Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Introduction

[2] Le 17 octobre 2016, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a conclu que le versement de la pension de l'appelante a été calculé en conformité avec les articles 35 et 36 du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement).

[3] L’appelante a demandé la permission d’en appeler à la division d’appel le 15 novembre 2016. La permission d’en appeler a été accordée le 29 novembre 2016.

Mode d’audience

[4] Le Tribunal a tenu une audience par téléphone pour les raisons suivantes :

  • la complexité de la question en litige;
  • le fait que l’on ne prévoyait pas que la crédibilité des parties figure au nombre des questions principales;
  • les renseignements figurant au dossier, y compris le besoin d’en obtenir davantage;
  • l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

[5] L’appelante a participé à l’audience. L'intimée n'a pas participé à l'audience, mais elle a été dûment informée de la date de l'audience.

Droit applicable

[6] Au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, il est prévu que les seuls moyens d’appels sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige

[7] Le Tribunal doit déterminer si la division générale a commis une erreur lorsqu'elle a conclu que la rémunération a été répartie conformément aux articles 35 et 36 du Règlement.

Observations

[8] L’appelante a présenté les arguments suivants pour étayer son appel :

  • Elle travaille et cotise depuis les années 1970.
  • Elle a été mise à pied et son employeur s'est carrément débarrassé d'elle. En raison des circonstances, elle a dû prendre la pension anticipée et la pension anticipée du Québec. Cela ne faisait pas partie de ses plans; il lui restait encore quatre années de travail.
  • Ses deux pensions sont calculées comme étant une rémunération, et, en raison d'un taux arbitraire de 125 %, elle n'est pas admissible en raison d'un montant de 27 $ par mois.
  • Le 125% est un nombre arbitraire et une manœuvre bureaucratique. Elle a toujours respecté les règles. Elle comptait sur ce montant pour rembourser ses dettes.
  • Elle ne recevrait pas un grand montant, mais il aiderait grandement dans sa situation.
  • Elle n'avait aucun autre choix que celui de prendre sa pension, et sa perte d'emploi n'était pas une situation facile. Elle avait besoin de cette aide et elle a cotisé pendant 46 ans.
  • Elle est convaincue que la division générale avait déjà pris sa décision avant l’audience par téléconférence et que cela est corroboré par les mots employés par le membre au cours de l’audience.
  • L'intimée lui a dit d'interjeter appel de la décision afin que la loi puisse être modifiée.

[9] L’intimée fait valoir les arguments suivants à l’encontre de l’appel :

  • Il n'est pas contesté que la pension hebdomadaire de l'appelante de 598 $ est supérieure à 125 % de son taux de prestations hebdomadaires, à savoir 571 $ par semaines (457 $ + 114 $ [25 % admissible]).
  • La différence est de 27 $ seulement, mais aucun pouvoir discrétionnaire n'est accordé à l'intimée relativement à l'application des articles 13 et 19 de la Loi.
  • La conclusion de la division générale, selon laquelle l'appelante ne peut pas toucher de prestations parce que le montant hebdomadaire de sa pension fait en sorte que le délai de carence n'a pas à être respecté parce que le montant est supérieur à 125 % de son taux de prestations, est correcte et elle n'est pas déraisonnable selon la preuve présentée devant le Tribunal.
  • La Cour d’appel fédérale a déclaré qu’une allégation de préjugé ou de partialité d’un tribunal est une allégation sérieuse, et qu' « [e]lle ne peut reposer sur de simples soupçons, de pures conjectures, des insinuations ou encore de simples impressions d’un demandeur. Elle doit être étayée par des preuves concrètes qui font ressortir un comportement dérogatoire à la norme. »
  • L'enregistrement audio de l'audience devant la division générale n'appuie pas les allégations de l'appelante. Rien ne démontre que la division générale a fait preuve de partialité à l'égard de l'appelante de quelque façon que ce soit ou qu'elle n'a pas agi de manière impartiale, ni qu'il y a eu manquement aux principes de justice naturelle en l'espèce.

Norme de contrôle

[10] L’appelante n’a pas présenté d’observations concernant la norme de contrôle applicable.

[11] L'intimée soutient que la division d'appel ne doit aucune déférence à l'égard des conclusions de la division générale en ce qui a trait aux questions de droit, que l'erreur ressorte ou non à la lecture du dossier. Toutefois, pour les questions mixtes de fait et de droit, la division d’appel doit faire preuve de déférence à la division générale. Elle ne peut intervenir que si la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance – Pathmanathan c. Bureau du juge-arbitre, 2015 CAF 50.

[12] Le Tribunal souligne que la Cour d’appel fédérale, dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Jean, (2015) CAF 242, a indiqué au paragraphe 19 de sa décision que [traduction] « [l]orsqu 'elle agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, la division d’appel n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieure ».

[13] La Cour d’appel fédérale a également précisé ce qui suit :

[N]on seulement la Division d’appel a-t-elle autant d’expertise que la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale et [qu’elle] n’est […] donc pas tenue de faire preuve de déférence, mais au surplus un tribunal administratif d’appel ne saurait exercer un pouvoir de contrôle et de surveillance réservé aux cours supérieures provinciales ou, pour les « offices fédéraux », à la Cour fédérale et à la Cour d’appel fédérale ».

[14] La Cour conclut que « lorsqu’elle entend des appels conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, la division d’appel n’a d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de cette loi ».

[15] Le mandat de la division d’appel du Tribunal décrit dans l’affaire Jean a par la suite été confirmé par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Maunder c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 274.

[16] Par conséquent, à moins que la division générale n’ait pas observé un principe de justice naturelle, qu’elle ait erré en droit ou qu’elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l’appel.

Analyse

Langue de la présente décision

[17] Le Tribunal a rédigé la présente décision en anglais à la demande de l'appelante et afin d'assurer l'uniformité avec la décision de la division générale. Cependant, l'audience a été tenue en français.

Principe de justice naturelle et partialité

[18] L'appelante soutient qu'elle est convaincue que le membre de la division générale avait déjà tranché les questions avant l'audience par téléconférence. Elle a l’impression que le membre de la division générale a fait preuve de partialité et elle aimerait avoir une audience impartiale.

[19] Comme il a été déclaré par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Arthur c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 223 :

Une allégation de partialité, surtout la partialité actuelle et non simplement appréhendée, portée à l'encontre d'un tribunal, est une allégation sérieuse. Elle met en doute l'intégrité du tribunal et des membres qui ont participé à la décision attaquée. Elle ne peut être faite à la légère. Elle ne peut reposer sur de simples soupçons, de pures conjectures, des insinuations ou encore de simples impressions d'un demandeur ou de son procureur. Elle doit être étayée par des preuves concrètes qui font ressortir un comportement dérogatoire à la norme. Pour ce faire, il est souvent utile et même nécessaire de recourir à des preuves extrinsèques au dossier.

[20] L'appelante fonde son allégation de partialité sur les mots utilisés par le membre durant l'audience. Compte tenu de la gravité d'une telle allégation, le Tribunal a écouté en détail l'audience devant la division générale.

[21] Le Tribunal estime que l'allégation de l'appelante n'est pas appuyée pas les mots utilisés par le membre de la division générale. Le membre a écouté l'ensemble des observations de l'appelante et a essayé d'expliquer à celle-ci qu'elle devait appliquer la loi dans son état actuel et qu'elle n'avait pas la compétence d'en modifier le contenu. Elle essayait simplement de préciser ce point à l'appelante. Elle a ensuite exprimé son intention d'étudier attentivement le dossier avant de rendre sa décision.

[22] Le Tribunal estime qu'il n'existe aucune preuve démontrant que la conduite du membre de la division générale déroge à la norme. Le Tribunal réitère qu'une telle allégation ne peut pas reposer sur de simples soupçons, de pures conjectures, des insinuations ou encore de simples impressions d'un demandeur.

[23] À la lumière de ce qui précède, le Tribunal estime que ce moyen d'appel n'est pas fondé.

Répartition de la rémunération

[24] L'appelante a déclaré durant l'audience relative à l'appel qu'elle ne fait pas valoir que la division générale a commis une erreur de droit ou fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée tiré de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Elle en appelle plutôt afin que la loi puisse être modifiée afin de permettre aux prestataires de toucher des prestations après avoir contribué au régime d'assurance-emploi tout au long de leur vie.

[25] L'appelante a été employée par Air France jusqu'au 28 février 2014. Elle a présenté une demande initiale de prestations régulières prenant effet le 2 mars 2014. Dans sa demande de prestations, elle a déclaré qu'elle recevait une pension du Régime de rentes du Québec (RRQ) d'une valeur de 747,79 $ par mois à partir du 28 février 2014. À compter du 1er avril 2014, elle recevrait également une pension de retraite d'Air France d'une valeur de 1 841,36 $ par mois.

[26] Lorsque l'appelante a été mise à pied le 28 février 2014, l'employeur, Air France, lui a versé 633,92 $ en indemnité de congé annuel et 51 506 $ en indemnité de départ. L'employeur a confirmé que l'appelante avait été mis à pied après une restructuration et qu'elle était admissible à la retraite.

[27] L'intimée a avisé l'appelante de vive voix que le revenu de pension du RRQ était une rémunération de laquelle seraient déduits 173 $ par semaine dès le 2 mars 2014 et que le revenu de pension d'Air France représentait une rémunération de laquelle seraient déduits 425 $ par semaine dès le 1er avril 2014, conformément aux articles 35 et 36 du Règlement.

[28] La division générale a conclu à la lumière de la preuve dont elle dispose que l'indemnité de départ de 51 506 $ et l'indemnité de congé annuel de 633,92 $, selon sa rémunération hebdomadaire ordinaire de 788 $, devaient être versées du 2 mars 2014 au 13 juin 2015. Elle a également conclu que le taux de prestations devait être établi à 457 $ par semaine et que le versement des pensions était calculé à 598 $. En multipliant le taux de prestations de 457 $ par 125 %, conformément aux dispositions législatives actuelles, le résultat obtenu est 571 $.

[29] Par conséquent, étant donné que le montant de la répartition hebdomadaire (598 $) est supérieur à 571 $, le délai de carence ne peut pas s’être écoulé et, conformément à l'article 13 de la Loi, l'appelante ne peut pas commencer à recevoir des prestations tant et aussi longtemps que le délai de carence ne se sera pas écoulé.

[30] À la lumière de ce qui précède, le Tribunal estime qu'il n'existe aucune raison d'intervenir sur la question de la répartition de la rémunération.

Modification des dispositions législatives

[31] Malheureusement pour l'appelante et comme l'a déclaré la division générale, le Tribunal doit appliquer la loi et il n'a pas le pouvoir de modifier les dispositions législatives malgré toute la sympathie qu'il éprouve à l'égard de la situation particulière de l'appelante.

[32] Seul le Parlement a le pouvoir de modifier les dispositions législatives actuelles concernant la répartition du versement des pensions.

Conclusion

[33] L’appel est rejeté.

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