Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Comparutions

N. H.,

Robert Morrissey,

appelant

représentant de l’appelant

Introduction

[1] Lorsqu’un prestataire est aux études à temps plein, il existe une présomption réfutable selon laquelle il n’est pas disponible pour travailler.

[2] L’appelant était inscrit à un programme d’études et il a rempli un questionnaire (le premier questionnaire), dans lequel il a indiqué qu’il consacrait moins de 25 heures par semaine aux études, que ce soit en salle de classe ou à l’extérieur de la salle de classe. Il a par la suite rempli un deuxième questionnaire (le deuxième questionnaire), dans lequel il a indiqué qu’il consacrait 25 heures ou plus par semaine aux études, que ce soit en salle de classe à l’extérieur de la salle de classe.

[3] L’appelant recevait des prestations régulières d’assurance-emploi sous le régime de la Loi sur l’assurance-emploi (la Loi sur l’AE) en fonction des réponses qu’il avait données au premier questionnaire, mais à la suite du deuxième questionnaire, la Commission a établi qu’il n’était pas disponible pour travailler, parce qu’il suivait un cours de formation nécessitant une présence obligatoire de 30 heures par semaine. Conformément à l’alinéa 18(1)a) de la Loi sur l’AE, il a été déclaré inadmissible aux prestations.

[4] La Commission a aussi délivré une lettre d’avertissement à l’appelant en vertu des paragraphes 38(1) et 41.1(1) de la Loi sur l’AE, pour avoir sciemment fait une déclaration fausse ou trompeuse à la Commission en remplissant le premier questionnaire.

[5] L’appelant a demandé que ces décisions fassent l’objet d’un réexamen et la Commission a confirmé ses décisions initiales. L’appelant interjette maintenant appel de ces décisions au Tribunal.

[6] Après avoir tenu compte de ce qui suit, il a été décidé de tenir audience par voie de téléconférence :

  1. la nécessité d’obtenir des renseignements supplémentaires;
  2. l’exigence prévue par le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale de mener la procédure aussi officieusement et rapidement que les considérations d’équité et de justice naturelle le permettent.

[7] Le Tribunal doit trancher la question de savoir si l’appelant était disponible pour travailler au titre de l’alinéa 18(1)a) de la Loi sur l’AE. Cela nécessite qu’il établisse d’abord si l’appelant était aux études à temps plein, afin d’établir s’il doit réfuter la présomption selon laquelle il n’est pas disponible pour travailler.

[8] Le Tribunal se penchera ensuite sur la question de savoir si l’appelant a fait une déclaration fausse ou trompeuse au sujet des heures requises par son cours sur le premier questionnaire.

Preuve

[9] L’appelant travaillait à une usine de transformation du poisson pendant qu’il terminait la dernière année de l’école secondaire. Il travaillait 40 heures ou plus par semaine, soit pendant le quart de travail de 16 h à 22 h la semaine et de 16 h à minuit, ou 2 h, les vendredis et les samedis.

[10] L’été suivant l’obtention de son diplôme d’études secondaires, il a travaillé à la même usine de transformation du poisson à titre d’aide-mécanicien, à raison de 40 heures par semaine (4 quarts de travail de 10 heures).

[11] L’appelant a commencé un cours de génie électrique au Holland College le 2 septembre 2015. Le cours a pris fin le 13 mai 2016.

[12] L’appelant a été mis en disponibilité par l’usine de transformation du poisson le 4 septembre 2015. L’appelant a mentionné qu’il avait été mis en disponibilité parce qu’il y avait un ralentissement au cours de cette période de l’année, en raison des cycles de la saison de la pêche.

[13] L’appelant a présenté une demande de prestations d’AE le 20 septembre 2015 et sa période de prestations a été établie à partir du 6 septembre 2015.

[14] L’appelant a rempli un questionnaire sur la formation (le premier questionnaire) dans le cadre de sa demande de prestations en septembre 2015. Il y a inscrit ce qui suit :

  1. Il consacrait entre 15 et 24 heures par semaine à ses études, que ce soit en salle de classe ou à l’extérieur de la salle de classe;
  2. Son horaire de cours était différent de son horaire de travail habituel;
  3. Il était disponible pour travailler et capable de le faire selon les mêmes conditions ou de meilleures conditions qu’il ne l’était avant le début de la formation;
  4. Il abandonnerait sa formation pour accepter un emploi;
  5. Il avait effectué des recherches d’emploi depuis qu’il avait décidé de suivre ce cours;
  6. Il n’avait jamais travaillé tout en suivant une formation.

[15] Il a été établi que l’appelant était disponible pour travailler, il a reçu des prestations d’assurance-emploi.

[16] En janvier 2016, l’appelant a rempli un deuxième questionnaire sur la formation (le deuxième questionnaire), dans lequel il a inscrit ce qui suit :

  1. Il consacrait 25 heures par semaine ou plus à ses études, que ce soit en salle de classe ou à l’extérieur de la salle de classe;
  2. Son horaire de cours n’était pas complètement différent de son horaire de travail habituel;
  3. Il assistait à des cours ou participait à des séances de formation du lundi au vendredi, les matins et les après-midi;
  4. Il était disponible pour travailler et capable de le faire selon les mêmes conditions ou de meilleures conditions qu’il l’était avant le début de la formation;
  5. Il abandonnerait sa formation pour accepter un emploi à temps plein si l’emploi entrait en conflit avec la formation;
  6. Il avait effectué des recherches d’emploi depuis qu’il avait décidé de suivre ce cours;
  7. Il n’avait jamais travaillé tout en suivant une formation.

[17] Les réponses données par l’appelant au deuxième questionnaire ont incité la Commission à communiquer avec l’appelant (GD3-22) à propos de sa disponibilité. D’après les notes de la Commission au sujet des déclarations de l’appelant, ce dernier aurait fait une erreur en remplissant le deuxième questionnaire, mais il aurait rempli le premier correctement. Il a indiqué que ses cours avaient lieu en matinée, qu’il n’en avait habituellement pas en après-midi, sauf, peut-être, une fois par semaine et qu’il y avait très peu de devoirs (environ 30 minutes par semaine).

[18] D’après les notes de la Commission, l’appelant a avisé la Commission de ce qui suit :

  1. Lorsqu’il a répondu que son horaire de cours était différent de ses heures normales de travail, il avait à l’esprit l’époque où il était à l’école et travaillait lors du quart de soir;
  2. Lorsqu’il a répondu qu’il était disponible pour travailler et capable de le faire selon les mêmes conditions ou de meilleures conditions qu’il ne l’était avant le début de la formation, il avait à l’esprit l’époque où il était à l’école secondaire;
  3. Il ne savait pas que, s’il abandonnait son programme d’études ou ne le terminait pas, il allait devoir rembourser la bourse d’études qu’il avait reçue;
  4. Lorsqu’on a porté à sa connaissance le résumé de la preuve de la Commission, l’appelant aurait déclaré ceci [traduction] : « Dans ma tête, j’ai bien répondu ».

[19] Sur la pièce GD3-38, l’appelant a écrit que, du lundi au jeudi, les cours se déroulaient du de 9 h à 11 h, puis de midi à 15 h. Le vendredi, l’horaire de cours était de 9 h à midi. Il a mentionné qu’en raison du nombre important de personnes comprises dans sa classe, celle-ci a été séparée en 2 groupes, et que son groupe était en salle de classe du lundi au jeudi, de 9 h à 11 h ou midi. Il explique que c’est la raison pour laquelle il estimait avoir déclaré de manière précise son temps de présence en salle de classe et son temps d’études. Il a indiqué qu’il avait réussi ses examens et que, s’il avait trouvé du travail, il aurait pu prendre des dispositions pour terminer son cours en fonction de son horaire. Il a mentionné qu’il était disponible pour travailler et qu’il cherchait activement du travail.

[20] Lors de l’audience, l’appelant a décrit ainsi une journée d’école typique :

9 h -10 h – Faire mes devoirs, les professeurs n’étaient pas en classe, mais il était possible d’avoir de l’aide sur demande

10 h -12 h – Exposé magistral

Après-midi – Ateliers

[21] L’appelant a indiqué qu’il n’y avait que 7 ou 8 ateliers pendant la totalité du programme. Son groupe avait un atelier à l’horaire, mais seulement un après-midi par semaine, au plus, et les présences n’étaient ni obligatoires ni consignées.

[22] L’appelant a expliqué que son ancien travail à l’usine de transformation de poisson était dans son domaine d’études, de sorte qu’il avait déjà été exposé au contenu du cours, y compris les sujets qui étaient couverts lors des ateliers d’après-midi.

[23] L’appelant a déposé une lettre d’un collègue de classe. Dans cette lettre, ce dernier mentionnait qu’il avait suivi le cours de génie électrique avec l’appelant au cours de l’année scolaire 2015-2016. Il y a précisé que les heures de cours prévues étaient de 9 h à 16 h, du lundi au vendredi, avec une heure de pause pour le dîner. Il a mentionné que, lorsqu’il avait vérifié auprès d’anciens étudiants, on lui avait dit que les cours dans ce programme finissaient toujours à midi le vendredi. Il a déclaré que, lorsque le programme a commencé à l’automne 2015, le nombre d’étudiants était deux fois supérieur au nombre qu’il était possible d’accommoder dans les salles de classe; par conséquent, le collège a du partager l’espace entre deux classes, de sorte que chaque classe ne passait qu’une demi-journée en salle de classe, et que le reste de la journée consistait en du temps d’études non supervisé. Il a mentionné qu’une personne qui quittait le collège après la moitié de la journée n’était pas sanctionnée, et que les présences n’étaient pas prises.

[24] La Commission a communiqué avec le collège pour obtenir des « renseignements généraux » au sujet du cours suivi par l’appelant. Le responsable de la formation a précisé que les élèves étaient en salle de classe de 9 h à 15 h 30, à raison de 30 heures par semaine, que la présence en salle de classe était obligatoire et qu’il y avait une certaine souplesse pour ce qui est de faire certains travaux à distance, mais que la participation en salle de classe était néanmoins une partie intégrale du programme. Les programmes de soir n’étaient pas offerts ni envisagés.

[25] L’intimée fait remarquer que l’appelant a confirmé que le responsable de l’apprentissage l’avait avisé qu’il n’y avait pas de souplesse pour les éléments en salle de classe et pour les éléments pratiques, à l’exception de quelques travaux en ligne.

[26] L’appelant a précisé que le responsable de l’apprentissage n’était pas un instructeur dans ce programme et qu’il n’était pas présent en salle de classe. Selon les notes de la Commission, le responsable de l’apprentissage a son mot à dire dans l’élaboration du programme, mais il ne l’enseigne pas directement (GD3-28).

[27] Dans une conversation supplémentaire avec le gestionnaire de l’apprentissage, en ce qui concerne la présence en salle de classe en après-midi, ce dernier a mentionné à la Commission que certains étudiants ne font pas ce qu’ils sont censés faire. Il a mentionné qu’il était très fâché du fait qu’un étudiant affirme qu’il n’est présent qu’une demi-journée pour le cours. Il a précisé que les après-midi sont réservés aux exercices pratiques et qu’il y a des séances au laboratoire et des programmes de simulation et que différents exercices sont effectués. Il a indiqué que la présence en après-midi est obligatoire, parce que les élèves ne peuvent obtenir l’expérience pratique nulle part ailleurs. En outre, il a été mentionné que les élèves doivent faire un stage obligatoire d’un mois dans leur domaine au mois d’avril.

[28] En outre, le responsable de l’apprentissage a mentionné qu’il avait dit à l’appelant qu’il était impossible qu’une personne puisse travailler à temps plein et tout de même réussir le cours.

[29] Lors de l’audience, l’appelant a confirmé qu’il avait réussi le cours et les deux examens provinciaux en étant présent au cours uniquement jusqu’à midi.

[30] Lorsque la Commission a communiqué avec l’appelant à propos de l’exigence d’être présent au collège pour la totalité de la journée, conformément aux modalités du contrat d’apprentissage qu’il avait signé avec le collège, l’appelant a maintenu qu’il n’avait pas fait de fausses déclarations. Il a précisé qu’il avait répondu en fonction la période durant laquelle il était au collège. Il a répondu qu’on s’attendait peut-être de lui à ce qu’il soit présent pour toute la journée, mais que, puisqu’il était au collège uniquement pour des demi-journées, il croyait que c’est ce qu’il était censé répondre dans le questionnaire.

[31] Lors de l’audience, l’appelant a indiqué que, malgré les dires du responsable de l’apprentissage, il estimait que le collège aurait modulé son horaire s’il avait eu un emploi à temps plein. Il a précisé que le responsable de l’apprentissage ne pouvait pas faire état des heures de présence des étudiants du programme, parce que cela ne donnerait pas une bonne image du collège. Il a aussi relaté qu’il était disposé à quitter le cours, du moins, à ne plus assister aux cours en salle de classe, parce qu’il savait qu’il pouvait le réussir si son horaire était assoupli.

[32] L’appelant a produit une lettre datée de 2014 que le collège avait envoyée à un ancien étudiant inscrit au programme de génie électrique. Celle-ci mentionne que, même si l’étudiant était inscrit à temps plein, le collège avait amorcé le processus pour adapter un nouveau modèle plus souple de prestation de services, afin de permettre aux étudiants de suivre le programme à temps partiel. Le collège offrait de concevoir un horaire à temps partiel pour répondre aux besoins précis de l’étudiant en question.

[33] La Commission a eu une autre conversation avec quelqu’un au collège à propos des bourses d’études. Cette personne a précisé que, si l’étudiant qui reçoit une bourse quitte le collège ou ne termine pas le programme, cet étudiant doit rembourser la bourse en question.

[34] Au cours de l’audience, l’appelant a mentionné qu’il ne voyait pas comment il allait devoir rembourser la bourse, parce qu’il aurait été capable de réussir le cours, et ce, même s’il avait travaillé.

[35] L’appelant a mentionné qu’il n’avait pas été capable de se trouver un emploi alors qu’il était au collège, malgré les efforts qu’il avait déployés en ce sens. Il a mentionné qu’il avait passé à travers la liste de Service Canada et qu’il avait regardé les offres d’emploi sur Internet. Il a aussi distribué son curriculum vitæ. Il a précisé qu’il a cherché du travail pendant tout le temps qu’il était à l’école et qu’il a notamment appelé l’usine de transformation de poisson en hiver pour demander s’il y avait du travail.

[36] L’appelant a précisé qu’au milieu du mois de mai 2016, il est retourné travailler à l’usine de transformation de poisson. Le travail et l’école se sont chevauchés pendant une journée ou deux.

[37] D’après les notes de la Commission, l’appelant a mentionné qu’il avait déposé quatre curriculum vitæ pour des emplois et qu’il accepterait n’importe quel emploi qu’on pourrait lui offrir, y compris un poste non spécialisé, à temps plein ou à temps partiel. Il a précisé que, dans le pire des cas, il abandonnerait son cours, en rajoutant qu’il pourrait éventuellement terminer le cours en soirée, mais que cela ne le dérangeait pas vraiment à ce stade-là, parce qu’il disposait déjà du certificat de mi-année et qu’il pourrait toujours terminer le cours plus tard. D’après les notes subséquentes de la Commission, l’appelant a déclaré que la réponse à la question à savoir s’il abandonnerait ou non sa formation aurait dépendu de l’emploi offert et de la rémunération prévue par celui-ci; il n’aurait pas été disposé à abandonner le cours pour un emploi non spécialisé et rémunéré comme tel.

Observations

[38] L’appelant a fait valoir ce qui suit :

  1. Il n’a pas sciemment fait une déclaration fausse ou trompeuse. Il a répondu honnêtement, en fonction du temps qu’il passait réellement à l’école.
  2. Il a terminé le programme et réussi les examens provinciaux, malgré le faible nombre d’heures qu’il avait passé en salle de classe, prouvant ainsi que la présence à temps plein n’était pas nécessaire.
  3. Il était disponible pour travailler, parce que le programme lui offrait une marge de manœuvre suffisante. Les renseignements transmis par le responsable du programme étaient tirés des renseignements généraux sur le programme, et non de la réalité de ce qui s’est produit l’année où il a suivi le cours.

[39] L’appelant a fait valoir que la Commission ne l’a pas avisé qu’il devait élargir sa recherche d’emploi et qu’on pourrait lui retirer le droit aux prestations s’il ne le faisait pas. L’appelant invoque les décisions CUB 72689 et CUB 12842 à l’appui de la thèse selon laquelle un prestataire doit être avisé qu’il doit élargir sa recherche d’emploi et qu’il doit recevoir la possibilité d’établir sa disponibilité, soit au moyen d’une recherche d’emploi adéquate, soit en se faisant diriger vers le cours par la Commission.

[40] La Commission a fait valoir ce qui suit :

  1. L’appelant doit prouver qu’il répondait aux exigences relatives à la disponibilité applicables à tous les prestataires qui demandent des prestations régulières d’assurance-emploi sous le régime de la Loi sur l’AE, notamment de continuer ses recherches d’emploi, et que les exigences du cours n’imposaient pas de restrictions à sa disponibilité ayant pour effet de grandement réduire ses chances de se trouver un emploi.
  2. Il existe une présomption selon laquelle un prestataire qui est aux études à temps plein n’est pas disponible pour travailler. Pour réfuter cette présomption, l’appelant doit démontrer que son intention principale est d’accepter sur-le-champ un emploi convenable, d’après ses recherches d’emploi, qu’il est disposé à prendre tout arrangement nécessaire ou qu’il est disposé à abandonner le cours. Le prestataire doit démontrer que le cours est d’une importance secondaire et que celui-ci ne constitue pas un obstacle à ce qu’il se trouve un emploi acceptable et à ce qu’il accepte celui-ci.
  3. L’appelant n’a pas réussi à réfuter la présomption selon laquelle il n’était pas disponible pour travailler pendant qu’il était inscrit à des études à temps plein, parce que :
    1. Bien qu’il ait déclaré qu’il était uniquement présent les matins, la présence à temps plein était obligatoire d’après les renseignements fournis par le collège;
    2. Il n’a pas produit de renseignements pour confirmer qu’il était présent en salle de classe uniquement les matins;
    3. Le représentant du collège a mentionné qu’il serait impossible de travailler à temps plein tout en étant inscrit au cours.
  4. L’appelant n’a pas maintenu une recherche active d’emploi, ce qui démontre que se trouver un emploi n’était pas une priorité. Il a uniquement communiqué avec quatre employeurs, mais d’après un échantillon du répertoire des entreprises de la ville où il assiste à ses cours, il y avait de nombreux autres employeurs avec lesquels il aurait pu communiquer pour obtenir du travail.
  5. La priorité de l’appelant était de terminer son cours de formation.

[41] En ce qui a trait aux déclarations fausses ou trompeuses, la Commission déclare qu’elle a satisfait au fardeau de démontrer que l’appelant avait sciemment fait les déclarations fausses ou trompeuses suivantes en remplissant le premier questionnaire :

  1. a) Il consacrait entre 15 et 24 heures par semaine à ses études dans un programme de formation, alors que, d’après les renseignements du collège, la présence en salle de classe à temps plein, du lundi au vendredi, de 9 h à 15 h 30, était obligatoire. Cette réponse va aussi à l’encontre de sa réponse dans le deuxième questionnaire. L’appelant n’a pu produire quelque renseignement que ce soit pour confirmer sa déclaration selon laquelle il était uniquement présent en salle de classe les matins pour un total de 15 heures par semaine. Le Tribunal fait remarquer que la lettre du collègue de classe de l’appelant a été produite après que la Commission eut présenté cette observation écrite.
  2. b) Toutes ses obligations afférentes au cours qu’il suivait devaient être exécutées à l’extérieur de ses heures normales de travail, mais le dernier emploi qu’il avait occupé était dans une usine de transformation de poisson, dans laquelle l’horaire des employés est établi en fonction de quarts, y compris des quarts de jour.

Analyse

[42] Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites à l’annexe de la présente décision.

Les documents déposés à l’audience

[43] Lors de l’audience, l’appelant a renvoyé à la lettre datée de décembre 2014 à laquelle il est fait mention au paragraphe 32 de la présente décision ainsi qu’à la lettre rédigée par son collègue de classe, à laquelle il est fait mention au paragraphe 23 de la présente décision. L’appelant a demandé à ce qu’on lui permette de soumettre ces documents au Tribunal. L’appelant a déposé les documents le jour même de l’audience. Ces documents ont été acceptés en preuve et on leur a attribué la cote GD5. La pièce GD5 a été fournie à la Commission le 29 mars 2017. On ne lui a pas donné la possibilité de produire une réponse, parce que le Tribunal considère que ces documents ont été déposés à l’audience, à laquelle la Commission n’a pas assisté. Il convient de signaler qu’à la date de la présente décision, la Commission n’avait reçu aucune observation en ce qui concerne la pièce GD5.

Disponibilité

[44] Conformément à l’alinéa 18(1)a) de la Loi sur l’AE, un prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations pour tout jour ouvrable d’une période de prestations pour lequel il ne peut prouver qu’il était capable de travailler et disponible à cette fin, et incapable d’obtenir un emploi convenable.

[45] Il existe une présomption réfutable selon laquelle un prestataire inscrit à des études à temps plein n’est pas disponible pour travailler. Cette présomption peut être réfutée en établissant l’existence de circonstances exceptionnelles (Canada (Procureur général) c. Wang, 2008 CAF 112; Canada (Procureur général) c. Cyrenne, 2010 CAF 349).

[46] Pour déterminer si cette présomption s’applique, le Tribunal doit décider si l’appelant était inscrit à des études à temps plein.

L’appelant était-il inscrit à des études à temps plein?

[47] Non. L’appelant n’était pas inscrit à des études à temps plein. La question de savoir si l’appelant était aux études à temps plein est une question de fait que le Tribunal doit trancher en fonction de la preuve.

[48] Le Tribunal conclut que l’appelant était aux études à temps partiel, puisqu’il était uniquement à l’école de 9 h à midi du lundi au vendredi (15 heures par semaine) et que seuls 7 ou 8 ateliers d’après-midi ont eu lieu pendant l’ensemble de l’année. Cette conclusion est étayée par les réponses que l’appelant a données au premier questionnaire, par la lettre de son collègue de classe ainsi que par son témoignage. Le Tribunal fait aussi remarquer que le seul moment où l’appelant a fourni une preuve contradictoire était dans le deuxième questionnaire, et il a déclaré que sa réponse n’était pas représentative des heures auxquelles il était effectivement présent au collège.

[49] Le Tribunal reconnaît que l’appelant a précisé dans le deuxième questionnaire qu’il passait 25 heures ou plus par semaine en salle de classe et qu’il était en salle de classe en après-midi et le matin. Cependant, le Tribunal accorde davantage de poids au témoignage de l’appelant, lequel était compatible avec ce qu’il a dit à maintes reprises à la Commission ainsi qu’avec la lettre de son collègue de classe.

[50] Le Tribunal prend acte des renseignements que la Commission a reçus de la part du collège, renseignements selon lesquels le cours auquel l’appelant était inscrit était un cours à temps plein et qu’une personne ne pouvait pas réussir le cours en travaillant à temps plein. Cependant, le Tribunal accepte et préfère la preuve produite par l’appelant ainsi que la lettre de son collègue de classe. D’après ces éléments de preuve, le cours était censé être un cours à temps plein, mais lors de l’année où ils l’ont suivi, ils ne passaient que des demi-journées en classe, et le reste de la journée consistait en de l’étude non supervisée, sans vérification des présences.

[51] Le Tribunal accepte le témoignage de l’appelant selon lequel il assistait au cours uniquement le matin, parce que celui-ci était appuyé par la lettre de son collègue de classe et parce que cela est compatible avec les réponses données tout au long du dossier, exception faite du deuxième questionnaire. En outre, l’appelant a réussi le cours, en dépit de ses heures de présence en classe, ce qui démontre qu’une personne (à tout le moins, une personne avec l’expérience de travail de l’appelant) pouvait assister aux cours à temps partiel et le réussir, démontrant ainsi que le gestionnaire de l’apprentissage était dans l’erreur en affirmant que cela était impossible.

[52] C’est pour ces motifs que le Tribunal conclut que l’appelant était uniquement aux études à temps partiel, même s’il était censé l’être à temps plein et que, par conséquent, la présomption réfutable de non-disponibilité ne s’applique pas.

[53] Le Tribunal doit maintenant se pencher sur la question de la disponibilité de l’appelant.

L’appelant était-il disponible pour travailler, conformément à l’alinéa 18(1)a) de la Loi sur l’AE?

[54] Oui, l’appelant était disponible pour travailler, et ce, pour les motifs exposés ci-dessous.

[55] Bien que le terme « disponible » ne soit pas défini dans la Loi sur l’AE, le Tribunal est orienté par la Cour d’appel fédérale (Faucher c. Commission de l’emploi et de l’immigration du Canada (1997), 215 N.R. 314, Wang, précité), laquelle a constamment statué que les critères devant être pris en compte pour la question de la disponibilité sont les suivants :

  1. a) le désir du prestataire de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable lui est offert;
  2. b) la manifestation de ce désir par des efforts pour se trouver cet emploi convenable;
  3. c) l’absence de conditions personnelles susceptibles de limiter indûment ses chances de réintégrer le marché du travail.

L’appelant avait-il le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable lui était offert et avait-il manifesté ce désir par des efforts pour se trouver cet emploi convenable?

[56] Oui. L’appelant avait le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable lui était offert et il avait manifesté ce désir en appelant l’usine de transformation de poisson pendant tout l’hiver alors qu’il était mis à pied et il est retourné travailler dès que possible à la mi-mai, lors du début de la saison de pêche au homard.

[57] En outre, en plus de simplement attendre que l’usine de transformation de poisson l’appelle, l’appelant a fait des efforts pour se trouver un autre travail en déposant des curriculum vitæ et en consultant des sites Internet pour trouver un emploi.

Existe-t-il des conditions personnelles qui limitent indûment les chances de l’appelant de réintégrer le marché du travail?

[58] Non. Le Tribunal, en s’appuyant sur des faits dont il dispose, conclut que la situation de l’appelant faisant en sorte qu’il ne pouvait pas travailler entre 9 h et midi ne limitait pas indûment ses chances de réintégrer le marché du travail. Le Tribunal a tenu compte, en tirant cette conclusion, de la très courte période de temps pendant laquelle l’appelant étudiait à l’extérieur de cette période.

[59] Le Tribunal s’est inspiré de l’arrêt Canada (Procureur général) c. Bertrand, A-613-81, de la Cour d’appel fédérale du Canada. Dans cette affaire, le conseil arbitral a conclu que la prestataire n’était pas disponible pour les besoins de la Loi sur l’AE, alors qu’elle était uniquement disponible pour travailler entre 16 h et 22 h. La CAF n’a pas remis en question la conclusion du conseil arbitral à cet égard.

[60] Les faits dans l’affaire dont est saisi le Tribunal sont similaires, en ce sens que l’appelant s’imposait des restrictions quant à ses heures de travail; cependant, ces restrictions ne peuvent être raisonnablement comparées à celles en cause dans l’arrêt Bertrand. Les restrictions de l’appelant représentent 3 à 4 heures par jour, ce qui est nettement différent des quelque 6 heures par jour pendant lesquelles la prestataire dans l’affaire Bertrand était disponible pour travailler.

[61] Le Tribunal conclut que l’appelant aurait pu accepter un emploi à temps plein si un tel emploi lui avait été offert, et ce, sans abandonner son cours. Le Tribunal appuie sa conclusion sur le fait que l’appelant a déjà travaillé 40 heures par semaine alors qu’il était à l’école secondaire. Il était capable de le faire et il a bel et bien travaillé à temps plein pendant qu’il était à l’école et il avait alors tout de même réussi à obtenir son diplôme pour aller poursuivre son éducation au collège.

[62] Le Tribunal reconnaît que l’appelant a déclaré dans son questionnaire qu’il n’avait pas auparavant travaillé tout en suivant un cours. Le Tribunal n’estime pas que cela va à l’encontre du témoignage de l’appelant selon lequel il travaillait 40 heures ou plus par semaine durant sa dernière année à l’école secondaire, parce que l’école secondaire ne serait pas considérée comme un « cours » selon le critère du langage ordinaire.

[63] Le Tribunal a aussi tenu compte de ce qui semblait être des incompatibilités entre la preuve quant à la question de savoir si l’appelant était disposé à quitter ses études pour obtenir un emploi à temps plein et les observations de la Commission selon lesquelles l’appelant avait fait des études sa priorité. Le Tribunal conclut que les incompatibilités, le cas échéant, ne sont pas pertinentes relativement à sa décision, parce que le Tribunal souscrit au témoignage de l’appelant selon lequel il aurait pu travailler à temps plein et tout de même continuer ses études, comme il l’avait fait à l’école secondaire. Compte tenu de cette conclusion, la question de savoir s’il aurait abandonné ses études pour travailler à temps plein devient théorique, puisque les restrictions que son cours imposait sur sa disponibilité ne le limitaient pas indûment.

L’appelant a-t-il sciemment fait une déclaration fausse ou trompeuse concernant sa disponibilité dans le premier questionnaire?

[64] Non. Pour les motifs exposés ci-dessus, le Tribunal conclut que les déclarations formulées par l’appelant sur le premier questionnaire au sujet de ses heures en salle de classe reflétaient de manière précise le temps qu’il passait en salle de classe, et qu’elles ne constituaient donc pas des déclarations fausses ou trompeuses. En outre, le Tribunal conclut que sa déclaration selon laquelle toutes ses obligations relatives à ses études étaient exécutées à l’extérieur de ses heures de travail normales ne constituait pas une fausse déclaration, parce que son ancien employeur l’avait accomodé pendant qu’il était à l’école secondaire et que l’on peut donc facilement affirmer que ses heures d’études au collège, qui étaient passablement moindres qu’à l’école secondaire, n’étaient pas à l’intérieur de ses heures normales de travail.

[65] La Commission peut infliger une pénalité à un prestataire lorsqu’elle prend connaissance de faits qui, à son avis, démontrent que le prestataire a fait sciemment une déclaration fausse ou trompeuse ou fourni des renseignements qu’elle sait être faux ou trompeurs (alinéa 38(1)a) et b) de la Loi sur l’AE). Une pénalité peut-être infligée pour chaque acte ou omission (paragraphe 38(1) de la Loi sur l’AE). Cependant, plutôt que d’infliger une sanction, la Commission peut choisir plutôt de donner un avertissement (article 41.1 de la Loi sur l’AE).

[66] En ce qui concerne l’avertissement donné par la Commission, le Tribunal conclut que la Commission ne peut pas donner un avertissement lorsqu’il n’y a pas eu de fausses déclarations.

Conclusion

[67] L’appel est accueilli.

Annexe

Le droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi
  1. 18 (1) Le prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations pour tout jour ouvrable d’une période de prestations pour lequel il ne peut prouver qu’il était, ce jour-là :
    1. a) soit capable de travailler et disponible à cette fin et incapable d’obtenir un emploi convenable;
    2. b) soit incapable de travailler par suite d’une maladie, d’une blessure ou d’une mise en quarantaine prévue par règlement et aurait été sans cela disponible pour travailler;
    3. c) soit en train d’exercer les fonctions de juré.
  2. (2) Le prestataire à qui des prestations doivent être payées en vertu de l’un des articles 23 à 23.2 n’est pas inadmissible au titre de l’alinéa (1)b) parce qu’il ne peut prouver qu’il aurait été disponible pour travailler n’eût été la maladie, la blessure ou la mise en quarantaine..
  3. 38 (1) Lorsqu’elle prend connaissance de faits qui, à son avis, démontrent que le prestataire ou une personne agissant pour son compte a perpétré l’un des actes délictueux suivants, la Commission peut lui infliger une pénalité pour chacun de ces actes :
    1. a) à l’occasion d’une demande de prestations, faire sciemment une déclaration fausse ou trompeuse;
    2. b) étant requis en vertu de la présente loi ou des règlements de fournir des renseignements, faire une déclaration ou fournir un renseignement qu’on sait être faux ou trompeurs;
    3. c) omettre sciemment de déclarer à la Commission tout ou partie de la rémunération reçue à l’égard de la période déterminée conformément aux règlements pour laquelle il a demandé des prestations;
    4. d) faire une demande ou une déclaration que, en raison de la dissimulation de certains faits, l’on sait être fausse ou trompeuse;
    5. e) sciemment négocier ou tenter de négocier un mandat spécial établi à son nom pour des prestations au bénéfice desquelles on n’est pas admissible;
    6. f) omettre sciemment de renvoyer un mandat spécial ou d’en restituer le montant ou la partie excédentaire comme le requiert l’article 44;
    7. g) dans l’intention de léser ou de tromper la Commission, importer ou exporter, ou faire importer ou exporter, un document délivré par elle;
    8. h) participer, consentir ou acquiescer à la perpétration d’un acte délictueux visé à l’un ou l’autre des alinéas a) à g).
  4. (2) La pénalité que la Commission peut infliger pour chaque acte délictueux ne dépasse pas :
    1. a) soit le triple du taux de prestations hebdomadaires du prestataire;
    2. b) soit, si cette pénalité est imposée au titre de l’alinéa (1)c), le triple :
      1. (i) du montant dont les prestations sont déduites au titre du paragraphe 19(3),
      2. (ii) du montant des prestations auxquelles le prestataire aurait eu droit pour la période en cause, n’eût été la déduction faite au titre du paragraphe 19(3) ou l’inadmissibilité ou l’exclusion dont il a fait l’objet;
    3. c) soit, lorsque la période de prestations du prestataire n’a pas été établie, le triple du taux de prestations hebdomadaires maximal en vigueur au moment de la perpétration de l’acte délictueux.
  5. (3) Il demeure entendu que les semaines de prestations régulières remboursées par suite de la perpétration d’un acte délictueux visé au paragraphe (1) sont considérées comme des semaines de prestations régulières versées pour l’application du paragraphe 145(2).
  6. 41.1 (1) La Commission peut, en guise de pénalité pouvant être infligée au titre de l’article 38 ou 39, donner un avertissement à la personne qui a perpétré un acte délictueux.
  7. (2) Malgré l’article 40, l’avertissement peut être donné dans les soixante-douze mois suivant la perpétration de l’acte délictueux.
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