Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision



Motifs et décision

Comparutions

L’appelante, H. P.

Introduction

[1] L’appelante a présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploi (AE) en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE). L’intimée a déterminé que l’appelante avait volontairement quitté son emploi sans justification, et que par conséquent, elle était exclue du bénéfice des prestations d’AE. Elle a été avisée de cette décision au moyen d’une lettre datée du 20 janvier 2016 (lettre de décision).

[2] L’appelante a demandé une révision de la décision initiale le 9 juin 2016, ce qui était au-delà de la période de 30 jours prévue à l’alinéa 112(1)a) de la Loi sur l’AE.

[3] L’intimée a refusé d’accorder une prorogation du délai pour présenter la demande de révision.

[4] L’appelante a interjeté appel du refus de l’intimée d’accorder un délai supplémentaire pour présenter une demande de révision, ce qui est la question en litige devant le Tribunal.

[5] Le Tribunal a décidé d’instruire l’appel par téléconférence après avoir tenu compte des éléments suivants :

  1. La complexité de la ou des questions en litige;
  2. le fait que l’appelante serait probablement la seule partie présente;
  3. selon le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, l’instance doit se découler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle le permettent.

Questions en litige

[6] Les questions sur lesquelles la division d’appel doit se prononcer sont les suivantes :

  1. Quelle est la date à laquelle la décision initiale de l’intimée a été communiquée à l’appelante?
  2. L’intimée a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire en prenant la décision de rejeter la demande de prorogation du délai de l’appelante pour qu’elle puisse présenter une demande de révision de sa décision initiale, comme cela a été indiqué dans la lettre de décision?

Preuve

[7] Les notes de l’intimée à GD3-13 révèlent que l’agent de l’intimée a avisé l’appelante de sa décision de l’exclure du bénéfice des prestations et l’a mis au courant de son droit de demander une révision au cours d’une conversation téléphonique survenue le 12 janvier 2016. Les notes précisent ce qui suit :

[traduction]

Vous recevrez une lettre d’ici les 30 prochains jours dans laquelle il est indiqué [que votre demande de prestations a été rejetée]. Une fois que vous avez reçu cette lettre, vous pouvez vous prévaloir de votre droit à une révision.

[…]

La demande de révision doit être présentée dans les 30 jours suivant la date à laquelle la décision vous a été communiquée.

[8] La lettre de décision se trouve à GD3-14. Elle indique, en gras, que l’appelante a 30 jours, suivant la date de la lettre ou la date à laquelle elle a été avisée de vive voix de la décision, selon ce qui est survenu en premier, pour présenter une demande formelle de révision.

[9] Sur le formulaire de demande de révision de l’appelante daté du 31 mai 2016 et estampillé par Service Canada le 9 juin 2016, elle a indiqué que la décision lui avait été communiquée de vive voix le 15 janvier 2016.

[10] Au cours de l’audience, l’appelante a indiqué qu’elle ne se souvenait pas du moment où elle a reçu la lettre de décision, mais elle croyait que celle-ci avait été envoyée par la poste ordinaire.

[11] L’appelante a indiqué qu’elle interjetait appel de la décision rejetant sa demande de prorogation du délai pour présenter une demande de révision, car l’un des agents de l’intimée lui a recommandé d’interjeter appel. De plus, elle estime que l’intimée n’avait pas suffisamment de renseignements pour rendre sa décision.

[12] L’appelante a indiqué qu’au moment de s’assoir pour écrire ce qui l’a menée à quitter son emploi, elle a commencé à réaliser qu’il y avait des facteurs sous-jacents qu’elle ne pouvait pas voir à l’époque. Elle a demandé une révision afin que l’intimée puisse entendre toute l’histoire. Elle estimait que l’intimée ne comprenait pas parfaitement pourquoi elle a dû quitter son emploi.

[13] L’appelante a expliqué qu’elle croit que son employeur se livrait à de la manipulation, et elle estimait que la seule option qui s’offrait à elle était de quitter son emploi au moment où elle l’a fait. Elle a affirmé que sa santé était la priorité.

[14] L’appelante a expliqué qu’elle devait faire plus de quarts de travail de nuit qu’elle était censée en faire, et qu’elle était sur l’horaire les dimanches matins même si on lui avait permis d’avoir congé les dimanches matins pour qu’elle puisse aller à l’église.

[15] L’appelante a indiqué que les multiples appels téléphoniques qu’elle a reçus de l’agent de l’intimée l’ont stressée à l’époque. L’agent lui a donné l’impression que son employeur n’était pas dans le tort, qu’elle donnait de faux renseignements et qu’il déformait ses renseignements. Elle a affirmé que l’agent était frustré de ne pas être en mesure d’entrer en communication avec quelqu’un au magasin de l’employeur. Elle a indiqué que l’agent estimait qu’elle n’en avait pas fait assez avant de quitter son emploi, mais elle a affirmé avoir tout tenté en son pouvoir pour régler la situation.

[16] L’appelante a indiqué que son employeur n’a rien fait pour la garder, et qu’elle a essayé d’avoir des réunions afin de régler les problèmes.

[17] L’appelante a affirmé que son niveau de stress au travail, puis ensuite avec l’agent de l’AE, lui donnait peu d’espoir.

[18] L’appelante a affirmé ne pas avoir présenté de demande de révision immédiatement, car elle était dégoûtée par la décision, elle avait l’impression de ne pas avoir le droit de faire quoi que ce soit, et que c’était une perte de temps. L’appelante a affirmé que cela a pris plusieurs mois à son époux et à ses amis pour lui faire réaliser qu’elle devrait présenter une demande de révision, et c’est ce qu’elle a fait.

[19] À GD3-20, l’agent de l’intimée a écrit le 20 septembre 2016 qu’il a tenu compte des motifs de l’appelante pour le retard, motifs qui étaient énoncés dans sa demande de révision du 9 juin 2016 et au cours d’une conversation téléphone avec l’appelante la même journée avec le même agent. Dans sa demande de révision, l’appelante soutient que sa demande de révision était en retard, car elle a parlé à quelques personnes de la décision et elle estimait que la raison pour laquelle elle a quitté son emploi n’a pas été clairement communiquée. Les notes relatives à la conversation téléphonique du 20 septembre 2016 révèlent que l’appelante pensait que la décision était définitive, et que si Dieux voulait qu’elle reçoive des prestations d’AE, sa demande aurait été accueillie. Par conséquent, elle estimait qu’il était inutile de faire une demande de révision. Cependant, après en avoir discuté avec son époux et plusieurs autres personnes, elle a décidé de présenter une demande de révision.

[20] L’intimée affirme que pour déterminer si l’appelante avait une explication raisonnable pour le retard et pour déterminer si elle avait manifesté l’intention constante de demander une révision, elle a tenu compte de ce qui suit :

  1. Rien n’a empêché l’appelante de présenter une demande de révision;
  2. L’appelante a confirmé qu’elle a pris connaissance de la décision en janvier 2016, mais qu’elle a choisi de ne pas demander de révision, car elle croyait que cela ne ferait aucune différence;
  3. L’appelante a été avisée par écrit et de vive voix qu’elle avait 30 jours pour présenter une demande de révision si elle n’était pas d’accord avec la décision.

[21] Compte tenu de ces facteurs, l’intimée a conclu qu’il aurait été raisonnable pour l’appelante de présenter une demande de révision dans le délai prescrit.

Observations

[22] L’appelante a soutenu qu’elle n’était pas capable de présenter une demande de révision dans le délai prescrit, car elle était dégoûtée par la décision, en raison de son niveau de stress et parce qu’elle estimait que c’était sans espoir.

[23] L’intimée a soutenu que compte tenu de la situation de l’appelante, une prorogation du délai pour présenter sa demande de révision peut seulement être accordée si l’intimée est convaincue de ce qui suit :

  1. il existe une explication raisonnable à l’appui de la demande de prolongation du délai;
  2. l’intéressée a manifesté l’intention constante de demander une révision;

[24] L’intimée a déterminé que l’appelante ne satisfaisait pas à ces critères.

[25] L’intimée a soutenu que pour déterminer si l’appelante avait manifesté l’intention constante de demander une révision, elle a tenu compte de ce qui suit :

  1. L’appelante a affirmé qu’elle a seulement décidé de présenter une demande après avoir parlé avec quelques personnes et avec son époux;
  2. il n’y a pas d’élément de preuve à l’appui du fait qu’elle se serait informée au sujet de la décision.

[26] L’intimée a soutenu qu’elle a tenu compte de toutes les circonstances pertinentes avant de rejeter la demande de prorogation du délai pour demander une révision de l’appelante.

Analyse

[27] Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites à l’annexe de cette décision.

[28] Selon la preuve, la décision initiale a été communiquée à l’appelante au plus tard à la fin du mois de janvier 2016. La conversation téléphonique au cours de laquelle elle a été avisée de la décision a eu lieu le 12 janvier 2016, et l’appelante a affirmé dans sa demande de révision qu’elle a été avisée le 15 janvier 2016, et que la lettre de décision était datée du 20 janvier 2016.

[29] Conformément à l’alinéa 112(1)a) de la Loi sur l’AE, l’appelante avait 30 jours suivant la date à laquelle la décision initiale lui a été communiquée pour présenter une demande de révision. Par conséquent, l’appelante avait au plus tard jusqu’au 1er mars 2016 pour présenter une demande de révision.

[30] L’appelante a présenté une demande de révision le 9 juin 2016, soit au-delà de la période de 30 jours.

[31] Conformément à l’alinéa 112(1)b) et au paragraphe 112(3) de la Loi sur l’AE, ainsi qu’au paragraphe 1(1) du Règlement sur les demandes de révision, l’intimée avait le pouvoir discrétionnaire d’accorder une prorogation du délai pour présenter une demande de révision (Daley v. Canada (Procureur général), 2017 CF 297) si elle est convaincue de ce qui suit :

  1. Qu’il existe une explication raisonnable à l’appui de la demande de prorogation du délai;
  2. Que l’intéressée a manifesté l’intention constante de demander une révision.

[32] L’intimée a rejeté la demande de prorogation du délai pour demander une révision de l’appelante.

[33] Dans la décision Canada (Procureur général) c. Purcell, A-694-94, la Cour d’appel fédérale a conclu que le pouvoir discrétionnaire n’est pas exercé de façon judiciaire si l’on parvient à établir que le décideur :

  1. a agi de mauvaise foi;
  2. a agi dans un but ou pour un motif irrégulier;
  3. a pris en compte un facteur non pertinent;
  4. a ignoré un facteur pertinent;
  5. a agi de manière discriminatoire.

Agir de mauvaise foi, dans un but ou pour un motif irrégulier et de manière discriminatoire

[34] L’appelante n’a pas soutenu que l’intimée avait agi de mauvaise foi, dans un but ou pour un motif irrégulier ou de manière discriminatoire relativement à la décision dans laquelle sa demande de prorogation du délai pour demander une révision avait été rejetée.

[35] L’appelante a soutenu qu’elle se sentait très stressée en ce qui a trait aux appels de l’agent de l’intimée, et qu’il lui avait fait sentir que son employeur n’était pas dans le tort, et qu’il avait déformé ses renseignements. Il s’agit là d’éléments de preuve concernant la décision initiale qui a été rendue, et non pas la décision portant sur la demande de prorogation du délai pour demander une révision.

[36] En examinant la preuve, le Tribunal n’a noté aucun élément de preuve qui laisserait entendre que l’intimée aurait traité le dossier ou rendu une décision de mauvaise foi, dans un but ou pour un motif irrégulier ou de manière discriminatoire.

[37] Par conséquent, le Tribunal estime, selon la preuve dont il était saisi, que l’appelante n’a pas réussi à établir, selon la prépondérance des probabilités, que l’intimée n’a pas agi de manière judiciaire en ce qui a trait à ces facteurs.

Facteurs pertinents et non pertinents

[38] Dans son appel, l’appelante a mentionné ce qui suit :

  1. Elle était à bout de nerfs à l’époque où elle a quitté son emploi, à la fois en raison des problèmes qu’elle avait au travail et des appels qu’elle recevait de l’agent de l’intimée, et elle était dégoûtée par la décision de lui refuser les prestations.
  2. Au début, elle estimait qu’il ne valait pas la peine de présenter une demande de révision, mais après que les autres l’aient persuadée et convaincue, et après avoir écrit ce qui s’était passé, elle a décidé de présenter une demande de révision. Cela lui a pris de la fin janvier 2016 jusqu’au début de juin 2016 (moment où la demande a été soumise).
  3. Elle estimait également que l’intimée n’avait pas tous les faits lorsqu’elle a rendu sa décision initiale.

[39] L’appelante affirme qu’elle a présenté tardivement une demande de révision à cause du stress ressentie à l’époque où elle a reçu sa décision initiale et du dégoût ressenti envers sa décision initiale. Même si le Tribunal est d’accord sur le fait qu’il s’agissait d’une période stressante pour l’appelante et que la décision initiale ne lui avait pas plu, le Tribunal estime que le stress et le dégoût de l’appelante, sans plus, ne sont pas des facteurs pertinents dont il faut tenir compte au moment de déterminer si une prorogation du délai devrait être accordée afin de présenter une demande de révision. À eux seuls, le stress et le dégoût ne peuvent pas être considérés comme étant des facteurs pertinents, car l’on pourrait dire que la majorité des appelants sont stressés et dégoûtés ou déçus lorsqu’ils reçoivent une décision initiale qui leur est défavorable. Il convient de noter que l’intimée n’a pas tenu compte de ces facteurs non pertinents avant de rendre sa décision.

[40] Le Tribunal estime que l’intimée a tenu compte du fait que l’appelante estimait qu’il ne valait pas la peine d’interjeter appel de la décision jusqu’à ce qu’elle soit encouragée à le faire par les autres. Il est clairement indiqué que l’intimée a tenu compte de ce facteur dans la preuve au dossier ainsi que dans les observations écrites de l’intimée. Le Tribunal estime qu’il s’agit d’un facteur pertinent, car il permet de déterminer si l’appelante avait manifesté l’intention constante d’interjeter appel.

[41] Le Tribunal estime que l’observation de l’appelante selon laquelle l’intimée n’avait pas tous les faits au moment de rendre sa décision initiale n’est pas un facteur pertinent auquel il faut tenir compte au moment de déterminer si une prorogation du délai devrait être accordée afin de présenter une demande de révision. La question pertinente est celle de savoir si l’appelante avait une explication raisonnable pour le retard ainsi qu’une intention continue de présenter une demande de révision. Le fait que l’intimée avait ou non tous les éléments de preuve au moment de rendre sa décision initiale n’est pas pertinent pour répondre à ces deux questions.

[42] L’intimée a correctement tenu compte du critère prévu au paragraphe 1(1) du Règlement sur les demandes de révision et a décidé que l’appelante n’avait pas d’explication raisonnable pour son retard à présenter sa demande et n’avait pas démontré qu’elle avait l’intention continue de demander une révision. Elle a tenu compte de ce qui suit :

  1. l’appelante a été avisée du délai par écrit et de vive voix;
  2. elle a seulement décidé de présenter une demande après avoir parlé avec quelques personnes et avec son époux;
  3. il n’y a pas d’élément de preuve à l’appui du fait qu’elle se serait informée au sujet de la décision.

[43] Selon la preuve dont il était saisi, le Tribunal conclut que les facteurs qui ont été considérés par l’intimée sont pertinents à la question en litige et que l’intimée n’a tenu compte d’aucun facteur non pertinent. Ces facteurs sont directement liés au caractère raisonnable du retard ainsi qu’à son intention continue de présenter une demande de révision.

Conclusion

[44] Compte tenu de l’ensemble de la preuve qui lui a été présenté, le Tribunal est convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que l’intimée a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’il a rejeté la demande de prorogation du délai de l’appelante pour présenter une demande de révision de sa décision initiale.

[45] L’appel est rejeté.

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi

112 (1) Quiconque fait l’objet d’une décision de la Commission, de même que tout employeur d’un prestataire faisant l’objet d’une telle décision, peut, dans les trente jours suivant la date où il en reçoit communication, ou dans le délai supplémentaire que la Commission peut accorder, et selon les modalités prévues par règlement, demander à la Commission de réviser sa décision.

(2) La Commission est tenue d’examiner de nouveau sa décision si une telle demande lui est présentée.

(3) Le gouverneur en conseil peut, par règlement, préciser les cas où la Commission peut accorder un délai plus long pour présenter la demande visée au paragraphe (1).

Règlement sur les demandes de révision

1 (1) Pour l’application du paragraphe 112(1) de la Loi sur l’assurance- emploi et sous réserve du paragraphe (2), la Commission peut accorder un délai plus long pour la présentation d’une demande de révision, si elle est convaincue, d’une part, qu’il existe une explication raisonnable à l’appui de la demande de prolongation du délai et, d’autre part, que l’intéressé a manifesté l’intention constante de demander la révision.

(2) Dans les cas ci-après, la Commission doit aussi être convaincue que la demande de révision a des chances raisonnables de succès et que l’autorisation du délai supplémentaire ne lui porte pas préjudice ni d’ailleurs à aucune autre partie :

  1. a) la demande de révision est présentée après l’expiration du délai de trois cent soixante cinq jours suivant le jour où l’intéressé a reçu communication de la décision;
  2. b) elle est présentée par une personne qui a fait une autre demande de prestations après que la décision lui a été communiquée;
  3. c) elle est présentée par une personne qui a demandé à la Commission d’annuler ou de modifier la décision en vertu de l’article 111 de la Loi sur l’assurance- emploi.

2 Le présent règlement est entré en vigueur le 1er avril 2013.

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