Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision



Motifs et décision

Comparutions

Le prestataire, monsieur J. S., et son représentant, M. Bernie Hughes, ont participé à l’audience par téléconférence depuis des endroits différents.

Introduction

[1] Le prestataire a quitté volontairement son emploi le 17 août 2015 parce que les pratiques illégales de son employeur bafouaient sa moralité et son intégrité et après le dernier incident; il n’avait pas d’autre solution que de quitter son emploi.

[2] Le 9 octobre 2015, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) a rejeté la demande de prestations régulières d’assurance-emploi du prestataire. Il a été établi que le prestataire avait quitté volontairement son emploi sans justification parce son départ ne constituait pas la seule solution raisonnable dans son cas.

[3] Le prestataire a demandé à la Commission de réexaminer sa décision; toutefois, le 21 janvier 2016, la Commission a maintenu sa décision.

[4] Le 18 février 2016, le prestataire a interjeté appel de la décision de la Commission auprès de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale (le Tribunal).

[5] L’audience avait d’abord été fixée au 7 septembre 2016, mais le prestataire a demandé son ajournement (GD6 et GD7). L’audience du 10 janvier 2017 a dû être ajournée une deuxième fois en raison de circonstances exceptionnelles alors que le représentant du prestataire n’a pu y assister (GD8). Après plusieurs tentatives de la part du Tribunal pour obtenir une date d’audience convenable du prestataire et de son représentant et après avoir attendu un mois de plus, le 9 mars 2017, le Tribunal a fixé la date d’audience au 9 mai 2017 (GD9).

[6] La présente audience s’est déroulée par téléconférence compte tenu a) de la complexité de la ou des questions faisant l’objet de l’appel b) du fait que la crédibilité ne figurera probablement pas au nombre des questions principales et c) du fait que le mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle le permettent.

Question en litige

[7] Le membre doit déterminer si le prestataire était fondé à quitter son emploi le 17 août 2017 et s’il devrait être exclu du bénéfice des prestations en application des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance‑emploi (la Loi).

Preuve

[8] Le prestataire a présenté une demande de prestations régulières d’assurance‑emploi après avoir quitté l’emploi qu’il exerçait depuis 18 ans comme contremaître et gestionnaire de projet pour une entreprise de construction résidentielle sur mesure. Il a indiqué initialement avoir quitté son emploi en raison de la discrimination et du harcèlement subis par le propriétaire de l’entreprise (R.) et d’un conflit personnel avec lui. Il a déclaré à la Commission que l’employeur effectuait des travaux de construction ou allait de l’avant avec des projets sans posséder les permis appropriés et sans en avertir les propriétaires et que c’est lui qui devait en assumer les conséquences.

[9] Le prestataire a décrit un incident à son retour des vacances de Noël au cours duquel il avait découvert que des travailleurs construisaient une remise sans avoir les approbations ni les permis appropriés. Lorsqu’il en a fait part à l’employeur, celui‑ci l’a assuré que les approbations avaient été obtenues, mais lorsqu’il a effectué lui‑même le suivi, il a constaté que les approbations et demandes officielles étaient toujours requises, ce qui exposait les propriétaires à des risques. Il a souligné que l’on s’attendait à ce qu’il rectifie la situation en transgressant et en manipulant le processus afin d’assurer la progression du projet. Cela n’a pas plu à la municipalité, qui a exigé que l’employeur mette en œuvre un plan de correction. L’employeur a ignoré l’exigence et a continué les travaux d’aménagement paysager et de construction. Le prestataire devait gérer la situation et mentir aux propriétaires, qui ignoraient totalement qu’ils n’avaient pas l’approbation nécessaire. Cette situation s’est poursuivie pendant des mois, demeurant irrésolue, et les propriétaires ignoraient toujours qu’ils n’avaient pas de permis pour la remise.

[10] Le dernier incident s’est produit à son retour de vacances le 17 août 2015, à un autre endroit, où il a avisé les propriétaires lors d’une rencontre que le changement de plans expliqué par l’employeur coûterait trois fois plus que prévu selon le sous‑traitant. Après la rencontre, l’employeur a réagi avec colère à ce qu’il avait dit et lui a signalé qu’il avait beaucoup de problèmes avec lui. L’employeur (R.) l’a injurié, lui a dit qu’ils devaient se parler et qu’il devait vider son camion. Le prestataire a déclaré à la Commission que l’employeur l’avait appelé pour qu’ils discutent de leurs problèmes, mais qu’il avait refusé de le faire et l’avait avisé qu’il partait.

[11] Le prestataire a précisé qu’il n’avait pas envisagé de quitter son emploi. Toutefois, au cours des huit mois précédant le dernier incident, il avait dû mentir à des clients et compromettre son honnêteté, son intégrité et son sens moral. Il s’est entretenu avec l’employeur et estime avoir déployé des efforts raisonnables pour s’ajuster à leurs différends en ce qui a trait aux pratiques commerciales de l’employeur. Cependant, l’employeur n’était pas disposé à changer et l’a blâmé et injurié, le faisant se sentir incompétent et craintif à l’idée de commettre une erreur. Il n’a pas consulté d’organismes externes pour dénoncer l’employeur parce que cela n’aurait fait qu’empirer grandement les choses pour les propriétaires, l’employeur et lui (GD3-3 à GD3‑17, GD3-20 et GD3-24).

[12] L’employeur a confirmé sur le relevé d’emploi (RE) et à la Commission que le prestataire avait quitté son emploi le 17 août 2015. L’employeur a indiqué à la Commission que pour ce qui est de la question de la remise, un ingénieur l’avait approuvée, mais pas la municipalité. L’employeur a déclaré qu’ils avaient dû engager certaines négociations pour régler le problème et qu’ils ne devaient pas [traduction] « […] inquiéter le propriétaire à ce sujet ». Il incombait au prestataire, à titre de gestionnaire de projet, de faire affaire avec les entrepreneurs, et il n’y pouvait rien si le prestataire en avait assez d’être l’« intermédiaire », car c’était la nature de son travail. L’employeur a admis avoir injurié le prestataire (GD3-18 et GD3‑22).

[13] Le 3 octobre 2015, la Commission a informé le prestataire de sa décision de lui refuser de lui verser des prestations. La Commission n’a pas jugé que la situation d’emploi était intolérable au point où il ne pouvait pas envisager certaines solutions raisonnables, y compris celle de parler à son employeur et de tenter de résoudre les problèmes avec lui, de trouver un autre emploi ou de dénoncer l’employeur aux autorités compétentes avant de partir. La Commission a déterminé que le prestataire avait quitté volontairement son emploi sans justification parce que cela ne constituait pas la seule solution raisonnable dans son cas (GD3-24 à GD3-26).

[14] Le prestataire a demandé à la Commission de réexaminer sa décision. La Commission a parlé à deux reprises au représentant du prestataire, mais n’a pas réussi à parler avec le prestataire à propos de sa demande (GD3-32 et GD3-34).

[15] La Commission s’est entretenue avec l’employeur, qui a signalé que le prestataire n’avait pas vraiment fourni la raison de son départ. En ce qui concerne l’incident de la remise, l’employeur a mentionné qu’un ingénieur avait déterminé à quelle distance du lac la remise pouvait être construite, que l’obtention de permis en cours de route n’avait rien de nouveau et que s’il fallait faire des changements, ils les feraient. Pour ce qui est du dernier incident lié au coût de la vitre, l’employeur a souligné qu’il absorberait le coût supplémentaire et que le client n’avait pas à y être mêlé. Il a déclaré que son épouse et lui sont les propriétaires et que ce sont eux qui prennent les décisions. Il a admis s’être mis très en colère contre le prestataire parce que celui‑ci en avait parlé devant le client et qu’il l’avait injurié en lui disant que les choses devaient changer. Il a appelé le prestataire plus tard ce soir‑là, mais celui‑ci lui a fait savoir qu’il n’y avait pas de discussion possible et a remis les clés du camion de l’entreprise (GD3-33).

[16] Le 18 février 2016, la Commission a maintenu sa décision.

Témoignage lors de l’audience

[17] Le prestataire a confirmé que ses fonctions en tant que gestionnaire de projet étaient d’assurer la bonne marche des projets et d’obtenir les approbations des municipalités, des ingénieurs, etc.

[18] Le prestataire a fourni d’autres détails au sujet des derniers événements du 17 août 2015. Comme il l’avait indiqué précédemment dans ses déclarations à la Commission, il avait simplement fait preuve d’honnêteté envers les propriétaires lors de la rencontre. Une fois la rencontre terminée, R. s’est mis en colère et a dit : [traduction] « Qu’est‑ce que tu dis, merde? Vide le foutu camion. » Le prestataire a déclaré qu’il était parti pour se sortir de la situation.

[19] Le prestataire a ajouté qu’il avait ensuite traversé la rue pour aller voir les ouvriers, car il revenait de vacances. Il s’est fait dire que le câblage électrique et la plomberie souterraine, etc., étaient installés dans le garage et qu’ils allaient les couvrir rapidement afin que personne ne s’en aperçoive. Le prestataire a expliqué que le garage était construit dans une « zone rouge » – comme il y avait une falaise qui pouvait s’affaisser, on ne pouvait normalement rien construire à cet endroit. Il a mentionné que c’était lui qui était allé voir la municipalité et qu’il avait travaillé fort pour obtenir l’autorisation d’y construire un garage; toutefois, on leur avait dit clairement qu’ils ne pouvaient pas y construire une « section habitable », car c’était très dangereux. Alors, pendant qu’il était en vacances, les ouvriers ont reçu l’ordre de le faire quand même et tentaient de le cacher.

[20] Le prestataire a déclaré que la municipalité avait en outre dit à R. que, puisque la maison (qui était en face du garage) se situait également dans la « zone rouge » et que la famille vivrait dans la maison, il devait bâtir un mur de soutènement d’une certaine hauteur autour de la maison. Le prestataire a souligné que R. avait alors dit [traduction] « nous n’allons pas le faire, merde » et que, là encore, les propriétaires ne l’avaient pas su. Il a expliqué que cela, en plus de l’incident lié à la rencontre, c’en était trop pour lui et qu’il était parti. Il a dit que la situation était dangereuse et que [traduction] « d’un point de vue éthique, c’était la goutte qui avait fait déborder le vase ». 

[21] En ce qui concerne l’incident de la remise à un autre emplacement, le prestataire a déclaré qu’une fois de plus, lorsqu’il était en vacances (décembre 2014), R. était allé de l’avant avec la construction de la remise et en avait terminé 60 p. 100  à son retour de vacances. R. lui a dit que l’ingénieur avait approuvé la construction de la remise, mais lorsqu’il a effectué lui‑même un suivi auprès de l’ingénieur, celui‑il lui a mentionné que l’approbation n’avait pas été accordée. Lorsqu’il en a informé R., ce dernier s’est mis très en colère et lui a lancé des injures en affirmant que l’ingénieur avait bien obtenu l’approbation. Le prestataire a déclaré que la municipalité n’avait pas approuvé que la remise soit construite aussi près du lac et avait exigé que R. suive un plan de correction. Le prestataire a précisé que R. lui avait dit de poursuivre la plantation sans approbation parce que c’était ce qu’il voulait. La municipalité refusait toujours l’approbation, et le prestataire avait dû s’en occuper jusqu’à son départ.

[22] Le prestataire a signalé que l’employeur était allé de l’avant et avait construit la remise à un emplacement, puis mis la section habitable dans le garage à l’autre emplacement de la « zone rouge », tout en sachant qu’il n’y avait aucune approbation et que c’était dangereux. Le prestataire a déclaré que son nom figurait sur tous les documents administratifs. L’employeur a agi illégalement à deux reprises lorsqu’il était en vacances et à son insu; c’était uniquement lui qui avait dû faire face aux conséquences à son retour. Le prestataire a confirmé qu’il avait dit à R. [traduction] « c’est terminé », puis qu’il était parti le 17 août 2015. Il a souligné qu’il ne pouvait plus inscrire son nom sur les documents parce qu’il s’était demandé : [traduction] « Et s’il arrivait quelque chose? Suis-je responsable? » Il a précisé que construire la section habitable dans le garage, à l’emplacement d’une « zone rouge », était un « enjeu de sécurité humaine » qui outrepassait les pratiques antérieures et qu’il n’en pouvait plus.

[23] Le prestataire a confirmé qu’il n’avait pas voulu parler à l’employeur le dernier jour parce qu’il estimait que tout ce qu’il voulait, c’était le blâmer. Le prestataire a mentionné qu’il aurait été inutile de parler de l’incident avec l’employeur, car une fois qu’il avait pris sa décision, il n’y avait aucune négociation possible. Il a indiqué que l’employeur s’était mis en colère lors de la rencontre parce qu’il avait simplement fait preuve d’honnêteté au sujet du coût de la vitre. Il s’est donc demandé ce qui se serait passé s’il avait dit aux propriétaires que le mur de fondation/soutènement n’était pas bâti suffisamment haut.

Observations

[24] Le prestataire a affirmé avoir quitté son emploi parce que les pratiques commerciales de l’employeur étaient illégales et potentiellement dangereuses. L’employeur l’obligeait à mentir à la municipalité et à être malhonnête avec les propriétaires en donnant suite à des projets qui n’avaient pas été approuvés. Les pratiques de l’employeur bafouaient sa morale et son intégrité et après le dernier incident, il n’avait pas d’autre solution que de quitter son emploi.

[25] Le prestataire a soutenu que ses tentatives antérieures pour parler avec l’employeur s’étaient avérées inutiles. Il n’avait pas prévu de quitter son emploi le jour où il était revenu de vacances et n’avait donc pas cherché un autre travail ni dénoncé l’employeur aux autorités. Le prestataire a fait valoir que rester et dénoncer l’employeur aux autorités avant de partir n’auraient fait qu’empirer grandement les choses pour les propriétaires, l’employeur et lui. Dénoncer l’employeur le jour de son départ aurait eu le même résultat : il aurait été congédié et sans emploi.

[26] La Commission a fait valoir que le prestataire n’avait pas prouvé qu’il était fondé à quitter son emploi au sens de la Loi. Il n’a pas démontré qu’il avait été forcé de mentir à un client ou que l’employeur avait agi de manière immorale, inappropriée ou contraire à l’éthique lors de la rencontre finale et du dernier incident. Bien que l’employeur ait utilisé un langage grossier et que cela ait contrarié le prestataire, ce n’était pas intolérable au point de justifier le départ du prestataire.

[27] La Commission a soutenu que le prestataire n’avait pas épuisé non plus toutes les solutions raisonnables avant de quitter son emploi. Il aurait pu trouver un autre travail, faire des efforts pour parler avec son employeur afin de résoudre les problèmes ou dénoncer l’employeur à l’organisme de réglementation compétent s’il estimait qu’il agissait de manière illégale ou immorale.

Analyse

[28] Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites à l’annexe de la présente décision.

[29] Les articles 29 et 30 de la Loi prévoient qu’un prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il quitte volontairement son emploi, à moins qu’il ne puisse prouver qu’il était fondé à le faire. Il est bien établi qu’un prestataire est « fondé » à quitter son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ constitue la seule solution raisonnable dans son cas, selon l’alinéa 29c) de la Loi (Patel A-274-09, Bell A-450-95, Landry A-1210-92, Astronomo A‑141‑97, Tanguay A-1458-84).

[30] Le membre a d’abord tenu compte du fait qu’il incombait initialement à la Commission de démontrer que le prestataire avait quitté volontairement son emploi. Dans cette affaire, il n’est pas contesté que le prestataire a quitté volontairement son emploi le 17 août 2015.

[31] Le fardeau de la preuve se déplace alors vers le prestataire à qui il incombe de démontrer qu’il était fondé à quitter son emploi (White A-381-10, Patel A-274-09). En l’espèce, le membre estime que le prestataire s’est acquitté de ce fardeau en démontrant qu’il avait épuisé toutes les solutions raisonnables lorsqu’il a quitté son emploi. Par conséquent, le membre juge que, pour les motifs suivants, le prestataire était fondé à quitter son emploi le 17 août 2015 en vertu de l’alinéa 29c) de la Loi.

32] La Commission a soutenu que le prestataire n’avait pas réussi à démontrer qu’il avait été forcé de mentir aux propriétaires ou que l’employeur avait agi de manière immorale, inappropriée ou contraire à l’éthique lors de la rencontre finale et du dernier incident. En outre, la Commission a estimé que la situation n’était pas intolérable au point où il devait quitter son emploi sans avoir d’abord exploré certaines solutions raisonnables. Le membre comprend la position de la Commission puisque le prestataire a confirmé que son travail consistait à assurer la bonne marche des projets et à obtenir les approbations requises. La Commission a donc accepté les déclarations de l’employeur, selon lesquelles être l’« intermédiaire » et négocier avec les autorités relativement à la conformité font partie intégrante des responsabilités du prestataire. Toutefois, la Commission n’a pas réussi à parler avec le prestataire à l’étape du réexamen afin d’obtenir les détails des derniers événements survenus le 17 août 2015 qui ont poussé le prestataire à quitter son emploi.

[33] À l’audience, le prestataire a fourni un témoignage direct qui expliquait plus en détail les déclarations antérieures faites dans son formulaire de demande (GD3-9 et GD3-11) et à la Commission (GD3-20). Il a déclaré que la réaction de colère de l’employeur après la rencontre avec les propriétaires, conjuguée à sa découverte d’encore une autre violation, cette fois dangereuse, des permis approuvés, constituait la raison de son départ le 17 août 2015. Le prestataire a dit que les préparatifs en vue d’installer la section habitable dans le garage et la non-construction du mur de fondation/soutènement de la maison, comme l’exige la loi dans une « zone rouge », étaient un « enjeu de sécurité humaine ». Le prestataire a indiqué que non seulement l’employeur n’avait pas construit le mur de la maison suffisamment haut, mais qu’il avait également caché ce fait aux propriétaires. Le prestataire a signalé que dans le cas de la remise à l’autre emplacement comme dans ce cas, l’employeur était allé de l’avant sans avoir l’approbation ou en enfreignant l’approbation, pendant son absence. Le prestataire a expliqué qu’il avait dû mentir aux clients et compromettre son honnêteté, son intégrité et son sens moral. Il a fait valoir que les événements du 17 août 2015 outrepassaient les pratiques antérieures; elles étaient illégales et dangereuses, et il ne pouvait plus rester.

[34] Le membre est d’avis que le prestataire a pu démontrer qu’il n’avait pas simplement quitté son emploi parce qu’il était en désaccord avec les pratiques de l’employeur ni parce qu’il en avait assez ou était insatisfait de son travail. Le membre estime que bien que les événements de décembre liés à la remise aient contribué à sa décision (et l’étaient toujours), il n’était pas parti à ce moment‑là. Le prestataire a quitté son emploi le 17 août 2015 lorsque, pour la deuxième fois, l’employeur avait mis en œuvre des changements pendant qu’il était en vacances qui ne respectaient pas les permis approuvés. Le membre juge que les pratiques de l’employeur contrevenaient à la loi et que le prestataire devait mentir par omission aux propriétaires. En d’autres termes, il ne devait pas dire aux propriétaires à l’un ou l’autre des emplacements ce qu’ils ne devaient pas savoir selon l’employeur. Par exemple, le prestataire a déclaré que l’employeur lui avait indiqué de dire à la municipalité qu’ils travaillaient encore au plan de correction de la remise, alors qu’ils ne s’y conformaient toujours pas (ils poursuivaient la construction et la plantation), et que les propriétaires ignoraient qu’ils n’avaient toujours pas reçu l’approbation. Le membre convient avec la Commission qu’aucun élément de preuve ne démontre que lors de son dernier jour, le prestataire était tenu de mentir aux propriétaires lors de la rencontre relativement au coût accru d’une douche vitrée. Toutefois, le membre constate que lors de son dernier jour, le prestataire avait également découvert que l’employeur agissait illégalement en enfreignant les permis approuvés dans une « zone rouge », et ce, à l’insu des propriétaires. Le membre convient avec le prestataire que les actions de l’employeur étaient non seulement illégales, mais également dangereuses et que le fait qu’il devait aller de l’avant avec le projet et ne pas informer la municipalité ni les propriétaires était contraire à l’éthique.

[35] Compte tenu des raisons du départ du prestataire, le membre a également tenté de déterminer si celui‑ci n’avait d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi selon le sous-alinéa 29c)(xi) de la Loi parce que les pratiques de l’employeur enfreignaient la loi. La Commission a fait valoir que le prestataire n’avait pas épuisé toutes les solutions raisonnables qui s’offraient à lui avant de quitter son emploi. Elle a soutenu que le prestataire aurait pu conserver son emploi jusqu’à ce qu’il en trouve un autre ou qu’il aurait pu dénoncer l’employeur à l’organisme de réglementation compétent ou encore faire des efforts pour parler avec son employeur afin de résoudre les problèmes. Le membre estime toutefois que, compte tenu des circonstances, il n’est pas raisonnable de s’attendre à ce que le prestataire conserve son emploi après avoir découvert que l’employeur agissait illégalement dans une « zone rouge » tout en sachant que c’était dangereux et contraire à l’éthique. Le membre convient que l’employeur serait ultimement le seul responsable de ses actions et de ses pratiques commerciales, mais estime que les préoccupations du prestataire en ce qui a trait à sa responsabilité potentielle sont justifiées. En outre, le membre est d’avis qu’il n’y avait peut‑être pas un danger immédiat ou imminent, mais qu’il n’était pas raisonnable de s’attendre à ce que le prestataire continue de travailler sur les lieux, connaissant les pratiques répréhensibles, tout en examinant d’autres options d’emploi ou en dénonçant l’employeur aux autorités pour ensuite faire face aux conséquences.

[36] Pour les mêmes raisons, il n’est pas raisonnable de s’attendre à ce que le prestataire conserve son emploi tout en tentant de résoudre les problèmes avec son employeur. Par ailleurs, les éléments de preuve étayent aussi l’observation du prestataire voulant que l’employeur n’était pas disposé à changer et qu’une autre discussion avec lui aurait été inutile. Le prestataire a indiqué qu’il avait parlé à l’employeur dans le passé, mais que celui‑ci ne s’était pas montré prêt à changer, qu’il l’avait blâmé et injurié, le faisant se sentir incompétent et craintif à l’idée de commettre une erreur (GD3-11). De plus, le prestataire a fourni des exemples précis des huit mois précédents (remise, coût de la vitre, section habitable, fondation de la maison) pour démontrer que l’employeur était décidé à aller de l’avant sans avoir l’approbation nécessaire et qu’il s’attendait à ce que le prestataire fasse de même sans en informer les propriétaires. Par exemple, même lorsque le prestataire a signalé la construction de la remise à l’autorité concernée (l’ingénieur), l’employeur ne s’est toujours pas conformé à l’exigence et a donné instruction au prestataire de continuer et de dire qu’ils y travaillaient encore. En outre, le prestataire a fait observer que l’employeur s’était mis très en colère contre lui lors de sa dernière journée parce qu’il avait été honnête au sujet des coûts durant la rencontre et qu’il s’était alors demandé ce qui se passerait s’il leur disait ou s’il disait aux autorités que le mur de soutènement n’était pas conforme. Par conséquent, le membre juge compréhensible que le prestataire ait quitté son emploi sans avoir tenté de régler ces problèmes avec l’employeur.

[37] Les conclusions du membre sont étayées par la jurisprudence. Le CUB 51219 soutient le principe voulant que selon l’alinéa 29c)xi) de la Loi, il n’est pas nécessaire de déposer un grief ou une poursuite pour établir qu’un acte est contraire à la loi; il suffit que la pratique aille à l’encontre de la loi. Comme en l’espèce et bien qu’il soit possible de soutenir que la solution raisonnable qui s’offrait au prestataire était de conserver son emploi, le juge-arbitre a conclu qu’une entreprise qui ne respecte pas la convention collective ou les lois provinciales ne constitue pas vraiment un lieu de travail où l’on désire continuer à travailler.

[38] De même dans le CUB 37586, le juge-arbitre a conclu que les prestataires ne sont pas obligés de conserver un emploi qui va à l’encontre de leurs valeurs morales personnelles. En outre, étant donné les circonstances, s’attendre à ce que le prestataire effectue un travail qui allait à l’encontre de son sens de l’honnêteté, confrontant l’employeur et refusant d’exercer ses fonctions, ne constituait pas des solutions raisonnables.

[39] Pour tous ces motifs, le membre estime que, compte tenu de toutes les circonstances, le prestataire s’est acquitté du fardeau qui lui incombait de démontrer qu’il n’avait d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi le 17 août 2015 en vertu de l’alinéa 29c) de la Loi.

[40] Par conséquent, le membre en vient à la conclusion que le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi et qu’il ne devrait pas être exclu du bénéfice des prestations en application des articles 29 et 30 de la Loi.

Conclusion

[41] L’appel est accueilli.

Annexe

L’article 29 de la Loi sur l’assurance‑emploi porte que :

Pour l’application des articles 30 à 33 :

  1. a) emploi s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
  2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;
  3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus : 
    1. (i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin,
    2. (ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre,
    3. (iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert;
  4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci‑après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
    1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
    2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
    3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
    4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
    5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
    6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
    7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
    8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
    9. (ix) modification importante des fonctions,
    10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
    11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
    12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
    13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
    14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.

L’article 30 de la Loi sur l’assurance‑emploi porte que :

(1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :

  1. a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
  2. b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

(2) L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.

(3) Dans les cas où l’événement à l’origine de l’exclusion survient au cours de sa période de prestations, l’exclusion du prestataire ne comprend pas les semaines de la période de prestations qui précèdent celle où survient l’événement.

(4) Malgré le paragraphe (6), l’exclusion est suspendue pendant les semaines pour lesquelles le prestataire a autrement droit à des prestations spéciales.

(5) Dans les cas où le prestataire qui a perdu ou quitté un emploi dans les circonstances visées au paragraphe (1) formule une demande initiale de prestations, les heures d’emploi assurable provenant de cet emploi ou de tout autre emploi qui précèdent la perte de cet emploi ou le départ volontaire et les heures d’emploi assurable dans tout emploi que le prestataire perd ou quitte par la suite, dans les mêmes circonstances, n’entrent pas en ligne de compte pour l’application de l’article 7 ou 7.1.

(6) Les heures d’emploi assurable dans un emploi que le prestataire perd ou quitte dans les circonstances visées au paragraphe (1) n’entrent pas en ligne de compte pour déterminer le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées, au titre du paragraphe 12(2), ou le taux de prestations, au titre de l’article 14.

(1) Sous réserve de l’alinéa (1)a), il demeure entendu qu’une exclusion peut être imposée pour une raison visée au paragraphe (1) même si l’emploi qui précède immédiatement la demande de prestations — qu’elle soit initiale ou non — n’est pas l’emploi perdu ou quitté au titre de ce paragraphe.

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