Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision



Motifs et décision

Comparutions

[1] L’appelant, monsieur G. N., était présent lors de l’audience qui a eu lieu par vidéoconférence et il se présentait seul. La Commission était absente lors de l’audience, mais a transmis une argumentation écrite au Tribunal de la sécurité sociale (le Tribunal) le 3 novembre 2016.

Décision

[2] Le Tribunal conclut que l’appelant n’a pas perdu son emploi en raison de sa propre inconduite, en vertu des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (la Loi).

Introduction

[3] Le 13 juillet 2016, l’appelant présente une demande initiale de prestations régulières auprès de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission). Selon le relevé d’emploi fourni par l’employeur, la Ville de X, l’appelant a occupé cet emploi du 11 août 2003 au 6 juillet 2016 (pièces GD3-3 à GD3-16).

[4] Le 13 septembre 2016, la Commission avise l’appelant qu’il n’a pas droit aux prestations régulières à compter du 10 juillet 2016 puisqu’il a cessé de travailler pour la Ville de X en raison de son inconduite (pièces GD3-28 et GD3-29).

[5] Le 23 août 2016, l’appelant présente une demande de révision de la décision à la Commission (pièces GD3-30 à GD3-32).

[6] Le 27 septembre 2016, la Commission avise l’appelant qu’elle maintient la décision rendue le 13 septembre 2016 concernant l’inconduite comme motif au congédiement de l’appelant (pièces GD3-39 et GD3-40).

[7] Le 27 octobre 2016, l’appelant présente un avis d’appel auprès de la section de l’assurance-emploi de la division générale du Tribunal (pièces GD2-1 à GD2-8).

Mode d’audience

[8] L’appel a été instruit selon le mode d’audience par téléconférence pour les raisons suivantes (pièce GD1) :

  1. La complexité de la ou des questions en litige;
  2. Le fait que la crédibilité puisse être une question déterminante;
  3. Le fait que l’appelante sera la seule partie à assister à l’audience;
  4. L’information au dossier, y compris la nécessité d’obtenir des informations supplémentaires;
  5. Ce mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Question en litige

[9] Le Tribunal doit déterminer si l’appelant a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite, en vertu des articles 29 et 30 de la Loi.

Preuve

[10] Les éléments de preuve contenus dans le dossier de la Commission sont les suivants :

  1. Une demande initiale de prestations régulières transmise à la Commission par l’appelant le 13 juillet 2016 dans laquelle il déclare avoir été congédié (pièces GD3-3 à GD3-15);
  2. Un relevé d’emploi, daté du 22 juillet 2016, indiquant que l’appelant a travaillé pour la Ville de X du 11 août 2003 au 6 juillet 2016 inclusivement (code M– Congédiement), (pièce GD3-16);
  3. Une déclaration de l’employeur à la Commission indiquant qu’une enquête a été ouverte concernant du vol de temps par l’appelant, que l’enquête est appuyée par des preuves photos et vidéos et que le congédiement est en cours de grief (pièce GD3-17);
  4. Une lettre, datée du 6 juillet 2016, adressée à l’appelant par l’employeur indiquant que suite à la rencontre disciplinaire, ayant eu lieu le 15 juin 2016, l’employeur lui reproche notamment les fautes suivantes (pièces GD3-18 à GD3-20) :
    • Entre le 21 janvier et le 20 avril 2016 : avoir inscrit sur son bordereau de temps de travail du temps autre que la prestation de travail en inscrivant une période de dîner plus courte, en arrivant plus tard et en quittant plus tôt que le temps déclaré sur le bordereau, avoir privé l’employeur de sa prestation de travail tout en étant rémunéré, avoir fait défaut de respecter l’horaire établi par la convention collective;
    • Le 22 mars 2016 : avoir effectué des déplacements inutiles occasionnant une perte de temps de travail en se rendant dans un restaurant dans le secteur X pour des fins personnelles, avoir quitté l’arrondissement de X sans motif valable, sans justification et sans autorisation pendant les heures fixes de travail;
    • Le 24 mars 2016 : avoir fumé à bord d’un véhicule de la Ville, avoir flâné pendant les heures de travail, notamment en se promenant sans but précis et sans faire d’inspection, avoir effectué des déplacements inutiles, avoir privé l’employeur de sa prestation de travail tout en étant rémunéré, avoir quitté l’arrondissement de X sans motif valable, avoir utilisé du temps de travail à des fins personnelles;
    • Le 29 mars 2016 : avoir flâné sur le temps de travail en quittant l’arrondissement de X et en se rendant à des fins personnelles dans un commerce, dans un restaurant ainsi qu’à sa résidence dans le secteur de Charlesbourg, avoir privé l’employeur de sa prestation de travail tout en étant rémunéré;
    • Le 30 mars 2016 : avoir flâné sur le temps de travail, avoir effectué des déplacements inutiles, avoir utilisé la voiture de la Ville à des fins personnelles, avoir inscrit sur son bordereau de temps des heures autres que celles travaillées;
    • Le 4 mai 2016 : avoir contrevenu à l’article 386 du Code de la sécurité routière en stationnant le véhicule de la Ville près d’une borne-fontaine, avoir atteint à l’image de la Ville de X et avoir fait preuve de négligence.
      De façon générale, l’employeur reproche à l’appelant de ne pas avoir fait preuve d’honnêteté et d’intégrité et d’avoir abusé de la confiance de l’employeur et de ne pas avoir respecté le Règlement établissant les règles de conduite des employés de la Ville de X (pièces GD3-18 à GD3-22);
  5. Une lettre adressée à l’appelant, datée du 10 juin 2016, par laquelle l’employeur convoque l’appelant à participer à un comité de discipline (pièces GD3-23 à GD3-26);
  6. Une déclaration de l’appelant à l’employeur indiquant qu’il n’a jamais reçu d’avertissement auparavant de la part de l’employeur. L’appelant affirme que le seul avertissement qu’il a reçu de l’employeur concernait l’utilisation du véhicule de la Ville à des fins personnelles. L’appelant reconnaît avoir volé du temps, mais se dit très surpris d’avoir été congédié puisqu’il n’a reçu aucun avertissement (pièces GD3-27);
  7. Une décision de la Commission, datée du 13 septembre 2016, indiquant à l’appelant qu’il n’a pas droit aux prestations régulières à compter du 10 juillet 2016 en raison de son inconduite (pièces GD3-28 et GD3-29);
  8. Une demande de révision de la décision initiale de la Commission déposée par l’appelant le 23 août 2016 (pièces GD3-30 à GD3-32);
  9. Une déclaration de l’appelant à la Commission indiquant que la rencontre du comité de discipline a eu lieu le 15 juin 2016. L’appelant déclare, notamment, que l’employeur l’a questionné sur son emploi du temps de certaines journées et l’employeur l’a informé des résultats d’une enquête qui a eu lieu entre les mois de janvier et avril 2016. L’appelant déclare que pendant la journée du 24 mars 2016, il est vrai qu’il s’est rendu dans un autre arrondissement et c’était pour aller chercher une collègue. L’appelant dit qu’il ne savait pas qu’il devait informer sa superviseure pour ce genre de déplacement. L’appelant déclare qu’il est vrai qu’il a fumé à bord du véhicule de la Ville, mais qu’il ne savait pas que c’était interdit. Concernant le reproche d’avoir stationné le véhicule à moins de cinq mètres d’une borne-fontaine, l’appelant dit qu’il ne l’avait pas vu, il a immobilisé son véhicule pour vérifier l’adresse de l’inspection et s’est stationné. L’appelant indique que c’était une erreur d’inattention de sa part. Concernant le reproche de se rendre au restaurant, l’appelant déclare qu’il est vrai qu’il allait se chercher des cafés chez Tim Horton, mais il ne savait pas que c’était interdit (pièces GD3-33 et GD3-34);
  10. Une déclaration de l’appelant à la Commission niant qu’il quittait le travail plus tôt que prévu puisqu’il doit aller chercher sa fille à l’école à 16h00 et qu’il quitte en fonction de ce moment. Aussi, l’appelant déclare que le superviseur l’a averti une fois qu’il était interdit d’aller dîner à la maison avec le véhicule de la Ville et que dès qu’il a reçu cet avertissement, il a cessé. L’appelant déclare que si l’employeur lui avait donné des directives claires, il aurait tout respecté et ne comprend pas qu’il n’ait reçu aucun avertissement en treize ans et que pour quelques événements entre janvier et avril 2016, il est congédié (pièces GD3-33 et GD3-34);
  11. Une déclaration de l’appelant à la Commission indiquant qu’à la fin 2015, il a contacté les ressources humaines pour aviser qu’il vivait du harcèlement de la part d’un collègue et qu’il n’était plus capable de travailler avec lui, il a demandé l’intervention des ressources humaines. L’appelant avait alors déclaré être prêt à changer d’arrondissement afin de ne plus travailler avec lui. En février 2016, aucune action n’avait été prise et l’appelant s’est rendu au bureau des ressources humaines afin de demander qu’une action soit prise. Jusqu’à son congédiement, l’appelant soutient qu’aucune action n’a été prise pour améliorer cette situation par l’employeur. L’appelant déclare que ce qu’il vivait avec ce collègue avait des répercussions sur son travail, il était découragé et démotivé. L’appelant déclare qu’il aurait dû demander un congé de maladie pendant cette période (pièces GD3-33 et GD3-34);
  12. Une déclaration de l’employeur à la Commission indiquant que l’enquête a débuté après que l’appelant ait indiqué qu’il vivait du harcèlement de la part d’un collègue de travail. Le collègue en question a été rencontré et suite à cette rencontre une enquête a été ouverte concernant plusieurs employés. L’enquête a révélé que l’appelant a volé plusieurs heures de travail à l’employeur. L’employeur déclare avoir utilisé plusieurs méthodes pour procéder à l’enquête, mais qu’il ne peut les dévoiler puisqu’un règlement de grief est en cours. L’employeur déclare que l’appelant volait du temps pratiquement tous les jours. L’employeur déclare que l’appelant devait passer 50% de son temps sur la route à faire des inspections chez les citoyens et que l’enquête a révélé qu’il n’a pas fait d’inspection pendant trois jours consécutifs. L’employeur déclare que l’appelant pouvait aller se chercher un café lorsque c’était sur son chemin, mais que ce n’est pas ce que l’enquête a révélé. L’appelant se rendait à sa résidence et au restaurant pendant les heures de travail. Concernant le fait d’avoir été cherché une collègue dans un autre arrondissement, l’employeur déclare que l’employé avait la responsabilité d’aviser son gestionnaire de ses déplacements d’autant plus que cette après-midi-là, il n’a pas travaillé pour cette raison. Concernant l’interdiction de fumer, l’employeur indique qu’il a fait circuler des communiqués concernant l’interdiction du vapotage (pièces GD3-33 et GD3-34);
  13. Une déclaration de l’employeur à la Commission indiquant qu’à la fin de l’enquête l’appelant a été convoqué à un comité de discipline et il a eu l’occasion d’expliquer chacun des gestes reprochés. L’employeur en est venu à la conclusion que les explications de l’appelant ne concordaient pas toujours avec les résultats de l’enquête, mais l’employeur ne souhaite pas donner plus de détails, il préfère que la Commission retienne uniquement les motifs qui apparaissent sur la lettre de congédiement. Concernant le harcèlement allégué par l’appelant, l’employeur déclare que c’était une demande pour changer d’arrondissement et que si l’appelant ne voulait pas être en contact avec ce collègue, il pouvait gérer son temps afin d’aller faire des inspections et ne pas se trouver en présence (pièces GD3-33 et GD3-34);
  14. Une déclaration de l’appelant à la Commission indiquant qu’il est vrai qu’il est allé voir sa femme dans un commerce, mais que c’était pour une durée de deux minutes, c’est arrivé une seule fois et c’était sur son chemin. L’appelant déclare que lorsqu’il est allé chercher sa collègue, ça a pris environ 1h30-2h00. Concernant sa présence dans un restaurant dans le secteur X, l’appelant déclare que ce n’était pas pour des raisons personnelles, mais pour le travail. L’appelant dit que c’est impossible que pendant trois journées il n’ait fait aucune inspection. L’appelant déclare que tous ces reproches à son égard découlent de la plainte pour harcèlement qu’il a faite contre un collègue (pièces GD3-33 et GD3-34);
  15. Une déclaration de l’employeur à la Commission indiquant qu’il confirme que la présence de l’appelant dans un restaurant dans le secteur X était pour faire l’échange d’un document pour le travail. Concernant les trois journées lors desquelles l’appelant n’aurait pas fait d’inspection, l’employeur déclare ne pas sanctionner l’appelant pour cette raison, et que la sanction concerne uniquement le vol de temps (pièce GD3-38);
  16. Une décision de la Commission rendue en révision, datée du 27 septembre 2016, indiquant à l’appelant qu’elle n’a pas modifié la décision initiale rendue le 21 août 2016 (pièces GD3-39 et GD3-40).

[11] Le 27 octobre 2016, l’appelant transmet au Tribunal une copie des documents suivants :

  1. Une décision de la Commission rendue en révision, datée du 27 septembre 2016, indiquant à l’appelant qu’elle n’a pas modifié la décision initiale rendue le 21 août 2016 (pièces GD2-7 et GD2-8);
  2. Un avis d’appel de la décision rendue par la Commission le 30 juin 2016 (pièces GD2-1 à GD2-6);
  3. Une déclaration de l’appelant indiquant que pendant treize ans à l’emploi à la Ville de X aucun reproche ne lui a été fait. L’appelant indique que certains reproches de l’employeur sont des conséquences du harcèlement qu’il vivait (pièces GD2-3 et GD2-4).

[12] Lors de l’audience, l’appelant a présenté les éléments de preuve suivants :

  1. L’appelant déclare qu’il a des parts de responsabilités dans toute cette histoire, mais il considère que le congédiement est abusif étant donné la manière dont il a été traité;
  2. L’appelant déclare qu’il a travaillé comme inspecteur pendant treize ans à la Ville de X sans aucune anicroche ni reproche et il ressent que l’inconduite alléguée s’est produite à cause des événements qui se sont déroulés pendant ses dernières années de travail;
  3. L’appelant déclare qu’il a déposé une plainte auprès des ressources humaines de la Ville de X pour harcèlement de la part d’un collègue;
  4. L’appelant déclare qu’il est surpris du geste posé par son employeur la Ville de X et il trouve bizarre qu’un niveau de gradation des sanctions ne soit pas en place;
  5. L’appelant déclare que depuis la réorganisation du travail à la suite de la mise en place des arrondissements, quatorze préventionnistes ont été placés dans la même équipe et aucun membre de l’équipe ne voulait travailler avec une de ces personnes. L’appelant déclare qu’il est « tombé » avec cette personne dans l’arrondissement de X en août 2010 et dès 2010 ça n’allait pas bien avec cette personne. Ses collègues lui disaient qu’ils ne savaient pas comment il faisait pour travailler avec cette personne;
  6. L’appelant déclare qu’en 2015, la situation s’est dégradée et qu’il avait tendance à ramener ses « problèmes » à la maison. L’appelant déclare qu’il a alors proposé à l’employeur de changer d’arrondissement pour régler ce problème, même s’il s’éloignait de chez lui et de l’école où allait sa fille;
  7. L’appelant déclare qu’en novembre 2015, il a déposé une plainte pour harcèlement auprès des Ressources humaines et il a alors expliqué les problèmes qu’il vivait avec cette personne et qu’il était prêt à changer d’arrondissement pour ne plus vivre cela;
  8. L’appelant déclare que monsieur M. des Ressources humaines lui a alors dit que le harcèlement n’était pas acceptable et qu’ils allaient faire quelque chose. L’appelant déclare qu’il a rencontré monsieur M. en février 2016 et à ce moment l’appelant a dénoncé que la situation s’était détériorée, qu’il n’avait plus la motivation pour aller travailler, que cette situation affectait son estime personnelle et qu’il ne pouvait plus travailler avec cette personne;
  9. L’appelant déclare que l’employeur lui reproche d’avoir quitté son poste de travail, mais il indique que cette situation affectait sa motivation. L’appelant déclare qu’il n’a jamais reçu d’avertissements de la part de l’employeur;
  10. L’appelant déclare que l’employeur lui reproche d’avoir quitté son arrondissement, le 24 mars 2016, pour se rendre au garage municipal dans le secteur X. L’appelant déclare que l’employeur ne lui a jamais dit, depuis l’établissement des arrondissements, qu’il devait avertir un superviseur s’il se déplaçait dans un autre arrondissement. L’appelant déclare qu’il a effectué ce déplacement pour le travail, il est allé chercher une collègue de travail parce que son véhicule d’incendie était en inspection. Comme personne de son arrondissement n’était disponible, elle a alors appelé à l’arrondissement de X, ou travaille l’appelant et il est allé la chercher. L’employeur lui reproche cet événement en disant qu’il aurait dû indiquer à son supérieur qu’il quittait son arrondissement. Pourtant l’appelant dit qu’il accompagnait des collègues au garage municipal régulièrement et que c’était permis et il voit « mal » pourquoi l’employeur lui fait ce reproche. L’appelant déclare que si le déplacement a été plus long que prévu, c’est qu’il y avait des travaux sur l’autoroute de la Capitale et il a utilisé les petites rues pour s’y rendre. L’appelant déclare qu’il est revenu tout de suite après à son arrondissement et que l’employeur n’a jamais vérifié ces faits auprès de la collègue en question.
  11. L’appelant déclare que l’employeur lui reproche d’être allé au restaurant et il admet qu’il est allé chez Tim Horton dans l’arrondissement X pour rencontrer un collègue qui donnait de la formation afin de lui remettre une clef USB. Comme l’appelant avait déjà donné beaucoup de formation, le collègue voulait savoir comment il procédait. L’appelant admet qu’il a pris un café au Tim Horton avec ce collègue, mais c’était pour parler du travail. L’appelant déclare qu’il est resté environ 20-25 minutes à ce restaurant. L’appelant déclare que sa supérieure savait qu’il allait se chercher des cafés chez Tim Horton, mais que cette fois-là, il ne lui a pas dit qu’il allait remettre une clef USB contenant de la formation à un collègue;
  12. L’appelant déclare que l’employeur lui reproche d’avoir quitté son bureau en mars 2016 et d’avoir immobilisé le véhicule devant un aréna et un centre sportif. L’appelant déclare que lors du comité disciplinaire, en juin 2016, l’employeur lui a demandé pourquoi il s’est arrêté devant l’aréna en mars 2016. L’appelant déclare qu’il ne se souvient pas pourquoi, il pense qu’il est arrêté pour avoir pris un appel sur son téléphone cellulaire concernant un rendez-vous d’inspection qu’il avait. L’employeur lui a reproché d’avoir erré dans ces réponses alors qu’il n’a pourtant rien voulu cacher et que ce n’est pas évident de se rappeler quatre mois plus tard ce genre d’événement;
  13. L’appelant déclare qu’il est vrai qu’il est allé voir sa conjointe après le dîner le 29 mars 2016. Sa conjointe travaille en optique et l’appelant porte des lunettes et avait alors une déchirure de la cornée. L’appelant est allé au centre commercial pour la rencontrer afin d’obtenir de l’onguent pour son œil. L’appelant déclare que cet événement a duré quelques minutes. Il admet qu’il n’a pas à le faire, mais que ça ne s’est produit qu’une seule fois;
  14. L’appelant déclare que l’employeur lui reproche d’aller dans des restaurants, l’appelant déclare qu’il va chez Tim Horton se chercher un café au service à l’auto ou il entre et sort du restaurant avec un café. L’appelant déclare que le restaurant est sur son « chemin » et que ce n’est pas vraiment un détour. L’appelant indique qu’il ne savait pas que c’était interdit et que tous les employés de la Ville le font, même les policiers;
  15. L’appelant déclare que l’enquête de l’employeur s’est échelonnée du 21 janvier 2016 au 20 avril 2016, soit quatre mois et pendant ces quatre mois les reproches sont ceux exposés et que ce n’est pas plus grave que cela;
  16. L’appelant déclare que l’employeur lui reproche d’avoir stationné le véhicule près d’une borne-fontaine alors qu’il allait faire une inspection dans un secteur en développement et qu’il n’y avait même pas encore de trottoirs. L’appelant dit qu’il aurait pu payer cette contravention et il déclare qu’il ne connaissait pas ce nouveau secteur en développement et que la route n’était pas encore terminée. L’appelant déclare qu’alors qu’il allait faire une inspection, il ne trouvait pas l’adresse et il s’est immobilisé pour rechercher sa direction et il s’est finalement stationné à cet endroit. L’appelant déclare que c’est une inattention de sa part, mais que ça ne mérite pas un congédiement;
  17. L’appelant déclare qu’il vivait du harcèlement avec un collègue. L’appelant est d’origine autochtone et son collègue le traitait « d’indien », lui disait « t’est pas bon, tu marches comme ça, t’es un pourri ». L’appelant déclare que cette personne faisait des commentaires négatifs sur son travail et faisait aussi des commentaires négatifs sur le travail d’autres collègues et lui aurait déjà dit que c’était « un trou de cul ». Et la situation s’est détériorée;
  18. L’appelant déclare qu’avant les déménagements des bureaux en 2010, il avait son propre bureau et ne côtoyait pas tellement ce collègue. Par la suite, il a été installé dans le même bureau que ce collègue. L’appelant déclare qu’il a fait part de ces problèmes à sa superviseure, mais il est resté dans le même bureau que ce collègue;
  19. L’appelant déclare qu’il ne pouvait plus endurer le comportement inadéquat et harcelant de son collègue;
  20. L’appelant déclare que l’employeur ne lui a jamais fait un suivi concernant sa plainte pour harcèlement;
  21. L’appelant déclare que même si l’employeur dit qu’il pouvait « arranger » son temps comme inspecteur pour ne pas avoir à côtoyer ce collègue, dans les faits ça ne passait pas comme ça. L’appelant dit qu’il ne fait pas nécessairement 50% de son temps des inspections, ça dépend des inspections, il doit faire un rapport et transmettre des corrections à apporter au propriétaire;
  22. L’appelant déclare qu’il peut faire deux jours de terrain et trois jours de bureau, c’est variable. D’ailleurs, il ne comprend pas le reproche de l’employeur voulant qu’il n’aurait pas fait d’inspections pendant trois jours;
  23. L’appelant déclare que concernant le vol de temps allégué par l’employeur, voulant qu’il aurait déclaré du temps autre que celui travaillé, l’appelant déclare qu’il y avait effectivement un bordereau qu’il fallait remplir, mais personne ne le faisait à la journée, les employés remplissaient ce bordereau à la fin de la semaine. L’appelant déclare qu’il avait un horaire variable et que même s’il était arrivé à 8h15 et qu’il avait indiqué 8h00 selon son horaire régulier, son temps de dîner n’était pas nécessairement d’une heure. L’appelant dit qu’il n’a pu confirmer à l’employeur à quelle heure il était effectivement arrivé le matin en mars 2016 et combien de temps il avait pris pour le dîner, cependant pour l’heure de départ, il sait que c’était invariable puisqu’il doit aller chercher sa fille à l’école;
  24. L’appelant déclare qu’il a un questionnement concernant le procédé utilisé par la firme spécialisée qui a fait l’enquête, comment peuvent-ils prétendre qu’il n’était pas dans son arrondissement ou que les déplacements qu’il faisait n’étaient pas pour le travail alors que ce n’était pas le cas.

Arguments des parties

[13] Lors de l’audience, l’appelant a présenté les arguments suivants:

  1. L’appelant affirme qu’il méritait peut-être une suspension, mais pas un congédiement et qu’il ne s’attendait pas à perdre son emploi;
  2. L’appelant soutient que, concernant le vol de temps, c’est une question d’interprétation puisqu’il remplissait son bordereau pour l’horaire de façon hebdomadaire et qu’il pouvait prendre moins de temps pour le dîner s’il arrivait 15 minutes plus tard. L’appelant affirme que pour l’horaire variable, il devait absolument être au bureau de 9h00 à midi et de 13h30 à 16h00. Pour le reste, il pouvait gérer son horaire. L’appelant se questionne sur ce reproche de l’employeur et ne le comprend pas, l’appelant affirme que peut-être que l’employeur a raison pour une journée ou deux, mais qu’il n’a certainement pas vérifié l’ensemble des semaines;
  3. L’appelant soutient qu’il était affecté par ce qu’il vivait au bureau et que ça minait sa motivation. L’appelant affirme que depuis 2010, les employés étaient laissés à eux-mêmes dans les arrondissements et il explique qu’il n’avait plus personne à qui se référer, il n’avait pas vraiment de suivi qui était fait et il était laissé à lui-même;
  4. L’appelant soutient que l’employeur doit être responsable et dire aux employés ce qu’ils peuvent faire ou non et non pas leur annoncer après une enquête. L’appelant soutient que l’employeur n’a pas « à les prendre par la main », mais l’employeur aurait pu donner des consignes;
  5. L’appelant soutient qu’après treize ans de services, il a été très surpris d’être congédié et que ses collègues l’étaient aussi, l’appelant déclare qu’il a donné son 100% pour l’employeur pendant treize ans;
  6. L’appelant soutient qu’il a rencontré les ressources humaines parce qu’il avait un problème avec un collègue, que c’était la première fois qu’il faisait ça et il ressent que personne ne s’est occupé de son problème.

[14] Le 3 novembre 2016, la Commission a transmis au Tribunal une argumentation écrite (pièces GD4-1 à GD4-6) :

  1. La Commission soutient que le paragraphe 30(2) de la Loi prévoit l’imposition d’une exclusion d’une durée indéterminée s’il est établi que le prestataire a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite. La Commission affirme que pour que le geste reproché constitue de l’inconduite au sens de l’article 30 de la Loi, il faut qu’il ait un caractère volontaire ou délibéré ou qu’il résulte d’une insouciance ou d’une négligence telle qu’il frôle le caractère délibéré. Elle précise qu’il doit également y avoir une relation de cause à effet entre l’inconduite et le congédiement (pièce GD4-5);
  2. La Commission affirme que l’appelant a été congédié suite à une enquête de l’employeur parce qu’il faisait de fausses déclarations lorsqu’il complétait ses bordereaux de travail et l’employeur l’a accusé d’avoir volé du temps et de ne pas respecter les règles en vigueur. La Commission soutient que l’appelant a reconnu avoir volé du temps (pièce GD4-6);
  3. La Commission affirme que le vol de temps est un motif d’inconduite et qu’une personne raisonnable et désireuse de conserver son emploi n’aurait pas posé de tels gestes (pièce GD4-6);
  4. La Commission affirme que l’appelant a agi délibérément et qu’il savait que ses gestes auraient un impact négatif sur la relation d’emploi. La Commission soutient que la perte de l’emploi de l’appelant est le résultat direct de l’infraction alléguée. La Commission affirme que l’appelant a commis une infraction et qu’elle constitue de l’inconduite. La Commission affirme que le vol de temps porte atteinte à la confiance entre l’employeur et l’employé (pièce GD4-6);
  5. La Commission soumet que si l’appelant était découragé et démotivé par la situation du harcèlement, il devait rencontrer un médecin (pièce GD4-6).

Analyse

[15] Les dispositions législatives pertinentes à la présente section sont reproduites en annexe.

[16] Le paragraphe 30(1) de la Loi prévoit qu’un prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd son emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification.

[17] La Cour a défini l’inconduite de cette manière : « Pour constituer de l’inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement au travail » (Tucker, A-381-85).

[18] Pour que le Tribunal puisse conclure à l’inconduite, il doit disposer des faits pertinents et d’une preuve suffisamment circonstanciée pour lui permettre, d’abord, de savoir comment l’employé a agi et, ensuite, de juger si ce comportement était répréhensible (Meunier, A-130-96; Joseph, A-636-85).

[19] Il y a inconduite lorsque « le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié » (Procureure générale du Canada c. Mishibinijima 2007 CAF 85 (CanLII).

[20] La Cour a aussi déterminé que l'incapacité de respecter une condition à l'emploi est le résultat de l’inconduite et que c’est l’inconduite qui a pour conséquence la perte de l'emploi (Procureure générale du Canada c. Brissette, A-1342-92).

[21] L’inconduite doit être commise par le prestataire alors qu’il était à l’emploi de l’employeur et cette inconduite doit constituer un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travail. Il doit donc y avoir un lien entre la perte de l’emploi et le geste reproché (Procureure générale du Canada c. Brissette, A-1342-92).

[22] Une conduite répréhensible ne constitue pas nécessairement une inconduite. L’inconduite est un manquement d’une portée telle que son auteur pouvait normalement prévoir qu’il serait susceptible de provoquer son congédiement (Locke 2003 FCA 262; Cartier 2001 FCA 274; Gauthier, A-6-98; Meunier, A-130-96).

[23] Dans l’arrêt Tucker (A-381-85), la Cour a rappelé que les employés sont humains :

(…) qu’ils peuvent être malades et être incapables de s’acquitter de leurs obligations, et qu’ils peuvent faire des erreurs sous l’influence du stress ou de l’inexpérience (…) L’inconduite, qui rend l’employé congédié inadmissible au bénéfice des prestations de chômage, existe lorsque la conduite de l’employé montre qu’il néglige volontairement ou gratuitement les intérêts de l’employeur, par exemple, en commettant des infractions délibérées, ou ne tient aucun compte des normes de comportement que l’employeur a le droit d’exiger de ses employés, ou est insouciant ou négligent à un point tel et avec une fréquence telle qu’il fait preuve d’une intention délictuelle (…).

[24] L’appelant a témoigné avoir occupé les fonctions d’inspecteur à la Ville de X pendant treize ans. En novembre 2015, l’appelant a témoigné avoir contacté les ressources humaines de la Ville de X pour dénoncer une situation de harcèlement vécu avec un collègue. L’appelant a demandé de l’aide à son employeur pour régler cette situation et a dit à l’employeur qu’il était prêt à changer d’arrondissement de travail au besoin. L’appelant a été congédié le 6 juillet 2016 (pièce GD3-16).

[25] L’employeur a déclaré à la Commission que l’appelant a été congédié pour vol de temps suite à une enquête confiée à une firme spécialisée (pièce GD3-17). La lettre de congédiement transmise par l’employeur à la Commission indique, notamment, que l’appelant aurait indiqué sur ses bordereaux du temps de travail autre que la prestation de travail qu’il aurait effectué, qu’il aurait fait des déplacements inutiles occasionnant une perte de temps de travail et qu’il aurait flâné pendant le temps de travail (pièces GD3-18 à GD3-20)

[26] S’appuyant sur la déclaration de l’employeur, la Commission soutient que l’appelant a perdu son emploi parce qu’il a fait de fausses déclarations sur ses bordereaux de temps de travail, qu’il a volé du temps de travail et qu’il n’a pas respecté les règles en vigueur chez l’employeur. La Commission affirme que les gestes posés par l’appelant ont brisé le lien de confiance entre employeur et employé (pièce GD4-6).

[27] Le Tribunal doit déterminer si le comportement de l’appelant, d’avoir volé du temps de travail à l’employeur, constitue une inconduite au sens de la Loi. La Commission a le fardeau de démontrer, suivant la prépondérance de la preuve, que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite (Procureur général du Canada c. Larivée 2007 CAF 312 (CanLII)).

[28] Le Tribunal a analysé l’ensemble de la preuve circonstanciée en étudiant les différentes déclarations dans le dossier de la Commission ainsi que celle ayant eu lieu à l’audience (Meunier, A-130-96; Joseph, A-636-85).

[29] Le Tribunal a considéré la lettre, datée du 6 juillet 2016, adressée à l’appelant par l’employeur indiquant que suite à la rencontre disciplinaire intervenue le 15 juin 2016, l’employeur reproche à l’appelant notamment les fautes suivantes (pièces GD3-18 à GD3-20):

  • Entre le 21 janvier et le 20 avril 2016 : avoir inscrit sur son bordereau de temps de travail du temps autre que la prestation de travail en inscrivant une période de dîner plus courte, en arrivant plus tard et en quittant plus tôt que le temps déclaré sur le bordereau, d’avoir privé l’employeur de sa prestation de travail tout en étant rémunéré, d’avoir fait défaut de respecter l’horaire établi par la convention collective;
  • Le 22 mars 2016 : avoir effectué des déplacements inutiles occasionnant une perte de temps de travail inutile en se rendant dans un restaurant dans le secteur X pour des fins personnelles, avoir quitté l’arrondissement de X sans motif valable, sans justification et sans autorisation pendant les heures fixes de travail;
  • Le 24 mars 2016 : avoir fumé à bord d’un véhicule de la Ville, avoir flâné pendant les heures de travail, notamment en se promenant sans but précis et sans faire d’inspection, avoir effectué des déplacements inutiles, avoir privé l’employeur de sa prestation de travail tout en étant rémunéré, avoir quitté l’arrondissement de X sans motif valable, avoir utilisé du temps de travail à des fins personnelles;
  • Le 29 mars 2016 : avoir flâné sur le temps de travail en quittant l’arrondissement de X et en se rendant à des fins personnelles dans un commerce, dans un restaurant ainsi qu’à sa résidence dans le secteur de Charlesbourg, avoir privé l’employeur de sa prestation de travail tout en étant rémunéré;
  • Le 30 mars 2016 : avoir flâné sur le temps de travail, avoir effectué des déplacements inutiles, avoir utilisé la voiture de la Ville à des fins personnelles, avoir inscrit sur son bordereau de temps des heures autres que celles travaillées;
  • Le 4 mai 2016 : avoir contrevenu à l’article 386 du Code de la sécurité routière en stationnant le véhicule de la Ville près d’une borne-fontaine, avoir atteint à l’image de la Ville de X et d’avoir fait preuve de négligence.

[30] L’employeur a déclaré à la Commission que la sanction concerne uniquement le vol de temps. L’employeur a admis que lorsque l’appelant s’est retrouvé dans un restaurant dans le secteur X c’était effectivement pour faire l’échange d’un document pour le travail. De plus, concernant les trois journées lors desquelles l’appelant n’aurait pas fait d’inspection, l’employeur a déclaré ne pas sanctionner l’appelant pour cette raison (pièce GD3-38).

[31] Lors de l’audience, l’appelant a donné les explications suivantes concernant les reproches adressés par l’employeur. D’abord l’appelant a expliqué que lorsqu’il a pris du temps de travail pour se rendre au garage municipal, c’était pour conduire une collègue d’un autre arrondissement dont le véhicule d’incendie était en inspection. L’appelant a déclaré ne pas avoir utilisé l’autoroute de la Capitale pour se rendre dans l’arrondissement de la X puisqu’il y avait des travaux sur cette autoroute et qu’il est revenu à son bureau d’arrondissement après avoir déposé sa collègue. L’appelant a admis qu’il n’avait pas, au préalable, avisé sa superviseure de ce déplacement. L’appelant a témoigné qu’il ne savait pas qu’il devait aviser sa superviseure pour un tel déplacement et qu’il gérait son temps de cette manière depuis les changements occasionnés par l’organisation des arrondissements survenus en 2010.

[32] L’appelant a expliqué lors de l’audience qu’il se rendait parfois chez « Tim Horton » pour aller se chercher un café, soit au service au volant, soit il entrait le chercher et repartait avec. L’appelant a témoigné que s’il faisait un léger détour pour se rendre à ce restaurant, celui- ci se trouvait dans l’arrondissement. L’appelant a témoigné que tous ses collègues ainsi que d’autres corps d’emploi de la Ville de X qui travaillent sur la route le font et qu’il ne savait pas que c’était interdit.

[33] Dans la lettre de congédiement, l’employeur indique que l’appelant a volé du temps entre le 21 janvier 2016 et le 20 avril 2016. Dans cette lettre, l’employeur soutient que l’appelant aurait inscrit du temps autre que la prestation de travail accomplie en arrivant plus tard au bureau, en quittant plus tôt et en prenant une période de dîner plus longue que celle déclarée sur le bordereau (pièces GD3-18 à GD3-20).

[34] L’appelant a témoigné qu’il remplissait son bordereau pour l’horaire de façon hebdomadaire, qu’il le remplissait machinalement et que cette manière de faire était établie depuis 2010. L’appelant pouvait prendre moins de temps pour le dîner s’il arrivait 15 minutes plus tard. L’appelant affirme que pour l’horaire variable, il devait absolument être au bureau de 9h00 à midi et de 13h30 à 16h00, pour le reste, il pouvait gérer son horaire. L’appelant a déclaré qu’il partait toujours vers 16h00 parce qu’il doit aller chercher sa fille à l’école. L’appelant se questionne sur ce reproche de l’employeur et ne le comprend pas. L’appelant affirme qu’il vivait une situation difficile avec son collègue et qu’il était démotivé à se retrouver dans le même bureau que lui et il affirme que peut-être que l’employeur a raison pour une journée ou deux, mais qu’ils n’ont certainement pas vérifié l’ensemble des semaines.

[35] Le Tribunal constate que l’appelant a admis qu’une fois, après le dîner, il est allé au centre commercial pour rencontrer sa conjointe. L’appelant a déclaré que sa conjointe travaille en optique et comme l’appelant avait une déchirure de la cornée, il s’est rendu au centre commercial pour obtenir de l’onguent pour son œil. L’appelant déclare que cet événement a duré quelques minutes. Il admet qu’il n’avait pas à le faire, mais que ça ne s’est produit qu’une seule fois.

[36] Concernant le reproche d’avoir fumé dans le véhicule de la Ville. L’appelant a témoigné que l’employeur avait peut-être des consignes à ce sujet, mais qu’elles ne circulaient pas et qu’il n’avait jamais été informé qu’il ne pouvait pas fumer dans le véhicule. La représentante de la Ville de X a déclaré à la Commission qu’un communiqué interdisant le vapotage dans les véhicules avait circulé (pièce GD3-35). La déclaration de l’employeur ne précise pas si le communiqué a été déposé sur le site Internet, si des affiches ont été distribuées dans les bureaux d’arrondissement, mais le Tribunal retient que l’appelant n’a pas pris connaissance de cette consigne.

[37] Enfin, concernant le reproche d’avoir stationné la voiture de la Ville près d’une borne- fontaine, l’appelant a déclaré qu’il allait faire une inspection dans un secteur en développement et qu’il n’y avait pas encore de trottoirs. L’appelant a déclaré qu’il ne connaissait pas ce nouveau secteur en développement et que la route n’était pas encore terminée. L’appelant a expliqué que lors de cet événement, il ne trouvait pas l’adresse, qu’il s’est immobilisé pour rechercher sa direction et il s’est finalement stationné à cet endroit. L’appelant déclare que c’est une inattention de sa part, qu’il aurait pu payer la contravention qu’il a reçue, mais que ça ne mérite pas un congédiement.

[38] Par ailleurs, le Tribunal constate que l’appelant a déposé une plainte pour harcèlement concernant une situation vécue avec un collègue lors de l’automne 2015. L’appelant a témoigné qu’aucun suivi ne lui avait été fait mise à part une rencontre en février 2016 à sa propre initiative. À la suite de cette plainte, l’employeur a déclaré avoir mené une enquête, l’appelant a été convié à une rencontre d’un comité disciplinaire et il a été congédié (pièces GD3-17, GD3-18 à GD3-20).

[39] Lorsque questionné par un agent de la Commission au sujet de la plainte de harcèlement déposée par l’appelant, le représentant de l’employeur a déclaré qu’il s’agissait plutôt d’une demande de changement d’arrondissement de la part de l’appelant et l’employeur a choisi de faire des vérifications avant de procéder à un changement. L’employeur a aussi déclaré que si l’appelant avait des problèmes avec son collègue, il n’avait qu’à organiser son temps afin de ne pas le côtoyer (pièce GD3-35).

[40] Le Tribunal estime que c’est ce que l’appelant a fait en partie et retient que l’employeur s’attendait à une autonomie de la part de l’appelant pour gérer son temps. Cependant, l’appelant a témoigné que ce n’était pas aussi simple que l’employeur le disait. L’appelant a déclaré qu’il partageait le même bureau que le collègue avec lequel il éprouvait des problèmes, qu’il avait demandé à sa superviseure de changer de bureau, mais qu’il n’y avait eu aucun changement. L’appelant a déclaré que lorsqu’il faisait ses inspections, il était sur la route et absent de son bureau, mais qu’il devait allouer du temps pour la rédaction de ses rapports et il se trouvait alors en présence de ce collègue.

[41] Le Tribunal note que la plainte de harcèlement a été considérée comme une demande de changement d’arrondissement par l’employeur et qu’aucun suivi n’a été fait à l’appelant concernant cette situation. L’appelant a témoigné que pendant cette période (novembre 2015 à juillet 2016), il était découragé, démotivé, qu’il n’était plus capable de travailler avec ce collègue et qu’il a demandé à l’employeur d’obtenir de l’aide pour améliorer la situation (pièces GD3-33 à GD3-35).

[42] Le Tribunal souligne qu’un comportement indésirable ne constitue pas nécessairement une inconduite au sens de la Loi. Après avoir soupesé la preuve présente au dossier, le Tribunal estime que la Commission n’a pas démontré que les gestes posés par l’appelant, et constituant du vol de temps de travail, étaient « volontaires », c’est-à-dire conscients, délibérés ou intentionnels pour les raisons suivantes (Caul 2006 FCA 251; Pearson 2006 FCA 199; Bellavance 2005 FCA 87; Johnson 2004 FCA 100; Secours, A-352-94; Tucker, A-381-85).

[43] D’abord, le Tribunal croit la version de l’appelant lorsqu’il explique qu’il a été surpris d’être congédié après treize ans de services pour la Ville de X. L’appelant a déclaré que jamais en treize ans l’employeur ne lui a fait un reproche. L’appelant a déclaré que son travail nécessitait un haut degré d’autonomie, il a même déclaré qu’il était laissé à lui-même alors qu’à l’occasion, ses collègues et lui-même auraient apprécié une ligne directrice claire sur certains questionnements reliés au travail. L’appelant a fait valoir au Tribunal que si l’employeur avait transmis des consignes claires, il les aurait respectées. L’appelant a déclaré que le directeur avait donné une consigne concernant l’utilisation des véhicules de la Ville, il avait rencontré les employés pour les aviser qu’il était interdit d’utiliser les véhicules de la Ville pour aller dîner. L’appelant a déclaré que dès que cette consigne a été formulée, il l’a appliqué. Cependant, l’appelant déclare qu’il ne savait pas qu’il devait systématiquement aviser sa superviseure s’il se rendait dans un autre arrondissement pour le travail. L’appelant admet qu’il a pris du temps sur son temps de travail pour aller chercher des cafés chez Tim Horton alors qu’il se déplaçait pour le travail, mais qu’il ne savait pas que c’était interdit. Concernant les bordereaux de temps de travail, l’appelant a déclaré qu’il avait un horaire variable et ne comprend pas comment l’employeur peut lui reprocher d’être arrivé 15 minutes en retard le matin, alors qu’il pouvait prendre moins de temps pour dîner. En l’absence de consignes et de règles claires devant un travail nécessitant un haut degré d’autonomie, l’appelant ne pouvait savoir que ces gestes étaient de nature à provoquer son congédiement. Surtout si cette manière de procéder était établie depuis de nombreuses années, depuis 2010 (Tucker, A-381-85, Procureure générale du Canada c. Mishibinijima 2007 CAF 85 (CanLII).

[44] Afin que le comportement indésirable soit considéré comme une inconduite au sens de la Loi, l’employé doit avoir négligé volontairement les intérêts de l’employeur en commettant des infractions délibérées, ou en ne tenant pas compte des normes de comportement que l’employeur a le droit d’exiger de ses employés ou encore s’il est insouciant à un point tel qu’il fait preuve d’une intention délictuelle. Le Tribunal est d’avis que les explications de l’appelant ne permettent pas de conclure que sa conduite s’apparente à de l’inconduite au sens de la Loi (Tucker, A-381-85).

[45] Les déclarations de l’employeur concernant le vol de temps de travail, notamment les bordereaux de temps remplis par l’appelant qui ne correspondraient pas à la prestation de travail accomplie, ne sont pas appuyés par une preuve matérielle qui auraient pu permettre au Tribunal de trancher en confirmant ou en infirmant les heures réellement travaillées par l’appelant ainsi que celles déclarées. Le Tribunal doit analyser la preuve selon la prépondérance des probabilités. Après avoir soupesé les déclarations présentes au dossier ainsi que les explications plausibles de l’appelant lors de l’audience, le Tribunal donne une prépondérance à son témoignage.

[46] À titre d’inspecteur, l’appelant doit agir de façon responsable et autonome et l’appelant a admis avoir posé certains gestes non souhaitables. Cependant, à titre d’inspecteur, l’appelant gérait son temps depuis de nombreuses années et la preuve présente au dossier de la Commission démontre que l’employeur s’attendait aussi à ce que l’appelant gère son temps lui-même (pièce GD3-35). En l’absence d’avertissements ou d’autres consignes claires, le Tribunal est d’avis que l’appelant ne pouvait pas s’attendre à ce que ses gestes soient susceptibles de provoquer son congédiement et la preuve présente au dossier ne peut permettre de conclure que l’appelant n’a pas respecté une condition matérielle de son emploi (Procureure générale du Canada c. Brissette, A-1342-92).

[47] Comme la Cour l’a déterminé, les intentions de l’appelant doivent être prises en considération afin de déterminer le caractère délibéré du geste posé. L’appelant a témoigné qu’il vivait une situation difficile avec un collègue et il a tenté de trouver des solutions qui sont restées vaines. Le Tribunal estime que l’employeur a même banalisé la plainte de harcèlement déposée par l’appelant (pièce GD3-35). L’appelant a déclaré qu’il était démotivé pendant cette période et que les remarques de son collègue le décourageaient. Étant donné les circonstances présentes au dossier, le Tribunal estime que la conduite de l’appelant ne saurait être considérée comme étant délibérée au point de frôler le caractère volontaire (Tucker, A-381-85).

[48] La Commission n’a pas démontré que les gestes posés par l’appelant étaient volontaires, conscients et délibérés. La preuve démontre que l’appelant a commis certains gestes non souhaitables, mais ceux-ci n’ont pas la teneur d’actes répréhensibles constituant une inconduite en vertu de la Loi parce qu’ils ne sont pas d’une portée telle que l’appelant pouvait normalement prévoir qu’ils seraient susceptible de provoquer son congédiement (Meunier, A-130-96; Joseph, A-636-85).

[49] Le Tribunal estime que l’appelant ne pouvait présumer que son comportement, en se rendant chez Tim Horton pour prendre un café ou lorsqu’il a quitté son arrondissement pour aller dans un autre arrondissement pour le travail, soit de nature à provoquer son congédiement (Procureur général du Canada c. Mishibinijima 2007 CAF 85 (CanLII). Quant aux bordereaux de temps colligés par l’appelant, celui-ci n’a pas tenu un registre de ses allées et venues et la Commission n’a pas non plus produit cette preuve au Tribunal. Après avoir soupesé l’ensemble des déclarations, le Tribunal se satisfait des explications fournies par l’appelant concernant l’horaire variable.

[50] Le Tribunal est d’avis que les gestes posés par l’appelant, dans les circonstances, ne démontrent pas un comportement «volontaire ou délibéré ou résulte d’une insouciance telle qu’il frôle le caractère délibéré » et il estime injustifiée l’imposition d’une exclusion au bénéfice des prestations imposée à l’appelant en raison de sa propre inconduite en vertu des articles 29 et 30 de la Loi.

Conclusion

[51] Après avoir soupesé la preuve et les arguments des parties, le Tribunal est d’avis que l’appelant n’a pas perdu son emploi en raison de sa propre inconduite, en vertu des articles 29 et 30 de la Loi.

[52] L’appel est accueilli.

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi

29 Pour l’application des articles 30 à 33 :

  1. a) emploi s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
  2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;
  3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus  :
    1. (i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin,
    2. (ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre,
    3. (iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert;
  4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci- après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
    1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
    2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
    3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
    4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
    5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
    6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
    7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
    8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
    9. (ix) modification importante des fonctions,
    10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
    11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
    12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
    13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
    14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.

30 (1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :

  1. (a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
  2. (b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

(2) L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.

(3) Dans les cas où l’événement à l’origine de l’exclusion survient au cours de sa période de prestations, l’exclusion du prestataire ne comprend pas les semaines de la période de prestations qui précèdent celle où survient l’événement.

(4) Malgré le paragraphe (6), l’exclusion est suspendue pendant les semaines pour lesquelles le prestataire a autrement droit à des prestations spéciales.

(5) Dans les cas où le prestataire qui a perdu ou quitté un emploi dans les circonstances visées au paragraphe (1) formule une demande initiale de prestations, les heures d’emploi assurable provenant de cet emploi ou de tout autre emploi qui précèdent la perte de cet emploi ou le départ volontaire et les heures d’emploi assurable dans tout emploi que le prestataire perd ou quitte par la suite, dans les mêmes circonstances, n’entrent pas en ligne de compte pour l’application de l’article 7 ou 7.1.

(6) Les heures d’emploi assurable dans un emploi que le prestataire perd ou quitte dans les circonstances visées au paragraphe (1) n’entrent pas en ligne de compte pour déterminer le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées, au titre du paragraphe 12(2), ou le taux de prestations, au titre de l’article 14.

(7) Sous réserve de l’alinéa (1)a), il demeure entendu qu’une exclusion peut être imposée pour une raison visée au paragraphe (1) même si l’emploi qui précède immédiatement la demande de prestations - qu’elle soit initiale ou non - n’est pas l’emploi perdu ou quitté au titre de ce paragraphe.

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