Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision



Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Introduction

[2] En date du 9 décembre 2015, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a conclu que l’appelante avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite au sens des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi). L’appelante a déposé une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel en date du 8 janvier 2016. La permission d’en appeler a été accordée le 19 janvier 2016.

Mode d'audience

[3] Le Tribunal a déterminé que cet appel serait instruit par téléconférence pour les raisons suivantes :

  • la complexité de la ou des questions en litige;
  • la crédibilité des parties ne figurait pas au nombre des questions principales;
  • le caractère économique et opportun du choix de l’audience;
  • la nécessité de procéder de la façon la plus informelle et rapide possible tout en respectant les règles de justice naturelle.

[4] Lors de l’audience, l’appelante était absente malgré la réception de l’avis d’audience. L’intimée était représentée par Julie Meilleur.

Droit applicable

[5] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige

[6] La division générale du Tribunal a-t-elle commis une erreur en concluant que l’appelante avait perdu son emploi en raison de son inconduite au sens des articles 29 et 30 de la Loi?

Observations

[7] L’appelante soumet les motifs suivants au soutien de son appel :

  • La division générale a ignoré la preuve voulant qu’elle avait toujours eu l’intention de continuer à travailler pour son employeur, ce qui est confirmé par le dépôt de son grief et sa réintégration éventuelle.
  • La division générale a également ignoré la preuve selon laquelle elle s’est présentée au travail pour se voir refuser l’accès par son employeur.
  • La division générale minimise l’incidence de sa santé mentale sur son jugement, tout en reconnaissant que celle-ci aurait pu jouer un rôle. Ceci est contraire à la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale.
  • La division générale note dans sa décision que le fardeau revient à l’employeur et à l’intimée, mais il ressort de sa décision écrite qu’elle lui impose le fardeau de la preuve, ce qui est contraire à la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale.

[8] L’intimée a soumis les motifs suivants à l’encontre de l’appel de l’appelante :

  • La décision de la division générale est bien fondée en fait et en droit.
  • La division d’appel n’est pas habilitée à juger de nouveau une affaire ni à substituer son pouvoir discrétionnaire à celui de la division générale. Les compétences de la division d’appel sont limitées par le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. À moins que la division générale n’ait pas observé un principe de justice naturelle, qu’elle ait erré en droit, ou qu’elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, et que cette décision soit déraisonnable, le Tribunal doit rejeter l’appel.
  • La division générale n’a pas été convaincue de la crédibilité de l’appelante en l’espèce et elle a soutenu que la version de l’employeur était plus crédible et vraisemblable. Elle était d’avis que les éléments de preuve démontraient clairement que l’appelante ne s’était pas conformée à la politique de l’employeur pour expliquer ou motiver son absence après le 4 mai 2014, et selon la division générale, il était peu crédible que l’appelante se soit fiée aux médias pour en déduire qu’elle n’avait plus d’emploi.
  • Il y a inconduite lorsqu’un prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite entraînerait un congédiement. La notion d’inconduite n’implique pas une intention malveillante, il suffit que l’inconduite soit consciente, délibérée ou intentionnelle. Il doit également y avoir un lien de causalité entre l’inconduite et l’emploi. En d’autres termes, l’inconduite doit être une violation d’une obligation implicite ou expresse du contrat de travail.
  • Malgré que l’appelante ait affirmé ne pas avoir été mise au courant qu’elle avait toujours un emploi à la Société canadienne des postes, la division générale a conclu que le comportement de l’appelante était délibéré et que la responsabilité de se présenter au travail lui incombait.
  • La division générale n’a pas considéré comme crédibles les explications de l’appelante concernant les rumeurs médiatiques et le non-fonctionnement de la carte, et elle a soutenu qu’en ne se présentant pas au travail après avoir obtenu l’aval de son médecin, elle a commis un acte délibéré.
  • L’assiduité au travail est une des conditions essentielles existant dans le contrat de travail conclu entre l’employé et l’employeur, et le fait de volontairement transgresser cette condition constitue une inconduite au sens de la Loi.
  • La responsabilité incombait à l’appelante de prendre contact avec son employeur après son congé de maladie, et considérant les nombreux avertissements émis à l’appelante, elle savait que son comportement pouvait provoquer son congédiement.
  • La division générale a maintenu que l’appelante avait vraisemblablement refusé de retourner au travail, et dans les circonstances, elle a raisonnablement conclu que son comportement était conscient et intentionnel, et qu’elle pouvait s’attendre à perdre son emploi.

Normes de contrôle

[9] Les parties n’ont fait aucune représentation concernant la norme de contrôle applicable.

[10] Le Tribunal constate que la Cour d’appel fédérale, dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Jean, 2015 CAF 242, mentionne au paragraphe 19 de sa décision, que lorsque la division d’appel « agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la [d]ivision générale du Tribunal de la sécurité sociale, la [d]ivision d’appel n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieure. »

[11] La Cour d’appel fédérale poursuit en soulignant ce qui suit :

Non seulement la [d]ivision d’appel a-t-elle autant d’expertise que la [d]ivision générale du Tribunal de la sécurité sociale et n’est-elle donc pas tenue de faire preuve de déférence, mais au surplus un tribunal administratif d’appel ne saurait exercer un pouvoir de contrôle et de surveillance réservé aux cours supérieures provinciales ou, pour les « offices fédéraux », à la Cour fédérale et à la Cour d’appel fédérale […].

[12] La Cour d’appel fédérale termine en soulignant que « [l]orsqu’elle entend des appels conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, la [d]ivision d’appel n’a d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de cette loi. »

[13] Le mandat de la division d’appel du Tribunal décrit dans l’arrêt Jean a par la suite été confirmé par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Maunder c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 274.

[14] En conséquence, à moins que la division générale n’ait pas observé un principe de justice naturelle, qu’elle ait erré en droit ou qu’elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l’appel.

Analyse

Multiples demandes de prorogation de délai et d’ajournement de l’appelante

[15] Puisque le Tribunal a tenu l’audience en l’absence de l’appelante, il y a lieu de préciser l’historique du dossier.

[16] La permission d’en appeler a été accordée le 19 janvier 2016. Les parties disposaient alors d’un délai de 45 jours afin de déposer leurs observations conformément à l’article 42 du Règlement du Tribunal de la sécurité sociale.

[17] En date du 4 mars 2016, l’appelante dépose une demande de prorogation du délai afin de présenter ses observations parce qu’elle est dans l’attente de documents importants des archives. La demande est accueillie le 24 mars 2016. L’appelante doit produire ses observations au plus tard le 15 avril 2016.

[18] En date du 15 avril 2016, l’appelante présente une nouvelle demande de prorogation de délai afin de déposer ses observations parce qu’elle est toujours dans l’attente de documents importants. La demande est accueillie le 25 avril 2016. L’appelante doit produire ses observations au plus tard quinze jours avant la date d’audience. L’audience est alors fixée au 21 juillet 2016.

[19] En date du 8 juillet 2016, l’appelante, qui n’a toujours pas produit ses observations, demande un ajournement de la date d’audience pour des raisons médicales. En date du 19 juillet 2016, la demande d’ajournement est accueillie par le Tribunal. Une nouvelle date d’audience est fixée pour le 22 septembre 2016.

[20] En date du 19 septembre 2016, l’appelante, qui n’a toujours pas produit ses observations, demande un ajournement de la date d’audience pour des raisons médicales et parce qu’elle est dans l’attente de son syndicat qui doit lui assigner un représentant. En date du 20 septembre 2016, la demande d’ajournement est accueillie par le Tribunal. Une nouvelle date d’audience est fixée péremptoirement pour le 26 janvier 2017.

[21] En date du 26 janvier 2017, l’appelante, qui n’a toujours pas produit ses observations, demande un ajournement de la date d’audience pour des raisons médicales et parce qu’elle a déposé une plainte contre son syndicat qui refuse de lui assigner un représentant. En date du 26 janvier 2017, la demande d’ajournement est accueillie par le Tribunal. Une nouvelle date d’audience est fixée au 20 avril 2017. L’appelante est avisée qu’aucun autre ajournement ne sera accordé puisque la demande de permission d’en appeler remonte au 19 janvier 2016.

[22] En date du 20 avril 2017, l’audience de l’appel est tenue en l’absence de l’appelante qui a été dûment convoquée par le Tribunal, le tout conformément au paragraphe 12(1) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale. Un accusé réception de l’avis d’audience a été signé par l’appelante en date du 8 février 2017.

[23] Le Tribunal considère que l’appelante a eu amplement le temps de déposer ses observations et de préparer son dossier, soit plus de quinze mois depuis le dépôt de sa demande de permission d’en appeler.

[24] Une demande d’ajournement est présentée par l’appelante après l’audience du 20 avril, soit le 24 avril 2017. L’appelante, qui prétend avoir communiqué sa demande d’ajournement avant l’audience, demande un ajournement de la date d’audience pour des raisons médicales et parce qu’elle a déposé une plainte contre son syndicat qui refuse de lui assigner un représentant. Le Tribunal n’a trouvé au dossier aucune demande d’ajournement de l’appelante avant l’audience du 20 avril 2017. La demande tardive d’ajournement n’a donc pas été considérée par le Tribunal, car le dossier avait déjà été pris en délibéré. De toute façon, celle-ci aurait été rejetée par le Tribunal pour les raisons susmentionnées.

L’inconduite

[25] Le rôle de la division générale est d’examiner les preuves que lui présentent les deux parties pour établir les faits pertinents, soit les faits qui concernent le litige particulier qu’elle doit trancher, et d’expliquer, dans sa décision écrite, la décision qu’elle rend concernant ces faits. Elle doit évidemment justifier les conclusions auxquelles elle arrive.

[26] Lorsque la division générale a rejeté l’appel de l’appelante, elle a justifié ses conclusions de la façon suivante :

[52] Le Tribunal s’appuie sur la CAF qui a déterminé que pour constituer de l’inconduite en vertu de la Loi, il faut que l’acte reproché ait un caractère volontaire ou délibéré ou résulte d’une insouciance telle qu’il frôle le caractère délibéré. Il s’agit donc d’un comportement répréhensible, délibéré et, par définition, le caractère délibéré implique l’entêtement à agir comme bon lui semble (Canada (Procureur Général) c. Tucker 1986 CAF 381. Compte tenu de la preuve présentée, le Tribunal conclut que le comportement de l’appelante était délibéré. Elle affirme n’avoir pas été mise en courant qu’elle avait toujours un emploi à la Société canadienne des postes. Or, la responsabilité lui incombait de se présenter au travail. Hormis les rumeurs médiatiques, elle n’avait aucune raison de croire que l’employeur avait mis fin à son emploi. De plus, le fait que sa carte d’accès ne fonctionne pas ne pouvait être considéré comme une preuve de mise à pied. Il pouvait s’agir d’une mesure temporaire pendant son arrêt pour raison médicale ou encore d’un bris technique. La Tribunal ne considère pas qu’il s’agisse d’une explication crédible en l’espèce. Le fait que l’appelante cesse de se présenter au travail après avoir obtenu l’aval de son médecin correspond à un acte délibéré.

[53] La CAF a conclu que l’inconduite est un manquement d’une portée telle que son auteur pouvait normalement prévoir qu’il serait susceptible de provoquer son congédiement (Locke 2003 CAF 262; Cartier 2001 CAF 274; Gauthier A-6-98; Meunier A-130-96). Considérant les nombreux avertissements, l’appelante savait que son comportement pouvait provoquer son congédiement. La responsabilité lui incombait de prendre contact avec son employeur après son congé de maladie. L’appelante a vraisemblablement refusé de retourner au travail ou de prendre contact avec son employeur après son congé de maladie. Dans les circonstances, le Tribunal peut donc conclure que le comportement de l’appelante était conscient et intentionnel. La preuve présentée permet de conclure que l’appelante aurait dû savoir que son refus de se présenter au travail était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur (Canada (Procureur Général), Mishibinijima 2007 CAF 85. Le Tribunal est d’avis que l’appelante pouvait s’attendre à perdre son emploi dans les circonstances.

[27] La preuve présentée devant la division générale appuie sa conclusion selon laquelle l’appelante ne s’est pas conformée à la politique de l’employeur pour expliquer ou motiver son absence après le 4 mai 2014. Elle était en absence non autorisée depuis le 23 mars 2014 et son employeur a tenté par tous les moyens de la joindre pour qu’elle reprenne son travail, mais sans succès.

[28] La division générale n’a pas considéré les explications de l’appelante comme crédibles lorsque celle-ci a nié avoir eu des nouvelles de son employeur et avoir conclu qu’elle n’avait plus d’emploi à cause des propos des médias sur le mouvement de personnel et les suppressions chez Postes Canada.

[29] Comme il a été souligné par la division générale, l’appelante avait l’obligation à l’égard de son employeur de se présenter au travail. Le fait que l’appelante a cessé de se présenter au travail après avoir obtenu l’aval de son médecin correspond à un acte délibéré. De plus, il n’y a aucune preuve de nature médicale ou autre devant la division générale qui pourrait mener le Tribunal à conclure que le comportement de l’appelante n’était pas délibéré. Dans les circonstances, l’appelante ne pouvait pas ne pas savoir que les manquements à ses obligations résultant de son contrat de travail étaient d’une portée telle qu’il était normalement prévisible qu’ils seraient susceptibles de provoquer son congédiement.

[30] Bien qu’il est véridique que l’appelante a ultérieurement été réintégrée par son employeur, ce fait ne change pas la nature de l’inconduite qui a initialement conduit au congédiement de l’appelante – Canada (Procureur général) c. Boulton, 1996 CAF 1682; Canada (Procureur général) c. Morrow, 1999 CAF 193.

[31] Il est de jurisprudence constante qu’à moins de circonstances particulières évidentes, la question de crédibilité doit d’abord être laissée aux membres de la division générale qui sont mieux en mesure d’en décider. Le Tribunal n’interviendra que s’il devient manifeste que le prononcé de la division générale sur cette question est abusif ou arbitraire, dans le contexte de la preuve des faits mis devant elle pour lui permettre d’en décider.

[32] Le Tribunal ne trouve aucune raison d’intervenir ici sur la question de crédibilité telle qu’évaluée par la division générale.

[33] Le Tribunal en vient à la conclusion que la décision de la division générale repose sur les éléments de preuve portés à sa connaissance, et qu’il s’agit d’une décision qui est conforme aux dispositions législatives et à la jurisprudence.

[34] Rien ne justifie l’intervention du Tribunal.

Conclusion

[35] L’appel est rejeté.

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