Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Comparutions

M. L., prestataire, a pris part à l’audience par téléconférence.

Introduction

[1] L’appelante a déposé une demande d’assurance-emploi débutant le 3 juillet 2016. Le 12 octobre 2016, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la « Commission ») avise la prestataire qu’elle ne peut lui verser de prestations d’assurance-emploi à partir du 25 août 2016, parce qu’elle considère que la prestataire travaille la semaine entière. De plus, la Commission indique qu’elle ne peut lui verser de prestations d’assurance-emploi du 8 juillet au 24 août 2016, parce qu’elle ne peut verser de prestations pendant la période de congé scolaire.

[2] Le 24 novembre 2016, suite à sa demande de révision, la Commission avise la prestataire que la décision en lien avec le litige « enseignants » n’a pas été modifiée. La prestataire a porté cette décision en appel auprès du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (le « Tribunal ») le 28 décembre 2016.

[3] Cet appel a été instruit selon le mode d’audience Téléconférence pour les raisons suivantes :

  1. La complexité de la ou des questions en litige.
  2. L’information au dossier, y compris la nécessité d’obtenir des informations supplémentaires.
  3. Ce mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Question en litige

[4] La prestataire interjette appel de la décision concernant une inadmissibilité qui lui a été imposée aux termes de l’article 33 du Règlement sur l’assurance emploi (le « Règlement ») parce qu’elle n’a pas pu prouver qu’elle était admissible, en tant qu’enseignante, à des prestations d’assurance-emploi pendant une période de congé.

Preuve

[5] Les éléments de preuve contenus au dossier indiquent que :

  1. L’employeur indique qu’il y aura séance d'affectation le 15 et 22 août 2016 selon la liste de priorité. Pour les postes réguliers, permanents, les offres se feront entre le 4 et 15 juillet 2016. Pour pouvoir accéder à un poste régulier vacant, un enseignant doit, entre autres, être inscrit sur une liste de priorité et il doit avoir eu 3 contrats dans les 4 dernières années. Elle fait parvenir une liste des enseignants qui ont accepté un poste régulier (GD3-17/18).
  2. Contrat signé le 10 mai 2016 indiquant une tâche à 100% pour la Commission scolaire (« C. S. ») des Hautes-Rivières pour la période du 1er septembre 2015 au 30 juin 2016 (GD3-20).
  3. Extrait du procès-verbal du 23 août 2016 indiquant que la prestataire est engagée pour un poste régulier à compter du 25 août 2016 (GD3-21)
  4. L’employeur confirme que les noms des personnes sur la liste reçue sont les personnes ayant obtenu un poste régulier. Les offres ont été faites et acceptées le 8 juillet 2016 (GD3-22).
  5. La prestataire indique qu'elle est enseignante au primaire et détient un brevet. Elle fait partie du syndicat des enseignants du X X. En 2015-2016 elle a eu un contrat à 100 % de tâche à l'X X-X X X pour la Commission scolaire des Hautes-Rivières pour la période du 1er septembre 2015 au 27 septembre 2016. Vers la fin de juin début juillet elle a eu un appel de la Commission scolaire des Hautes-Rivières pour un poste régulier temps plein à l'X X-X X X. Elle a accepté le poste et elle a débuté son travail le 25 août 2016. Elle attendait d'avoir la confirmation papier. Ses années d'ancienneté et ses cotisations de retraite de cumulent d'année en année (GD3-23).
  6. La prestataire confirme avoir reçu un appel d'une personne de la Commission scolaire le 8 juillet 2016 qui lui offrait un poste pour l'année scolaire 2016-2017, mais elle ne savait même pas à quel niveau, elle connaissait seulement le nom de l'école. Elle déclare que c'était une offre verbale, elle vient tout juste de signer son contrat, tout aurait pu arriver pendant l'été, la Commission scolaire n'avait aucune obligation envers elle. La prestataire explique qu'elle était déjà sur la liste de priorité, ce qui fait que normalement, elle devait se présenter à la séance d'affectation qui a lieu en août pour se voir attribuer un contrat. Cette année, la différence est que, étant donné qu'elle s'était fait offrir un contrat en juillet, elle n'avait pas besoin de se présenter à la séance d'affectation. Elle précise que le contrat qu'elle a signé se terminait le 20 juin 2017. Elle déclare que si elle a un contrat comme celui qu'elle a présentement, elle croit que c'est 3 ans de suite, elle deviendra permanente. La prestataire précise que les enseignants ont toujours des emplois précaires, ils ne sont jamais certains que leurs conditions d'embauche ne changeront pas, alors elle ne comprend pas pourquoi elle ne serait pas admissible aux prestations pendant l'été, étant donné qu'elle n'était pas payée par l'employeur (GD3-29).

[6] La preuve soumise à l’audience par le témoignage de l’appelante révèle que :

  1. La prestataire indique qu’elle est enseignante et que le parcours d’une nouvelle enseignante est long et précaire.
  2. Généralement, l’été, elle se retrouve sans travail et a droit à l’assurance-emploi.
  3. Au début juillet 2016, elle a reçu un appel l’informant qu’elle est éligible à un poste. Elle attendait de recevoir une confirmation de ce poste par écrit. L’extrait officiel du procès-verbal est daté du 25 août et la réunion n’a été tenue que le 23 août. Elle considère avoir été engagée à partir de cette date.
  4. Elle indique que la Commission considère que l’appel du début juillet crée un lien alors que ce lien n’existe pas, sans preuve écrite. Elle juge contestable qu’elle ne puisse recevoir de prestations d’assurance-emploi pendant cet été d’autant que sa paie n’a pas été répartie sur cette période comme pour les années précédentes.
  5. Elle ne comprend pas la création du lien avec l’appel reçu puisque sa paie n’est de toute façon pas répartie. Elle n’est pas permanente et il lui est encore possible de se retrouver sur la liste de rappel.
  6. Elle souhaiterait que la Loi soit changée, car cet été-là a été particulièrement difficile, sans revenu.
  7. En 2015-2016, elle était à contrat à la même commission scolaire. Son salaire n’a donc pas été réparti l’été suivant. Elle considère que le 23 août est la date à laquelle elle a eu la confirmation de son contrat.
  8. Il y a eu des erreurs dans le passé et elle aurait pu perdre son contrat pendant l’été. Il y a régulièrement des ouvertures et fermetures de classes pendant l’été qui entraînent des modifications. Elle considère qu’un appel n’équivaut pas à une preuve d’engagement.
  9. Elle souligne la précarité des enseignants qui sortent de l’université.
  10. Elle ne s’est pas présentée à la session pour l’attribution des contrats en août puisqu’elle avait reçu le téléphone en juillet.
  11. Elle n’est pas occasionnelle ni suppléante.
  12. Elle ne comprend pas la différence entre cet été et les années antérieures.
  13. Elle indique que des enseignants semblaient dire qu’ils avaient eu droit à des prestations et se questionne à savoir si les critères ont changé.
  14. Elle considère que son contrat de 2015-2016 a pris fin comme son lien d’emploi. Sa paie n’a pas été répartie et elle ne voit pas de différence par rapport aux années précédentes. La seule différence est qu’elle sait où elle va travailler avant le mois d’août. Il n’y a pas non plus de différence au niveau des avantages collectifs.

Arguments des parties

[7] L’Appelante a fait valoir que :

  1. La division générale a fondé sa décision sur une conclusion de faits erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.
  2. Elle est enseignante à la Commission scolaire (« C. S. ») des Hautes-Rivières. Jusqu'à cette année (2016-2017), elle était sur la liste de priorité d'octroi de contrat, liste érigée par la C. S. elle-même.
  3. À la fin de l'année scolaire 2015-2016, son contrat s'est terminé et elle a effectué une demande d'assurance-emploi, tout comme les années précédentes. Au début juillet, elle a reçu un appel lui disant qu’elle est éligible pour obtenir un poste dans une école précise (pas de permanence), offre qu’elle se voit mal de refuser. Elle a donc reçu, au début juillet, une entente verbale, conclue quelques jours avant la fermeture estivale de la C.S. Cette brève entente devait l'empêcher de bénéficier de l'assurance-emploi sous prétexte qu'un lien nouveau aurait été créé lors de l'appel. Si elle avait refusé ce poste, son nom serait resté sur la liste de contrat et elle aurait su au mois d'août au lieu de juillet, où elle irait travailler au sein de la C.S..
  4. Elle a accepté, n’ayant aucune garantie, aucune preuve, aucun papier prouvant que ce poste allait bel et bien lui revenir à la fin du mois. On sait qu'en enseignement, surtout dans cette C.S., la précarité est persistante. De plus, les erreurs sont fréquentes et durant l'été tout peut arriver, sans préavis. Une classe peut fermer, un enseignant peut revenir sur une décision, la C.S. oublie fréquemment des employés, ce qui cause un effet boule de neige.
  5. Elle maintient fermement qu'un appel ne constitue pas une preuve d'engagement.
  6. Ensuite, la prestataire indique que les seules différences entre un contrat et un poste sont d'une part, que le contrat se termine au mois de juin et ne se reconduit pas l'année suivante. En ce qui concerne le poste, il se termine également au mois de juin, mais peut se reconduire l'année suivante. Cela étant dit, elle a signé son contrat d'engagement qui est effectif entre août 2016 et juin 2017.
  7. Officiellement, son poste prend fin au mois de juin prochain. Le contrat et le poste lui donnent une unique certitude : elle travaillera pour cette C.S. l'année scolaire suivante. Le poste lui permet d'avoir une paie répartie sur 12 mois au lieu de 10, à l'été suivant l'engagement! L'été dernier était donc identique en tout point aux étés antérieurs.
  8. Pour conclure, elle trouve illégitime qu'on lui réclame 3000$, elle trouve illégitime qu'on soustraie l'accès à l'assurance-emploi aux enseignants qui, comme elle, tente tant bien que mal d'arriver financièrement pendant les mois d'été sans paie.

[8] L’intimée a soutenu que :

  1. Les faits au dossier démontrent que la prestataire est une enseignante telle que définie par le Règlement puisque celle-ci enseigne dans une école primaire (pages GD3-6, GD3-19, GD3-23). La prestataire a demandé et elle a reçu des prestations durant le congé scolaire estival, soit du 1er juillet 2016 au 24 août 2016 (GD3-18). La prestataire a obtenu un contrat d’enseignement pendant la période de référence (page GD3-20).
  2. Le paragraphe 33(1) définit l’enseignement comme la profession d’enseignant dans une école maternelle, primaire ou secondaire, y compris dans une école de formation technique ou professionnelle. Aux termes du paragraphe 33(1) du Règlement, un enseignant n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi, autres que les prestations de maternité et les prestations parentales, pendant une période de congé, à moins que l’une des conditions d’exemption décrites dans le paragraphe 33(2) du Règlement soit rencontrée:
    1. son contrat de travail dans l’enseignement a pris fin ;
    2. son emploi dans l’enseignement était exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance ;
    3. il remplit les conditions requises pour recevoir des prestations d’assurance-emploi à l’égard d’un emploi dans une profession autre que l’enseignement.

(a) Fin de contrat selon le paragraphe 33(2)(a) du Règlement

  1. Dans le présent cas, la prestataire n'a pas démontré que son contrat de travail dans l'enseignement a pris fin le 30 juin 2016 et qu'elle ne retournera pas à l’emploi de son employeur suite à la période de congé scolaire. Elle a conclu un autre contrat dans l'enseignement avec la même Commission scolaire le 8 juillet 2016 (GD3-22) au cours de la période de congé scolaire du 1er juillet 2016 au 24 août 2016, et cette offre a été faite quelques jours seulement après la fin de l’année scolaire. On peut voir que lorsque la prestataire a déposé sa demande de prestations elle s’attendait à revenir l’année suivante puisqu’elle a indiqué un retour au travail prévu le 25 août 2016 (page GD3-5). La Commission soutient que le lien d’emploi s’est poursuivi lorsqu’elle a conclu une entente avec son employeur pour la prochaine période d’enseignement.
  2. Conséquemment, la prestataire ne rencontre pas l'exception prévue à l'alinéa 33(2)a) du Règlement.
  3. La Commission soumet que la jurisprudence appuie sa décision. La Cour d’appel fédérale a confirmé le principe que l’exception prévue par le paragraphe 33(2) (a) du Règlement est destiné à apporter un soulagement aux enseignants qui souffrent d’une véritable rupture de la relation employée-employeur à la fin de la période d’enseignement. Les enseignants qui ont vu leurs contrats renouvelés avant l’expiration de leurs contrats d’enseignements ou peu de temps après pour la nouvelle année scolaire n’étaient pas en chômage et il y avait continuité de l’emploi. L’intention du législateur en ce qui a trait à l’article 33 du Règlement est fondée sur la prémisse claire qu’à moins qu’il y ait une véritable rupture dans la continuité de l’emploi d’un enseignant, l’enseignant n’aura pas droit aux prestations pour la période de congé scolaire (Oliver et al c. Canada (PG), 2003 CAF 98, Stone c. Canada (PG), 2006 CAF 27, Canada (PG) c. Robin, 2006 CAF 175).

(b) Emploi sur une base occasionnel ou de suppléance selon le paragraphe 33 (2) (b) du Règlement

  1. Dans le présent cas, la prestataire a été employée pour un contrat d’enseignements à temps plein à partir du 1er septembre 2015 au 30 juin 2016 (page GD3-20). La Commission soumet que l’emploi de la prestataire du 1er septembre 2015 au 30 juin 2016 était suffisamment régulier, continu et prédéterminé et que pour cette raison, il ne répond pas à la définition de l’enseignement occasionnel ou de la suppléance au sens du paragraphe 33(2)(b) du Règlement.
  2. La Commission soutient que la jurisprudence appuie sa décision. La Cour d’appel fédérale a précisé que l’exception à la fin du paragraphe 33(2)(b) du Règlement met l’accent sur l’exercice de l’emploi et non sur le statut de l’enseignant qui l’occupe. L’emploi qui a été exercé de façon continue et déterminée peut ne pas être considéré comme un emploi occasionnel ou de la suppléance. Les enseignants qui concluent des contrats temporaires en enseignement régulier au cours de l’année scolaire ne répondent plus à la définition d’enseignement « occasionnel » ou « suppléance » au sens du paragraphe 33(2)(b) du Règlement (Arkinstall c. Canada (PG), 2009 CAF 313, Canada (PG) c. Blanchet, 2007 CAF 377).

(c) Emploi autre qu’en enseignement selon le paragraphe 33(2) (c) du Règlement

  1. Dans le cas présent, il n’y avait aucune preuve que la prestataire était admissible aux prestations dans un emploi autre que dans l’enseignement. Conséquemment, le paragraphe 33(2) (c) du Règlement ne s’applique pas.
  2. La prestataire allègue qu’elle n’a reçu qu’un avis verbal de l’employeur; il n’a avait donc aucune garantie de retour pour l’année suivante (page GD3-28). Un contrat de travail dans l'enseignement peut être écrit ou verbal. Il est raisonnable de conclure qu'il y a effectivement un nouveau contrat lorsque l'employeur a fait une offre d'emploi véritable pour enseigner durant la prochaine période scolaire, autrement dit que l'employeur a un poste d'enseignant vacant à remplir durant la prochaine période scolaire et que l'enseignant a accepté l'offre. La décision de l'enseignant d'accepter verbalement une offre d'emploi dans l'enseignement, mais de remettre la signature du contrat à une date ultérieure tombant dans la période de congé ne change rien au fait qu'un contrat dans l'enseignement a été conclu à la date à laquelle l'offre a été faite par l'employeur et acceptée verbalement par l'enseignant. Pour qu'il y ait continuité dans l'emploi, il faut normalement qu'il s'agisse du même employeur ou la même commission scolaire. Dans le cas présent, la prestataire a accepté verbalement un contrat pour la même commission scolaire.
  3. La prestataire allègue qu’il y a deux mois pour lesquels elle ne sera pas payée par l’employeur (page GD3-28). Le fait qu’il y ait ou non des paiements qui soient faits par l’employeur pour une période de congé scolaire ne constitue malheureusement pas un élément considéré lors de la prise de décision pour les enseignants.
  4. La prestataire allègue que son contrat peut être annulé n’importe quand durant la période estivale (page GD2-8). La Commission est d’avis qu’une entente a tout de même eu lieu entre l’employeur et la prestataire et qu’il y a un lien entre les contrats. Le contrat n’a donc pas pris fin. Si celui-ci venait à être annulé durant le congé estival, la prestataire pourrait à ce moment demander à ce que la décision soit révisée.
  5. La Commission maintient que la prestataire ne peut pas être admissible aux prestations durant la période de congé scolaire du 8 juillet 2016 au 24 août 2016 puisqu’elle n’a pas démontré qu’elle rencontrait l’une des conditions d’exemption décrites au paragraphe 33(2) du Règlement.

Analyse

Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites en annexe à la présente décision.

[9] Le paragraphe 33 (1) du Règlement définit l’enseignement comme étant la profession d'enseignant dans une école maternelle, primaire, intermédiaire ou secondaire, y compris une école de formation technique ou professionnelle.

[10] Le paragraphe 33 (2) établit les conditions rendant un enseignant inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi, durant les périodes de congé :

  1. (2) Le prestataire qui exerçait un emploi dans l'enseignement pendant une partie de sa période de référence n'est pas admissible au bénéfice des prestations – sauf celles payables aux termes des articles 22 et 23 de la Loi — pour les semaines de chômage comprises dans toute période de congé de celui-ci, sauf si, selon le cas :
    1. a) son contrat de travail dans l'enseignement a pris fin;
    2. b) son emploi dans l'enseignement était exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance;
    3. c) il remplit les conditions requises pour recevoir des prestations à l'égard d'un emploi dans une profession autre que l'enseignement.

[11] La Cour d’appel fédérale a confirmé le principe selon lequel l’exception prévue en vertu de l’alinéa 33(2) a) du Règlement est destinée à apporter un soulagement aux enseignants qui souffrent d’une véritable rupture de la relation employé employeur à la fin de la période d’enseignement. Les enseignants qui ont vu leurs contrats renouvelés avant l’expiration de leurs contrats d’enseignement ou peu de temps après, pour la nouvelle année scolaire, n’étaient pas en chômage et il y avait continuité de l’emploi.  L’intention du législateur en ce qui a trait à l’article 33 du Règlement est fondée, entre autres, sur la prémisse qu’à moins qu’il y ait une véritable rupture dans la continuité de l’emploi d’un enseignant, celui-ci n’aura pas droit aux prestations pour la période de congé scolaire (Oliver et al c. Canada (PG), 2003 CAF 98, Stone c. Canada (PG), 2006 CAF 27, Canada (PG) c. Robin, 2006 CAF 175).

Fin du contrat de travail de l’appelante et continuité du lien d’emploi (alinéa 33(2) a) du Règlement).

[12] La prestataire a travaillé à titre d’enseignante, au niveau primaire, pour la Commission scolaire des Hautes-Rivières au cours de l’année scolaire 2015-2016. Elle a réalisé un contrat à 100%, au cours de la période du 1er septembre 2015 au 30 juin 2016 (GD3-20). Ce contrat a pris fin quelques jours avant, le 27 juin 2016, au retour de l’enseignante qu’elle remplaçait.

[13] La prestataire  a indiqué avoir signifié son intérêt et avoir accepté verbalement un poste régulier à temps plein en juillet 2016. Elle a indiqué avoir débuté ce poste le 25 août 2016 (GD3-23).

[14] L’employeur confirme que les offres ont été faites pour les personnes ayant obtenu un poste régulier le 8 juillet 2006 (GD3-22). La prestataire apparaît sur la liste transmise par l’employeur. Cette liste est datée du 11 juillet 2016 (GD3-17).

[15] Dans l’affaire Lafrenière, la Cour a fait le rappel suivant :

« L’intention du Parlement est de verser des prestations aux personnes qui se retrouvent en chômage sans que l’on puisse leur en attribuer la faute et qui consacrent de sérieux efforts à se trouver un emploi. Aux termes de l’article 33 du Règlement, les enseignants visés ne sont pas considérés comme des chômeurs pendant les périodes annuelles de congé et sont, par conséquent, exclus du bénéfice des prestations à moins de satisfaire à l’un des trois critères prévus au paragraphe 33(2) du Règlement […] l’objectif de l’article 33 du Règlement […] est d’éviter le « cumul de prestations et de traitement » (Lafrenière 2013 CAF 175).

[16] Dans Oliver et al., la Cour a donné l’explication suivante :

« Dans tous les arrêts de la Cour, à l’exception de l’arrêt Ying, les enseignants se sont vus refuser les prestations réclamées au titre de l’alinéa 33(2) a) du Règlement. Le juge-arbitre a établi une distinction d’avec l’arrêt Ying. Selon lui, on ne peut trancher la question de savoir si un enseignant était visé ou non par l’exception uniquement sur la base d’une date de fin de travail indiquée dans un contrat. Toutes les circonstances de  l’espèce  doivent être prises en considération à la lumière de l’objectif et de l’intention de la loi. […]

Avec déférence, j’estime que le juge-arbitre a bien compris le principe directeur des arrêts de la Cour cités dans sa décision et qu’il l’a correctement appliqué aux faits de l’espèce. […] Dans tous les arrêts, y compris l’arrêt Ying, la Cour a cherché à voir s’il y avait une continuité d’emploi pour les prestataires. Il n’existait pas une telle continuité dans l’affaire Ying étant donné qu’ « il y avait une période allant du 30 juin 1996 au 26 août 1996 dont on n’aurait pu dire qu’elle était une période où la demanderesse avait un contrat de travail en vigueur » (arrêt Ying, précité, paragraphe 1). […] La situation juridique est différente en l’espèce. Les contrats de travail ont été renouvelés avant ou peu après la fin des contrats de stage probatoire des prestataires. On ne peut pas dire, comme dans l’arrêt Ying, que les prestataires n’avaient pas de contrat de travail en vigueur. Le statut juridique des prestataires était semblable à celui des enseignants dans l’arrêt Partridge, précité, et dans l’arrêt Bishop c. Canada, 2002 CAF 276 (CanLII). (Oliver et al. c. Canada 2003 CAF 98).

[17] Dans  Robin, la Cour a déclaré :

« Il n’est pas suffisant de s’en tenir, comme l’a fait le juge-arbitre, aux dates de fin et début des contrats pour déterminer si le contrat de travail dans l’enseignement d’une prestataire a pris fin au sens de l’alinéa 33(2)a) du Règlement. Il faut, en outre, comme nous l’enseigne Oliver, précité, déterminer s’il y a eu une rupture claire dans la continuité de l’emploi de la prestataire, de sorte que cette dernière est devenue un « chômeur ». Le fait qu’il puisse exister une (sic) [un] intervalle entre deux contrats pendant laquelle (sic) [lequel] l’enseignante n’est pas sous contrat, ne fait pas en sorte, à mon avis, qu’il y a une véritable rupture de la relation entre l’enseignante et son employeur. Il ne faut pas oublier que le but de l’exercice n’est pas d'interpréter les dispositions contractuelles afin d’établir les droits respectifs de l’employeur et de l’employé, mais de décider si un prestataire a droit de recevoir des prestations d’assurance- emploi parce qu’il est, de fait, en période de chômage. » (Canada c. Robin 2006 CAF 175).

[18] Dans la cause Stone, la Cour a suggéré neuf facteurs dont il conviendra de tenir compte pour savoir s’il y a eu rupture claire dans la continuité de l’emploi en vertu de l’alinéa 33(2)a) du Règlement. La Cour mentionne que cette liste n’est pas limitative, que les facteurs ne doivent pas être évalués d’une manière mécanique et qu’il faut plutôt examiner l’ensemble des circonstances de chaque cas. Ces neufs facteurs sont les suivants : l’ancienneté de la relation d’emploi, la durée de la période de congé, les usages et pratiques du domaine d’enseignement en cause, le versement d’une rémunération durant la période de congé, les conditions du contrat de travail écrit, s’il y en a un, la méthode à laquelle recourt l’employeur, les autres éléments attestant une reconnaissance de départ de la part de l’employeur et l’arrangement conclu entre le prestataire et l’employeur, et la conduite respective de chacun (Stone c. Canada 2006 CAF 27).

[19] La Cour a aussi précisé que l’exception prévue à la fin de l’alinéa 33(2)b) du Règlement met l’accent sur l’exercice de l’emploi et non sur le statut de l’enseignant qui l’occupe. L’emploi qui a été exercé de façon continue et déterminée peut ne pas être considéré comme un emploi occasionnel ou de la suppléance. Les enseignants qui concluent des contrats temporaires en enseignement régulier au cours de l’année scolaire ne répondent plus à la définition d’enseignement « occasionnel » ou de « suppléance » au sens de l’alinéa 33(2) b) du Règlement (Arkinstall c. Canada 2009 CAF 313; Canada c. Blanchet 2007 CAF 377).

[20] Le Tribunal est d’avis que la relation ou le lien d’emploi de l’appelante  avec  son employeur, la Commission scolaire des Hautes-Rivières, s’est poursuivi à partir du moment où celle-ci a conclu une entente, verbale au départ, avec ledit employeur, pour l’année d’enseignement qui a suivi la fin de son contrat.

[21] Dans l’affaire Bazinet et al., la Cour a déclaré :

« Considérant que les demanderesses ont travaillé comme enseignantes à temps partiel pour la Commission scolaire de la fin août 2002 à la fin juin 2003, considérant que vers la fin juin 2003, la Commission scolaire leur a fait des offres de travail pour l’année scolaire 2003-2004, offres qu’elles ont acceptées dans les jours suivants, et considérant que les demanderesses, tout comme les autres enseignantes de la Commission scolaire, n’avaient pas à travailler durant les mois de juillet et août 2003, je ne puis voir comment il est possible de conclure qu’il y a eu rupture dans la relation de travail entre les demanderesses et la Commission scolaire. […] La réalité est donc la suivante, à savoir que les demanderesses ont enseigné, sans interruption, dans les écoles de  la Commission scolaire durant le cours des années 2002-2003 et 2003-2004. La situation factuelle démontre, hors de tout doute, que la relation des demanderesses avec leur employeur n’a pas pris fin. Par conséquent, il n’y a pas eu rupture dans la continuité de leur emploi auprès de la Commission scolaire. […] Quant à l’argument des demanderesses selon lequel il ne  pouvait y avoir de continuité dans leur emploi puisque les offres d’emploi qu’elles avaient reçues de la Commission scolaire à la fin juin 2003 n’étaient que des offres verbales et qu’elles avaient été formulées par des personnes non autorisées légalement à les embaucher, je suis d’avis que cet argument est sans mérite. En premier lieu, comme je le  mentionnais  précédemment  au paragraphe 44 de mes motifs, il ne faut pas oublier que le but de l’exercice n’est pas d’interpréter les dispositions contractuelles afin d’établir les droits respectifs de l’employeur et de ses employés, mais de décider si un prestataire a droit de recevoir des prestations d’assurance-emploi parce qu’il est, de fait, en période de chômage. En second lieu, je suis d’accord avec le défendeur que  cet argument est tout à fait théorique, considérant que, de fait, les demanderesses ont accepté les offres faites par la Commission scolaire et qu’elles ont repris leur travail le 27 août 2004, même si leurs contrats n’ont été signés qu'à l’automne 2004. (Bazinet et al. c. Canada 2006 CAF 174).

[22] Le Tribunal souligne que la Cour suprême du Canada a rejeté la demande d’autorisation d’appel déposée par la prestataire, relativement à cette décision (Bazinet et al., 2006 CAF 174 – CSC 31541).

[23] L’offre verbale d’emploi reçue par l’appelante le 8 juillet 2016 et acceptée par celle-ci vient confirmer la continuité dans l’emploi de celle-ci, à compter de cette journée. Le  Tribunal précise que ce lien d’emploi s’est poursuivi à partir de cette date, même si l’appelante la résolution de la Commission scolaire n’a été entérinée que le 23 août 2016 (GD3-21).

[24] La prestataire a fait valoir qu’elle ne considérait pas l’offre qu’elle a acceptée, pour l’année scolaire 2016-2017, comme une offre formelle de contrat étant donné qu’il s’agissait d’un simple téléphone pour lequel elle n’avait reçu aucune confirmation écrite. Elle a souligné que des offres semblables avaient été faites dans le passé, mais que celle-ci était finalement été annulées ou modifiées. Elle a souligné que tant que le contrat n’est pas signé, il peut être annulé ou des changements peuvent y être apportés, à la suite d’une diminution de clientèle.

[25] Néanmoins, la Commission estime aussi que les changements qui peuvent être apportés à la tâche d’un enseignant à la suite de l’acceptation du contrat qui lui a été initialement offert, n’a pas pour effet d’altérer la continuité du lien d’emploi comme tel, même si de tels changements peuvent résulter en une augmentation ou une diminution de la tâche prévue au départ.

[26] En prenant en considération la preuve et les arguments présentés par les parties, le Tribunal estime qu’il n’y a pas eu une véritable rupture dans la continuité de l’emploi de la prestataire et que celle-ci ne peut être admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi pendant la période de congé scolaire.

[27] Le Tribunal souligne également que bien qu’il puisse exister un intervalle de temps entre deux contrats et pendant lequel un enseignant n’est pas sous contrat, une telle situation ne fait pas en sorte de créer une véritable rupture de la relation entre cet enseignant et son employeur (Canada c. Robin 2006 CAF 175).

[28] Le Tribunal est d’avis qu’en acceptant, en juillet 2016, le nouveau contrat, la prestataire a clairement démontré qu’il n’y a pas eu de rupture claire de son lien d’emploi avec la Commission scolaire des Hautes-Rivières.

[29] Le fait que la prestataire ait réalisé un contrat d’enseignement qui s’est terminé le 27 juin 2016 et qu’elle en ait accepté un autre, quelques jours avant la fin de ce contrat, pour l’année scolaire 2016-2017, a fait en sorte de confirmer la continuité de son lien d’emploi avec l’employeur.

[30] De plus, le relevé d’emploi émis par l’employeur, en date du 12 juillet 2016, indique que la date prévue du rappel au travail de la prestataire était « non connue » et non pas que ce rappel n’était pas prévu (pièce GD3-15).

[31] La relation ou le lien d’emploi de la prestataire avec son employeur, la Commission scolaire des Hautes-Rivières, s’est poursuivi à partir du moment où elle a conclu une entente avec cet employeur pour l’année d’enseignement ayant suivi la fin de son contrat, en juin 2016. La prestataire n’a, de ce fait, pas démontré qu’elle ne retournerait pas à l’emploi de son employeur, à la suite de la période de congé scolaire. D’autant que la prestataire a confirmé qu’elle ne s’est pas présenté à la séance d’attribution des contrats, étant donné qu’elle avait reçu un appel en juillet 2016.

 Emploi exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance (alinéa 33(2) b) du Règlement)

[32] Le Tribunal considère que le contrat réalisé par l’appelante au cours de l’année scolaire 2015-2016, du 1er septembre 2015 au 27 juin 2016, ne répond pas à la définition d’enseignement « occasionnel » ou de « suppléance » au sens de l’alinéa 33(2)b) du Règlement.

[33] La prestataire a aussi indiqué qu’elle n’était pas occasionnelle ou suppléante depuis déjà quelques années.

[34] Il a été clairement établi que les enseignants qui concluent des contrats temporaires en enseignement régulier au cours de l’année scolaire ne répondent plus à la définition d’enseignement « occasionnel » ou de « suppléance » au sens de l’alinéa 33(2)b) du Règlement (Arkinstall 2009 CAF 313; Blanchet 2007 CAF 377).

[35] Le Tribunal considère que l’alinéa 33(2) b) du Règlement n’est pas applicable à la situation de l’appelante.

Emploi dans une autre profession que l’enseignement (alinéa 33(2) c) du Règlement)

[36] Le Tribunal considère également que rien dans la preuve au dossier n’indique que la prestataire était admissible aux prestations dans un emploi autre que dans l’enseignement. En conséquence, l’alinéa 33(2) c) du Règlement ne s’applique pas au cas présent.

[37] En somme, même si l’appelante n’a pas travaillé et qu’elle n’a reçu aucune rémunération de la part de son employeur, pour la période au cours de laquelle son inadmissibilité a été établie soit, du 8 juillet 2016 au 24 août 2016, il n’y a pas eu de rupture claire dans la continuité de son emploi.

[38] S’appuyant sur la jurisprudence mentionnée plus haut, le Tribunal estime que l’appelante n’a pas démontré qu’elle pouvait être admissible, à titre d’enseignante, au bénéfice des prestations d’assurance-emploi, pendant une période de congé, parce qu’elle ne rencontre pas les exceptions prévues au paragraphe 33(2) du Règlement.

[39] En conséquence, la décision de la Commission d’imposer une inadmissibilité à l’appelante, pour les périodes du 8 juillet 2016 au 24 août 2016, en vertu de l’article 33 du Règlement, est justifiée.

Conclusion

[40] L’appel est rejeté.

Annexe

Droit applicable

Règlement sur l’assurance-emploi
  1. 33 (1) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.
  2. enseignement La profession d’enseignant dans une école maternelle, primaire, intermédiaire ou secondaire, y compris une école de formation technique ou professionnelle. (teaching)
  3. période de congé La période qui survient annuellement, à des intervalles réguliers ou irréguliers, durant laquelle aucun travail n’est exécuté par un nombre important de personnes exerçant un emploi dans l’enseignement. (non-teaching period)
  4. (2) Le prestataire qui exerçait un emploi dans l’enseignement pendant une partie de sa période de référence n’est pas admissible au bénéfice des prestations — sauf celles prévues aux articles 22, 23, 23.1 ou 23.2 de la Loi — pour les semaines de chômage comprises dans toute période de congé de celui-ci, sauf si, selon le cas :
    1. (a) son contrat de travail dans l’enseignement a pris fin ;
    2. (b) son emploi dans l’enseignement était exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance;
    3. (c) il remplit les conditions requises pour recevoir des prestations à l’égard d’un emploi dans une profession autre que l’enseignement.
  5. (3) Lorsque le prestataire qui exerçait un emploi dans l’enseignement pendant une partie de sa période de référence remplit les conditions requises pour recevoir des prestations à l’égard d’un emploi autre que l’enseignement, les prestations payables pour une semaine de chômage comprise dans toute période de congé de celui-ci se limitent au montant payable à l’égard de l’emploi dans cette autre profession.
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