Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Comparutions

L’appelant, M. L. a participé à l’audience. La Commission de l’assurance-emploi du Canada (la « Commission ») n’était pas présente.

Introduction

[1] L’appelant a travaillé pour l’entreprise, Béton Brunet Ltée, et il a perdu son emploi le 13 novembre 2015 en raison d’un manque de travail. L’appelant a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi et une période de prestations a été établie. Pendant, sa période de prestations l’appelant a décidé de suivre une formation de sa propre initiative dont la durée prévue était du 11 février 2016 au 15 juin 2016. Dans une décision rendue en mars 2016, la Commission a déterminé que l’appelant était inadmissible aux prestations pendant la période de sa formation, soit du 11 février 2016 au 15 juin 2016.

[2] Peu de temps après cette décision, la Commission a découvert que l’appelant avait quitté volontairement son emploi qu’il occupait au sein de Béton Brunet Ltée., le 4 avril 2016. Les personnes qui quittent volontairement leur emploi ne sont pas admissibles aux prestations à moins de prouver que leur départ volontaire fut la seule solution raisonnable dans leur cas. Dans le cas de l’appelant, la Commission a déterminé le 21 juin 2016 que l’appelant avait quitté volontairement son emploi sans justification et l’appelant a été exclu du bénéfice des prestations une deuxième fois, cette fois-ci à partir du 3 avril 2016.

[3] Cette exclusion a généré un trop-payé d’une somme de 2 224,00 $ et un avis de dette fut émis le 25 juin 2016. L’appelant a déposé une demande de révision de cet avis de dette. Dans une décision de révision rendue le 26 août 2016, la Commission a informé l’appelant que la décision rendue le 21 juin 2016 a été maintenue. De plus, la possibilité de défalquer la dette ne peut être considérée puisque les prestations ont été versées il y a moins de douze mois, et ce en vertu de l’article 56 du Règlement sur l’assurance-emploi.

[4] L’appelant a interjeté appel devant le Tribunal, en invoquant que la dette a été créée après une erreur de la Commission et que l’appelant ne devrait pas être tenu responsable de cette dette.

[5] Cet appel a été instruit selon le mode d’audience Vidéoconférence pour les raisons suivantes :

  • La disponibilité de la vidéoconférence dans la localité où habite l’appelant.
  • Ce mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Question en litige

[6] Est-ce que le Tribunal a la compétence pour statuer sur la demande de défalcation de la dette? 

Preuve

[7] Un relevé d’emploi indique que l’appelant a travaillé pour l’entreprise, Béton Brunet Ltée., du 8 juin 2015 au 13 novembre 2015 et la raison de la cessation d’emploi est à cause d’un manque de travail. (GD3-18). L’employeur a déclaré que l’appelant a été mis à pied temporairement le 13 novembre 2015. Cependant, l’appelant a démissionné le 1er mars 2016 (GD3-19). De plus, l’employeur a confirmé que n’eut été son départ volontaire, l’appelant aurait été rappelé au travail le 4 avril 2016 (GD3-26).

[8] L’appelant a avisé la Commission qu’il suivait un cours de formation qui a débuté le 11 février 2016 et prendra fin le 15 juin 2016 (GD3-11). L’appelant a également déclaré à la Commission qu’il a quitté volontairement son emploi parce qu’il est retourné aux études. (GD3-20)

[9] Le 31 mars 2016, la Commission a avisé l’appelant qu’elle ne pouvait lui verser des prestations du 11 février 2016 au 15 juin 2016, parce qu’il suivait un cours de formation et n’est pas disponible pour travailler. (GD3-22)

[10] Le 2 mai 2016, l’appelant a avisé la Commission qu’il a terminé sa formation le 22 avril 2016. (GD3-24)

[11] Le 21 juin 2016, la Commission a avisé l’appelant qu’il a été exclu du bénéfice des prestations à partir du 3 avril 2016, parce qu’il a volontairement quitté son emploi le 4 avril 2016 sans justification au sens de la Loi. Cette exclusion a généré un trop-payé d’une somme de 2 224,00 $ et un avis de dette fut émis. (GD3-27 à GD3-29)

[12] L’appelant a demandé la révision de l’avis de dette qui a été émis. L’appelant a expliqué qu’il avait avisé la Commission de la date de fin de son cours de formation et la Commission lui a conseillé de continuer de faire ses déclarations et il a continué de recevoir des prestations. Lors d’une conversation avec la Commission, l’appelant a déclaré être d’accord avec la décision rendue le 21 juin 2016 qui a déterminé qu’il a quitté volontairement son emploi sans justification. Cependant, bien qu’il ait continué à recevoir des prestations auxquelles il n’avait pas droit, l’appelant soutient qu’il ne devrait pas être tenu responsable du trop-payé car c’est la Commission qui a continué de lui payer des prestations. Lors de cette conversation, la Commission a avisé l’appelant que sa dette ne pourrait être défalquée puisque les prestations en question ont été versées il y a moins de douze mois (GD3-32 et 33).

[13] Dans une décision de révision rendue le 26 août 2016, la Commission a informé l’appelant que la décision rendue le 21 juin 2016 a été maintenue. De plus, la possibilité de défalquer la dette ne peut être considérée puisque les prestations ont été versées il y a moins de douze mois, et ce en vertu de l’article 56 du Règlement sur l’assurance-emploi.

[14] L’appelant a interjeté appel devant le Tribunal. Dans cet avis d’appel, l’appelant indique qu’il avait avisé la Commission de la fin de ses études dans le but d’annuler sa période de prestations, mais la Commission a continué de lui verser des prestations. Ainsi la dette devrait être annulée, car il ne devrait pas en être tenu responsable.  L’appelant ne conteste pas le fait qu’il a été exclu du bénéfice des prestations pour départ volontaire.

Arguments des parties

[15] Durant l’audience, l’appelant a soutenu qu’il a communiqué avec la Commission à la fin de sa période de formation afin d’annuler sa période de prestations. Nonobstant ce fait, la Commission a continué de lui verser des prestations. De ce fait, le trop-payé qui en résulte n’est pas de sa faute et il ne devrait pas en être tenu responsable. Il demande l’annulation de la dette.

[16] La Commission soumet que le Tribunal n’a pas la compétence pour trancher la question du refus de la Commission de défalquer le trop-payé. Cette question peut uniquement être tranchée par la Cour fédérale, et ce en vertu de la jurisprudence en la matière. (Canada (PG) c. Villeneuve, 2005 CAF 440 ; Canada (PG) c. Mosher, 2002 CAF 355 ; Canada (PG) c. Filiatrault, A-874-97)

[17] De plus, en vertu de l’article 112.1 de la Loi les décisions de la Commission concernant la défalcation de toutes sommes dues à la Commission ne peuvent faire l’objet de la révision prévue à l’article 112 de la Loi.

[18] Finalement, la Commission reconnait qu’une erreur s’est produite dans le dossier quant à la date à laquelle l’exclusion devrait s’appliquer. La Commission confirme que le trop-payé n’aurait pas dû être établi, l’appelant a reçu des prestations pour une raison indépendante de sa volonté. La Commission recommande au Tribunal de rejeter l’appel en modifiant la date d’exclusion au 19 juin 2016, ce qui aura pour effet d’annuler le trop-payé.

Analyse

[19] Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites en annexe à la présente décision.

[20] L’appelant demande au Tribunal de se prononcer sur la défalcation du trop-payé généré suite à la décision de la Commission.

[21] Est-ce que le Tribunal a la compétence pour trancher la demande de l’appelant?

[22] En réponse à cet appel, la Commission soutient que le Tribunal n’a pas la compétence pour trancher cet appel, car les décisions rendues en matière de défalcation d’une dette ne sont pas sujettes à appel devant le Tribunal.

[23] En effet, conformément à l’article 113 de la Loi, le Tribunal à la compétence d’entendre un appel portant sur une décision en révision rendue en vertu de l’article 112 de la Loi. Or, dans le cas à l’étude, il ressort de la preuve qu’une décision en révision n’a pas été rendue relativement à la question de la défalcation de la dette. Par ailleurs, selon les dispositions de l’article 112.1, « Les décisions de la Commission rendues en vertu du Règlement sur l’assurance-emploi qui concernent la défalcation de pénalités à payer, de sommes dues ou d’intérêts courus sur ces pénalités ou sommes ne peuvent faire l’objet de la révision prévue à l’article 112 » Le Tribunal n’aurait donc pas juridiction parce qu’en vertu de l’article 113 de la Loi, pour qu’il ait cette juridiction, il faut qu’une décision révisée ait été émise par la Commission en vertu de l’article 112 de la Loi. Ce qui n’apparait pas être le cas pour la question de la défalcation de la dette.

[24] Compte tenu de ce qui précède le Tribunal n’a pas la compétence pour trancher la question du refus de la Commission de défalquer le trop-payé. Par ailleurs, cette question peut uniquement être tranchée par la Cour fédérale. (Canada (PG) c. Villeneuve, 2005 CAF 440 ; Canada (PG) c. Mosher, 2002 CAF 355 ; Canada (PG) c. Filiatrault, A-874-97)

[25] Malgré ce qui précède, le Tribunal doit analyser la recommandation de la Commission voulant que le Tribunal modifie la date d’exclusion au 19 juin 2016 afin d’annuler le trop-payé.

[26] La Commission a fait valoir que l’appelant a été payé des prestations pour une raison indépendante de sa volonté. Ainsi le trop-payé n’aurait pas dû être établi. Afin de corriger son erreur, la Commission recommande au Tribunal de modifier la date de l’exclusion afin qu’elle soit imposée au 19 juin 2016 au lieu du 4 avril 2016. Ceci annulera la dette de 2224,00 $. Le trop-payé n’existant plus, l’appelant n’aura aucune somme à rembourser.

[27] Le Tribunal signale qu’il n’est pas lié par cette recommandation, et doit la considérer comme une argumentation de la Commission. Le rôle du Tribunal consiste à évaluer l’ensemble de la preuve soumise par les parties et à rendre une décision conforme à la Loi, au Règlement et au droit applicable.

[28] Le Tribunal estime que la recommandation de la Commission voulant que la date d’exclusion soit modifiée afin d’annuler le trop-payé n’est pas soutenue par la preuve au dossier et est contraire à la Loi. Ainsi, le Tribunal ne peut modifier la date de l’exclusion pour les raisons qui suivent.

[29] En effet, il ressort de la preuve que l’exclusion en question a été imposée parce que la Commission a décidé que l’appelant a quitté son emploi sans justification, et l’appelant a clairement indiqué qu’il était d’accord avec cette décision. De plus, l’appelant ne conteste pas le fait qu’il a reçu des sommes d’argent, et que ces sommes lui ont été versées alors qu’il n’avait plus droit aux prestations. L’appelant maintient que bien qu’il ait reçu ces sommes, il ne devrait pas être tenu de les rembourser. Or la loi exige que les sommes versées en trop soient remboursées.

[30] Effectivement, l’article 43 de la Loi énonce : « La personne qui a touché des prestations en vertu de la présente loi au titre d’une période pour laquelle elle était exclue du bénéfice des prestations ou des prestations auxquelles elle n’est pas admissible est tenue de rembourser la somme versée par la Commission à cet égard. »

[31] De plus, la Cour d’appel fédérale a décidé dans l’affaire Lanuzo c. Canada, 2005 CAF 324, que lorsqu’un prestataire reçoit de l’argent auquel il n’a pas droit, l’erreur commise par la Commission ne le dispense pas de rembourser cette somme.

[32] En se basant sur la Loi et la jurisprudence, le Tribunal conclut que même si l’appelant a été mal informé par les mandataires de la Commission il n’en demeure pas moins que l’appelant a reçu des sommes, auxquelles il n’avait pas droit, et que le trop-payé qui en résulte doit être remboursé.

Conclusion

[33] Le Tribunal constate que l’appelant a subi de graves préjudices résultant d’information erronée fournie par la Commission. Cependant, le Tribunal ne peut offrir de redressement à cette situation, car le Tribunal n’est pas habilité à annuler le trop‑payé ou à convenir d’un arrangement avec l’appelant en vertu de la Loi ou du Règlement. Le Tribunal compatit avec l’appelant; mais il a reçu cette somme à laquelle il n’avait pas droit et les erreurs commises par les agents de la Commission ne le dispensent pas de l’obligation de rembourser la dette.

[34] L’appel est rejeté.

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi
  1. 112 (1) Quiconque fait l’objet d’une décision de la Commission, de même que tout employeur d’un prestataire faisant l’objet d’une telle décision, peut, dans les trente jours suivant la date où il en reçoit communication, ou dans le délai supplémentaire que la Commission peut accorder, et selon les modalités prévues par règlement, demander à la Commission de réviser sa décision.
  2. (3) Le gouverneur en conseil peut, par règlement, préciser les cas où la Commission peut accorder un délai plus long pour présenter la demande visée au paragraphe (1).
  3. Décisions ne pouvant être révisées
  4. 112.1 Les décisions de la Commission rendues en vertu du Règlement sur l’assurance-emploi qui concernent la défalcation de pénalités à payer, de sommes dues ou d’intérêts courus sur ces pénalités ou sommes ne peuvent faire l’objet de la révision prévue à l’article 112.
  5. Appel au Tribunal de la sécurité sociale
  6. 113 Quiconque se croit lésé par une décision de la Commission rendue en application de l’article 112, notamment une décision relative au délai supplémentaire, peut interjeter appel de la décision devant le Tribunal de la sécurité sociale constitué par l’article 44 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social.
Règlement sur l’assurance-emploi
  1. 56 (1) La Commission peut défalquer une pénalité à payer en application des articles 38, 39 ou 65.1 de la Loi ou une somme due aux termes des articles 43, 45, 46, 46.1 ou 65 de la Loi ou les intérêts courus sur cette pénalité ou cette somme si, selon le cas :
    1. (a) le total des pénalités et des sommes, y compris les intérêts courus, que le débiteur doit à Sa Majesté en vertu de tout programme administré par le ministère de l’Emploi et du Développement social ne dépasse pas cent dollars, aucune période de prestations n’est en cours pour le débiteur et ce dernier ne verse pas de paiements réguliers en vertu d’un plan de remboursement;
    2. (b) le débiteur est décédé;
    3. (c) le débiteur est un failli libéré;
    4. (d) le débiteur est un failli non libéré à l’égard duquel le dernier dividende a été payé et le syndic a été libéré;
    5. (e) le versement excédentaire ne résulte pas d’une erreur du débiteur ni d’une déclaration fausse ou trompeuse de celui-ci, qu’il ait ou non su que la déclaration était fausse ou trompeuse, mais découle :
      1. (i)  soit d’une décision rétrospective rendue en vertu de la partie IV de la Loi,
      2. (ii) soit d’une décision rétrospective rendue en vertu des parties I ou IV de la Loi à l’égard des prestations versées selon l’article 25 de la Loi;
    6. (f) elle estime, compte tenu des circonstances, que :
      1. (i) soit la pénalité ou la somme, y compris les intérêts courus, est irrécouvrable,
      2. (ii) soit le remboursement de la pénalité ou de la somme, y compris les intérêts courus, imposerait au débiteur un préjudice abusif,
      3. (iii) soit les frais administratifs de recouvrement de la pénalité ou de la somme, ou les intérêts, seraient vraisemblablement égaux ou supérieurs à la pénalité, à la somme ou aux intérêts à recouvrer.
  2. (2) La Commission peut défalquer la partie de toute somme due aux termes des articles 47 ou 65 de la Loi qui se rapporte à des prestations reçues plus de douze mois avant qu’elle avise le débiteur du versement excédentaire, y compris les intérêts courus, si les conditions suivantes sont réunies :
    1. (a) le versement excédentaire ne résulte pas d’une erreur du débiteur ni d’une déclaration fausse ou trompeuse de celui-ci, qu’il ait ou non su que la déclaration était fausse ou trompeuse;
    2. (b) le versement excédentaire est attribuable à l’un des facteurs suivants :
      1. (i) un retard ou une erreur de la part de la Commission dans le traitement d’une demande de prestations,
      2. (ii) des mesures de contrôle rétrospectives ou un examen rétrospectif entrepris par la Commission,
      3. (iii) une erreur dans le relevé d’emploi établi par l’employeur,
      4. (iv) une erreur dans le calcul, par l’employeur, de la rémunération assurable ou du nombre d’heures d’emploi assurable du débiteur,
      5. (v) le fait d’avoir assuré par erreur l’emploi ou une autre activité du débiteur.
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