Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision



Motifs et décision

Comparutions

l’appelante

Introduction

[1] L’appelante a reçu 50 semaines de prestations combinées de maternité et de paternité. Au moyen d’une lettre datée du 3 juin 2016, l’intimée a imposé une pénalité et a émis un avis de violation en ce qui a trait à des gains non déclarés au cours des 14 dernières semaines de prestations versées. Le 20 juin 2016, l’appelante a demandé une révision de la décision. La décision découlant d’une révision qui a été rendue par l’intimée en date du 11 août 2016 maintenait la décision initiale. L’appelante a interjeté appel auprès du Tribunal le 1er septembre 2016, mais la demande était incomplète. L’appel a été complété le 10 novembre 2016. Le Tribunal a accordé une prorogation du délai pour interjeter appel dans sa décision datée du 11 janvier 2016.

[2] L’audience a eu lieu par téléconférence pour les raisons suivantes :

  1. le fait que la crédibilité puisse être une question déterminante;
  2. l’information au dossier, y compris la nécessité d’obtenir des informations supplémentaires;
  3. ce mode d’audience permet toute mesure d’adaptation exceptionnelle requise par les parties;
  4. le mode d’audience respecte les dispositions du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale voulant que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Questions en litige

[3] Il y a trois questions en litige. Premièrement, une pénalité devrait-elle être imposée, conformément au paragraphe 38(1) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE)? Deuxièmement, l’intimée a-t-elle agi de manière judiciaire lorsqu’elle a évalué le montant de la pénalité qu’elle a imposée à l’appelante? Troisièmement, l’intimée a-t-elle agi de manière judiciaire en émettant un avis de violation?

Preuve

[4] L’appelante a reçu 15 semaines de prestations de maternité, suivies immédiatement de 35 semaines de prestations de paternité, qui a pris fin le 8 février 2014. Elle avait été dispensée de devoir soumettre des rapports toutes les deux semaines. L’appelante a obtenu l’exemption en remplissant le formulaire [traduction] « Déclaration d’exemption – maternité/paternité » qu’elle a joint à sa demande de prestations d’AE en vertu duquel elle a accepté la déclaration suivante :

[traduction]

Normalement, nous vous demandons de remplir un rapport toutes les deux semaines pour recevoir votre versement d’AE. Chacun des rapports complétés devient une demande de prestations pour les semaines de chômage. Vous pouvez être exemptée de ces rapports.

Avant d’être exemptée, vous devez accepter la déclaration suivante.

Je comprends que je présente une demande de prestations couvrant toutes les semaines de ma période d’admissibilité. J’accepte le fait que je n’aurai pas à remplir des rapports du prestataire pour cette période. J’accepte également d’aviser immédiatement le Centre Service Canada si, pendant que je reçois des prestations d’assurance-emploi :

  1. 1. Je travaille,
  2. 2. Je reçois de l’argent, ou
  3. 3. toute situation qui se présente et qui a des répercussions sur mes prestations d’assurance-emploi.

Suite à la réception de mon dernier versement de prestations, j’accepte d’aviser Service Canada afin de confirmer avoir déclaré toute situation ou tout revenu qui aurait comme effet de réduire ou d’éliminer mes prestations. J’ai connaissance que je pourrais être pénalisée ou être passible de poursuites si j’omets de déclarer tout aspect dont il est mention ci-dessus.

[5] L’appelante est retournée travailler le 3 novembre 2013, et touchait à un revenu au cours des 14 semaines suivantes, et ce, jusqu’à la fin de sa période de prestations. Il n’y a aucun élément de preuve à l’appui du fait que l’une des parties aurait communiqué avec l’autre partie à la fin du congé parental ou du fait que l’appelante a fourni de faux renseignements à l’intimée au sujet de ses 14 dernières semaines de congé parental. Les éléments de preuve de l’appelante concernant les efforts qu’elle a déployés pour aviser l’intimée de son retour au travail seront exposés ci-dessous. L’appelante a présenté une autre demande de prestations de maternité le 3 mars 2015. Le relevé d’emploi révèle que l’appelante a travaillé et a gagné de l’argent du 3 novembre 2013 au 8 février 2014. L’intimée a envoyé à l’appelante une lettre intitulée [traduction] « demande de renseignements sur l’emploi » datée du 5 avril 2016 en ce qui a trait au revenu touché au cours de cette période de 14 semaines. L’appelante a répondu, confirmant que les renseignements au sujet du revenu étaient corrects. L’appelante a affirmé qu’elle savait qu’elle devait aviser le gouvernement de son statut d’emploi, et que l’intimée, au cours d’une conversation téléphone qu’elle a eu avec l’intimée, lui a dit d’envoyer une lettre manuscrite dans laquelle la date à laquelle elle était retournée travailler serait écrite. L’appelante a fait part de ses efforts infructueux pour tenter de livrer la lettre.

[6] Après avoir parlé avec l’appelante au sujet des efforts qu’elle a déployés pour aviser l’intimée de son retour au travail, l’intimée a déterminé que l’appelante avait sciemment omis de déclarer le revenu qu’elle a touché du 3 novembre 2013 au 8 février 2014. Cela a causé un total de 8 fausses déclarations, basées sur des rapports couvrant des périodes de deux semaines, et une répartition de ce revenu sur ces 14 semaines, causant un trop-payé de prestations fixé par la suite à 7014 $. L’intimée a évalué l’affaire comme étant, selon elle, une fausse représentation de premier niveau a réduit la pénalité puisque l’appelante a répondu à sa demande de renseignements et a fixé la pénalité à 1 754 $. L’intimée a également émis un avis de violation, qualifié de violation très grave compte tenu du montant du trop-payé. L’intimée a communiqué cette information à l’appelante au moyen d’une lettre datée du 3 juin 2016.

[7] L’intimée a exposé son raisonnement pour la pénalité dans son rapport de décision daté du 3 juin 2016. Il se lit comme suit :

[traduction]

Justification :
La prestataire a la responsabilité de déclarer avec exactitude tout travail et revenu. Puisque la prestataire a répondu à la demande de renseignements et qu’elle a reconnu ses droits et responsabilités dans la demande initiale, il a été conclu que, selon la prépondérance des probabilités, la prestataire a sciemment omis de déclarer son revenu pour les 14 semaines en question. Il n’y a pas d’antécédents de fausses représentations, et par conséquent, cela a été considéré comme étant une fausse représentation de premier niveau. Cette demande est dans le délai de 36 mois pour imposer une pénalité monétaire. Cependant, compte tenu des circonstances atténuantes présentées ci-dessous, la sanction monétaire a été réduite.

Calcul :
Nombre de fausses représentations : 8 Montant net du trop-payé : 7 014 $
Niveau de fausse déclaration : 1er niveau - pénalité allant jusqu’à 50 % du montant net du trop-payé. Plafond de pénalité par DPP = 5 000 $

  1. A. Plafond de la pénalité sur le 5 000 $ au DPP, moins tout montant antérieur de pénalité sur ce DPP 0, 00 $ = montant maximal de la pénalité à 5 000 $ pour ce DPP
  2. B. Circonstances atténuantes précises reconnues pour une réduction de la pénalité :
    La prestataire a répondu à la demande de renseignements supplémentaires et a affirmé qu’elle avait communiqué avec le centre d’appel afin de déclarer qu’elle retournait travailler, mais qu’on lui a dit de rédiger une lettre. Après avoir fait cela, elle a dit qu’on lui a dit qu’elle devait y aller en personne. Lorsqu’elle s’est rendue au bureau, celui-ci était fermé, et elle n’a pas pu y retourner en raison de son retour au travail. Elle a affirmé que le bureau était fermé, car il s’agissait d’un emplacement éloigné. La prestataire a seulement déclaré son changement d’adresse à X le 5 juin 2014, soit quatre moins après que sa demande de prestations parentales ait pris fin. À l’époque où elle recevait des prestations, elle vivait à X et il n’y avait pas de bureau distant à cet endroit. Le centre d’appel est capable d’accepter des changements par téléphone lorsqu’un prestataire retourne au travail. Ils auraient arrêté l’envoi de ses prestations et modifié les rapports nécessaires. On ne lui aurait pas demandé d’envoyer une lettre par la poste, puis de se rendre sur les lieux afin de fournir cette information. Compte tenu de cette information, ces problèmes ne peuvent pas être considérés comme des circonstances atténuantes. Cependant, puisque la prestataire a bel et bien répondu à la lettre, une réduction est applicable.
    Pénalité réduite en fonction des circonstances susmentionnées par 25 % : T/P net 7 014 $ (pourcentage de réduction de la pénalité entre 50 et 25 % = 25 %) = pénalité de 1 754 $
  3. C. Montant légal de validation - Paragraphe 38(2) de la Loi :
    3 X taux des prestations hebdomadaires de la prestataire (501 $) X nombre de fausses représentations (8) = 12 24 $

La pénalité est donc le moindre des montants de A, B ou C, et est pas conséquent 1 754 $.

[8] L’intimée a exposé son raisonnement pour la pénalité dans son rapport de décision daté du 3 juin 2016. Il se lit comme suit :

Détails de la décision :
Faits pertinents :
Il s’agit d’une fausse représentation de premier niveau pour laquelle une pénalité d’un montant de 1 754 $ est imposée en raison de 8 fausses représentations dans 8 rapports pour lesquels la prestataire a reçu des prestations.
Montant net du trop-payé : 7 014 $

Crédibilité :
S. O.

Décision :
Violation imposée : très grave

Justification :
La prestataire a omis de déclarer un revenu pour deux semaines [sic] au cours desquelles elle a reçu des prestations. Le montant net du trop-payé est de 7 014 $, et par conséquent, la violation est considérée comme étant très grave.

[9] La demande de révision de l’appelante indiquait que lorsqu’elle a décidé de retourner travailler, elle a appelé l’intimée au sujet de son retour planifié au travail, et on lui a dit que pour annuler ses prestations, elle devait visiter le bureau de Service Canada situé dans sa région, et ce, en personne, afin de livrer une lettre portant sur son retour au travail. Puisqu’elle n’a pas été capable de livrer la lettre en personne, l’appelante l’a posté à son bureau local de Service Canada, mais après avoir effectué un suivi après qu’elle soit retournée travailler, elle a découvert que la lettre n’a jamais été reçue. Elle a expliqué que puisqu’elle vit dans une région rurale, qu’elle a de longs déplacements pour aller au travail et revenir à la maison et qu’elle n’a pas le droit de quitter son poste pendant les heures de travail pour s’occuper d’affaires personnelles, elle n’a pas pu livrer la lettre en personne. Elle s’est dite frustrée de ne pas avoir été capable d’annuler ses prestations en ligne ou au téléphone, et de ne pas avoir été en mesure de se rendre au bureau de Service Canada puisque ses heures d’ouverture coïncidaient avec ses heures de travail.   Elle a parlé avec plusieurs personnes au bureau de Service Canada qui lui ont dit qu’elles n’avaient rien de plus à lui recommander. L’appelante n’a pas contesté le fait qu’elle devait des prestations qui lui avaient été versées du 3 novembre 2013 au 8 février 2014, mais elle a contesté l’évaluation de la pénalité et l’avis de violation. L’intimée a parlé avec l’appelante au téléphone le 11 août 2016 afin de réviser la demande de révision et les motifs de l’appelante avec elle. L’intimée a noté les renseignements suivants au sujet de ses procédures dans les notes relatives à la conversation avec l’appelante :

[traduction]

La prestataire affirme avoir parlé avec plusieurs représentants de Service Canada qui ne savaient pas comment l’aider pour mettre fin à ses prestations. On lui a dit d’écrire une lettre et de la livrer en personne.

Les représentants du centre d’appel de Service Canada sont formés et équipés pour recueillir cette information et annuler sa demande; il est inconcevable qu’on lui ait dit à plusieurs reprises par plusieurs représentants différents qu’ils ne peuvent pas faire cela et qu’elle devait écrire une lettre et la livrer en personne. Le mandat de Service Canada est d’éviter que les gens viennent sur place.

Il n’y a aucun élément de preuve à l’appui de la déclaration de la prestataire selon laquelle elle a communiqué avec la Commission. Le seul appel enregistré concernant cette question est l’appel de suivi demandé par la prestataire le 20 juillet 2016 au sujet de son trop-payé et pour aviser qu’elle avait présenté une demande de révision.

Le signalement d’un retour au travail n’est pas une situation complexe. En fait, il s’agit de quelque chose que le personnel du centre d’appel gère très fréquemment sur une base quotidienne.

[10] L’intimée a révisé le montant de la pénalité et a déterminé que la réduction était appropriée. Elle a également examiné l’avis de violation et déterminé qu’il n’y avait aucun facteur atténuant permettant de justifier d’effacer la violation. La lettre relative à la révision datée du 11 août 2016 maintenait les décisions initiales concernant à la fois la pénalité et la violation.

[11] L’appelante a fourni le témoignage suivant au cours de l’audience. Le 22 octobre 2013, avant de retourner travailler le 3 novembre 2013, elle a appelé Service Canada pour leur dire qu’elle planifiait retourner travailler et pour que ses prestations soient annulées. On lui a dit qu’elle ne pouvait pas annuler par téléphone, mais qu’elle devait plutôt écrire une lettre et la livrer au bureau de Service Canada afin d’annuler ses prestations. Le 27 octobre 2013, l’appelante a appelé de nouveau Service Canada afin d’expliquer qu’elle ne pouvait pas se rendre au bureau de Service Canada pour livrer la lettre. Elle a demandé si elle pouvait annuler par courriel ou en appelant un autre numéro, ou s’il y avait un formulaire à remplir. On lui a dit que sa seule option était d’écrire une lettre et d’aller la porter. L’appelante a témoigné qu’elle ne pouvait pas se rendre à un bureau de Service Canada, puisqu’elle et son époux venaient de déménager dans une zone rurale quelques semaines auparavant, qu’elle n’avait pas de véhicule de travail, que son époux avait besoin de son véhicule pour son travail puisqu’il se déplace d’un lieu à l’autre fréquemment au cours d’une journée, son époux part travailler à environ 5 h 30 et revient à la maison à environ 19 h, et il n’y a personne d’autre à qui elle peut faire du covoiturage pour se rendre au bureau de Service Canada.

[12] L’appelante a affirmé qu’elle a tenté de livrer la lettre à au moins quatre reprises, à trois bureaux différents de Service Canada, mais qu’elle n’a pas réussi, car sa pause-dîner était limitée et les files d’attente étaient trop longues et elle a dû quitter les lieux. À un moment donné, elle est allée avec son époux au bureau de Service Canada en utilisant son camion, mais encore une fois, les files d’attente étaient trop longues et elle a dû quitter les lieux afin de conduire son époux à son prochain lieu de travail.

[13] L’appelante a appelé l’intimée au moins quatre fois, soit deux fois avant son retour au travail, comme il a été noté ci-dessus, et deux fois ou peut-être plus après son retour au travail. Au cours de ces derniers appels, on lui a dit qu’elle ne pouvait faire d’annulation par téléphone. Le dernier représentant de l’intimée avec qui elle a parlé lui a dit de soit livrer la lettre ou attendre que l’intimée communique avec elle pour lui dire quoi faire. Elle a donc attendu.

[14] L’appelante a affirmé qu’elle n’avait pas envoyé la lettre à l’intimée, car on lui avait dit de la livrer en personne, et puisqu’elle n’était pas à l’aise avec l’idée de poster la lettre, car elle ne savait pas à qui l’adresser, et elle avait donc peur qu’elle se perde. L’appelante n’a pas demandé un congé du travail afin de livrer la lettre. Elle n’avait personne d’autre pour livrer la lettre pour elle. Elle n’a pas communiqué avec son député local pour obtenir de l’aide. Elle a fait une recherche en ligne afin de trouver plus de renseignements sur la marche à suivre, mais cela n’a pas été fructueux.

Observations

[15] L’appelante a soutenu qu’elle avait bel et bien communiqué avec l’intimée pour l’informer de ses intentions de retourner travailler, mais qu’on lui avait dit de livrer une lettre afin de mettre un terme à ses prestations, et elle n’a pas réussi à le faire malgré tous ses efforts. Elle n’essayait pas de tromper le gouvernement, mais elle était très frustrée par les difficultés qu’elle éprouvait à annuler ses prestations, et elle trouvait cela injuste que l’intimée lui imposait une pénalité et une violation.

[16] L’intimée a soutenu que l’explication de l’appelante n’a aucun sens et contredit les pratiques de l’intimée. L’appelante a sciemment fait de fausses déclarations en ne déclarant pas certains gains, et par conséquent, une pénalité est justifiée. L’intimée fait expressément référence à l’alinéa 38(1)e) qui est de sciemment négocier un mandat spécial. L’intimée a agi de manière judiciaire en évaluant la pénalité et en émettant l’avis de violation, conformément à l’article 7.1 de la Loi sur l’AE.

Analyse

[17] Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites à l’annexe de cette décision.

[18] L’article 38 de la Loi sur l’AE autorise la Commission à imposer une pénalité pour chaque acte énuméré au paragraphe 38(1) - Canada (Procureur général) c. Lingam, 2005 CAF 164. La Commission a le pouvoir discrétionnaire nécessaire pour imposer une pénalité de tout montant n’excédant pas le montant maximal prévu par la disposition (Canada (Procureur général) c. Uppal, 2008 CAF 388). Le pouvoir d’imposer une violation est également discrétionnaire (Gill c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 182). Une décision discrétionnaire peut seulement varier si l’intimée n’a pas exercé son pouvoir de manière judiciaire, ou si elle a agi de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance (Uppal, supra). Un pouvoir discrétionnaire n’est pas exercé de manière judiciaire si l’on peut démontrer qu’un décideur : a agi de mauvaise foi, dans un but ou pour un motif irrégulier, a pris en compte un facteur non pertinent, a ignoré un facteur pertinent ou a agi de manière discriminatoire (Canada (Procureur général) c. Purcell, A-694-94).

Dans des dossiers portant sur un prestataire qui fournit sciemment des renseignements faux ou trompeurs, l’intimée doit prouver selon la prépondérance des probabilités que le prestataire qui a fait la déclaration fausse ou trompeuse avait des connaissances subjectives (Mootoo c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 2003 CAF 206).

Constatations

[19] Il ressort clairement de la preuve que l’appelante savait qu’elle devait signaler son retour au travail afin d’arrêter le versement des prestations d’AE. Il est également clair que l’appelante a continué de recevoir ces prestations alors qu’elle travaillait, et ce, au cours des 14 dernières semaines de sa période de prestations, soir du 3 novembre 2013 au 8 février 2014. L’appelante ne conteste pas ces faits. Lorsque l’intimée a envoyé, en avril 2016, sa demande de renseignements sur l’emploi, l’appelante a répondu afin de confirmer que les gains étaient corrects, et qu’elle savait qu’elle devait signaler son retour au travail. Elle a ensuite exprimé sa frustration relative à ses efforts infructueux pour déclarer son retour au travail. Il n’y a pas d’élément de preuve à l’appui du fait que l’appelante aurait déclaré à l’intimée qu’elle était de retour au travail, ou encore qu’elle aurait nié ou minimisé ses gains.

[20] L’appelante a fourni ses motifs pour ne pas avoir déclaré son retour au travail puisque l’intimée avait demandé qu’elle fournisse une lettre manuscrite qu’elle devait livrer à un bureau de Service Canada, et son incapacité à livrer la lettre malgré de multiples efforts. Le Tribunal estime que son explication n’est pas crédible, et ce, pour plusieurs raisons. L’intimée a fourni des éléments de preuve de ses procédures pour traiter l’information afin de mettre fin à des prestations, notamment que les représentants du centre d’appel de Service Canada sont formés et outillés pour recueillir l’information et mettre fin aux prestations; qu’il est inconcevable que plusieurs représentants différents disent à l’appelante qu’ils ne peuvent pas recueillir l’information et mettre fin à ses prestations, et que l’appelante doit plutôt écrire une lettre et la livrer en personne; également, rien n’indiquait au dossier que l’appelante avait communiqué avec l’intimée avant le 20 juillet 2016, date à laquelle elle a fait une demande de suivi téléphonique au sujet du trop-payé et de la demande de révision. Ces éléments de preuve vont directement à l’encontre de la déclaration de l’appelante selon laquelle on lui a dit de livrer une lettre en personne et ne vient pas appuyer le fait qu’elle a communiqué par téléphone avec l’intimée avant le 20 juillet 2016. Les éléments de preuve de l’intimée à ce sujet sont plus conformes aux responsabilités de l’intimée, soit de garder le contrôle des versements, y compris de mettre fin aux versements, et avec l’utilisation croissante des télécommunications, y compris le téléphone et l’Internet, de recueillir les déclarations des prestataires.

[21] Il y a un manque d’uniformité dans la preuve de l’appelante au sujet de la lettre pour l’intimée. Elle a affirmé qu’elle n’avait pas posté la lettre pour l’intimée, car on lui avait dit de la livrer en personne. Cependant, dans sa demande de révision, elle a indiqué qu’on lui avait dit de livrer la lettre, mais qu’elle n’a pas été en mesure de le faire, et qu’elle l’a donc postée, puis qu’elle a appelé pour faire le suivi, et qu’on lui a dit que la lettre n’avait pas été reçue. L’appelante a été claire dans de son témoignage, lorsqu’elle a déclaré qu’elle n’a pas posté la lettre, car elle ne savait pas exactement à qui l’envoyer et qu’elle avait peur qu’elle se perde et qu’elle ne se rende pas dans son dossier. Le Tribunal accepte le fait que l’appelante n’a pas posté la lettre à l’intimée. Tout simplement, ce n’est vraiment pas une bonne raison pour ne pas avoir posté une lettre alors qu’elle tentait de mettre fin au versement de ses prestations et qu’elle n’était pas en mesure de livrer la lettre à l’intimée.

[22] L’appelante n’a pas essayé d’autres moyens pour fournir l’information à l’intimée, si on lui a bel et bien dit de livrer la lettre en personne. L’appelante savait qu’elle devait signaler le fait qu’elle avait commencé à travailler pour mettre fin aux versements de prestations. Lorsqu’elle n’a pas été en mesure de livrer la lettre en personne, elle n’a pas tenté de prendre un congé du travail afin de la livrer, de demander l’aide d’autres personnes pour livrer la lettre, de demander l’aide de son député ou encore de poster la lettre. Sur la recommandation de l’intimée lors d’une conversation téléphonique, elle a arrêté d’essayer et a attendu que l’intimée communique avec elle. Cette affirmation, en soi, n’est pas crédible. Si l’appelante ne voulait réellement pas recevoir de prestations, elle aurait essayé d’autres options pour livrer la lettre en personne. Elle n’aurait pas simplement attendu que l’intimée communique avec elle.

[23] Finalement, il y a le fait que l’appelante a continué à recevoir des prestations d’AE au cours des 14 semaines, et qu’elle a gardé ces prestations. Dans sa demande de révision, l’appelante a écrit [traduction] « [...] j’ai maintenant tout cet argent dans mon compte bancaire que je ne voulais PAS, mais je ne pouvais rien faire pour empêcher la situation ». Le fait qu’elle ait accepté et gardé les prestations et qu’elle ait déployé peu d’efforts pour mettre fin aux versements ne cadre pas avec son affirmation selon laquelle elle ne voulait pas l’argent et n’avait aucun moyen d’empêcher cela d’arriver.

[24] Le Tribunal n’accepte pas les affirmations de l’appelante concernant ses efforts pour signaler le fait qu’elle était retournée au travail. Si elle avait communiqué avec l’intimée par téléphone ou par courriel, ses prestations auraient pris fin, conformément aux pratiques de l’intimée. Le Tribunal conclut que l’appelante n’a pas signalé son retour au travail ou ses gains à l’intimée au cours des 14 semaines, soit du 3 novembre 2013 au 8 février 2014. Elle ne les a pas déclarés lorsque l’intimée a communiqué avec elle en avril 2016.

Imposition d’une pénalité

[25] En se fondant sur la situation de fait en l’espèce et sur l’article 38 de la Loi sur l’AE sur lequel l’intimée s’est fondée, l’intimée était-elle autorisée à imposer une pénalité à l’appelante?

[26] Avant de présenter l’analyse de la décision concernant la pénalité en l’espèce, voici certains commentaires au sujet des lettres de décision de l’intimée et d’observations dans d’autres décisions de pénalités. Les lettres de décision, comme en l’espèce, font référence au fait de faire sciemment de fausses déclarations. Les observations de l’intimée font d’habitude référence à l’article 38 ou au paragraphe 38(1), sans faire référence à des alinéas en particulier, en faisant encore une fois référence de façon générale au fait de faire sciemment de fausses déclarations. Il incombe à l’intimée de prouver le bien-fondé de l’affaire. Une partie de l’affaire est l’alinéa du paragraphe 38(1) sur lequel s’est fondée l’intimée. Ni les appelants ni le Tribunal ne devraient devoir deviner l’alinéa, le motif d’ordre juridique sur lequel l’intimée s’est fondée pour faire valoir sa cause.

[27] L’affaire en l’espèce est peu différente, car l’intimée cite dans ses observations l’alinéa 38(1)e) dans son [traduction] « résumé des faits pertinents ». Mais quand vient le temps d’établir la position de l’intimée, il n’y a aucune référence à l’alinéa 38(1)e), mais il y a plutôt les références génériques à l’article 38 (sans paragraphe ou alinéa), et au fait que [traduction] « de fausses observations ont sciemment été présentées » et [traduction] « de fausses déclarations ont sciemment été faites ». L’analyse suivante démontrera comment il est difficile pour l’intimée de se fonder sur de telles observations génériques.

Interprétation du paragraphe 38(1)

[28] L’article 38 de la Loi sur l’AE n’est pas une disposition pénale, dans le sens du droit pénal, et ce n’est pas une erreur d’utiliser des principes de droit pénal pour interpréter le régime de sanctions de l’AE : Canada (Procureur général) c. Deen, 2003 CAF 435; Canada (Procureur général) c. Gray, 2003 CAF 464. Comme cela a été indiqué dans l’affaire Deen :

Les pénalités relevant du régime d’assurance-emploi établi par la Loi doivent être considérées non comme des sanctions donnant lieu à un casier judiciaire, mais comme des moyens de dissuasion incitant les prestataires à faire des déclarations volontaires et véridiques.

[29] Cependant, les deux décisions ci-dessus portent sur la question d’appliquer les principes de détermination de la peine prévus par le droit pénal au moment d’évaluer le montant de la pénalité imposée en vertu de l’article 38 de la Loi sur l’AE. D’autres décisions ont affirmé que le but des dispositions pénales est de punir (Canada (Procureur général) c. Dussault, 2003 CAF 372). La Cour, dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Miller, 2002 CAF 24, fait référence à la gravité d’une pénalité :

[20] J’aimerais également faire remarquer que la Commission n’a pu produire en preuve, ni devant le conseil ni devant le juge-arbitre, les formulaires que M. Miller avaient remplis, renfermant les déclarations sur lesquelles elle s’était fondée pour justifier la pénalité qu’elle avait infligée. Étant donné la gravité de la pénalité imposée par suite d’un mensonge, la Commission ne devrait normalement pas se fonder sur les notes prises lors d’une entrevue entre l’un de ses représentants et le prestataire pour établir que le prestataire a fait une fausse déclaration dans un document qu’il a remis à la Commission.

[30] La Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Abrahams c. Procureur général du Canada, [1983] 1 RCS 2, avait affirmé que l’on devait interpréter de façon libérale la Loi sur l’AE, et que les difficultés linguistiques devaient être résolues en faveur des prestataires. Le principe a été appliqué par la Cour d’appel fédérale à l’article 7.1 de la Loi sur l’AE, ce qui fait partie du régime de sanctions de la Loi :

[37] […] Dans le cas d’une loi prévoyant des prestations sociales comme en l’espèce, « tout doute découlant de l’ambiguïté des textes doit se résoudre en faveur du prestataire » : Abrahams c. Procureur général du Canada, [1983] 1 R.C.S. 2, à la page 10; voir aussi Finlay c. Canada (Ministre des Finances), précité, aux pages 1113 à 1115. Dans la mesure où le paragraphe 7.1(4) est ambigu sur la question de savoir si la Commission a le pouvoir discrétionnaire de ne pas donner un avis de violation, cette ambiguïté devrait se résoudre en faveur du prestataire.

[38] À cet égard, comme nous l’avons noté précédemment, la Couronne défenderesse a fait valoir que l’objet de l’article 7.1 était de [traduction] « dissuader les violations au régime d’assurance-emploi en imposant une sanction additionnelle aux prestataires qui tentent d’abuser du système ». Je conviens qu’il s’agit de l’objet de l’article 7.1, mais il s’agit également de l’objet sous‑jacent des autres sanctions prévues par la Loi. Comme nous l’avons vu, les sanctions prévues par la Loi sont tributaires d’un régime prévoyant de vastes pouvoirs discrétionnaires administratifs. L’objet que la Couronne considère être celui de l’article 7.1 ne conduit pas nécessairement à la conclusion que, lorsque l’un des faits visés au paragraphe 7.1(4) se produit, un avis de violation est, contrairement à toutes les autres sanctions dans ce régime de sanctions, automatique.

Gill c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 182.

[31] La première étape pour appliquer le principe juridique non pénal prévu dans l’arrêt Abrahams aux alinéas du paragraphe 38(1) est de se pencher sur le libellé utilisé. Le début du texte du paragraphe 38(1) fait référence à « une pénalité pour chacun de ces actes ». Les alinéas a) à h) énoncent ces actes. Une grande partie des alinéas semble nécessiter un acte positif plutôt qu’une omission, employant un langage lié à la commission plutôt qu’à l’omission : a) « faire [...] une déclaration »; b) « faire une déclaration ou fournir un renseignement »; d) « faire une demande ou une déclaration »; e) « négocier ou tenter de négocier un mandat spécial »; f) « omettre sciemment de renvoyer un mandat spécial ou d’en restituer le montant ou la partie excédentaire comme le requiert l’article 44 »; g) « importer ou exporter, ou faire importer ou exporter, un document délivré par [la Commission] »; h) « participer, consentir ou acquiescer à la perpétration d’un acte délictueux visé à l’un ou l’autre des alinéas a) à g) ». L’alinéa c), soit « omettre sciemment de déclarer à la Commission tout ou partie de la rémunération reçue à l’égard de la période déterminée conformément aux règlements [...] » est une omission, mais n’est plus en vigueur, car il n’y a aucun règlement en vigueur portant sur cet alinéa. L’alinéa f) peut également être interprété comme étant une omission. L’alinéa h) n’établit pas une omission ou un acte indépendant; cela s’applique uniquement aux actes et aux omissions qui relèvent des alinéas précédents.

[32] Puisque qu’il faut interpréter de façon libérale cette disposition et que toute difficulté relative au libellé doit être résolue en faveur des prestataires, les verbes employés aux alinéas a), b) et d), soit « faire » et « fournir », nécessite que le prestataire exerce l’action positive de fournir des renseignements faux ou trompeurs à l’intimée. Le fait d’omettre de fournir des renseignements n’est pas capturé par ce libellé. Même l’alinéa d), portant sur la dissimulation de certains faits, nécessite que le prestataire fasse une demande ou une déclaration qui implique une dissimulation, en plus de dissimuler des faits. L’alinéa e) nécessite l’action positive de négocier ou de tenter de négocier un mandat spécial. L’alinéa f) nécessite d’omettre sciemment de renvoyer un mandat ou un montant; cela représente plus qu’une omission innocente. Les alinéas g) et h) nécessitent des actes positifs de la part du prestataire. De plus, puisque la disposition doit être interprétée de façon libérale, l’intimée doit clairement faire en sorte que l’acte ou l’omission du prestataire relève du libellé d’au moins un des alinéas du paragraphe 38(1).

Application du paragraphe 38(1) en l’espèce

[33] La première difficulté de l’intimée est le caractère générique des décisions relatives à une pénalité, citant surtout des « observations fausses ou trompeuses », même lorsqu’aucune observation n’a été présentée, comme en l’espèce. Les appelants et le Tribunal ont le droit de connaitre le fondement juridique de l’imposition de la pénalité, en plus des allégations de fait à l’appui. Cela signifie que l’intimée doit énoncer dans ses décisions sur quels alinéas du paragraphe 38(1) elle s’est fondée pour établir son fondement juridique pour avoir imposé la pénalité. Ce n’est pas au Tribunal d’établir la position de l’intimée concernant le fondement juridique. Le fait d’omettre d’informer les appelants, à l’avance, du fondement juridique peut constituer une atteinte aux règles de justice naturelle, en ce sens que les appelants ne sont pas mis au courant du fondement juridique. Une fois que l’intimée a énoncé son fondement juridique, le Tribunal doit trancher sur cette question plutôt que sur d’autres fondements possibles relativement à la responsabilité. En dépit de ces commentaires, le Tribunal se prononcera sur la demande générique relative à de fausses déclarations en l’espèce pour les motifs qui suivent. Les références constantes à de « fausses déclarations » à plusieurs reprises dans ses commentaires, y compris dans ses observations, peut être interprété comme étant l’intimée qui se fonde implicitement, en partie, sur l’alinéa 38(1)a), b) ou d), auquel cas le Tribunal devrait se pencher sur ces motifs, plutôt que de prendre une approche technique selon laquelle en l’absence de référence explicite à un alinéa du paragraphe 38(1), le Tribunal ne se prononcera pas sur des allégations de fausses déclarations. Le fait que le Tribunal omette de traiter de la question des fausses déclarations, sans inviter l’intimée à présenter des observations, pourrait violer les règles de justice naturelle pour l’intimée. Se prononcer sur les allégations de fausses déclarations ne viole pas les règles de justice naturelle pour l’intimée, car elle a eu l’occasion de faire valoir sa position, l’a fait, et si la position est faible, l’intimée devra composer avec les résultats.

[34] La deuxième difficulté de l’intimée en l’espèce (concernant une omission de signaler un retour au travail ainsi que des gains, dans un cas où l’appelante a été exemptée de remplir des rapports) est que l’appelante n’a commis aucun des actes suivants : fournir des renseignements faux ou trompeurs; présenter des observations fausses ou trompeuses; faire sciemment une demande ou une déclaration fausse ou trompeuse en raison de la dissimulation de certains faits. Elle a omis de fournir des renseignements à l’intimée. Les alinéas a), b) et d) nécessitent un acte positif de la part du prestataire. Il n’y a eu d’acte positif (c’est-à-dire, d’observation, de présentation de renseignement, de demande ou de déclaration en dissimulant certains faits) de la part de l’appelante, en l’espèce, qu’en avril 2016. Lorsque l’appelante a fourni de renseignement au sujet de son retour au travail et de ses gains, ces renseignements étaient véridiques, et par conséquent, la déclaration d’avril 2016 ne peut pas relever de l’alinéa 38(1)a), b) ou c), qui nécessitent une fausseté, une tromperie ou une dissimulation.

[35] Pour s’acquitter de son fardeau relativement à une déclaration fausse ou trompeuse, l’intimée doit fournir des éléments de preuve à l’appui des questions demandées et des réponses de la prestataire. À partir du moment où la preuve démontre qu’un prestataire a donné une réponse inexacte à une question simple, il y a renversement du fardeau de la preuve et c’est alors au prestataire qu’il appartient d’expliquer la réponse inexacte (Caverly c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 2002 CAF 92). Il n’y a aucun élément de preuve de questions et réponses relatives au retour prématuré au travail et à ses gains jusqu’en 2016, lorsque l’appelante a répondu avec sincérité aux questions concernant son retour au travail et ses gains. Ces réponses sincères ne peuvent pas être des observations fausses ou trompeuses. La référence générique à la lettre de décision de l’intimée datée du 3 juin 2016 et aux documents subséquents comme étant de « fausses observations » ne peut pas étayer la position de l’intimée au titre de l’alinéa 38(1)a), b) ou d).

[36] La décision dans CUB 64895 est conforme à ce raisonnement, soit une situation factuelle identique à celle en l’espèce, où le parent étant exempté de remplir des rapports ne déclare pas certains gains à l’époque :

Le seul alinéa du paragraphe 38(1) qui traite de la pénalité pouvant être infligée en cas de non-déclaration de la rémunération est l’alinéa c), qui est devenu inopérant le 12 août 2001.

La question à trancher ici n’est pas tant de savoir si Mme Gilbert a manqué aux engagements qu’elle avait pris en signant le formulaire d’exemption, mais plutôt de déterminer si ces manquements constituaient un acte ou une omission relevant des dispositions du paragraphe 38(1) de la Loi. Ces dispositions habilitent la Commission à infliger une pénalité pour chacun de ces actes ou omissions. Or, l’alinéa c) étant devenu inopérant, la seule omission dont il est fait mention dans les autres alinéas est celle de l’alinéa f), qui ne s’applique pas au cas qui nous occupe. Les alinéas a), b), d), e), g) et h) traitent tous d’actes ou de délits perpétrés à l’endroit de la Commission, et non d’omissions. En omettant d’informer le Centre des ressources humaines conformément à l’engagement qu’elle avait pris dans le formulaire d’exemption, Mme Gilbert s’est rendue coupable d’une omission et non d’un acte délictueux.

[37] Bien que le Tribunal ne soit pas lié par les décisions de juges-arbitres, cette décision est convaincante. Le juge-arbitre souligne, à juste titre, que le fait que l’appelante a omis de respecter ses engagements du formulaire d’exemption (cité précédemment au paragraphe 4) est une omission qui n’est pas prise en compte dans le libellé de l’un des alinéas du paragraphe 38(1).

[38] Dans ses observations en l’espèce, l’intimée [traduction] « soutient qu’en l’espèce, elle s’est acquittée du fardeau d’établir que la prestataire a fait de fausses déclarations, elle savait qu’elle travaillait pour L’Oréal Canada du 3 novembre 2013 jusqu’à la fin de sa demande, soit jusqu’au 8 février 2014, et qu’elle recevait encore des prestations. » L’intimée n’a même pas tenté de déterminer si l’appelante avait en fait présenté ou non des observations, encore si elle avait présenté de fausses observations. Elle n’a pas analysé les alinéas du paragraphe 38(1) afin d’être en mesure d’énoncer le fondement juridique spécifique à l’appui de sa position. Elle s’est tout simplement fondée sur l’affirmation générique selon laquelle l’appelante avait fait des déclarations fausses ou trompeuses.

[39] La troisième difficulté de l’intimée est l’absence de référence à des fondements juridiques précis pour évaluer la pénalité jusqu’à ce qu’elle présente ses observations au Tribunal. Après avoir cité la [traduction] « Déclaration d’exemption – maternité/paternité » citée ci-dessus, l’intimée cite l’alinéa 38(1)e) comme étant le fondement juridique de sa décision. Il s’agit de la seule référence à un alinéa du paragraphe 38(1) à l’appui de l’imposition de sa pénalité. L’alinéa 38(1)e) prévoit que la Commission peut infliger une pénalité lorsqu’un prestataire sciemment négocie ou tente de négocier un mandat spécial établi à son nom pour des prestations au bénéfice desquelles on n’est pas admissible. Il s’agit d’un autre fondement juridique sur lequel le Tribunal doit se fonder pour trancher l’appel. La Cour d’appel fédérale, dans la décision Canada (Procureur général) c. Tamber, 2009 CAF 351, a affirmé ce qui suit :

[4] Nous estimons notamment que les prestations qui ont été versées directement sur le compte du prestataire ne permettent pas logiquement de conclure que le prestataire tombe sous le coup de l’alinéa 38(1)e).

Un mandat spécial est l’instrument utilisé pour payer des prestations. La preuve révèle que les prestations d’AE ont été versées par dépôts directs dans le compte bancaire de l’appelante. Le Tribunal est lié par cette autorité pour se prononcer contre l’intimée sur ce motif, car, puisque l’argent était déposé automatiquement, l’appelante n’a pas négocié ou tenté de négocier un mandat spécial.

[40] La quatrième difficulté de l’intimée est qu’elle ne s’est pas appuyée, expressément ou implicitement, sur l’alinéa 38(1)f), soit le fait d’omettre sciemment de renvoyer un mandat spécial ou un montant excédentaire. Il incombe à l’intimée de prouver le bien-fondé de sa cause, et ce, avec des éléments de droit et de fait. Elle n’a pas présenté sa cause en se fondant sur l’alinéa 38(1)f). Par conséquent, le Tribunal ne peut pas se prononcer en faveur de l’intimée selon ce motif.

[41] Pour les motifs susmentionnés, l’intimée ne s’est pas acquittée de son fardeau de prouver que l’appelante a commis un acte ou une omission pour lequel une pénalité doit lui être imposée au titre de l’un des alinéas du paragraphe 38(1) sur lequel s’est fondé l’intimée, que ce soit expressément (alinéa e)) ou implicitement (alinéas a), b) ou d)).

Montant de la pénalité

[42] Le montant d’une pénalité peut seulement être fixé si l’intimée a prouvé qu’elle avait une cause valable pour imposer une pénalité. Elle n’a pas fait cela. Le montant de la pénalité évaluée n’a aucun fondement juridique et ne peut pas être maintenu. L’intimée a agi de manière non conforme à la norme judiciaire lorsqu’elle a évalué le montant de la pénalité alors qu’il n’y a aucun fondement juridique pour imposer la pénalité.

Avis de violation

[43] Le paragraphe 7.1(4) de la Loi sur l’AE autorise l’accumulation de la violation si l’appelante s’est fait imposer une pénalité au titre de l’article 38 (ou d’autres articles) de la Loi sur l’AE, ou a été déclaré coupable d’une infraction en vertu de la Loi sur l’AE ou du Code criminel. L’intimée a appuyé son cas de violation sur l’imposition d’une pénalité au titre de l’article 38, et non sur l’un des moyens d’appel prévus au paragraphe 7.1(4). Pour les motifs susmentionnés, une pénalité n’a pas été valablement imposée à l’appelante en l’espèce. La pénalité était le seul fondement sur lequel s’est appuyée l’intimée pour imposer la violation. Par conséquent, il n’y a aucun fondement juridique à l’appui de l’accumulation de la violation en l’espèce. L’intimée a agi de manière non conforme à la norme judiciaire en accumulant la violation.

Conclusion

[44] L’intimée n’a pas prouvé selon la prépondérance des probabilités que l’appelante relevait de l’alinéa 38(1)e) de la Loi sur l’AE, la seule disposition sur laquelle elle s’est expressément fondée dans cet appel. Elle n’a pas non plus prouvé selon la prépondérance des probabilités que l’appelante relevait de l’alinéa 38(1)a), b) ou d) de la Loi sur l’AE. L’imposition de la pénalité ne peut pas être maintenue. Puisque l’imposition de la pénalité s’avère invalide, il n’y a aucun fondement pour exiger que l’appelante paie une pénalité, et le montant de la pénalité ne peut pas non plus être maintenu. Puisqu’il n’y a pas de pénalité, il n’y a pas de fondement selon l’alinéa 7.1(4)a) de la Loi sur l’AE pour l’accumulation de la violation, et par conséquent, l’avis de violation ne peut pas être maintenu.

[45] L’appel relatif à ces trois questions en litige est accueilli.

Annexe

Droit applicable

  1. 38(1) Lorsqu’elle prend connaissance de faits qui, à son avis, démontrent que le prestataire ou une personne agissant pour son compte a perpétré l’un des actes délictueux suivants, la Commission peut lui infliger une pénalité pour chacun de ces actes :
    1. a) à l’occasion d’une demande de prestations, faire sciemment une déclaration fausse ou trompeuse;
    2. b) étant requis en vertu de la présente loi ou des règlements de fournir des renseignements, faire une déclaration ou fournir un renseignement qu’on sait être faux ou trompeurs;
    3. c) omettre sciemment de déclarer à la Commission tout ou partie de la rémunération reçue à l’égard de la période déterminée conformément aux règlements pour laquelle il a demandé des prestations;
    4. d) faire une demande ou une déclaration que, en raison de la dissimulation de certains faits, l’on sait être fausse ou trompeuse;
    5. e) sciemment négocier ou tenter de négocier un mandat spécial établi à son nom pour des prestations au bénéfice desquelles on n’est pas admissible;
    6. f) omettre sciemment de renvoyer un mandat spécial ou d’en restituer le montant ou la partie excédentaire comme le requiert l’article 44;
    7. g) dans l’intention de léser ou de tromper la Commission, importer ou exporter, ou faire importer ou exporter, un document délivré par elle;
    8. h) participer, consentir ou acquiescer à la perpétration d’un acte délictueux visé à l’un ou l’autre des alinéas a) à g).
  2. (2) La pénalité que la Commission peut infliger pour chaque acte délictueux ne dépasse pas :
    1. a) soit le triple du taux de prestations hebdomadaires du prestataire;
    2. b) soit, si cette pénalité est imposée au titre de l’alinéa (1)c), le triple :
      1. (i) du montant dont les prestations sont déduites au titre du paragraphe 19(3),
      2. (ii) du montant des prestations auxquelles le prestataire aurait eu droit pour la période en cause, n’eût été la déduction faite au titre du paragraphe 19(3) ou l’inadmissibilité ou l’exclusion dont il a fait l’objet;
    3. c) soit, lorsque la période de prestations du prestataire n’a pas été établie, le triple du taux de prestations hebdomadaires maximal en vigueur au moment de la perpétration de l’acte délictueux.
  3. (3) Il demeure entendu que les semaines de prestations régulières remboursées par suite de la perpétration d’un acte délictueux visé au paragraphe (1) sont considérées comme des semaines de prestations régulières versées pour l’application du paragraphe 145(2).
  4. 7.1 (1) Le nombre d’heures d’emploi assurable requis au titre de l’article 7 est majoré conformément au tableau qui suit, en fonction du taux régional de chômage applicable, à l’égard de l’assuré s’il est responsable d’une ou de plusieurs violations au cours des deux cent soixante semaines précédant sa demande initiale de prestations.
  5. Table / Tableau
    Regional Rate of Unemployment / Taux régional de chômage Violation      
      minor /
    mineure
    serious /
    grave
    very serious /
    très grave
    subsequent /
    subséquente
    6% and under/ 6 % et moins 875 1050 1225 1400
    more than 6% but not morethan 7%/ plus de 6 % mais au plus7 % 831 998 1164 1330
    more than 7% but not morethan 8%/ plus de 7 % mais au plus8 % 788 945 1103 1260
    more than 8% but not more than 9%/ plus de 8 % mais au plus 9 % 744 893 1041 1190
    more than 9% but not morethan 10%/ plus de 9 % mais au plus10 % 700 840 980 1120
    more than 10% but not morethan 11%/ plus de 10 % mais auplus 11 % 656 788 919 1050
    more than 11% but not more than 12%/ plus de 11 % mais au plus 12 % 613 735 858 980
    more than 12% but not morethan 13%/ plus de 12 % mais auplus 13 % 569 683 796 910
    more than 13 %/ plus de13 % 525 630 735 840
  6. (2) [Abrogé, 2016, ch. 7, art. 210]
  7. (2.1) Toute violation prévue à l’article 152.07 dont s’est rendu responsable un particulier est réputée être une violation prévue au présent article, et ce, à la date où il s’est vu donner l’avis de violation.
  8. (3) Une violation dont un particulier s’est rendu responsable ne peut être prise en compte au titre des paragraphes (1) ou à l’égard de plus de deux demandes initiales de prestations présentées par lui au titre de la présente loi s’il remplit les conditions requises pour recevoir des prestations dans le cadre de chacune de ces deux demandes, compte tenu des paragraphes (1) ou du sous-alinéa 152.07(1)d)(ii) ou des règlements pris en vertu de la partie VIII, selon le cas.
  9. (4) II y a violation lorsque le prestataire se voit donner un avis de violation parce que, selon le cas :
    1. a) il a perpétré un ou plusieurs actes délictueux prévus à l’article 38, 39 ou 65,1 pour lesquels des pénalités lui ont été infligées au titre de l’un ou l’autre de ces articles, ou de l’article 41.1;
    2. b) il a été trouvé coupable d’une ou plusieurs infractions prévues à l’article 135 ou 136;
    3. c) il a été trouvé coupable d’une ou plusieurs infractions au Code criminel pour tout acte ou omission ayant trait à l’application de la présente loi.
  10. (5) À l’exception des violations pour lesquelles un avertissement est donné, chaque violation est qualifiée de mineure, de grave, de très grave ou de subséquente, en fonction de ce qui suit :
    1. a) elle est mineure, si sa valeur est inférieure à 1 000 $, grave, si elle est inférieure à 5 000 $, et très grave, si elle est de 5 000 $ ou plus;
    2. b) elle est subséquente si elle fait l’objet d’un avis de violation donné dans les deux cent soixante semaines suivant une autre violation, même si l’acte délictueux sur lequel elle est fondée a été perpétré avant cette dernière.
  11. (6) La valeur d’une violation correspond à la somme des montants suivants :
    1. a) le versement excédentaire de prestations lié à l’acte délictueux sur lequel elle est fondée;
    2. b) si le prestataire est exclu ou inadmissible au bénéfice des prestations, ou si l’acte délictueux en cause a trait aux conditions requises au titre de l’article 7, le montant obtenu, sous réserve du paragraphe (7), par multiplication de son taux de prestations hebdomadaires par le nombre moyen de semaines à l’égard desquelles des prestations régulières sont versées à un prestataire, déterminé conformément aux règlements.
  12. (7) Le montant obtenu au titre de l’alinéa (6)b) ne peut excéder le montant des prestations auxquelles le prestataire aurait eu droit s’il n’avait pas été exclu ou déclaré inadmissible ou s’il avait rempli les conditions requises au titre de l’article 7.
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