « serait peu significatif car dans nombre de professions, des [avantages] de cette nature continuent d’être [offerts] après la cessation de l’emploi », comme l’explique CUB 49720. De plus, ces polices couvraient toujours 12 mois, comme elle n’aurait pas pu acheter une police de deux mois juste pour l’été.
  7. La décision que l’intimée a citée dans ses observations, Dupuis c. Canada 2015 CAF 228, ne s’appliquait pas à elle étant donné que le contrat de la prestataire, dans ce cas-là, incluait les mois de l’été, alors que ce n’était pas le cas de l'appelante.

[24] L’intimée a présenté les observations suivantes :

  1. Sa décision est appuyée par la jurisprudence, comme Dupuis c. Canada, 2015 CAF 228, et aussi Oliver c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 98; Stone c. Canada (Procureur général), 2006 CAF 27; et Canada (Procureur général) c. Robin, 2006 CAF 175.
  2. L’appelante exerçait un emploi dans l’enseignement et n’était pas admissible à des prestations régulières d’assurance-emploi pendant la période de congé de juillet et août 2016, comme elle ne remplissait aucune des exceptions prévues au paragraphe 33(2).
  3. Il n’y avait pas cessation de sa relation d’emploi auprès de l’école, comme elle avait accepté un nouveau contrat avant la fin de l’année scolaire, et demeurait liée à son employeur par l’entremise d’un régime de santé qu’elle conservait durant les vacances estivales.

Analyse

[25] Les dispositions législatives pertinentes figurent en annexe de la présente décision.

[26] Selon la Cour d’appel fédérale, le critère juridique servant à déterminer si un appelant était admissible à des prestations régulières d’assurance-emploi durant une période de congé consiste à déterminer s’il y avait une « rupture claire dans la continuité de l’emploi » (le juge Rothstein dans Oliver, supra; voir également Bazinet c. Canada (Procureur général), 2006 CAF 174; Stone, supra; Robin, supra). Il existe un « principe fondamental » voulant qu’à moins d’une rupture claire, « l’enseignant ne sera pas admissible au bénéfice des prestations pendant la période de congé. »

[27] La Cour d’appel fédérale a statué que, lorsqu’il y a continuité de l’emploi, le versement de prestations durant une période « de congé » reviendrait, pour reprendre les mots du juge en chef Décary dans Canada (Procureur général) c. Partridge, A-704-97, « à […] rémunérer deux fois [un prestataire] pour cette période de temps ». C’est aussi ce qu’on appelle un «cumul de prestations et de traitement » (Canada (Procureur général) c. Lafrenière, 2013 CAF 175).

[28] La charge de la preuve dans cet appel, selon la norme de la prépondérance des probabilités, repose sur l’appelante (Stone, supra). Elle doit démontrer qu’il y a eu une rupture dans la continuité de son emploi, de façon à montrer que son contrat avait été résilié, et qu’elle devrait bénéficier de prestations pour ce qu’elle considère comme étant une période de chômage durant les vacances estivales de l’école. 

[29] Pour appliquer ce critère, il faut d’abord déterminer si l’appelante exerçait emploi dans « l’enseignement » au sens du paragraphe 33(1) du Règlement. Le Règlement définit le terme « enseignement » comme « [l]a profession d’enseignant dans une école maternelle, primaire, intermédiaire ou secondaire, y compris une école de formation technique ou professionnelle. » L’appelante travaillait comme enseignante à la maternelle, et le Tribunal juge donc qu’elle exerçait un emploi dans « l’enseignement » conformément au Règlement.

[30] Dans ses observations, l’appelante a insisté sur le fait qu’elle travaillait dans une école privée. Cependant, la loi ne fait aucune distinction entre une école privée et une école publique, et le fait qu’elle avait un contrat d’enseignement auprès d’une école privée ne change donc rien à l’application de l’article 33 du Règlement.

[31] Il faut ensuite déterminer si l’appelante demandait des prestations pendant « une période de congé ». Au sens du paragraphe 33(1) du Règlement, la période de congé est « [l]a période qui survient annuellement, à des intervalles réguliers ou irréguliers, durant laquelle aucun travail n’est exécuté par un nombre important de personnes exerçant un emploi dans l’enseignement. »

[32] Ainsi, une période « de congé » ne se rapporte pas strictement aux vacances d’été, mais également aux vacances de Noël et de Pâques, comme on l’a souligné dans Dupuis-Johnson v. Canada (Commission de l’emploi et de l’immigration du Canada), [1996] A.C.F. no 816 (C.A.F.); Canada (Procureur général) c. St-Cœur, A-80-95. Dans l’affaire qui nous occupe, l’appelante fait appel de son inadmissibilité à des prestations pour la période entre la fin de l’année scolaire en juin 2016 et le début de l’année scolaire suivante, débutant en septembre 2016 au semestre d’automne. Le Tribunal constate donc que l’appelante a présenté une demande de prestations régulières pendant une « période de congé ».

[33] Ces périodes de congé, comme on l’a reconnu dans Stone, supra, traduisent « véritablement les réalités de l’emploi » et cadrent avec les « normes » d’une profession qui comprend à la fois des périodes d’enseignement et de congé durant l’année. Toute évaluation d'un emploi dans l'enseignement doit donc être basée sur l’année scolaire de 12 mois, puisqu’un poste d’enseignant est en fait pour une durée de 12 mois, même si l’enseignant n’effectue pas de travail durant les périodes de congé. Même si les dates inscrites dans le contrat d’un enseignant ne couvrent que 10 mois et que le salaire est versé pendant 10 mois et non 12 mois, le Tribunal doit, d’après la jurisprudence constante, tenir compte de la preuve touchant les périodes d’enseignement et de congé.   

[34] Pour que l’appelante soit admissible à des prestations durant une période de congé, il lui faudrait démontrer que l’une des conditions prévues au paragraphe 33(2) du Règlement s’appliquait à elle. Elle devrait démontrer que son « contrat de travail dans l’enseignement a pris fin », pour l’application de l’alinéa 33(2)a), que son emploi dans l’enseignement « était exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance », pour l’application de l’alinéa 33(2)b), ou qu’elle « remplit les conditions requises pour recevoir des prestations à l’égard d’un emploi dans une profession autre que l’enseignement », pour l’application de l’alinéa 33(2)c). Ce sont là trois exceptions distinctes, autonomes et indépendantes les unes des autres (Canada (Procureur général) c. Blanchet, 2007 CAF 377).

[35] En examinant la nature de l’emploi de l’appelante, le Tribunal note son observation, voulant qu’elle n’avait jamais eu de contrat pour l’année scolaire 2015-2016, et qu’elle avait seulement été payée pour les heures qu’elle avait travaillées, et que son emploi n’était donc pas un poste permanent que l’on pourrait considérer comme ayant pris fin au terme de l’année scolaire. Son représentent a affirmé qu’elle était payée pour huit heures par jour, fois le nombre de semaines durant la période d’enseignement de 10 mois, décrivant sa rémunération comme un salaire horaire pour le type de poste transitoire qui pourrait être envisagé à l’alinéa 33(2)b). À l’audience, il a soutenu que [traduction] « la clé ici est comment savoir si le contrat était vraiment permanent, et comment savoir si l’employée était vraiment une employée. »

[36] Cependant, d’après la preuve, le Tribunal constate que l’appelante a bel et bien travaillé comme employée durant les mois d’enseignement, s’acquittant de ses responsabilités sur une base régulière et continue, et non de manière sporadique ou intermittente. La jurisprudence confirme qu’un emploi d’enseignant exercé de façon continue et prédéterminée ne peut être considéré comme un emploi dans l’enseignement qui soit « occasionnel ou de suppléance » au sens de cet alinéa (St-Cœur, supra; Dupuis-Johnson, supra; Arkinstall c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 313). L’appelante ne satisfait donc pas à l’exception prévue à l’alinéa 33(2)b) du Règlement.

[37] De plus, comme l’a établi Blanchet, supra, c’est « l’exercice de l’emploi et non […] le statut de l’enseignant qui l’exerce » qui est le facteur déterminant pour l’exception de l’alinéa 33(2)b). Même si l’appelante n’avait pas de contrat écrit, aux fins de l’assurance-emploi — comme l’a noté l’intimée — un contrat d’enseignement peut être oral ou écrit. Peu importe le statut officiel de l’appelante à l’école ou sa façon de se décrire, elle effectuait les tâches d’un enseignant au cours de l’année scolaire 2015-2016. Il existait, à tout le moins, un contrat de travail implicite établissant ses tâches, son taux de rémunération et ses avantages sociaux en matière de santé. Comme l’a fait valoir l’intimée, le fait que ces avantages couvraient la période de congé estivale — et qu’ils continueraient sans interruption pour l’année suivante — révèle une relation continue entre l’appelante et son école. Ce ne sont pas là des caractéristiques d’un emploi « occasionnel ou de suppléance » au sens de l’alinéa 33(2)b).

[38] L’appelante n’était pas non plus admissible en vertu de l’exception prévue à l’alinéa 33(2)c), comme elle n’occupait pas d’emploi dans une autre profession. Ceci n’est pas contesté.

[39] Pour ce qui est de l’exception prévue à l’alinéa 33(2)a), le représentant a soutenu que, lorsque le poste d’enseignante de l’appelante avait pris fin au terme du semestre estival, elle s’était retrouvée au chômage en juillet et en août 2016, jusqu’à ce que son emploi recommence en vertu d’un nouveau et différent contrat d’enseignement pour l’année scolaire suivante. Elle n’avait touché aucune rémunération durant les vacances d’été et devrait donc, selon lui, être admissible à des prestations régulières.

[40] Pour savoir si cet argument avait une quelconque valeur probante, le Tribunal a appliqué le critère juridique figurant dans la jurisprudence citée plus haut, qui consiste à déterminer s’il y avait eu une « rupture claire » dans son emploi durant la période de congé de juillet et août 2016.

[41] Pour évaluer la preuve sur cet élément clé, il ne suffit pas, comme on l’a précisé précédemment, de se reporter aux dates marquant le début et la fin de ses deux postes d’enseignante pour savoir si elle avait été licenciée à sa première période d’emploi, à la fin de l’année scolaire. Toutes les circonstances doivent être prises en considération pour pouvoir conclure à ce que le juge Létourneau a appelé, comme dans Oliver, supra, une « rupture claire dans la continuité de l’emploi ». Comme il l’a expliqué, « l’exception [de l’alinéa 33(2)a) du Règlement] accorde de l’aide aux enseignants qui sont des “chômeurs”, selon le véritable sens de ce terme, qui n’équivaut pas pour autant à l’expression “ne pas travailler” ».

[42] Le Tribunal estime que l’appelante n’a pas démontré qu’il y avait eu une « rupture claire » dans la continuité de son emploi, ou que sa relation avec son employeur avait véritablement pris fin. Même s’il y avait eu un intervalle entre ses deux contrats d’enseignement, celui-ci n’aurait pas nécessairement prouvé que la relation avait pris fin (Bazinet, supra; Robin, supra); cependant, dans son cas, il n’y avait pas eu d’intervalle du tout. Comme dans la cause Bishop c. Canada, 2002 CAF 276, elle « avait été déjà réembauchée avant l’expiration de la première année scolaire. »

[43] De plus, son RE du 8 juillet indiquait explicitement « Fin de contrat – retour en septembre 2016 », ce qui confirmait la continuité de son emploi de façon non équivoque, ainsi que la dimension continue de sa relation avec son employeur.

[44] Le représentant a plaidé que l’appelante s’était acquittée de son obligation de chercher du travail, et qu’elle avait ainsi démontré qu’elle avait véritablement été au chômage durant les vacances d’été, mais il n’y a au dossier aucune preuve d’une recherche d’emploi assidue. Comme dans CUB14215, et comme l’a confirmé la Cour fédérale dans Canada (Procureur général) c. Cornelissen-O’Neill, A-652-93, [traduction] « les enseignants ne sont pas admissibles au bénéfice des prestations pendant les mois de l’été, quand ils attendent le début de la nouvelle année scolaire, à moins qu’ils soient véritablement sur le marché du travail durant cette période. » 

[45] Comme on l’a expliqué dans Stone, supra, un enseignant qui croirait sincèrement que son contrat a été résilié à la fin de l’année scolaire aurait postulé auprès d’autres écoles, mais le représentant a seulement mentionné que l’appelante avait essayé de trouver un emploi pour l’été, et non un emploi pour l’année scolaire suivante. Le Tribunal remarque qu’elle pouvait se concentrer sur ces deux mois seulement, parce qu’elle savait fermement que son retour dans un poste d’enseignante était garanti, démontrant ainsi que le lien avec son employeur n’avait pas été rompu. 

[46] Le Tribunal note aussi l’argument du représentant voulant que l’appelante avait fait une recherche d’emploi exhaustive, qui avait été infructueuse au bout du compte, puisqu’il était difficile de trouver un emploi dans l’enseignement durant les vacances. Ceci cadre, une fois de plus, avec les normes de la profession d’enseignant étant donné que, comme dans Stone, supra, les vacances d’été sont reconnues comme étant une période de congé.

[47] Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’argument de l’appelante voulant que l’intimée aurait mal utilisé la jurisprudence, soit la cause Dupuis, supra, pour appuyer sa décision. Les circonstances dans Dupuis sont semblables à sa situation, mis à part le fait que l’enseignante, dans cette affaire, avait signé un nouveau contrat quelques jours après la fin de l’année scolaire, plutôt que quelques jours avant, comme l’a fait l’appelante.

[48] Le représentant a soutenu que, dans Dupuis, le contrat était entré en vigueur le 1er juillet de façon rétroactive, alors que le contrat de l’appelante stipulait une date d’entrée en fonction plus tardive, vers la fin août. Cependant, la jurisprudence a établi que, conformément aux lois provinciales en matière d’éducation, il est généralement entendu, pour une année scolaire se terminant le 30 juin, que l’année scolaire suivante débute le 1er juillet. De plus, Dupuis confirme le principe fermement établi dans la jurisprudence, et que l’intimée a bien été cité, voulant qu’il n’y a pas rupture de la relation d’emploi si l’enseignant a réussi à obtenir un nouveau contrat d’enseignement pour l’année suivante.

[49] De façon semblable, le Tribunal n’est pas d’accord avec les arguments de l’appelante selon lesquels CUB 49720, CUB 63254 et CUB 70576 soutiennent son appel.

[50] En réponse à la conclusion de l’intimée voulant que la continuité du régime de santé offert par l’employeur en été démontrait une « continuité de l’emploi » (Oliver, supra), l’appelante a cité une déclaration de CUB 49720, voulant que « le fait que des [avantages en matière de santé] continuaient d’être [offerts] serait peu significatif car dans nombre de professions, des [avantages] de cette nature continuent d’être [offerts] après la cessation de l’emploi. » Le Tribunal est cependant d’avis que cette décision ne s’applique pas à la situation de l’appelante comme elle n’a soumis aucune preuve — comme un avis écrit de cessation d’emploi — montrant qu’elle aurait effectivement été licenciée à la fin de l’année scolaire, et la cessation d’emploi était une prémisse fondamentale de la situation étudiée dans cette décision. De plus, la notion de « cessation d’emploi » avec la continuation d’avantages sociaux n’appuie en rien son argumentaire et ne fait que montrer qu’elle était une employée occasionnelle sans contrat, qui était payée de façon fragmentaire pour les heures qu’elle travaillait.

[51] De plus, si le RE confirme la fin du contrat qu’elle a nié avoir, il confirme également qu’elle allait reprendre un emploi l’année scolaire suivante, ce qui ne serait pas le cas advenant une réelle cessation d’emploi.

[52] Qui plus est, le fait que l’appelante ait bénéficié de ces avantages durant les vacances d’été n’était qu’un seul facteur parmi toutes les circonstances qui ont fait l’objet de l’enquête menée par l’intimée, et non le seul enjeu déterminant, et le Tribunal estime qu’il convient d’accorder une valeur probante à ce facteur.

[53] En ce qui concerne CUB 63254, l’appelante a noté que des prestations avaient été accordées à une prestataire qui s’était trouvée dans une situation qu’elle jugeait être analogue à la sienne. Cependant, dans cette affaire, des prestations avaient seulement été accordées jusqu’à la date où un nouveau contrat avait été offert à l’enseignante et accepté par celle-ci, ce qui s’était produit plusieurs semaines après la fin de l’année scolaire. L’appelante, pour sa part, a accepté son nouveau contrat avant même que n’ait pris fin l’année scolaire en cours.

[54] Le représentant voulait accorder la plus grande valeur à CUB 70576 pour appuyer son appel, mais dans cette affaire, l’année scolaire s’était terminée avant qu’un nouveau contrat ne soit offert, et l’enseignante avait cherché et obtenu un autre emploi durant les semaines où elle s’était véritablement retrouvée sans emploi et sans contrat pour l’année scolaire suivante. L’appelante, quant à elle, n’était pas, comme elle le prétend, dans une situation « identique à celle d’un employé qui attend un rappel au travail, lorsqu’une date de rappel au travail est fixée aux termes d’une nouvelle entente. » Elle avait déjà conclu une nouvelle entente contractuelle avant la fin de l’année scolaire.

[55] En résumé, après avoir tenu compte de la preuve au dossier, de la loi et de la jurisprudence se rapportant aux enseignants, le Tribunal conclut que l’appelante n’a pas répondu au critère juridique consistant à démontrer qu’il y avait eu une véritable rupture de sa relation avec son employeur.

[56] Le Tribunal est d’accord avec l’intimée pour dire qu’il y avait eu une continuité de l’emploi exercé par l’appelante dans l’enseignement entre cette année scolaire et la suivante. De plus, il conclut qu’elle n’avait satisfait à aucune des exceptions prévues au paragraphe 33(2) du Règlement.

[57] Le Tribunal conclut donc que l’intimée a eu raison de statuer que l’appelante n’était pas admissible à des prestations d’assurance-emploi durant la période de congé des vacances d’été de 2016, et de lui imposer une inadmissibilité allant du 4 juillet 2016 au 26 août 2016 conformément au paragraphe 33(2) du Règlement.

Conclusion

[58] L’appel est rejeté.

Annexe

Droit applicable

Règlement sur l’assurance-emploi

33 (1) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.

enseignement La profession d’enseignant dans une école maternelle, primaire, intermédiaire ou secondaire, y compris une école de formation technique ou professionnelle. (teaching)

période de congé La période qui survient annuellement, à des intervalles réguliers ou irréguliers, durant laquelle aucun travail n’est exécuté par un nombre important de personnes exerçant un emploi dans l’enseignement. (non-teaching period)

(2) Le prestataire qui exerçait un emploi dans l’enseignement pendant une partie de sa période de référence n’est pas admissible au bénéfice des prestations — sauf celles prévues aux articles 22, 23, 23.1 ou 23.2 de la Loi — pour les semaines de chômage comprises dans toute période de congé de celui-ci, sauf si, selon le cas :

  1. a) son contrat de travail dans l’enseignement a pris fin;
  2. b) son emploi dans l’enseignement était exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance;
  3. c) il remplit les conditions requises pour recevoir des prestations à l’égard d’un emploi dans une profession autre que l’enseignement.

(3) Lorsque le prestataire qui exerçait un emploi dans l’enseignement pendant une partie de sa période de référence remplit les conditions requises pour recevoir des prestations à l’égard d’un emploi autre que l’enseignement, les prestations payables pour une semaine de chômage comprise dans toute période de congé de celui-ci se limitent au montant payable à l’égard de l’emploi dans cette autre profession.

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