Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Comparutions

Le prestataire, Monsieur D. W., a participé à l’audience par téléconférence.

Introduction

[1] Le 1er mai 2013, le prestataire a présenté une demande initiale de prestations régulière en soulignant qu’il n’avait eu d’autre choix que celui de quitter son emploi au sein du ministère de la Défense nationale (MDN) le 3 août 2013 en raison d’une modification de dispositions législatives qui ne lui permettaient plus de continuer à toucher une pension du MDN tout en étant membre du personnel de ce même ministère.

[2] Le 29 octobre 2013, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission) a refusé la demande de prestations régulières du prestataire parce que celui-ci n’avait pas démontré qu’il était fondé à quitter son emploi après avoir épuisé toutes les solutions raisonnables. Le 18 avril 2013, le prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision. Cependant le 4 décembre 2013, la Commission a maintenu sa décision.

[3] Le 17 décembre 2013, le prestataire a interjeté appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal), et la division générale a rejeté l’appel du prestataire. Celui-ci a ensuite interjeté appel devant la division d’appel du Tribunal. Le 14 juillet 2016, le Tribunal a accueilli l’appel du prestataire et a demandé que le dossier soit renvoyé à la division générale en vue d’une nouvelle audience.

[4] L’audience a été tenue par téléconférence pour les motifs suivants : a) la crédibilité ne devait pas être une question importante, b) le prestataire était la seule personne présente, c) le mode d’audience respectait les exigences du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale à savoir qu’il doit procéder de façon la plus informelle et expéditive que le permettent les circonstances, l’équité et la justice naturelle.

Question en litige

[5] Le membre doit déterminer si le prestataire a démontré qu’il était fondé à quitter son emploi le 3 août 2013 et s’il devrait être exclu du bénéfice de prestations en appliquant des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE).

Preuve

[6] Le prestataire a présenté une demande prestations régulières d’assurance-emploi après avoir quitté son emploi au sein de la MDN le 3 août 2013 où il occupait le poste de réserviste à temps plein de classe B au X – X, à X. Il a quitté son poste parce que l’employeur a mis en œuvre une modification de la politique sur la pension qui l’empêchait de toucher sa pension de 49 000 $ par année du MDN tout en touchant son salaire annuel de 95 000 $ par année du MDN. Le changement a été annoncé en avril 2012 et il aura été imposé après 365 jours de service continu, soit le 4 août 2013 dans le cas du prestataire. Le prestataire a souligné que son emploi continu entraînerait une réduction de 36,7 % de son revenu brut et la perte de 14 % des crédits du facteur d’indexation de la pension de retraite accordée en vertu de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes (LPRFC) qu’il avait accumulés depuis juillet 2006 lorsqu’il a commencé à toucher sa pension (ce qui renverrait le compteur à zéro). Le prestataire a informé la Commission qu’il avait tenté de trouver un emploi après avoir été informé du changement et avant de quitter son emploi. Il a fourni des renseignements sur les quatre emplois auxquels il a postulé, sur les efforts déployés afin d’être employé de nouveau par la MDN à titre de civil ou de réserviste sur une base occasionnelle, à temps partiel ou contractuelle en juin, juillet et août 2013 (GD3-2 à GD3-12, GD3-19 à GD3-25, GD3-30 à GD3-46 et GD3-79 à GD3-93).

[7] Selon le relevé d’emploi (RE), la raison de la cessation d’emploi le 3 août 2013 était [traduction] « K – Autre », et on a précisé qu’il y a eu une [traduction] « modification de la politique sur la pension du MDN ». Le prestataire a touché des indemnités de départ et de congé annuel. L’employeur a confirmé que la libération du prestataire a été accordée à la demande de celui-ci en raison de la modification apportée à la politique sur la pension (GD3-13 à GD3-20).

[8] Selon une copie de la directive générale des Forces canadiennes datée du 12 avril 2012, le versement de la pension sera remboursé/cessé si le membre des Forces canadiennes travaille pour une période continue de 365 jours ou plus, le membre devra commencer à contribuer au régime à nouveau et l’indexation de la pension accordée en vertu de la LPRFC du membre cessera jusqu’à ce que celui-ci soit libéré à nouveau. Des précisions ont été fournies (GD3-26 à GD3-29, et GD3-71 à GD3-78).

[9] Le 29 octobre 2013, la Commission a informé le prestataire de sa décision de lui refuser les prestations parce qu’il avait quitté son emploi sans justification le 3 août 2013 étant donné que le départ n’était pas la seule option raisonnable (GD3-47).

[10] Le prestataire a demandé à la Commission de réviser la décision en soulignant qu’il était justifié de quitter son emploi en raison de la réduction importante de son revenu brut et du fait qu’il perdrait l’indexation de ses prestations de pension accordée en vertu de la LPRFC étant donné la nouvelle directive de l’employeur. Il a fait valoir qu’il avait une justification au titre du sous-alinéa 29c)(vii) de la Loi sur l’AE, à savoir une modification importante de ses conditions de rémunération. Le prestataire a fourni des renseignements contextuels concernant les modifications imposées, la réduction causée à son salaire brut (salaire + revenu de pension) et la perte de l’indexation de sa pension s’il demeurait employé dans les mêmes fonctions. Il a souligné que, même si son salaire actuel de l’employeur n’a pas été réduit, il faut tenir compte du fait que l’employeur imposait maintenant une condition devant être respectée afin qu’il continue de travailler pour cet employeur et que cette condition avait une influence sur son revenu brut global. De plus, le prestataire a fourni une preuve afin de démontrer qu’il subirait une chute de 14 % de ses crédits d’indexation qu’il a accumulé depuis 2006 s’il demeurait employé et s’il commençait à cotiser à nouveau au régime de pension (GD3-75). Le prestataire a souligné qu’il n’est pas raisonnable de la part de la Commission de laisser entendre qu’il devrait demeurer employé et [traduction] « accepter et respecter aveuglément les conditions imposées » à titre de solution de rechange au chômage. Le prestataire a également souligné que le fait de continuer de travailler jusqu’à ce qu’il trouve un autre emploi était une option à laquelle il a activement donné suite jusqu’au 3 août 2013 (GD3-50 à GD3-93).

[11] Le 4 décembre 2013, la Commission a informé le prestataire qu’elle maintenant la décision initiale. Elle a expliqué sa cause ne respectait pas les conditions prévues au sous-alinéa 29c)(vii) de la Loi sur l’AE parce que la modification apportée à la politique réduisait son revenu de pension et son salaire au MDN. De plus, le prestataire n’a pas épuisé la solution raisonnable de conserver son emploi tout en chercher un autre emploi qui lui permettrait de toucher sa pension. Le prestataire a été informé que la décision initiale d’exclusion était maintenue (GD3-94 à GD3-97).

[12] Le prestataire a fourni des observations supplémentaires et un article du Ottawa Citizen daté du 13 novembre 2012 intitulé [traduction] « Réduire le nombre de réservistes à temps plein des Forces canadiennes afin d’économiser de l’argent ». Selon cet article, l’une des façons dont les Forces canadiennes et l’employeur (MDN) réduiront les dépenses [traduction] « sera de se départir des réservistes de classe B ou autre qui effectuent un service au moyen de contrats à temps plein ». On souligne que les compressions ont commencé en avril 2012 afin de réduire de 1 730 le nombre de réservistes à temps plein sur une période de trois ans (GD5-8). De plus, un article d’Anciens combattants Canada daté du 27 février 2013 salue l’engagement de l’Université Queen’s d’accorder une priorité à l’embauche d’anciens combattants du Canada (GD5-9).

Témoignage

[13] Le prestataire a réitéré ses motifs d’appel conformément à ses observations précédentes. Il a déclaré que, pendant plusieurs années, il était employé et touchait sa pension (emploi civil de 2006 à 2008, opération en Afghanistan de 2008 à 2012 et au pays à titre de réserviste à temps plein de 2012 au 3 août 2013). Le prestataire a confirmé qu’il a été informé de la modification à la pension en avril 2012, soit un an avant le 3 août 2013, date à laquelle la modification est entrée en vigueur pour lui.

[14] Le prestataire a affirmé qu’il n’avait aucune autre solution raisonnable que celle de quitter son emploi le 3 août 2013. Après cette date, il aurait été dramatiquement touché par la décision de l’employeur. Le prestataire a déclaré qu’il avait une justification au titre du sous-alinéa 29c)(xiii) de la Loi sur l’AE en raison d’une incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi. Il n’a pas été harcelé par l’employeur en soi, mais la politique sur la pension du MDN allait dans ce sens : [traduction] « Si vous voulez continuer à travailler ici, subissez une diminution de salaire importante ». Le prestataire a souligné que, au paragraphe 2 de GD3-26, l’employeur a déclaré ce qui suit : [traduction] « On reconnaît que ce changement dans la disponibilité de l’option 1 [...] pourrait avoir des répercussions importantes sur les personnes et les unités. » Le prestataire a déclaré que ses collègues et lui avaient des engagements financiers qui ont été gravement influencés et il y a eu beaucoup de griefs en conséquence. Ensuite, le prestataire a affirmé que le changement signifiait une réduction de la main-d’œuvre en faisant référence à l’article de presse (GD5-8) qui coïncidait avec l’annonce concernant la pension de l’employeur. On y faisait étant que l’intention du changement était de [traduction] « réduire les chiffres ». Le prestataire a déclaré que l’employeur n’allait pas leur dire de démissionner, mais qu’il savait que les changements [traduction] « forceraient des personnes à quitter leur emploi ». Finalement, le prestataire a affirmé que l’employeur a reconnu qu’il n’avait pas [traduction] « démissionné » et que cela pourrait être la raison pour laquelle il a reçu une indemnisation de départ et que l’employeur a précisé dans le RE que la raison de la cessation d’emploi était [traduction] « Autre – K » et qu’il a noté [traduction] « modification de la politique sur la pension du MDN ». Le prestataire a déclaré que cela prouve que le changement était essentiellement une réduction de la main-d’œuvre ou une situation de pénurie de travail.

[15] En ce qui concerne les autres solutions que celle de quitter son emploi, le prestataire a déclaré être en désaccord avec l’observation de la Commission selon laquelle une solution raisonnable aurait été de conserver son emploi jusqu'à ce qu’il trouve un autre emploi pour deux raisons : 1) La diminution importante de son revenu brut ferait diminuer son salaire de 36 % du jour au lendemain. Il a l’impression que le fait qu’il gagnait 95 000 $ par année brouillait la question et qu’il ne pouvait pas s’agir d’un facteur. 2) Il a fait plusieurs tentatives et il a donné suite à plusieurs options à partir du moment où le changement a été annoncé jusqu’à ce qu’il soit forcé de quitter son emploi. Le prestataire a déclaré que, à l’origine, pendant les 12 premiers mois, l’employeur cherchait des façons de conserver son personnel et que les Forces ne voulaient pas le perdre. Ils ont donc étudié une foule d’options pour lui. Le prestataire renvoie aux courriels de collègues rédigés en juin et en juillet 2013 (AD1B-5) dans lesquels l’employeur tenait compte tout au long du processus de conserver le prestataire (et d’autres membres du personnel) à titre de réserviste à temps partiel de classe A afin de pouvoir tirer profit de ses connaissances et afin que le prestataire puisse continuer de toucher sa pension. Il a été placé dans le Cadre de la Première réserve. Il était prêt à passer d’un statut à temps plein à un statut à temps partiel du jour au lendemain et il était confiant que cela allait se produire. Lorsqu’il s’est rendu compte que cette option n’allait pas se concrétiser à temps (long à mettre en œuvre), il a postulé à l’Université Queen’s et il était confiant encore une fois qu’il se verrait accorder la priorité conformément à la preuve déjà présentée (GD5-9). Il a déclaré avoir également postulé au Collège St. Lawrence et auprès de quatre autres organisations, mais rien ne s’est concrétisé à temps.

[16] Le prestataire a fait remarquer que, au paragraphe 11 de la décision de la division d’appel, il a été induit en erreur par la position de la Commission qui, selon la division d’appel, va à l’encontre de la jurisprudence constante selon laquelle il n’est pas nécessaire pour les circonstances auxquelles il doit faire face d’être parfaitement représentées à l’alinéa 29c) de la Loi sur l’AE. Par conséquent, il souhaite avoir la chance de présenter des observations supplémentaires concernant ce point.

[17] Le membre a accueilli la demande et a donné plusieurs semaines afin qu’il présente ses observations et que la Commission fournisse une réponse supplémentaire avant le 3 février 2017.

[18] Le prestataire a présenté un résumé de sa position dont il a fait état au cours de son témoignage dans un document envoyé après l’audience. Il a ajouté que le MDN et les Forces armées canadiennes avaient l’intention de réduire la main-d’œuvre militaire ayant un statut de réserviste de classe B, ce qui a entraîné un programme de réduction de la main-d’œuvre, et ce même si la modification de la pension n’avait pas été annoncée officiellement. Le prestataire a souligné à nouveau, conformément à son témoignage, l’article du Ottawa Citizen, le RE, les courriels de collègues et l’indemnisation de départ qu’il a touchée à titre de preuve pour sa position. Le prestataire a réitéré ses arguments concernant la raison pour laquelle les solutions suggérées par la Commission n’étaient pas des options raisonnables et pour laquelle il était donc justifié de quitter son emploi au moment où il l’a fait (RGD2).

[19] Le prestataire a présenté une preuve relativement au type de contrats d’une durée d’un an dans le cadre duquel il est maintenant capable de travailler depuis son départ, mais qui n’a pas été mis en œuvre le 3 août 2013. Il s’agit du type d’emploi (à titre de réserviste de classe A) dans lequel il espérait être transféré pendant la première année suivant l’annonce des modifications à la pension (RGD4).

Observations

[20] Le prestataire a soutenu qu’il était justifié de quitter son emploi au titre des sous-alinéas 29c)(vii), 29c)(xiii) et 29c)(xiv) de la Loi sur l’AE. Il n’avait aucune autre solution que celle de quitter son emploi le 3 août 2013 en raison d’une incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi en créant des conditions désagréables. Le prestataire a également soutenu que même s’il reconnaît la position de la Commission selon laquelle sa pension n’est pas un [traduction] « salaire » au sens strict, son revenu brut subirait une importante réduction (36,7 %) s’il conservait son emploi. Il était forcé de renoncer à sa pension, et le facteur d’indexation correspondant de 14 % qu’il avait accumulé serait perdu et remis à zéro en date du 4 août 2013 s’il avait continué à occuper les mêmes fonctions chez son employeur. Le prestataire a soutenu que la suggestion faite par la Commission de conserver son emploi pendant qu’il cherche ou trouve un emploi n’est pas une solution raisonnable si on tient compte de la [traduction] « modification importante des modalités » de sa paie. Il a fait valoir que l’intention de l’employeur dans le cadre de cette modification était de réduire la main-d’œuvre et que, même si cette intention n’est pas nommée ainsi, il s’agissait en fait du résultat d’une [traduction] « pénurie de travail » après la réduction des opérations en Afghanistan.

[21] De plus, le prestataire a soutenu qu’il savait que d’autres collègues devaient quitter le même emploi pour la même raison et dans les mêmes circonstances, et que, puisqu’ils avaient établi la justification et qu’ils ont touché des prestations, sa conclusion portait à croire qu’il était également justifié de quitter son emploi. Le prestataire a fait valoir qu’il s’agit d’une situation unique et que les prestataires employés au MDN devraient être traités de façon égale et uniforme (GD2, GD4 et AD4).

[22] La Commission a soutenu que les faits en l’espèce ne sont pas contestés. La Commission est d’avis [traduction] « que le prestataire a en effet agi de façon raisonnable en quittant volontairement son emploi ». Cependant, le critère juridique n’est pas la question de savoir si le prestataire a agi de manière raisonnable, mais plutôt celle de savoir s’il a épuisé les solutions raisonnables. La Commission a soutenu que le prestataire a quitté son emploi sans justification lorsqu’il a fait le choix personnel de quitter son emploi sans avoir recouru à la solution raisonnable consistant à conserver son emploi bien rémunéré (de 95 000 $ par année) et son statut de [traduction] « cotisant » au régime de pension tout en cherchant et en devant raisonnablement assuré d’obtenir un emploi qui lui permettrait une fois de plus de devenir [traduction] « bénéficiaire » du régime de pension en touchant celle-ci. La Commission a soutenu qu’elle a bel et bien pris en considération l’ensemble des circonstances, à savoir l’incidence des changements sur son [traduction] « revenu brut global », mais elle souligne cependant que la jurisprudence n’a pas conclu que la justification n’est pas prouvée dans des causes concernant des changements semblables qui influenceraient ou menaceraient un revenu salarial ou non (CAF, A-0175-96). En réponse à la demande de révision des autres causes des collègues présentée par le prestataire, la Commission a soutenu que toutes les causes sont évaluées à la lumière des circonstances individuelles.

Analyse

[23] Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites dans l’annexe de la présente décision.

[24] Selon les articles 29 et 30 de la Loi sur l’AE, un prestataire qui quitte volontairement son emploi doit être exclu du bénéfice des prestations, à moins qu’il puisse établir qu’il était fondé à agir ainsi.

[25] Le membre reconnaît qu’il existe un principe bien établi selon lequel un prestataire est fondé à quitter son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ constituait la seule solution raisonnable, aux termes de l’alinéa 29c) de la Loi sur l’AE (Patel, A-274-09; Bell, A-450-95; Landry, A-1210-92; Astronomo, A-141-97; Tanguay,A-1458-84).

[26] Le membre a d’abord tenu compte du fait qu’il incombe à la Commission de démontrer que le prestataire a quitté volontairement son emploi. En l’espèce, il n’est pas contesté que le prestataire a quitté volontairement son emploi le 3 août 2013. Le membre souligne que, même si le prestataire a présenté un argument selon lequel l’employeur aurait dû utiliser [traduction] « Code A - pénurie de travail » dans le RE, il reconnaît également qu’il a été clairement établi qu’il [traduction] « a bel et bien quitté volontairement son emploi afin que les cibles de réduction de la main-d’œuvre soient respectées » (GD2-2). Le membre comprend l’explication du prestataire selon laquelle une pénurie de travail nécessitait une réduction de la main-d’œuvre, situation que l’employeur a abordée à son tour en prenant la décision de mettre en œuvre la [traduction] « modification à la politique sur la pension du MDN ». Le membre a également souligné que l’employeur a bel et bien décrit le motif de cessation d’emploi comme étant [traduction] « Code K : modification à la politique sur la pension du MDN ». Cependant, le membre estime que, à la fin, le prestataire n’est plus employé parce qu’il a quitté son emploi le 3 août 2013. Les motifs seront examinés ci-dessous.

[27] Le fardeau de la preuve se déplace alors vers le prestataire à qui il incombe de démontrer qu’il était fondé à quitter son emploi (White, A-381-10 et Patel, A-274-09). En l’espèce, le membre n’est pas d’accord avec la Commission et il estime que le prestataire s’est acquitté de ce fardeau en démontrant qu’il avait épuisé toutes les solutions raisonnables lorsqu’il a quitté son emploi à la date limite du 3 août 2013. Par conséquent, le membre estime que, pour les motifs suivants, le prestataire était justifié de quitter son emploi le 3 août 2013 conformément à l’alinéa 29c) de la Loi sur l’AE.

[28] Le membre a examiné les circonstances auxquelles réfère l’alinéa 29c) et déterminé si l’une de ces circonstances existait au moment où le prestataire a pris congé de son emploi. Selon la jurisprudence, il faut déterminer si les circonstances étaient présentes à ce moment précis (Lamonde,A-566-04). Le membre souligne qu’il ne s’agit pas d’une liste exhaustive des circonstances où le prestataire peut être fondé à quitter son emploi. En vertu de l’alinéa 29c), il incombe au prestataire de faire la preuve qu’il n’avait pas d’autre solution que de quitter son emploi, compte tenu de toutes les circonstances qui existaient au moment de son départ.

[29] En l’espèce, le prestataire a initialement présenté des observations fondées sur sa compréhension selon laquelle il était nécessaire que les circonstances de sa situation soient parfaitement représentées dans l’alinéa 29c) de la Loi sur l’AE. Par conséquent, il a soutenu qu’il était justifié de quitter son emploi parce qu’il n’avait aucune autre solution raisonnable que celle de quitter le 3 août 2013 conformément au sous-alinéa 29c)(vii), à savoir une modification importante des conditions de rémunération, au sous-alinéa 29c)(xiii), à savoir une incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi, et au sous-alinéa 29c)(xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement. Le prestataire a reconnu que le dernier sous-alinéa n’était pas applicable à sa situation.

[30] Le prestataire a soutenu que l’employeur a créé des conditions si désagréables en mettant en œuvre une modification de la politique sur la pension qu’il a subi une pression afin de quitter son emploi au moment où il l’a fait. Le prestataire est d’avis que, même si la modification n’a pas directement influencé sa rémunération de la MDN, il s’agissait d’une « modification importante de ses conditions de rémunération ». Cela étant dit, il s’agissait d’une importante réduction de son revenu brut et cela avait une influence à long terme sur sa pension. S’il avait continué à occuper les mêmes fonctions pour l’employeur, le prestataire aurait dû obligatoirement cesser de recevoir sa pension, ce qui aurait réduit son revenu brut global de 36,7 % (49 000 $ par année). De plus, le facteur d’indexation de 14 % sur sa pension qu’il avait accumulé depuis 2006 tomberait à zéro en date du 4 août 2013. Le prestataire a fait valoir qu’il n’avait aucune autre solution que celle de quitter son emploi et il n’est pas d’accord avec l’observation de la Commission : la solution de rester à l’emploi de l’employeur tout en tentant de trouver un autre emploi dans le cadre duquel il pourrait continuer de toucher sa pension n’est pas raisonnable. Par conséquent, il fait valoir qu’il était justifié de quitter son emploi conformément aux sous-alinéas 29c)(vii) et 29c)(xiii) de la Loi sur l’AE.

[31] En revanche, la Commission est de l’avis contraire. Elle a soutenu que le prestataire a quitté son emploi sans justification parce que, même s’il a pu agir de façon très raisonnable, il n’a pas satisfait au critère selon lequel il doit démontrer qu’il a seulement quitté son emploi après avoir eu recours à la solution raisonnable de conserver son emploi bien rémunéré et son statut de [traduction] « cotisant » au régime de pension tout en cherchant et en trouvant / étant assuré de trouver un autre emploi qui lui permettrait encore une fois de devenir [traduction] « bénéficiaire » du régime de pension en touchant sa pension. La Commission a soutenu qu’elle a bel et bien pris en considération l’ensemble des circonstances, à savoir l’incidence des changements sur son [traduction] « revenu brut global », mais elle souligne cependant que la jurisprudence n’a pas conclu que la justification n’est pas prouvée dans des causes concernant des changements semblables qui influenceraient ou menaceraient un revenu salarial ou non (CAF, A-0175-96).

[32] Le membre estime que, après avoir tenu compte de l’ensemble de la situation, le prestataire n’avait aucune autre solution raisonnable que celle de quitter son emploi le 3 août 2013 pour plusieurs raisons.

[33] Premièrement, le membre a tenu compte de la situation et des événements au moment de la cessation d’emploi. Le membre estime que la décision de l’employeur d’avril 2013 qui a été annoncée et qui a imposé de manière unilatérale des conditions au prestataire (et tous les autres pensionnés à temps plein) et qui précisait le moment où la décision devait être mise en œuvre. Par conséquent, le membre estime que la [traduction] « modification de la politique sur la pension du MDN » de l’employeur a modifié de façon importante les conditions du contrat ou de l’entente entre l’employeur et l’employé. Il n’est pas contesté que, à l’embauche (et pendant plusieurs années auparavant dans d’autres rôles), l’employeur et le prestataire ont convenu d’un salaire et de conditions donnés qui permettraient au prestataire de continuer à toucher sa pension de manière concurrente. Même s’il est loisible que les parties négocient des modifications ou même contreviennent au contrat, en l’espèce, le prestataire (et d’autres) n’a pas eu de choix à cet égard. L’employeur a unilatéralement décidé de modifier les conditions d’emploi, ce qui a eu une influence défavorable et importante sur son revenu global et l’indexation de sa pension. Le membre est d’accord avec le prestataire que, en agissant ainsi, l’employeur a créé des conditions qui ont placé une pression sur le prestataire et les autres personnes dans la même situation que lui afin qu’ils quittent leur emploi. Le membre estime qu’il est important de souligner que le prestataire aurait été grandement désavantagé sur le plan monétaire par la décision de l’employeur, peu importe s’il avait conservé ou quitté son emploi. Le 3 août 2013, le prestataire aurait subi soit une perte de revenue de 36,7 % (perte de sa pension de 49 000 $) ainsi que la perte de l’indexation de sa pension s’il conservait son emploi ou il aurait perdu 70 % de son revenue (perte du salaire de 95 000 $), mais il aurait conserve l’indexation accumulée de sa pension s’il avait quitté son emploi. Le membre est de l’avis du membre, selon lequel le prestataire a malheureusement été placé dans une situation dans laquelle, pour une raison hors de son contrôle, il devait choisir entre deux solutions déraisonnables d’ici la date imposée (dans son cas) du 3 août 2013.

[34] Le membre n’est donc pas d’accord avec la position de la Commission selon laquelle le prestataire n’a pas eu recours à l’option [traduction] « raisonnable » de conserver son emploi bien rémunéré pour chercher et trouver un autre emploi qui lui permettrait encore une fois de toucher sa pension. Le membre estime que, en tirant la conclusion selon laquelle la Commission ne tient pas compte du fait que, en conservant son emploi, le prestataire ne subirait pas qu’une réduction importante de 36,7 % de son revenue, mais également la perte de l’indexation de sa pension qu’il a accumulée depuis 2006, ce qui est un facteur important. Le membre estime que, peu importe s’il gagnait encore moins d’argent après avoir quitté son emploi, cela ne fait pas de la solution de conserver son emploi une solution raisonnable. De plus, le membre souligne que le critère juridique en l’espèce ne prévoit pas que le prestataire doit prouver qu’il a choisi la meilleure des options les [traduction] « plus raisonnables » ou, en l’espèce, des deux options déraisonnables. Le prestataire doit prouver qu’il a épuisé toutes les options raisonnables avant de se retrouver en situation de chômage. Le membre est d’accord avec le prestataire que la solution de demeurer aux services de l’employeur n’était pas raisonnable étant donné les conditions imposées après le 3 août 2013.

[35] Deuxièmement, le membre a tenu compte de l’observation du prestataire selon laquelle il n’a pas immédiatement quitté son emploi lorsque l’employeur a annoncé sa décision en avril 2012. Le prestataire a déclaré que pendant la période de 15 mois, allant du moment où l’employeur a annoncé sa décision jusqu’au 3 août 2013, il a tenté de trouver un autre emploi chez son employeur qui lui permettrait de toucher sa pension (devenir un réserviste de classe A). Lorsqu’il s’est rendu compte en juin et juillet 2013 que l’employeur, malgré la réassurance, prenait du temps à mettre cette option en œuvre, il a commencé à postuler chez d’autres employeurs. Il se sentait particulièrement sûr de trouver un emploi à l’Université Queen’s étant donné ses références et l’annonce précédente selon laquelle elle accorderait la priorité aux anciens combattants (GD5-9). Le prestataire a fourni une preuve afin d’appuyer son témoignage (AD1B-5, GD3-79 à GD3-81, GD3-87). Le prestataire a ensuite été employé (et continue de l’être) par l’employeur à titre de réserviste de classe A (RGD4). Le membre estime que le prestataire a bel et bien tenté de trouver un autre emploi chez son employeur et d’autres employeurs, mais qu’il a manqué de temps avant la date limitée du 3 août 2013 imposée par l’employeur.

[36] Troisièmement, le membre a tenu compte de l’avis de la Commission selon lequel la jurisprudence n’a pas conclu à l’existence d’une justification au titre du sous-alinéa 29c)(vii) de la Loi sur l’AE (modification importante de ses conditions de rémunération) dans les cas où les prestataires ont quitté leur emploi afin d’obtenir un avantage financier ou d’éviter un désavantage financier en raison d’une modification anticipée ou d’une menace relativement au revenu non salarial, comme une pension, une disposition concernant une indemnité de départ ou un programme de retraite (CAF, A-0175-96, CUB 10569, CUB 21047 et CUB 25325). Cependant, le membre n’est pas d’accord avec la Commission que ces cas sont comparables au cas en l’espèce parce que le prestataire a quitté son emploi parce que son revenu non salarial (pension) était menacé (GD4-6). Contrairement à ces cas, le prestataire n’a pas quitté précipitamment son emploi lorsque les modifications ont été annoncées en prévision d’un possible changement à sa pension. Au contraire, le prestataire a conservé son emploi et a tenté de trouver un emploi qui atténuerait les effets de la modification, et ce jusqu’à la date de mise en œuvre définie. Le prestataire n’a pas gagné un avantage financier en quittant son poste et il ne pouvait pas également éviter un désavantage financier s’il quittait ou conservait son emploi chez l’employeur. Le membre souligne également les arguments présentés par le prestataire (GD5-4 et GD5-5).

[37] Enfin, le membre souligne que la jurisprudence appuie les conclusions ci-présentes. Par exemple, dans des cas où il y a eu une modification des conditions d’emploi, les juges-arbitres ont conclu qu’il n’est pas raisonnable de s’attendre à ce que des prestataires continuent à travailler pour leur employeur lorsqu’il y a eu violation de leur contrat de travail, et un changement dans les conditions d’emploi qui ne pouvait être réglé, même après que les prestataires en aient parlé avec l’employeur (CUB 67921 et CUB 43161). Comme il a été soutenu précédemment, en l’espèce, l’employeur a mis en œuvre une modification unilatérale qui a eu une influence importante et défavorable pour le prestataire.

[38] De plus, dans une affaire récente (Canada (Procureur général) v. Hong, 2017 CAF 46, la prestataire devait prendre sa retraite avant une date précise afin de conserver son assurance-maladie et son assurance dentaire dont son époux et elle dépendaient et qui continueraient probablement d’en dépendre au cours de la retraite. La Cour d’appel fédérale a confirmé le principe selon lequel la baisse forcée de la couverture correspondait à une modification importante du salaire étant donné le fait que la prestataire dépendait de ces avantages sociaux. Par conséquent, elle était justifiée de quitter son emploi. En l’espèce, le prestataire devait également quitter son emploi à temps plein à titre de réserviste de classe B d’ici une date précise afin de conserver sa pension et l’indexation accumulée proportionnelle. Le prestataire dépendait de sa pension comme type de revenu depuis plusieurs années, et la modification à la politique sur la pension imposée par l’employeur a eu des répercussions importantes sur son revenu brut par la suite.

[39] Pour tous ces motifs, le membre estime que, après avoir tenu compte de l’ensemble de la situation, le prestataire s’est acquitté du fardeau qui lui incombait de démontrer qu’il n’avait aucune autre solution raisonnable que celle de quitter son emploi le 3 août 2013 conformément à l’alinéa 29c) de la Loi sur l’AE.

[40] Le membre estime par conséquent que le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi le 3 août 2013 et qu’il ne doit donc pas être exclu du bénéfice des prestations conformément aux articles 29 et 30 de la Loi sur l’AE.

Conclusion

[41] L’appel est accueilli.

Annexe

Droit applicable

  1. Aux termes de l’article 29 de la Loi sur l’AE, pour l’application des articles 30 à 33 :
    1. a) « emploi » s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
    2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;
    3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
      1. (i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin,
      2. (ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre,
      3. (iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert;
    4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
      1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
      2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
      3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
      4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
      5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
      6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
      7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
      8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
      9. (ix) modification importante des fonctions,
      10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
      11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
      12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
      13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
      14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.
  2. Le paragraphe 30(1) de la Loi sur l’AE prévoit que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :
    1. a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
    2. b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.
  3. L’article 51.1 du Règlement prévoit que, pour les besoins du sous-alinéa 29c)(xiv) de la Loi sur l’AE, d’autres circonstances raisonnables sont les suivantes :
    1. a) le prestataire est dans l’obligation d’accompagner vers un autre lieu de résidence une personne avec qui il vit dans une relation conjugale depuis moins d’un an, dans l’un ou l’autre des cas suivants :
      1. (i) l’un d’eux a eu ou a adopté un enfant pendant cette période,
      2. (ii) l’un d’eux est dans l’attente de la naissance d’un enfant,
      3. (iii) un enfant a été placé chez l’un d’eux pendant cette période en vue de son adoption;
    2. b) le prestataire est dans l’obligation de prendre soin d’un proche parent au sens du paragraphe 55(2).
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