Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision



Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est accueilli, et le dossier est renvoyé à la division générale pour une nouvelle audience sur chacune des questions en litige.

Introduction

[2] En date du 16 décembre 2016, la division générale du Tribunal a conclu que l’appelante n’était pas justifiée de réexaminer la demande de prestations au titre du paragraphe 52(5) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi).

[3] L’appelante a déposé une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel en date du 17 janvier 2017 après avoir reçu communication de la décision de la division générale en date du 19 décembre 2016. La permission d’en appeler a été accordée le 23 janvier 2017.

Mode d’audience

[4] Le Tribunal a déterminé que l’audience de cet appel serait tenue par téléconférence pour les raisons suivantes :

  • la complexité de la ou des questions en litige;
  • le fait que la crédibilité des parties ne figurait pas au nombre des questions principales;
  • l’information au dossier, y compris la nature de l’information manquante et la nécessité d’obtenir des clarifications;
  • la nécessité de procéder de la façon la plus informelle et rapide possible tout en respectant les règles de justice naturelle.

[5] Lors de l’audience, l’appelante était présente et représentée par Louise Laviolette. L’intimé a également assisté à l’audience.

Droit applicable

[6] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Questions en litige

[7] Le Tribunal doit décider si la division générale a erré en concluant que l’appelante n’était pas justifiée de réexaminer la demande de prestations au titre du paragraphe 52 (5) de la Loi.

Observations

[8] L’appelante présente les motifs suivants à l’appui de son appel:

  • La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit. Au titre du paragraphe 52(5) de la Loi, l’appelante n’a pas à établir que le prestataire ait fait des déclarations fausses ou trompeuses sciemment, mais doit plutôt démontrer qu’elle pouvait « estimer qu’une déclaration fausse ou trompeuse avait été faite relativement à une demande de prestations ».
  • L’intimé a omis de fournir des renseignements au sujet des revenus générés par son entreprise. Puisque l’appelante faisait face aux déclarations fausses ou trompeuses, elle disposait d’une période de 72 mois pour réexaminer la demande de prestations de l’intimé.
  • L’intimé a reçu des prestations du 9 octobre 2011 au 21 avril 2012 et a été avisé du nouvel examen de sa demande le 17 février 2016, ce qui est bien à l’intérieur du délai prescrit par le paragraphe 52(5) de la Loi.
  • La division générale a erré lorsqu’il a imposé un fardeau trop lourd à l’appelante et a ignoré les enseignements de la Cour d’appel fédérale sur la question en litige.

[9] L’intimé présente les motifs suivants à l’encontre de l’appel de l’appelante:

  • Après avoir pris connaissance de la preuve, la division générale a conclu que l’appelante avait en main tous les faits et explications pertinents pour prendre une décision dès 2013, soit bien à l’intérieur du délai de 36 mois prévu au paragraphe 52(1) de la Loi, et que sur la foi de ces faits et explications, l’appelante a décidé en 2013 que l’intimé pouvait être considéré comme « en chômage » et donc avait droit à des prestations en vertu de la Loi.
  • L’appelante s’est montrée satisfaite de toutes les réponses que l’intimé lui a fournies à ses demandes de renseignements en 2013 et il n’y a eu aucun nouveau fait depuis 2013 qui aurait pu indiquer que l’intimé avait fait des affirmations fausses ou trompeuses; en d’autres mots, l’intimé a fourni à l’appelante en 2013 tous les renseignements nécessaires pour justifier ses demandes de prestations, et cette dernière a décidé que l’intimé y avait droit.
  • Lorsque l’appelante a changé d’idée en 2016, ce n’est pas sur la base que l’intimé avait fait des affirmations fausses ou trompeuses puisqu’elle avait dès 2013 tous les faits en main pour prendre une décision dans le dossier et que, sur la foi de ces faits, la décision prise par l’appelante en 2013 était favorable à l’intimé.
  • L’appelante cherche à utiliser le paragraphe 52(5) de la Loi pour changer sa décision de 2013 après le délai de 36 mois prévu au paragraphe 52(1) de la Loi.

Normes de contrôle

[10] L’appelante soutient que la division d’appel ne doit pas accorder de déférence à l’égard des conclusions de la division générale en ce qui concerne les questions de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier. Toutefois, pour des questions mixtes de fait et de droit et les questions de fait, la division d’appel doit faire preuve de déférence envers la division générale. Elle ne peut intervenir que si la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance – Pathmanathan c. Bureau du juge-arbitre, 2015 CAF 50.

[11] L’intimé n’a fait aucune représentation quant à la norme de contrôle applicable.

[12] Le Tribunal constate que la Cour d’appel fédérale, dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Jean, 2015 CAF 242, mentionne au paragraphe 19 de sa décision que lorsque la division d’appel « agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la [d]ivision générale du Tribunal de la sécurité sociale, la [d]ivision d’appel n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieure ».

[13] La Cour d’appel fédérale poursuit en soulignant ce qui suit :

Non seulement la [d]ivision d’appel a-t-elle autant d’expertise que la [d]ivision générale du Tribunal de la sécurité sociale et n’est-elle donc pas tenue de faire preuve de déférence, mais au surplus un tribunal administratif d’appel ne saurait exercer un pouvoir de contrôle et de surveillance réservé aux cours supérieures provinciales ou, pour les « offices fédéraux », à la Cour fédérale et à la Cour d’appel fédérale […]

[14] La Cour d’appel fédérale termine en soulignant que « [l]orsqu’elle entend des appels conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, la [d]ivision d’appel n’a d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de cette loi ».

[15] Le mandat de la division d’appel du Tribunal décrit dans l’arrêt Jean a par la suite été confirmé par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Maunder c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 274.

[16] En conséquence, à moins que la division générale n’ait pas observé un principe de justice naturelle, qu’elle ait erré en droit ou qu’elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l’appel.

Analyse

[17] La division générale a conclu que l’appelante n’était pas justifiée d’avoir réexaminé la demande de prestations de l’intimé au titre du paragraphe 52(5) de la Loi, demande qui avait commencé le 3 novembre 2011.

[18]La Cour d’appel fédérale a déterminé dans Langelier (A-140-01), Lemay (A-172-01) et Dussault (A-646-02) que, pour bénéficier de la prolongation du délai de réexamen prévue au paragraphe 52(5) de la Loi, l’appelante n’a pas à établir que le prestataire visé a fait des déclarations fausses ou trompeuses, mais doit plutôt simplement démontrer qu’elle pouvait raisonnablement estimer qu’une déclaration fausse ou trompeuse avait été faite relativement à une demande de prestations.

[19] La division générale a conclu que pour que l’appelante puisse porter le délai de révision de 36 à 72 mois, il devait y avoir « mauvaise foi » par des déclarations fausses ou trompeuses d’un prestataire faites sciemment.

[20] Le Tribunal est d’avis que la division générale a commis une erreur de droit sur la question du réexamen de la demande de prestations de l’intimé.

[21] Au stade du réexamen, l’appelante n’avait pas à démontrer qu’il y avait sciemment eu déclaration fausse ou trompeuse de la part de l’intimé. L’appelante devait plutôt démontrer qu’elle pouvait raisonnablement estimer qu’une déclaration fausse ou trompeuse avait été faite.

[22] De plus, la division générale a introduit par erreur la notion de « mauvaise foi » dans son appréciation de la preuve afin de déterminer si l’appelante pouvait procéder à un nouvel examen de la demande de prestations de l’intimé au titre du paragraphe 52(5) de la Loi.

[23]  Pour les raisons susmentionnées, il y a lieu de retourner le dossier à la division générale pour une nouvelle audience sur chacune des questions en litige.

Conclusion

[24] L’appel est accueilli, et le dossier est renvoyé à la division générale pour une nouvelle audience sur chacune des questions en litige.

[25] Le Tribunal ordonne que la décision de la division générale en date du 16 décembre 2016 soit retirée du dossier.

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