Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Comparutions

Représentante de l’appelante : Elena Kitova

Intimé : M. P.

Introduction

[1] Le 8 février 2016, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a accueilli l’appel interjeté par l’intimé selon lequel la Commission de l’assurance-emploi du Canada (appelante) avait déterminé que l’intimé n’était pas disponible pour travailler conformément à l’alinéa 18(a) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE). L’intimé a assisté à l’audience tenue par la division générale par téléconférence le 6 janvier 2016. Personne n’y était pour le compte de l’appelante.

[2] Une demande de permission d’en appeler de la décision rendue par la division générale a été déposée auprès de la division d’appel le 26 février 2016. La permission d’en appeler a été accordée le 21 avril 2016.

[3] L’appel a été instruit par téléconférence pour les raisons suivantes :

  1. La complexité des questions en litige sous appel;
  2. Les renseignements au dossier, y compris le besoin de renseignements supplémentaires;
  3. L’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

[4] Les faits suivants ont été présentés au Tribunal :

  1. L’intimé a déposé une demande de prestations d’assurance-emploi (AE) débutant le 3 août 2014;
  2. L’intimé ne s’est pas présenté à une séance d’information à l’intention des prestataires, et il n’a pas fourni de formulaire de recherche d’emploi le 17 septembre 2014, malgré que l’appelante lui ait fait parvenir le formulaire et lui ait communiqué des instructions;
  3. L’intimé a déclaré qu’il avait participé à une formation en milieu de travail (en tant que conducteur d’autobus scolaire) du 14 au 17 octobre 2014;
  4. Le 14 novembre 2014, il a expliqué qu’il avait manqué une séance d’information à l’intention des prestataires le 7 octobre 2014 parce qu’il était en formation à ce moment. Il a aussi dit qu’il n’avait pas besoin de chercher un emploi parce qu’il travaillait à temps partiel et comptait continuer à travailler auprès de cet employeur;
  5. L’employeur a confirmé par l’entremise d’une lettre que l’intimé avait été embauché le 22 octobre 2014 pour un poste permanent à temps partiel, et qu’il travaillait une moyenne de 4,5 heures par jour durant les semaines d’école. Dans une autre lettre jointe à celle rédigée par l’employeur, l’intimé a dit : « Comme vous voyez, je ne cherchais pas de travail parce que j’ai maintenant un emploi. »
  6. Au cours d’un appel téléphonique avec l’un des représentants de l’appelante le 26 novembre 2014, l’intimé a répété qu’il avait trouvé du travail et qu’il avait cessé de chercher un autre emploi en date du 22 octobre 2014. Il a aussi dit qu’il n’était pas prêt à quitter son emploi, qu’il cherchait un autre travail à temps partiel, mais qu’il ne tenait pas de dossier sur ses recherches d’emploi;
  7. Le 12 décembre 2014, l’intimé a avisé l’appelante qu’il cherchait un deuxième travail à temps partiel, mais qu’il ne tenait pas de dossier de recherche d’emploi;
  8. On a demandé à l’intimé de fournir un rapport de recherche d’emploi en septembre 2014, en novembre 2014, en décembre 2014 et en février 2015, mais l’intimé n’a fourni aucun formulaire rempli à la suite de ces demandes;
  9. Dans une lettre de décision datée du 12 décembre 2014, l’appelante a avisé l’intimé de ce qui suit :
    1. L’intimé n’a pas prouvé qu’il était disponible pour travailler au sens de la Loi sur l’AE;
    2. Une inadmissibilité d’une durée indéterminée lui serait imposée à compter du 22 octobre 2014.
  10. L’intimé a demandé une révision de la décision;
  11. Dans une lettre datée du 19 juillet 2015, l’appelante a communiqué la décision découlant de la révision selon laquelle elle maintenait sa décision initiale;
  12. L’intimé a interjeté appel de la décision découlant de la révision devant la division générale et a fait valoir qu’il avait fourni des rapports par téléphone, qu’il trouvait la situation déroutante, qu’il avait reçu une formation pour devenir conducteur d’autobus scolaire, qu’il avait été embauché après avoir terminé sa formation, et qu’il travaillait toujours;
  13. L’intimé a déclaré au cours de l’audience devant la division générale qu’il avait cessé de chercher un emploi à temps plein après avoir été embauché comme conducteur d’autobus scolaire à temps partiel. Il refusait de quitter son emploi à temps partiel pour travailler à temps plein, et il avait fait des efforts pour trouver un deuxième emploi à temps partiel pour compléter les heures durant lesquelles il travaillait déjà.

[5] La division générale a conclu que l’intimé était disponible au cours de la période pertinente et qu’il était incapable de trouver un autre emploi convenable. Par conséquent, il avait démontré qu’il était capable de travailler et qu’il était disponible à cette fin. La division générale a conclu que l’intimé était admissible aux prestations d’AE à compter du 22 octobre 2014 et jusqu’à la fin de sa période d’admissibilité.

Question en litige

[6] La division générale a-t-elle rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier?

[7] La division générale a-t-elle fondé sa décision sur une erreur mixte de fait et de droit?

[8] Le Tribunal doit décider si la division d’appel devrait rejeter l’appel, rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, renvoyer l’affaire à la division générale pour révision, confirmer, infirmer ou modifier la décision.

Droit applicable

[9] Selon le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[10] La permission d’en appeler a été accordée parce que l’appelante avait exposé des motifs correspondant aux moyens d’appel énumérés et qu’au moins un de ces motifs conférait à l’appel une chance raisonnable de succès, en l’occurrence les motifs ayant trait aux moyens d’appel prévus aux alinéas 58(1)b) et c) de la LMEDS.

[11] Le paragraphe 59(1) de la LMEDS énonce les pouvoirs dont dispose la division d’appel.

[12] Le paragraphe 18(1) de la Loi sur l’AE fait partie des dispositions pertinentes en l’espèce :

18(1) Le prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations pour tout jour ouvrable d’une période de prestations pour lequel il ne peut prouver qu’il était ce jour-là

  1. a) soit capable de travailler et disponible à cette fin et incapable d’obtenir un emploi convenable;
  2. b) soit incapable de travailler par suite d’une maladie, d’une blessure ou d’une mise en quarantaine prévue par règlement et aurait été sans cela disponible pour travailler;
  3. c) soit en train d’exercer les fonctions de juré.

Observations

[13] L’appelante a présenté les observations suivantes :

  1. La division générale a erré en droit en accueillant l’appel de l’intimé sur la question de la disponibilité;
  2. La division générale n’a pas appliqué les trois critères établis dans Faucher v. Canada (Commission de l’emploi et de l’immigration), A-56-96;
  3. L’intimé n’a satisfait à aucun des trois critères établis dans Faucher :
    1. La volonté de réintégrer le marché du travail : L’intimé a dit avoir cessé de chercher un autre travail;
    2. L’expression de cette volonté grâce à des efforts pour trouver un emploi convenable : L’intimé n’a pas fourni de formulaire de recherche d’emploi bien qu’on lui ait demandé plusieurs fois;
    3. Éviter d’établir des conditions personnelles pouvant limiter indûment les chances de retour sur le marché du travail : L’intimé a limité indûment ses chances de réintégrer le marché du travail en ne cherchant qu’un emploi à temps partiel dont l’horaire serait adapté à son emploi de conducteur d’autobus scolaire à temps partiel.
  4. Bien que l’intimé puisse croire qu’il était raisonnable de cesser sa recherche d’emploi parce qu’il travaillait à temps partiel, il s’agit d’un manquement au critère relatif à la disponibilité;
  5. Le formulaire de recherche d’emploi que l’intimé a fourni à Service Canada en janvier 2016 n’a pas influencé la position de l’appelante. Le formulaire a été fourni après l’audience devant la division générale, et il ne porte que sur une demande d’emploi en août 2015.

[14] L’intimé n’a pas déposé d’observations écrites, mais il a présenté les observations de vive voix suivantes lors de l’audience en appel :

  1. Il était disponible pour travailler à temps plein, mais il a commis des erreurs dans la production de ses rapports;
  2. Il ne connaissait pas bien le processus d’AE, il ne savait pas comment présenter des rapports adéquats et il était nouveau au Canada;
  3. Il a envoyé un rapport de recherche d’emploi à Service Canada en janvier 2016, après qu’un membre de la division générale lui ait demandé d’en remplir un;
  4. Il a commis une erreur en signalant qu’il n’était pas disponible pour travailler parce qu’il avait un emploi à temps partiel. Il était disponible pour travailler et il cherchait un emploi à temps plein;
  5. La division générale a pris la bonne décision, et il n’avait rien d’autre à ajouter.

Analyse

[15] La division d’appel du Tribunal a accordé la permission d’en appeler selon le motif que la division générale pourrait avoir commis une erreur de droit ou de fait et de droit en rendant sa décision.

[16] Plus précisément, la décision relative à cette demande de permission d’en appeler affirmait :

[14] L’explication de la [division générale] était qu’elle préférait les observations et les éléments de preuve du prestataire à celles de la Commission. Il ressort bel et bien de la compétence de la [division générale] de préférer une preuve à une autre; la [division générale] est juge des faits; son rôle est de soupeser les éléments de preuve et de tirer les conclusions juridiques qui s’imposent à la suite de son examen de ces éléments de preuve. Toutefois, les conclusions de fait de la [division générale] doivent prendre en considération les faits portés à sa connaissance et ne doivent pas être tirées de façon abusive ou arbitraire.

[15] Dans l’affaire Oberde Bellefleur OP Clinique dentaire c. Canada (Procureur général), (2008) CAF 13, la Cour d’appel fédérale a eu cette mise en garde : si un conseil arbitral décide qu’une preuve contradictoire doit être écartée ou qu’elle mérite qu’on lui accorde moins de poids ou encore aucun poids, elle doit expliquer les raisons de sa décision, sinon il y a risque que sa décision soit entachée d’une erreur de droit ou qu’elle soit qualifiée d’arbitraire.

[16] Il y a lieu d’examiner si la [division générale] a suffisamment expliqué les raisons de sa conclusion au paragraphe [21] de sa décision.

[17] Le paragraphe 21 de la décision rendue par la division générale énonçait ce qui suit :

[21] Le membre a pris en considération la preuve et les observations. Celles de la Commission étaient concises et conformes au droit applicable. Celles du demandeur, à savoir qu’il travaillait, étaient également conformes. Selon la prépondérance des probabilités, le membre préfère les observations et les éléments de preuve du demandeur.

Norme de contrôle

[18] L’appelante a déclaré que, pour des questions de droit, la division d’appel ne doit pas faire preuve de déférence à l’égard des conclusions tirées par la division générale. Cependant, pour les questions mixtes de fait et de droit, la division d’appel doit fait preuve de déférence à l’égard de la division générale et peut seulement intervenir si la décision de la division générale est fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[19] La Cour d’appel fédérale a déterminé dans Canada (Procureur général) c. Jewett, 2013 CAF 243, Chaulk c. Canada (Procureur Général), 2012 CAF 190 et dans d’autres affaires que la norme de contrôle à appliquer aux questions de droit et de compétence dans les appels relatifs à l’AE auprès du Conseil arbitral est celle de la décision correcte, tandis que la norme de contrôle applicable aux questions de fait et aux questions mixtes de fait et de droit est celle de la raisonnabilité.

[20] Jusqu’à tout récemment, la division d’appel considérait que les décisions de la division générale pouvaient être révisées selon les mêmes normes applicables aux décisions du Conseil arbitral.

[21] Cependant, dans les arrêts Canada (Procureur général) c. Paradis et Canada (Procureur général) c. Jean, (2015) CAF 242, la Cour d’appel fédérale a suggéré que cette approche ne convient pas lorsque la division d’appel du Tribunal révise les décisions en matière d’assurance-emploi rendues par la division générale.

[22] La Cour d’appel fédérale, dans Maunder c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 274, a fait référence à Jean, précité, et a déclaré qu’il n’était pas nécessaire que la Cour se penche sur la question de la norme de contrôle que la division d’appel doit appliquer aux décisions de la division générale. L’affaire Maunder portait sur une demande de pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada.

[23] Dans l’affaire Hurtubise v. Canada (Procureur général), 2016 CAF 147, la Cour d’appel fédérale a examiné une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue par la division d’appel qui avait rejeté un appel d’une décision de la division générale. La division d’appel avait appliqué la norme de contrôle suivante : celle de la décision correcte quant aux questions de droit et celle de la décision raisonnable quant aux questions de fait et de droit. La division d’appel avait conclu que la décision de la division générale était « compatible avec les éléments de preuve portés à sa connaissance et qu’il s’agit d’une décision raisonnable […] ». La division d’appel a mis en application l’approche que la Cour d’appel fédérale avait jugée comme inappropriée dans l’arrêt Jean, précité, mais la décision de la division d’appel avait été rendue avant celle de l’affaire Jean. Dans l’arrêt Hurtubise, la Cour d’appel fédérale n’a fait aucun commentaire au sujet de la norme de contrôle et a conclu qu’elle était « incapable de conclure à une décision déraisonnable de la part de la division d’appel ».

[24] Dans une affaire récente intitulée Canada (Procureur général) v. Peppard, 2017 CAF 110, la Cour d’appel fédérale a souligné que la division d’appel avait conclu qu’il était « raisonnable » de la part de la division générale d’avoir déterminé que le prestataire était fondé à quitter son emploi (c’est-à-dire que la division d’appel avait appliqué la norme de contrôle de la raisonnabilité pour trancher une question de fait). La décision de la division d’appel dans l’affaire Peppard a été rendue après la décision Jean. La Cour d’appel fédérale n’a pas fourni de commentaires concernant la norme de contrôle que la division d’appel devrait appliquer aux décisions de la division générale, mais elle estimait que « la décision qui faisait l’objet de la révision était raisonnable ».

[25] Il semble y avoir divergence en ce qui a trait à l’approche que la division d’appel du Tribunal devrait suivre lorsqu’elle révise des décisions relatives à des appels de l’AE rendues par la division générale, et particulièrement à savoir si la norme de contrôle pour les questions de droit et de compétence pour les appels relatifs à l’AE de la division générale diffère de la norme de contrôle des questions de fait et les questions mixtes de fait et de droit.

[26] Je ne sais pas vraiment comment résoudre ces divergences apparentes. En tant que tel, je vais considérer cet appel en me référant aux dispositions d’appel prévues dans la LMEDS et sans référence aux critères « raisonnable » et « correct » puisqu’ils sont reliés à la norme de contrôle.

Non-admissibilité pour indisponibilité

[27] L’article 18 de la Loi sur l’AE se rapporte à l’inadmissibilité en raison de non-disponibilité. Un prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations pour tout jour ouvrable pour lequel il ne peut prouver qu’il était, ce jour-là, capable de travailler et disponible à cette fin et incapable d’obtenir un emploi convenable.

[28] La division générale fait référence à l’affaire Faucher et a conclu que l’intimé était disponible pour travailler « du 22 octobre 2014 jusqu’à la fin de sa période d’admissibilité ».

[29] Dans l’affaire Faucher, la Cour d’appel fédérale a établi que le prestataire d’AE doit satisfaire à trois critères pour être jugé disponible pour travailler : la volonté de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable serait offert, l’expression de cette volonté par des efforts pour se trouver cet emploi convenable, et le non-établissement de conditions personnelles pouvant limiter indûment les chances de retour sur le marché du travail.

[30] L’appelante a déclaré que la division générale avait mal interprété le concept de disponibilité, et qu’elle avait donc erré en droit. L’appelante soutient également qu’aucune des preuves fournies avant ou pendant l’audience devant la division générale ne démontre que l’intimé était disponible pour travailler (autrement que d’une manière indûment limitée). Par conséquent, l’intimé ne pouvait pas respecter le critère Faucher afin de prouver sa disponibilité.

[31] L’intimé a déclaré qu’il était disponible pour travailler à partir du 22 octobre 2014 et qu’il avait fourni des rapports inadéquats parce qu’il était désorienté. L’intimé comptait sur des faits et des arguments qu’il avait fournis à la division générale et souhaitait se servir d’un formulaire de recherche d’emploi qu’il avait soumis à Service Canada en janvier 2016.

Formulaire de recherche d’emploi de janvier 2016

[32] Le formulaire de recherche d’emploi de janvier 2016 (FRE 2016) a été estampillé comme ayant été « reçu » par Service Canada et Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC) comme suit : RHDCC C. P. le 14 janvier 2016; Service Canada, Vaughn, Ontario le 19 janvier 2016; Service Canada, nord de la région du Grand Toronto, Unité de l’ECR le 21 janvier 2016; et RHDCC, C. P. le 28 janvier 2016. La demande a été reçue par le Tribunal le 4 février 2016.

[33] Ce formulaire de janvier 2016 n’a pas été fourni comme preuve à l’audience de la division générale le 6 janvier 2016. Le formulaire est daté du 8 janvier 2016, et il a été rempli après l’audience. Il n’en est pas fait mention dans la décision de la division générale. Il s’agit donc d’une nouvelle preuve fournie à la division d’appel.

[34] La première question à trancher est donc celle visant à déterminer si cette nouvelle preuve que l’intimé souhaite fournir, le FRE 2016, peut être acceptée par la division d’appel.

[35] Des décisions rendues par la Cour d’appel fédérale ont prescrit ce qui suit :

  1. Les juges-arbitres ne devraient jamais admettre de nouveaux éléments de preuve : Canada (Procureur général) c. Taylor, (1991) A.C.F. no 508, Canada (Procureur général) c. Hamilton, (1995) A.C.J. no 1230, Brien c. Canada (CAE), (1997) A.C.F. no 492, Canada (Procureur général) c. Merrigan, (2004) CAF 253 et Karelia c. Canada (MRHDS), (2012) CAF 140;
  2. Les juges-arbitres pouvaient admettre de nouveaux éléments de preuve dans la mesure où il s’agissait de « faits nouveaux » en vertu de (l’ancien) article 120 de la Loi sur l’AE : Canada (MEI) c. Bartone, (1989) A.C.F. n o 21, Canada (P.G.) c. Wile, (1994) A.C.F. n o 1852, Canada (P.G.) c. Chan, (1994) A.C.F. no 1916;
  3. Les juges-arbitres pouvaient considérer de nouveaux éléments de preuve, qui n’étaient pas des « faits nouveaux », s’ils concernaient un manquement à la justice naturelle : Velez c. Canada (P.G.), (2001) CAF 343;
  4. Les juges-arbitres pouvaient, dans un cas exceptionnel, considérer une nouvelle preuve qui n’était pas des « faits nouveaux » en vertu de l’ancien article 120 de la Loi sur l’AE : Dubois c. Canada (CAE), (1988) A.C.F. n o 768 et Canada (P.G.) c. Courchene, 2007 CAF 183.

[36] Dans la décision Rodger c. Canada (P.G.), (2013) CAF 222, la Cour d’appel fédérale a dû faire face à un appelant qui a tenté de présenter de nouveaux éléments de preuve devant le juge-arbitre, il a tenté de présenter ces mêmes éléments comme des faits nouveaux en se fondant sur une demande d’annulation ou de modification de la décision initiale du juge-arbitre, puis a tenté de présenter une nouvelle preuve devant la Cour d’appel fédérale. La décision de la Cour d’appel fédérale a fait valoir que :

26 Même si un plaideur ne comprend pas entièrement la procédure à laquelle il participe, ou ne saisit pas l’importance d’un élément de preuve en particulier, le rôle de notre Cour se limite à contrôler les décisions qui lui sont présentées en fonction des éléments de preuve dont disposait le décideur (Ray c. Canada, (2003) CAF 317 (CanLII), (2003) 4 C.T.C. 206, au paragraphe 5). Il ne s’agit pas en l’espèce d’un des rares cas appelant une exception, par exemple une affaire où la Cour doit décider s’il y a eu manquement à l’équité procédurale. Le juge-arbitre a tranché l’appel en fonction des éléments de preuve à sa disposition, qui consistait en tous les documents produits devant le conseil et les témoignages relevés dans la décision du conseil, puisqu’il n’y avait pas de transcription de l’audience. La Cour doit se servir du même dossier aux fins du contrôle de la décision du juge-arbitre.

27 Lorsqu’il a présenté son premier appel devant le juge-arbitre, le demandeur tentait de faire instruire de nouveau sa cause sur le fond. Malheureusement, le rôle du juge-arbitre ne consistait pas à réexaminer, de novo, son appel de la décision de la Commission, pas plus que le rôle de la Cour, dans le cadre de la procédure en contrôle judiciaire, ne consiste à réexaminer, de novo, l’affaire ou les questions dont était saisi le juge-arbitre, comme je l’ai déjà expliqué.

43 Comme la Cour l’a observé par l’arrêt Canada (Procureur général) c. Chan, (1994) 178 N.R. 372 (CAF) au paragraphe 10 (Chan), le réexamen aux termes de cet article de la Loi doit demeurer une « mesure très peu fréquente » et le juge-arbitre doit s’assurer que les « prestataires négligents ou malavisés » n’abusent pas de ce processus. Comme il est signalé de façon non équivoque dans l’arrêt Chan, une version différente plus détaillée des faits déjà connus du prestataire ou la constatation soudaine des conséquences d’actions passées ne constituent pas des faits nouveaux.

[37] Conformément aux paragraphes 266 et 267 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable de 2012, ch. 19, le bureau du juge-arbitre a été remplacé par la division d’appel du Tribunal.

[38] Pour déterminer si la division d’appel peut accepter une nouvelle preuve, les quatre questions suivantes doivent être posées :

  1. La division d’appel peut-elle annuler ou modifier une décision de la division générale?
  2. Les nouveaux éléments de preuve sont-ils des « faits nouveaux »?
  3. Si les nouveaux éléments de preuve ne sont pas des « faits nouveaux » les nouveaux éléments de preuve sont-ils liés à un manquement à la justice naturelle?
  4. Si les nouveaux éléments de preuve ne sont pas des « faits nouveaux » existe-t-il des circonstances exceptionnelles comme dans les arrêts Dubois ou Courchene?

a) La division d’appel peut-elle annuler ou modifier une décision de la division générale?

[39] L’alinéa 66(1)a) de la LMEDS indique qu’une décision pourrait être annulée ou modifiée « si de nouveaux faits sont présentés » ou si le Tribunal est convaincu que la décision a été rendue avant que soit connu un fait essentiel ou a été fondée sur une erreur relative à un tel fait.

[40] La division d’appel peut annuler ou modifier une décision qu’elle a rendue, mais ne peut pas annuler ou modifier une décision de la division générale. Une demande d’annulation ou de modification d’une décision de la division générale devrait être présentée à la division générale du Tribunal.

[41] Étant donné le délai d’un an pour présenter la demande d’annulation ou de modification, il est trop tard pour que l’intimé puisse présenter une demande à la division générale. Dans tous les cas, l’intimé ne demande pas l’annulation ou la modification de la décision rendue par la division générale. L’intimé avait eu gain de cause.

b) Les nouveaux éléments de preuve sont-ils des « faits nouveaux »?

[42] En l’espèce, il n’est pas nécessaire de déterminer si la nouvelle preuve représente de « faits nouveaux ». Il est suffisant de souligner que :

  1. Les « faits nouveaux » doivent s’être produits après la décision ou avant celle-ci, à condition qu’ils aient été impossibles à révéler malgré la diligence : décision Chan, précitée.
  2. L’intimé compte sur le FRE 2016 comme preuve pour démontrer qu’il a postulé à un emploi à temps plein en août 2015.
  3. Bien que le document n’existait pas au moment où s’est déroulée l’audience devant la division générale, l’intimé, s’il avait exercé une diligence, aurait pu fournir une preuve documentaire de sa demande d’emploi d’août 2015 avant ou durant l’audience.

[43] La nouvelle preuve ne représente pas de « faits nouveaux » au sens de l’alinéa 66(1)a) de la LMEDS.

c) Les nouveaux éléments de preuve sont-ils liés à un manquement à la justice naturelle?

[44] Ni l’appelante ni l’intimé ne fondent leurs arguments sur un manquement à la justice naturelle en l’espèce.

[45] De plus, les nouveaux éléments de preuve que l’intimé désire soumettre ne sont pas liés à un manquement au principe de justice naturelle. Ils ne peuvent être reçus par la division d’appel selon l’exception établie dans l’affaire Velez.

d) Existe-t-il des circonstances exceptionnelles comme dans les décisions Dubois ou Courchene?

[46] Les affaires Courchene, précité, et Canada (P.G.) c. Boulton (1998), 208 N.R. 63 (CAF) portaient sur des documents qui servaient de règlement à un conflit de travail ou d’emploi entre un prestataire d’AE et son ancien employeur. Dubois, précité, a été confirmé dans l’affaire Courchene.

[47] Dans l’affaire Courchene, le juge-arbitre a accueilli en tant qu’élément de preuve le procès-verbal du règlement qui n’était pas devant le conseil, sous forme d’une demande de modification et d’annulation. Dans l’affaire Boulton, l’accord était un élément de preuve devant le conseil. Dans l’arrêt Dubois, la Cour d’appel fédérale a souligné que le nouvel élément de preuve, sous forme de certificat médical, aurait dû être accueilli afin d’être présenté devant le juge-arbitre là où aucune demande de modification ou d’annulation n’avait été soulevée.

[48] En l’espèce, l’appelante a déclaré que la division d’appel ne pouvait accepter le nouveau document sans se référer à la jurisprudence ou aux dispositions législatives.

[49] Je remarque que le courant jurisprudentiel des affaires Dubois, Courchen et Boulton a été conclu selon un régime qui permettait qu’un juge-arbitre modifie ou annule une décision du conseil. Comme il a déjà été mentionné, la division d’appel ne peut annuler ou modifier une décision rendue par la division générale. Toutefois, la division d’appel considérait que les décisions de la division générale pouvaient être révisées selon les mêmes normes qui s’appliquaient aux décisions du conseil (appels devant le juge-arbitre).

[50] En considérant les décisions des affaires Paradis, Maunder et Hurtubise, précitées, ainsi que les différences entre l’article 66 de la LMEDSS et l’ancien article 120 de la Loi sur l’AE (disposition pour la modification ou l’annulation), je suis convaincue que ce courant jurisprudentiel lie la révision d’une décision de la division générale par la division d’appel.

[51] Une lecture de la jurisprudence permet de limiter son application aux affaires d’inconduite pour lesquelles un accord de règlement entre le prestataire et l’employeur était contradictoire à une conclusion d’inconduite du prestataire. Par contre, certaines décisions de la division d’appel ont allégué que ces affaires ne sont pas limitées à ce but : par exemple DA-14-99 (C. B. c. Commision de l’assurance-emploi du Canada, 2016 TSSDAAE 40).

[52] La présente décision ne correspond pas à l’application limitée de ces affaires.

[53] Bien qu’il y ait des exceptions qui pourraient permettre à la division d’appel d’accepter de nouvelles preuves, ces exceptions ne s’appliquent pas en l’espèce. L’appelante a demandé plusieurs fois à l’intimé de fournir un formulaire de recherche d’emploi (document officiel du processus d’AE), mais il n’en a pas fourni à temps. Le FRE 2016 associé à une demande d’emploi présentée en août 2015 a peu de valeur probante puisque l’intimé est devenu inadmissible le 22 octobre 2014. Au cours de l’audience d’appel, on a demandé à l’appelante si une recherche d’emploi entreprise en août 2015 aurait changé sa décision par rapport à l’inadmissibilité. L’appelante a répondu que non, et elle a répété qu’on avait demandé cinq fois à l’intimé de fournir un rapport de recherche d’emploi à compter de septembre 2014.

[54] Pour les raisons énoncées aux paragraphes 32 à 53 de cette décision, la division d’appel ne peut accepter la nouvelle preuve (FRE JSF) présentée par l’intimé.

Disponibilité et erreur de la division générale

[55] La division générale a conclu que l’intimé était disponible pour travailler parce qu’elle a accordé plus d’importance à la preuve et aux observations présentées par l’intimé qu’à celles de l’appelante. Toutefois, la division générale n’a pas expliqué pourquoi elle avait accordé cette préférence.

[56] Dans l’affaire Oberde Bellefleur op clinique dentaire o. Bellefleur c. Canada (Procureur général), 2008 CAF 13, la Cour d’appel fédérale a eu cette mise en garde : si un conseil arbitral décide qu’une preuve contradictoire doit être écartée ou qu’elle mérite qu’on lui accorde moins de poids ou encore aucun poids, elle doit expliquer les raisons de sa décision, sinon il y a risque que sa décision soit entachée d’une erreur de droit ou qu’elle soit qualifiée d’arbitraire.

[57] La preuve documentaire fournie à la division générale par l’appelante était contradictoire aux documents déposés par l’intimé et à son témoignage devant la division générale.

[58] Le dossier de révision de l’appelante comprend des rapports produits par l’intimé selon lesquels il n’était pas prêt à modifier son horaire de cours ou à interrompre sa formation pour accepter un emploi, et il ne cherchait pas de travail parce qu’il aurait un emploi à temps partiel après avoir réussi sa formation. Après avoir été avisé de que son admissibilité serait examinée, l’intimé a changé ses déclarations et a insisté qu’il sur le fait qu’il cherchait du travail. Toutefois, il n’a pas fournir de formulaire de recherche d’emploi, bien qu’on lui ait plusieurs fois demandé d’en fournir un.

[59] Au cours de l’audience devant la division générale, l’intimé a déclaré qu’il ne cherchait pas de travail à temps plein parce qu’il ne voulait pas quitter son emploi à temps partiel, et qu’il cherchait plutôt un deuxième emploi à temps partiel pour compléter les heures durant lesquelles il travaillait déjà. Cette déclaration correspond à celle faite dans une lettre que l’intimé a rédigée le 17 novembre 2014 dans laquelle il a dit ce qui suit en référence aux semaines du 27 au 31 octobre et du 3 au 7 novembre : « Je ne cherchais pas de travail parce que j’ai maintenant un emploi. »

[60] Il appartenait à la division générale d’expliquer les raisons pour lesquelles elle a ignoré ou accordé peu d’importance à certaines preuves et accordé la préférence à d’autres, et elle ne l’a pas fait. La division générale a donc rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[61] Il s’agit d’une erreur sujette à révision conformément à l’alinéa 58(1)c) de la LMEDS.

[62] En raison de cette erreur, la division d’appel doit procéder à sa propre analyse et déterminer s’il y a lieu de rejeter l’appel, de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, de renvoyer l’affaire à la division générale, ou encore de confirmer, d’infirmer ou de modifier la décision en conformité avec le paragraphe 59(1) de la LMEDS.

[63] Est-ce que la division d’appel est en mesure de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre sur cette question? J’estime qu’elle l’est, puisqu’aucune autre preuve n’est demandée aux parties.

Décision de la division d’appel

[64] La division générale a conclu que l’intimé avait été embauché en octobre 2014 en tant que conducteur d’autobus scolaire à temps partiel, qu’il ne cherchait pas de travail à temps plein et qu’il avait fait des efforts pour trouver un deuxième emploi à temps partiel pour compléter son horaire de travail courant.

[65] À l’audience devant la division d’appel, l’appelante a fait valoir que la division générale avait mal appliqué le critère relatif à l’affaire Faucher puisque l’intimé ne pouvait satisfaire aux trois critères établis dans Faucher, soit :

  1. La volonté de réintégrer le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable est offert;
  2. L’expression de cette volonté par des efforts pour trouver un emploi convenable;
  3. L’absence de conditions personnelles pouvant limiter indûment les chances de retour sur le marché du travail.

[66] Je remarque que les observations que l’intimé a présentées à la division d’appel sont différentes de celles présentées à la division générale. L’intimé a déclaré devant la division d’appel qu’il était disponible pour travailler à temps plein et qu’il cherchait un emploi à temps plein depuis le 22 octobre 2014. Devant la division générale, il a déclaré qu’il ne cherchait pas de travail à temps plein et qu’il n’était pas prêt à quitter son emploi à temps partiel.

[67] Le rôle de la division générale en tant que juge des faits consiste à soupeser la preuve et à en tirer des conclusions en s’appuyant sur une appréciation de cette preuve. La division d’appel n’est pas le juge des faits.

[68] Il ne m’appartient pas, comme membre de la division d’appel du Tribunal saisie de cet appel, d’examiner et d’évaluer les éléments de preuve dont disposait la division générale dans l’optique de remplacer les conclusions de fait qu’elle a tirées par mes propres conclusions. Mon rôle consiste à déterminer si la division générale a commis l’une des erreurs susceptibles de révision énumérées au paragraphe 58(1) de la LMEDS et, si tel est le cas, de fournir réparation. La division d’appel n’a pas pour rôle d’entendre l’affaire de nouveau. La division d’appel ne permet pas à une partie de témoigner dans le but de fournir de nouvelles preuves ou de modifier renseignements qui ont déjà été présentés.

[69] J’accepte la conclusion de fait tirée par la division générale selon laquelle l’intimé a été embauché en octobre 2014 comme conducteur d’autobus scolaire à temps partiel et il n’a pas cherché d’emploi à temps plein par après. Il cherchait plutôt un deuxième emploi à temps partiel pour compléter son horaire de travail et il n’était pas prêt à quitter son emploi de conducteur d’autobus à temps partiel.

[70] En ce qui a trait aux trois facteurs relatifs à l’affaire Faucher :

  1. La volonté de réintégrer le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable est offert : l’intimé n’était pas prêt à quitter son emploi à temps partiel et il ne cherchait pas d’emploi à temps plein;
  2. L’expression de cette volonté par des efforts pour trouver un emploi convenable : l’intimé n’a pas fourni de preuve démontrant qu’il cherchait un emploi entre septembre 2014 (lorsqu’on lui a demandé pour la première fois) et août 2015;
  3. L’absence de conditions personnelles pouvant limiter indûment les chances de retour sur le marché du travail : l’intimé s’est imposé des conditions comme le refus de quitter son emploi de conducteur d’autobus à temps partiel et la recherche d’un deuxième emploi à temps partiel qui compléterait les heures durant lesquelles il travaillait déjà.

[71] La question relative à la disponibilité de l’intimé pour travailler est une question de fait : Canada (P.G.) v. Lavita, 2017 CAF 82. J’en conclus que l’intimé n’a pas respecté les facteurs relatifs à Faucher, et qu’il n’était donc pas disponible pour travailler au cours de la période pertinente.

[72] En considérant les observations des parties, ma révision de la décision rendue par la division générale et du dossier d’appel, je conclus que la division générale a tiré une conclusion de fait erronée lorsqu’elle a rendu sa décision, et j’accueille l’appel.

[73] Dans les circonstances actuelles, je suis en mesure de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, soit le rejet de l’appel de l’intimée devant la division générale.

Conclusion

[74] L’appel est accueilli et la décision de la division générale est annulée.

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