Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision



Motifs et décision

Comparutions

L’audition de cet appel s’est effectuée par la voie d’une audience tenue par comparution en personne à Toronto, en Ontario, le 28 février 2017. L’appelant était présent à l’audience avec son représentant, Eldon Hamid (monsieur Hamid).

L’ancien employeur de l’appelant, Color Steels Inc. (Color Steels), a été mis en cause dans l’instance, mais n’était pas présent au cours de l’audience. Le membre du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (membre) a attendu 20 minutes au-delà de l’heure prévue pour l’audience, mais aucun représentant de Color Steels ne s’est présenté. Le membre a alors procédé à l’audition de l’appel en l’absence du mis en cause, conformément à l’article 12 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale. Un avis d’audience a été envoyé au mis en cause par poste prioritaire le 24 novembre 2016 à l’adresse fournie par Color Steels. Les renseignements de livraison obtenus de Postes Canada révèlent que l’avis d’audience a été livré à cette adresse le 5 décembre 2016 et comprennent la signature de « N. G. » obtenue à la livraison. L’alinéa 19(1)c) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale prévoit que l’avis d’audience est présumé avoir été communiquée au mis en cause à la date à laquelle il a été livré à la dernière adresse connue, soit le 5 décembre 2016. Le membre est convaincu que le mis en cause a reçu l’avis d’audience.

Introduction

[1] L’appelant a présenté une demande initiale de prestations régulières d’assurance-emploi (prestations d’AE) le 25 août 2015. L’intimée, la Commission d’assurance-emploi du Canada (Commission), a fait enquête sur le motif de cessation d’emploi et a établi que l’appelant a perdu son emploi pour Color Steels le 1er juillet 2015 en raison de son inconduite. Le 16 septembre 2015, la Commission a informé l’appelant qu’il ne recevrait pas de prestations d’AE parce qu’il a perdu son emploi en raison de son inconduite.

[2] Le 7 octobre 2015, l’appelant a demandé à la Commission de réviser sa décision, affirmant que le comportement en question n’était pas délibéré, mais plutôt négligent, et que par conséquent, cela ne constituait pas une inconduite. À l’issue d’une enquête, la commission a maintenu sa décision initiale selon laquelle l’appelant était exclu du bénéfice des prestations d’AE parce qu’il a perdu son emploi en raison de son inconduite.

[3] L’appelant a interjeté appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) le 25 janvier 2016. Après examen de l’appel, la Commission a décidé de concéder sur cette question devant le Tribunal au motif que l’appelant avait fourni une explication raisonnable pour justifier son comportement et n’aurait pas pu savoir que ses gestes mèneraient à son congédiement. Cependant, puisque l’appel était encore devant le Tribunal et que c’était à lui de trancher, l’employeur a été mis en cause dans l’instance, car le membre avait déterminé que Color Steels était directement intéressée par l’appel.

[4] L’audience a eu lieu en personne pour les raisons suivantes :

  1. le fait que la crédibilité pourrait constituer un enjeu important;
  2. le fait que plus d’une partie allait comparaître à l’audience;
  3. le fait que plusieurs personnes participent à l’audience, à titre de témoins par exemple;
  4. le fait que l’appelant ou d’autres parties sont représentés.

Question en litige

[5] Il s’agit de déterminer si l’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’AE au motif qu’il a perdu son emploi pour Color Steels en raison de son inconduite.

Preuve

[6] Le 25 août 2015, l’appelant a présenté une demande initiale de prestations d’AE (GD3-3 à GD3-13). Dans sa demande, l’appelant a écrit qu’il a travaillé pour Color Steels du 5 juin 2000 au 1er juillet 2015, et il a donné comme motif de cessation d’emploi « congédié ou suspendu » (GD3-6). Dans le « Questionnaire : renvoyé (congédié) » rempli dans le cadre de sa demande (GD3-7 à GD3-8), l’appelant a écrit que son employeur l’avait accusé d’avoir délibérément bloqué la serrure d’une porte d’accès à l’entrepôt avant que celui-ci fermé pour la fête du Canada. L’appelant a affirmé que l’employeur n’avait pas de politique portant sur ce type de conduite, et il a également affirmé qu’il n’y avait aucune autre occurrence de ce genre de conduite de la part de l’appelant au cours des 6 mois précédant son congédiement. L’appelant a déclaré ce qui suit :

[traduction]

J’ai expliqué à mon employeur que j’avais utilisé la porte pour me rendre à ma voiture, et je ne me souvenais pas de l’avoir verrouillée. Mon superviseur s’est rendu compte qu’elle était verrouillée pendant les heures de travail, et il l’a verrouillée par la suite. (GD3-8)

[7] Dans un relevé d’emploi (RE) émis par l’employeur le 2 juillet 2015 (GD3-14), il était décrit que l’appelant avait travaillé comme préposé à la ligne de production pour Color Steels du 5 juin 2000 au 1er juillet 2015, date à laquelle il a été congédié.

[8] Un agent de la Commission a communiqué avec Color Steels au sujet du motif pour lequel l’appelant ne travaillait plus pour cette entreprise. Le 16 septembre 2015, l’agent a parlé avec D. C., le gestionnaire de Color Steels (voir le document « Renseignements supplémentaires concernant la demande de prestations » à GD3-16), et celui-ci a dit que l’appelant avait été congédié parce qu’il avait été accusé d’avoir placé une cale dans l’une des portes de l’entrepôt, la maintenant ouverte afin qu’il puisse retourner à l’intérieur de l’entrepôt après que tout le monde soit parti. L’agent a noté ce qui suit au sujet de l’information fournie par l’employeur :

[traduction]

J. M., le superviseur, est le dernier à quitter les lieux à la fin du quart de travail.

Il avait commencé à faire le tour et à faire toutes ses tâches de clôture afin de s’assurer que toutes les portes soient verrouillées avant la fermeture pour la nuit.

Il a trouvé un morceau de carton qui avait été inséré dans l’une des portes de telle sorte que le dispositif de fermeture ne pouvait pas se fermer et se verrouiller.

L’employeur avait eu des problèmes dans le passé avec des portes qui étaient laissées ouvertes, et il avait soupçonné le prestataire d’avoir fait cela.

Lors de son prochain quart de travail, quelqu’un avait parlé au prestataire au sujet de l’incident. Il y avait trois autres gestionnaires présents au cours de cette conversation.

Le prestataire a admis avoir placé le morceau de carte dans la porte.

Il a dit que la raison pour laquelle il avait bloqué le verrou de la porte était parce qu’il planifiait retourner sur le lieu de travail après son quart de travail afin de gonfler ses pneus d’air en utilisant le compresseur.

D. C. a dit que le lieu de travail est un entrepôt comportant de la machinerie dangereuse, et que personne n’a le droit d’y retourner après les heures de travail et sans surveillance.

Le prestataire n’était ni un gestionnaire ni un détenteur de clé, et il n’avait donc pas la permission de se trouver sur les lieux après les heures de travail.

D. C. a dit que J. M. est la dernière personne autorisée à se trouver dans l’entrepôt, car il doit faire le tour et fermer les lumières, s’assurer que tous les équipements soient hors tension et que toutes les portes soient verrouillées.

J. M. a remarqué que la porte avait été maintenue en position ouverte, et il a attendu de voir si le prestataire allait la laisser ainsi.

Il l’a bel et bien laissée déverrouillée, et il a quitté les lieux à la fin de son quart de travail.

Lorsque les gestionnaires ont parlé de cela au prestataire au cours de son prochain quart de travail, [sic]

Il existe une politique industrielle selon laquelle il doit y avoir au moins 2 personnes dans l’entrepôt en tout temps lorsque les machines sont utilisées.

Alors, si le prestataire planifiait de revenir dans l’entrepôt après les heures de travail, et il n’avait pas la permission de le faire, il enfreignait la politique nécessitant que deux employés qualifiés se trouvent sur le site en tout temps.

D. C. a dit que s’il y avait un problème avec les machines et que quelqu’un restait pris ou se blessait, quelqu’un d’autre devait se trouver sur place afin de l’aider.

De plus, la compagnie d’assurance de l’entreprise ne permet pas à personne de se trouver sur les lieux après les heures de travail.

Il n’y a aucune politique écrite au sujet de ces règles; ce n’était qu’une politique fondée sur le bon sens pour la sécurité de tous.

D. C. a dit que même les raisons données par le prestataire pour avoir désactivé les verrous n’avaient pas de sens puisque le compresseur aurait été hors tension, donc il n’aurait pas été capable de juste se faufiler et de s’introduire dans l’entrepôt pour gonfler les pneus de sa voiture.

Il affirme que la seule raison pour laquelle il aurait été là, serait pour « prendre quelque chose ». (GD3-16)

[9] L’agent a également parlé à l’appelant le 16 septembre 2015 (voir le document « Renseignements supplémentaires concernant la demande de prestations » à GD3-17), et a noté ce qui suit au sujet de l’explication fournie par l’appelant :

[traduction]

Le prestataire affirme qu’il a utilisé la porte en question afin d’aller travailler et de quitter les lieux.

C’était une erreur, et il l’a laissée déverrouillée lorsqu’il a quitté le travail.

Le prestataire a dit que la porte se verrouillait normalement derrière lui, mais que cette fois-ci, elle ne s’est pas verrouillée.

Le prestataire a dit que cela se produisait couramment, car il y a souvent de la neige qui vient obstruer le verrou de la porte.

J’ai demandé au prestataire s’il la porte ne s’était tout simplement pas fermée ou s’il l’avait maintenue ouverte volontairement.

Le prestataire a dit qu’il l’avait maintenue ouverte.

Il a dit avoir maintenu la porte ouverte afin de pouvoir se rendre à sa voiture, de gonfler ses pneus et ensuite de fermer la porte.

Il a dit avoir maintenu la porte ouverte afin de pouvoir rapporter le tuyau pour compresseur dans l’entrepôt.

Il a juste oublié de retirer le carton de la porte afin que celle-ci puisse se fermer.

J’ai demandé au prestataire s’il avait fini par gonfler ses pneus.

Il ne l’avait pas fait à ce moment-là, puisqu’il était sur son quart de travail; il allait le faire plus tard.

J’ai vérifié que le prestataire avait l’intention de retourner sur les lieux de travail, après les heures de travail, en utilisant la porte avec le verrou désactivé pour utiliser l’équipement de l’entreprise.

Le prestataire confirme que cela est bien le cas.

J’ai demandé s’il avait la permission de le faire.

Le prestataire n’avait pas la permission de retourner sur les lieux de travail.

Je l’ai avisé que puisqu’il avait enfreint délibérément la politique de son employeur concernant le fait de retourner sur les lieux de travail après les heures de travail sans permission.

Je l’ai avisé qu’il ne serait pas admissible au bénéfice de prestations d’assurance-emploi puisqu’il n’a pas perdu son emploi sans que ce ne soit de sa faute. (GD3-17)

[10] Dans une lettre datée du 16 septembre 2015 (GD3-18), l’appelant a été avisé qu’il ne recevrait pas de prestations d’AE, car il a perdu son emploi pour Color Steels le 1er juillet 2015 en raison de son inconduite.

[11] L’appelant a présenté une demande de révision le 7 octobre 2015 (GD3-19 à GD3-26) dans laquelle il a écrit ce qui suit :

[traduction]

Le 30 juin 2015, j’ai, par inadvertance, maintenu ouverte une porte d’accès à l’entrepôt pendant environ sept (7) minutes afin de gonfler les pneus de ma voiture. La porte était restée déverrouillée de 15 h 15 à 15 h 22 lorsque mon superviseur, J. M., a remarqué que la porte était déverrouillée et a immédiatement retiré le bloc et a fermé la porte.

J’ai avoué avoir maintenu la porte ouverte, mais ce n’était pas délibéré, c’était juste de la négligence (un oubli) de ma part, pas de la négligence grave et certainement pas une inconduite que l’on décrirait comme étant une négligence volontaire ou gratuite des intérêts de l’employeur. J’estime que cet incident ne justifie pas mon congédiement; je n’ai jamais reçu d’avertissements ou de réprimandes auparavant pour une infraction de cette nature. Cependant, Color Steels Ltd. a justifié mon congédiement pour inconduite en groupant cet incident avec d’autres infractions contestées. (GD3-21).

L’appelant a fait référence à deux décisions de conseils arbitraux (GD3-21 à GD3-22, avec des copies des décisions complètes fournies par la Commission de GD3-27 à GD3-31), et il a joint à sa demande de révision les documents supplémentaires suivants :

  1. a) Une lettre datée du 29 juillet 2015 provenant de l’appelant et à l’attention de Color Steels, dans laquelle l’appelant [traduction] « demande huit (8) semaines d’indemnité compensatrice de préavis » pour son congédiement, conformément à la Loi sur les normes d’emploi (GD3-23).
  2. b) Une lettre datée du 19 août 2015 provenant de Color Steels et à l’attention de l’appelant, dans laquelle l’employeur écrit que le fait que l’appelant ait volontairement bloqué le verrou de l’entrepôt le 30 juin 2015 constituait une inconduite volontaire en vertu de la Loi sur les normes d’emploi et que par conséquent, l’employeur n’était pas obligé de verser à l’appelant une indemnité de départ ou de cessation d’emploi (GD3-24).
  3. c) La lettre de congédiement datée du 2 juillet 2015 à l’attention de l’appelant et signé par quatre (4) représentants de l’employeur, et qui se lit comme suit :

[traduction]

Après l’incident qui s’est produit le mardi 30 juin 2015, lorsque vous avez volontairement bloqué le verrou d’une porte d’accès à l’entrepôt avant la fermeture de l’entrepôt pour la fête du Canada, et après avoir tenu compte des nombreux avertissements écrits et verbaux que vous avez reçus dans le passé, nous n’avons d’autre choix que de vous congédier.

Tout montant de paye dû sera calculé et vous sera transmis avec les documents pertinents. (GD3-25).

  1. d) Dans une note écrite à la main et datée du 2 juillet 2015, l’appelant a écrit ce qui suit :

[traduction]

J’ai maintenu la porte ouverte le 29/06/2015 parce que je voulais gonfler mes pneus de voiture et j’ai oublié de retirer le bloc - 15 h 15 quitté 15 h 22 (GD3-26)

[12] Un autre agent de la Commission a communiqué avec l’appelant au sujet de sa demande de révision (voir le document « Renseignements supplémentaires concernant la demande de prestations » à GD3-32) et a noté que l’appelant était d’accord avec le fait qu’il avait été congédié parce qu’il avait maintenu ouverte une porte, mais il a dit que c’était une erreur et que ce n’était pas délibéré. L’appelant a également affirmé que c’était la première fois qu’il faisait cette erreur et que d’autres personnes dans l’entrepôt bloquent également la porte pour qu’elle reste ouverte; et qu’il n’a reçu aucun avertissement dans le passé, à l’exception de chose qui s’est produite, mais pas pour avoir laissé les portes ouvertes. L’agent a noté que l’appelant a donné la version des faits suivante :

[traduction]

Le client a affirmé avoir maintenu ouverte la porte avec un petit carton, car la porte se ferme automatiquement. Le client a été avisé qu’il avait dit auparavant à un autre agent que son intention était de revenir après les heures de travail pour gonfler ses pneus. Le client a affirmé que l’agent avait mal compris, et il lui a dit qu’il essayait de retourner à l’intérieur. Le client a affirmé que ce n’est pas ce qui s’est produit et qu’il allait gonfler ses pneus avec de l’air au cours de son quart de travail. Le client a affirmé qu’il n’a pas gonflé ses pneus avec de l’air, car le compresseur était hors tension. Le client a affirmé que son superviseur a remarqué que la porte était maintenue ouverte et il l’a fermée. J’ai demandé au client s’il a vu son superviseur fermer la porte et s’il était toujours là. Le client a affirmé qu’il avait déjà quitté les lieux et qu’il a appris cela la journée suivante lorsque son superviseur lui en a fait part.

[13] L’agent a également parlé avec D. C., gestionnaire de Color Steels (voir le document « Renseignements supplémentaires concernant la demande de prestations » à GD3-34), qui a réitéré le fait que l’appelant avait été congédié, car il avait maintenu ouverte la porte avec un morceau de carton. L’agent a noté que l’employeur a donné la version des faits suivante :

[traduction]

Monsieur D. C. a affirmé que l’élément principal est que lorsqu’ils verrouillent les portes le soir et font le tour de la place, c’est le superviseur qui vérifie les portes. Monsieur D. C. a affirmé que le superviseur du client a vu que le client flânait près de la porte qui avait été maintenue ouverte après la fin de son quart de travail. Monsieur D. C. a affirmé que lorsqu’ils ont questionné le client au sujet de la porte, il avait admis avoir maintenu la porte ouverte et il avait affirmé vouloir gonfler ses pneus. Monsieur D. C. a affirmé que le compresseur était hors tension, et qu’il ne savait donc pas pourquoi le client essaierait de gonfler ses pneus. Monsieur D. C. a affirmé qu’il ne savait même pas si le client savait comment démarrer le compresseur puisqu’il y a beaucoup de boîtiers électriques.

Monsieur D. C. a affirmé que le quart de travail du client se termine à 15 h 15 et qu’il a été aperçu dans l’entrepôt à 15 h 30 ou 15 h 35. Monsieur D. C. a affirmé que si le client planifiait de revenir pour gonfler ses pneus, alors, il lui aurait fallu maintenir la porte ouverte. Monsieur D. C. a affirmé que la réception est ouverte plus longtemps qu’eux, et qu’il aurait pu y aller et demander s’il pouvait gonfler ses pneus. Monsieur D. C. a affirmé que le client n’avait aucunement le droit de laisser la porte ouverte et qu’il voulait probablement y retourner pour d’autres raisons.

Monsieur D. C. a affirmé que la porte laissée ouverte par le client ne se trouve pas près du tuyau pour compresseur, et que si c’était ce qu’il voulait faire, il serait passé par la porte du garage, laquelle se trouve de l’autre côté du bâtiment.

Monsieur D. C. a affirmé qu’il y a eu une réunion la journée suivante avec le client au cours de laquelle ils lui ont demandé ce qui s’était passé, et il avait avoué avoir laissé la porte ouverte. Au cours de la réunion, le vice-président des opérations, le propriétaire et monsieur D. C. étaient présents. Monsieur D. C. a affirmé que le client leur a dit qu’il voulait retourner au travail afin de gonfler son pneu. Monsieur D. C. a été avisé que le client a affirmé qu’il avait l’intention de le faire au cours de son quart de travail et qu’il avait accidentellement laissé la porte ouverte. Monsieur D. C. a affirmé que le client leur avait dit qu’il planifiait revenir après les heures de travail pour gonfler ses pneus.

Monsieur D. C. a affirmé que les autres avertissements qu’avait reçus le client auparavant étaient pour s’être disputé avec certaines personnes. Monsieur D. C. a affirmé que le fait que le client avait maintenu la porte ouverte a été la goutte qui a fait déborder le vase. Monsieur D. C. a affirmé qu’il existe une norme de l’industrie selon laquelle il doit y avoir deux personnes dans le bâtiment en tout temps, et ils sont un complexe industriel. Monsieur D. C. a affirmé que si quelqu’un flânait et qu’il se blessait, personne ne l’entendrait.

[14] L’appelant a par la suite nié la version des faits de l’employeur (voir le document « Renseignements supplémentaires concernant la demande de prestations » à GD3-35) et a affirmé que la porte qu’il avait maintenue ouverte était du même côté du bâtiment que le tuyau, lequel se trouvait à l’intérieur, et il aurait fallu qu’il le sorte. L’appelant a également affirmé qu’il n’a pas sorti le tuyau, mais qu’il est allé à l’intérieur et qu’il a oublié de fermer la porte, et ce, juste avant la fin de son quart de travail.

[15] Dans une lettre datée du 5 novembre 2015, l’appelant a été avisé que la décision initiale de la commission, selon laquelle il avait perdu son emploi pour Color Steels en raison de son inconduite, était maintenue (GD3-36 à GD3-37).

[16] Dans ses documents relatifs à l’appel (GD2), l’appelant a affirmé qu’il avait [traduction] « par inadvertance, maintenu ouverte une porte d’accès à l’entrepôt pendant environ sept (7) minutes afin de gonfler les pneus de ma voiture ».  L’appelant a avoué avoir maintenu la porte ouverte, mais il a affirmé que [traduction] « ce n’était pas délibéré, c’était juste de la négligence (un oubli) de ma part » (GD2-6). L’appelant a déclaré ce qui suit :

[traduction]

J’estime que cet incident ne devrait pas mener au rejet de ma demande; je n’ai jamais reçu d’avertissements ou de réprimandes auparavant pour une infraction de cette nature. Cependant, Color Steels Ltd. a justifié mon congédiement pour inconduite en groupant cet incident avec d’autres infractions contestées. (GD2-6)

[17] L’appelant a soumis une copie de sept (7) rapports d’avertissement de l’employé émis par Color Steels et qui lui avaient été adressés avant celui en lien avec sa cessation d’emploi le 2 juillet 2015 :

  1. Rapport d’avertissement de l’employé daté du 27 avril 2015 pour avoir enfreint des politiques ou des procédures de l’entreprise et pour avoir enfreint des règles de sécurité pour ne pas avoir travaillé avec des chaussures de sécurité (GD2-13). L’appelant a reçu un avertissement et une suspension, et il a été avisé que s’il ne s’améliorait pas, il serait congédié. L’appelant avait coché la case avec la mention suivante : [traduction] « Je suis d’accord avec la déclaration de l’employeur », et il avait signé un accusé de réception de l’avertissement.
  2. Rapport d’avertissement de l’employé daté du 23 mars 2015 pour de la qualité de travail inférieure aux normes (GD2- 14). La déclaration de l’employeur se lit comme suit :

[traduction]

Mauvais matériel traité (moins quarante), égratignures sur Imperial Sheets et utilisation constante de son téléphone cellulaire personnel durant les heures de travail et pendant qu’il opère les machines ou l’équipement.

La déclaration de l’employé se lit comme suit :

[traduction]

Je refuse de signer, car aucun micromètre n’a été fourni pour traiter les matériaux bosselés.

L’appelant a été suspendu, et il a été avisé que s’il ne s’améliorait pas, il serait congédié.

  1. Note de service datée du 5 septembre 2012 avec comme objet : avertissement verbal pour la qualité du travail subséquent (GD2- 15).
  2. Rapport d’avertissement de l’employé daté du 23 décembre 2010 pour insubordination et menaces ou actions violentes (GD2-16).
  3. Rapport d’avertissement de l’employé daté du 26 octobre 2010 pour menaces ou actions violentes (GD2-17).
  4. Rapport d’avertissement de l’employé daté du 28 février 2005 pour menaces ou actions violentes, ou autres (GD2-18).
  5. Rapport d’avertissement de l’employé daté du 16 juillet 2002 pour présence et absence non autorisées des lieux de travail (GD2-19).

[18] Dans des documents supplémentaires présentés par l’appelant (GD6), il a affirmé ce qui suit :

[traduction]

Mes gestes ne satisfont pas au critère relatif à un congédiement, et encore moins à une inconduite. Il n’est pas étrange d’utiliser la porte d’accès de l’entrepôt de temps à autre afin de gonfler des pneus de voiture. Cela n’a jamais été un problème dans le passé, et je n’ai jamais été avisé ou averti que cette utilisation est interdite ou restreinte. L’entreprise Color Steels Inc. a extrait de mon dossier personnel couvrant 15 années tous les incidents précédents qui n’ont RIEN À VOIR avec celui-ci pour que cela semble être un congédiement justifié. (GD6-2)

[19] L’employeur a présenté des éléments de preuve en réponse à l’appel de l’appelant (at GD9), notamment les documents suivants :

  1. Un résumé de l’emploi de l’appelant pour Color Steels (GD9-2), y compris l’historique des mesures disciplinaires visant l’appelant (Note : il a reçu un avertissement de vive voix en 2015 pour avoir pris des rebuts d’aluminium) et la déclaration suivante relative aux [traduction] « Circonstances du congédiement » :

[traduction]

L’appelant a été aperçu à deux reprises en train de bloquer les verrous de portes extérieures après la fin de son quart de travail. Avant de l’avoir vu faire cela, il est arrivé à plusieurs reprises que le superviseur, au moment de faire la vérification des portes à la fin d’un quart de travail, a remarqué que des verrous avaient été bloqués afin que la porte ait l’air verrouillée, mais qu’elle puisse être ouverte plus tard. L’employé a été confronté après avoir été vu la dernière fois, et on lui a demandé pourquoi il avait bloqué le verrou. Il n’avait aucune excuse, et on lui a demandé de faire une déclaration écrite. Il a fait une déclaration qui était plausible, et lorsqu’il n’a rien ajouté à cela, il a été congédié pour négligence volontaire. Il a reçu un avis écrit devant des témoins, et il a été escorté à l’extérieur du bâtiment. Il y a lieu de préciser qu’au moment d’être escorté à l’extérieur, il a menacé son gestionnaire, ce qui a par la suite été signalé à la police. (GD9-2)

  1. Le résumé d’accident de l’appelant daté du 2 juillet 2015 (GD9-3), comportant la mention suivante :

[traduction]

Ci-joint se trouve une copie de la déclaration de monsieur T. L. expliquant pourquoi il avait bloqué le verrou d’une porte privée. Cela avait été jugé improbable en raison du fait qu’il n’avait pas la permission de son superviseur pour retourner dans l’entrepôt après sa fermeture et après que les compresseurs d’air soient mis hors tension, parce qu’il n’y aurait pas d’air dans les tuyaux. Il a bloqué le verrou le mardi 30 juin 2015. L’entreprise était fermée la journée suivante pour le jour férié de la fête du Canada. (GD9- 3)

  1. La lettre de congédiement émise le 2 juillet 2015 à l’attention de l’appelant (GD9-4).
  2. Une déclaration écrite de l’un des collègues de l’appelant décrivant les remarques menaçantes faites par l’appelant au moment d’être escorté à l’extérieur du bâtiment le 2 juillet 2015 (GD9-5).
  3. Une copie de la lettre d’accompagnement et des Motifs de la décision émis le 15 avril 2016 par le Centre provincial de réception des réclamations sur les normes d’emploi de l’Ontario concernant la demande d’indemnité de licenciement et d’indemnité de cessation d’emploi de l’appelant (GD9-7 à GD9-9). L’agent d’enquête avait conclu n’avoir relevé aucune violation relativement au congédiement de l’appelante, et par conséquent, aucune ordonnance n’a été émise. L’employeur a souligné que l’appelant avait interjeté appel de cette décision auprès de la Commission des relations du travail de l’Ontario, et qu’une audience était prévue en août 2016 (voir l’avis à GD9-10).

À l’audience

[20] L’appelant a déclaré ce qui suit :

  1. À 15 h 30, le 30 juin 2015, il allait utiliser le compresseur pour [traduction] « pomper ma voiture », et il a [traduction] « mis un petit morceau de carton dans la porte » pour la maintenir ouverte afin qu’il puisse apporter le tuyau du compresseur à l’extérieur. Sa voiture était stationnée à l’extérieur, à côté de la porte.
  2. La porte qu’il a maintenue ouverte était uniquement une porte de sortie. Il s’agissait d’une [traduction] « porte en acier lourd munie d’une barre de sûreté ».
  3. À 15 h 15, son quart de travail a pris fin. Il est allé à l’intérieur et a remarqué que le compresseur était hors tension.
  4. [traduction] « Seulement quelques minutes plus tard », il a quitté les lieux en empruntant la porte maintenue ouverte, mais a [traduction] « oublié de retirer le bloc de la porte ».
  5. Le 30 juin, il n’était pas pressé, c’était [traduction] « juste une journée comme les autres, et ma voiture était stationnée juste là. Je suis monté à bord et je suis parti. »
  6. Il est ensuite allé à la maison. [traduction] « La journée suivante », son superviseur lui a parlé de l’incident.
  7. Son superviseur de poste, « J. M. », était la personne responsable de vérifier si cette porte était verrouillée. Au moment où J. M. a découvert que la porte était [traduction] « bloquée en position ouverte », seulement de 5 à 7 minutes s’étaient écoulées. Le superviseur lui a dit qu’il avait alors débloqué la porte et il s’était assuré qu’elle était verrouillée.
  8. D’ordinaire, l’appelant entrait sur les lieux de travail, le matin par la [traduction] « porte principale », mais il quittait par la porte extérieure [traduction] « tous les jours depuis au moins 6 ans », et elle se fermait automatiquement derrière lui.
  9. [traduction] « Lorsque je quitte le travail, je peux habituellement entendre la porte se fermer derrière moi, mais je ne l’ai pas entendue se fermer quand j’ai quitté les lieux cette journée-là. »
  10. C’était la première fois qu’il avait essayé de gonfler ses pneus au travail.
  11. C’était pratique courante chez les employés de l’usine Color Steels d’utiliser le compresseur pour gonfler leurs pneus. Cela était surtout fait au cours des pauses ou à la fin des quarts de travail.
  12. Il n’avait pas la permission de retourner sur le lieu de travail après les heures de travail afin d’utiliser le tuyau pour gonfler ses pneus.
  13. Il n’avait jamais bloqué le verrou de la porte auparavant.
  14. Il n’y a aucune politique écrite d’entreprise concernant le verrouillage de portes ou prévoyant les conséquences pour avoir déverrouillé des portes.

[21] Après lui avoir demandé ce qu’il croyait qu’il se passerait après avoir maintenu la porte ouverte au moment de quitter les lieux pour la journée, l’appelant a répondu ce qui suit :

[traduction]

Probablement un avertissement ou quelque chose comme ça. Aucune conséquence importante. Je ne croyais pas vraiment que cela mènerait à mon congédiement.

L’appelant a également affirmé qu’il [traduction] « accepte » la position de l’employeur selon laquelle il s’agissait d’une [traduction] « infraction grave à la sécurité » et a reconnu que, à cause de ses gestes, il a créé un point d’accès de l’extérieur qui permettrait d’entrer dans l’établissement industriel, point d’accès auquel l’employeur n’était pas au courant.

[22] Lorsqu’il a été questionné au sujet de l’avertissement qu’il avait reçu en 2015 pour avoir pris des rebuts d’aluminium provenant du lieu de travail, l’appelant a affirmé qu’il ne se souvenait pas d’avoir reçu un avertissement pour cet incident.

Observations

[23] L’appelant a soutenu que l’employeur avait commis une erreur en considérant ces gestions comme étant de la [traduction] « négligence grave » et en le congédiant, alors que sa conduite n’était [traduction] « qu’un acte de négligence » et n’était ni délibéré ni inconsidéré. Par conséquent, la conduite en question n’atteint pas le seuil nécessaire pour être considérée comme une inconduite aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE).

[24] Le représentant de l’appelant, monsieur Hamid, a cité la décision dans CUB 67063 (réimprimée à GD3-30) et a affirmé qu’il s’agissait d’une [traduction] « affaire semblable » dans laquelle il n’y avait [traduction] « pas d’éléments de preuve d’une inconduite délibérée ‒ ce n’est que de la négligence ». Monsieur Hamid a soutenu que le [traduction] « geste [de l’appelant] a été fait par inadvertance, une simple erreur que les gens commettent de temps en temps », et a également soutenu que la porte avait été maintenue ouverte [traduction] « seulement pendant une courte période de temps, et la sécurité de l’entreprise n’a pas été mise en danger ».

[25] La Commission a soutenu qu’elle avait changé de position sur la question en appel pour les motifs suivants :

  1. L’appelant a [traduction] « fourni une explication raisonnable pour avoir maintenu la porte ouverte : lui permettre de gonfler ses pneus en utilisant le compresseur », et cette simple négligence ne vient pas appuyer la conclusion selon laquelle il a commis un geste inconsidéré, délibéré ou intentionnel
  2. Puisqu’il n’y avait pas de politique écrite portant sur le fait de laisser une porte déverrouillée, l’appelant ne pouvait pas savoir que ces gestes mèneraient à son congédiement.
  3. Les avertissements disciplinaires qu’avait précédemment reçus l’appelant n’étaient pas liés à la question à l’étude, c’est-à-dire le fait de maintenir une porte déverrouillée ou coincer la porte afin qu’elle ne se verrouille pas, et que l’appelant n’a pas été congédié pour ces raisons.

Analyse

[26] Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites à l’annexe de cette décision.

[27] Aux termes de l’article 30 de la Loi sur l’AE, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’AE s’il perd son emploi en raison de son inconduite.

[28] Il incombe à la Commission de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite (Larivee A-473-06, Falardeau A-396-85).

[29] En l’espèce, la Commission a maintenant décidé de changer de position sur la question que doit trancher le Tribunal. Cependant, le Tribunal n’est pas automatiquement obligé d’accueillir un appel lorsque la Commission décide de changer de position. Le Tribunal a un rôle à jouer lorsqu’un appel est déposé, c’est-à-dire qu’il doit poser un regard neuf sur l’ensemble de la preuve et des observations, et doit rendre une décision qui est équitable, impartiale et conforme à la Loi sur l’AE et à la législation en la matière. Ce rôle n’est pas rendu inexistant par une concession de la Commission. En effet, ce rôle est d’une importance cruciale lorsque, comme en l’espèce, un employeur fournit des éléments de preuve supplémentaires après que la Commission ait décidé de concéder le bien-fondé de l’appel. En l’espèce, Color Steels a présenté d’autres éléments de preuve documentaire (à GD9 - et décrits au paragraphe 19 ci-dessus) après que la Commission ait soumis sa concession. Par conséquent, le Tribunal examinera cet appel conformément à son rôle et appréciera la concession comme il se doit.

[30] Pour prouver qu’il y a eu inconduite, il faut démontrer que l’employé s’est comporté autrement que de la façon dont il aurait dû se comporter et qu’il a fait cela de manière volontaire ou délibérée ou avec une insouciance telle, qu’elle frôlait le caractère délibéré (Eden, A-402-96). Pour qu’un acte soit qualifié d’inconduite, il doit être démontré que l’employé savait ou aurait dû savoir que son comportement était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié (Lassonde, A-213-09; Mishibinijima, A-85-06; Hastings, A-592-06; Lock,2003 CAF 262) et que ce comportement nuirait au rendement professionnel de l’employé ou nuirait aux intérêts de l’employeur ou nuirait de façon irréparable à la relation employeur-employé (CUB 73528).

Quel comportement a mené au congédiement de l’appelant?

[31] Il est indéniable que l’appelant a perdu son emploi parce qu’il a maintenu ouverte une porte de sortie de l’entrepôt Color Steels et avait quitté par cette porte à la fin de son quart de travail sans retirer le bloc, et par conséquent laissant la porte ouverte et déverrouillée derrière lui avant la fermeture de l’entrepôt pour la fête du Canada. Il y a la question de tenter de déterminer si l’appelant avait l’intention de retourner sur les lieux de travail après les heures de travail pour gonfler les pneus de sa voiture en utilisant le compresseur qui se trouvait sur les lieux (ce qu’il avait initialement affirmé à l’employeur et à la Commission) ou si l’appelant a laissé la porte ouverte par inadvertance lorsqu’il a quitté à la fin de son quart de travail quand il s’est rendu compte que le compresseur était hors tension (ce qu’il avait par la suite affirmé à la Commission après avoir été exclu du bénéfice de prestations d’AE) ou s’il avait l’intention de retourner sur les lieux après les heures de travail pour une quelconque autre raison (ce que soupçonnait l’employeur). Le superviseur de l’appelant a découvert que la porte était ouverte et a retiré la cale afin d’empêcher l’appelant ou toute autre personne de rentrer. Cependant, c’est la conduite incontestée de l’appelant, lorsqu’il a délibérément bloqué le verrou de la porte de l’entrepôt puis quitté les lieux sans retirer la cale (de telle sorte que la porte était maintenue ouverte et déverrouillée après qu’il soit sorti et après la fermeture de l’entrepôt pour la fête du Canada), qui a mené à la perte de son emploi pour Color Steels. Cela est parce que l’employeur croyait que le geste de l’appelant a été posé avec l’intention de retourner dans l’entrepôt après que tout le monde soit parti à l’insu de l’employeur, ce que l’appelant n’était pas autorisé de faire. Cependant, les intentions de l’appelant seront examinées ci-dessous, car ce facteur se rapporte à la question de savoir si la conduite était une inconduite.

[32] Par conséquent, le Tribunal estime que la conduite qui a causé le congédiement de l’appelant le 2 juillet 2015 était le fait qu’il avait délibérément maintenu ouverte une porte de sortie de l’entrepôt de Color Steels et quitté par cette porte à la fin de son quart de travail sans retirer le bloc du verrou, et avait par conséquent laissé la porte ouverte et déverrouillée derrière lui avant la fermeture de l’entrepôt pour la fête du Canada.

Ce comportement constitue-t-il une « inconduite » au sens de la Loi sur l’AE?

[33] Le Tribunal note que la conduite de l’employeur n’est pas la question à l’étude dans cet appel. La Cour d’appel fédérale a définitivement déclaré que le rôle du Tribunal n’est pas de déterminer si un congédiement était justifié ou si cela constituait une sanction appropriée, ce n’est pas non plus de déterminer si le congédiement est une peine trop sévère dans cette situation (Caul 2006 CAF 251, Secours A-352-94, Namaro A-834-82). Si l’appelant croit qu’il a été congédié à tort de son emploi pour Color Steels, il est libre d’utiliser tous les recours qu’il croit avoir en lien avec son congédiement.

[34] Plutôt, après avoir conclu que l’appelant avait volontairement maintenu ouverte la porte de sortie de l’usine Color Steels et quitté par cette porte à la fin de son quart de travail sans retirer le bloc sur le verrou, et que par conséquent, il avait laissé la porte ouverte et déverrouillée avant de partir et avant la fermeture de l’entrepôt pour la fête du Canada, le Tribunal doit maintenant déterminer si la conduite est une inconduite aux termes de la Loi sur l’AE (McNamara 2007 CAF 107; Fleming 2006 CAF 16).

[35] Comme cela a été mentionné ci-dessus, il est nécessaire que le Tribunal détermine les intentions de l’appelant en ce qui a trait à la conduite.

[36] Le Tribunal doit d’abord tenir compte des explications de l’appelant relatif à ce comportement. Pour les motifs prévus aux paragraphes 36 à 41 qui suivent, le Tribunal estime que les explications de l’appelant ne sont ni raisonnables ni crédibles.

[37] L’appelant a donné différentes versions de l’incident.

Version no 1 :

Dans sa demande de prestations d’AE, l’appelant a écrit que l’employeur affirmait qu’il avait volontairement bloqué le verrou de la porte d’accès à l’entrepôt avant sa fermeture pour la fête du Canada. Son explication était la suivante :

[traduction]

J’ai utilisé la porte pour me rendre à ma voiture, et j’ai oublié de la verrouiller. (GD3-8)

Première déclaration de l’employeur :

Un agent de la Commission a parlé avec l’employeur au sujet de la raison pour laquelle l’appelant avait été congédié. L’employeur a dit à l’agent que le superviseur de l’appelant avait remarqué qu’un morceau de carton avait été inséré dans la porte de telle sorte qu’elle ne se fermerait et ne se verrouillerait pas, et que ce superviseur avait vu l’appelant quitté à la fin de son quart de travail par la porte déverrouillée. Le superviseur a ensuite retiré le bloc et verrouillé la porte. L’appelant a été confronté à ce sujet et a reconnu avoir mis le morceau de carton dans la porte. L’appelant a dit à l’employeur qu’il avait maintenu la porte déverrouillée parce qu’il planifiait retourner sur les lieux de travail après la fin de son quart de travail pour gonfler ses pneus d’air avec le compresseur. L’appelant n’avait pas la permission d’être sur les lieux de travail après les heures de travail.

Version no 2 :

L’agent a ensuite parlé avec l’appelant, qui, au début de l’entrevue, a dit à l’agent de la Commission qu’il utilisait la porte en question lorsqu’il arrivait au travail et lorsqu’il quittait le travail. L’appelant a affirmé que la porte se verrouille habituellement derrière lui, mais que cette fois-ci, elle ne s’est pas verrouillée. L’appelant a également affirmé que cela se produisait couramment, car il y a souvent de la neige qui vient obstruer le verrou de la porte (GD3-17).

Le Tribunal note que l’incident a eu lieu le 30 juin 2016, et qu’il est peu probable qu’il y avait de la neige à ce moment.

Version no 3 :

Puisque l’agent de la Commission avait déjà parlé avec l’employeur (voir la version no 1 de l’employeur ci-dessus et à GD3-16), l’agent a ensuite demandé directement à l’appelant si la porte ne s’était tout simplement pas fermée ou s’il l’avait maintenue ouverte volontairement. C’est seulement après qu’on lui ait posé cette question que l’appelant a avoué avoir maintenu la porte en position ouverte (GD3-17). L’appelant a alors affirmé qu’il avait maintenu la porte ouverte afin de se rendre à sa voiture, de gonfler les pneus puis de fermer la porte, et qu’il avait maintenu la porte ouverte afin qu’il puisse rapporter le tuyau du compresseur dans l’entrepôt. Selon l’appelant, il a tout simplement oublié de retirer le morceau de la porte afin que celle-ci puisse se fermer.

Lorsque l’agent lui a demandé s’il avait mis de l’air dans ses pneus, l’appelant a dit qu’il ne l’avait pas fait à ce moment-là, puisqu’il était sur son quart de travail, mais qu’il allait le faire plus tard. L’agent a délibérément vérifié auprès de l’appelant qu’il planifiait bel et bien retourner sur les lieux de travail après les heures de bureau en utilisant la porte déverrouillée afin d’emprunter l’équipement de l’entreprise (GD3-17). L’appelant a également confirmé qu’il n’avait pas la permission de retourner sur les lieux de travail (GD3-17).

Le Tribunal souligne le fait que, à ce moment-là, la version des faits de l’appelant était conforme à celle de l’employeur.

Version no 4 :

Après que l’agent lui ait dit qu’il avait volontairement enfreint la politique de l’employeur concernant le fait de retourner sur les lieux de travail après la fin d’un quart de travail, et ce, sans permission, et que par conséquent, il serait exclu du bénéfice de prestations d’AE (voir GD3-17 et GD3-18), l’appelant a affirmé dans sa demande de révision qu’il avait [traduction] « par inadvertance, maintenu ouverte une porte d’accès à l’entrepôt pendant environ 7 minutes afin de gonfler les pneus de ma voiture ».

Version no 5 :

Un autre agent de la Commission s’est entretenu avec l’appelant au sujet de sa demande de révision (voir GD3-22). Dans son entrevue avec cet agent, l’appelant a nié avoir dit à l’agent précédent que son intention était de revenir après les heures de travail pour gonfler les pneus de sa voiture. Maintenant, l’appelant affirme qu’il allait gonfler les pneus de sa voiture après son quart de travail, mais qu’il n’a pas été en mesure de le faire parce que le compresseur était hors tension.

Deuxième déclaration de l’employeur :

Lorsque l’agent qui s’occupait de ma demande de révision de l’appelant a communiqué avec l’employeur, l’employeur a donné certains détails supplémentaires au sujet de l’incident, mais il a réitéré que, au moment où il a été confronté par l’employeur, l’appelant a affirmé qu’il planifiait retourner après les heures de travail pour gonfler ses pneus de voiture.

L’employeur a également affirmé que le compresseur était hors tension, alors l’employeur ne savait pas pourquoi l’appelant aurait essayé de gonfler ses pneus; que l’employeur ne savait même pas si l’appelant savait comment allumer le compresseur; que la porte que l’appelant a maintenue ouverte n’était pas près du tuyau du compresseur d’air; que si l’appelant voulait mettre de l’air dans ses pneus, il serait allé à la porte du garage, laquelle se trouvait de l’autre côté du bâtiment; et que l’appelant n’avait pas le droit de laisser la porte ouverte, mais qu’il aurait pu passer par la réception et demander de gonfler ses pneus. L’employeur a avancé l’hypothèse selon laquelle l’appelant voulait probablement retourner sur les lieux pour d’autres intentions.

Version no 6 :

Au cours d’une autre conversation avec l’agent qui effectuait la révision, l’appelant a nié la version des faits de l’employeur et a affirmé que la porte qu’il avait maintenue ouverte était du même côté du bâtiment que le tuyau, lequel se trouvait à l’intérieur, et il aurait fallu qu’il le sorte et l’apporte jusqu’à sa voiture. Mais, il n’a pas sorti le tuyau; il est allé à l’intérieur et il a oublié de fermer la porte lorsqu’il a quitté les lieux à la fin de son quart de travail (GD3-34).

Version no 7 :

Dans ses documents relatifs à l’appel, l’appelant a affirmé qu’il n’était pas inhabituel d’utiliser la porte d’accès à l’entrepôt pour mettre de l’air dans ses pneus, et que cela n’a jamais été un problème auparavant, et on ne l’a jamais informé ou averti que c’était interdit ou restreint (GD6-2).

Version no 8 :

Témoignage au cours de l’audience

L’appelant a témoigné que l’incident du 30 juin constituait la première fois qu’il essayait de gonfler ses pneus au travail, et il n’a jamais bloqué le verrou de la porte auparavant.

L’appelant a affirmé avoir maintenu la porte ouverte afin qu’il puisse apporter le tuyau du compresseur à l’extérieur, à l’endroit où sa voiture était stationnée, mais qu’il est allé à l’intérieur et s’est rendu compte que le compresseur était hors tension, puis il a quitté les lieux seulement quelques minutes plus tard, mais a oublié de retirer le bloc de la porte.

[38] Comme cela a été mentionné au paragraphe 36 ci-dessus, la version des faits de l’appelant a changé de manière importante après qu’il ait été exclu du bénéfice de prestations, et a changé davantage par la suite pour y inclure des détails au sujet de l’emplacement du tuyau du compresseur et du moment où il a découvert que le compresseur était hors tension.

[39] En revanche, l’employeur est demeuré franc, cohérent et crédible : il a découvert que l’appelant avait volontairement maintenu la porte de l’entrepôt et avait quitté les lieux par cette porte à la fin de son quart de travail sans la verrouiller à la fin de son quart de travail le 30 juin 2015 — avant que l’entrepôt ne soit fermé pour la fête du Canada. Lorsqu’il a été confronté, l’appelant a dit à l’employeur qu’il avait l’intention de retourner à l’entrepôt après les heures de travail pour gonfler ses pneus avec le compresseur qui se trouvait sur les lieux. Le Tribunal note que l’appelant a confirmé que cela était bel et bien son intention au cours de l’entrevue téléphonique initiale avec la Commission, et a vérifié la déclaration de l’employeur selon laquelle il n’était pas autorisé à faire cela. Le Tribunal note également que la version des faits de l’appelant et celle de l’employeur étaient pratiquement identiques jusqu’à ce que l’appelant soit exclu du bénéfice des prestations d’AE.

[40] Le Tribunal accorde davantage de poids à la déclaration initiale et spontanée de l’appelant selon laquelle la raison pour laquelle il a maintenu la porte ouverte était parce qu’il avait l’intention de retourner à l’entrepôt après les heures de travail pour utiliser l’équipement de l’employeur afin de gonfler ses pneus, et le Tribunal estime que cette déclaration est plus crédible que les déclarations subséquentes faites après qu’il ait été avisé du fait qu’il était exclu du bénéfice de prestations d’AE. Le Tribunal est guidé par la décision de la Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Bellefleur c. Canada (Procureur général), 2008 CAF 13, qui prévoit que l’on accorde davantage de poids aux déclarations initiales et spontanées plutôt qu’aux déclarations faites à la suite d’une décision défavorable rendue par la Commission.

[41] Le Tribunal est aussi troublé par la déclaration de l’appelant selon laquelle il a [traduction] « par inadvertance, maintenu ouverte une porte d’accès à l’entrepôt pendant environ sept (7) minutes afin de gonfler mes pneus » (voir la demande de révision à GD3-21). Le geste consistant à prendre un morceau de carton et à l’inséré dans une porte en acier épais afin qu’elle ne se verrouille pas est un geste délibéré et volontaire, et non un geste commis par inadvertance. Le Tribunal estime que la conduite de l’appelant était délibérée.

[42] De plus, la séquence des événements et leur synchronisation ne viennent pas appuyer le témoignage de l’appelant selon lequel il a tout simplement oublié de retirer la cale de la porte. L’appelant a affirmé à plusieurs reprises que la porte a uniquement été maintenue ouverte de 5 à 7 minutes. Cela signifie que cela a seulement pris de 5 à 7 minutes à l’appelant pour volontairement préparer un bloc de carton et l’insérer dans le mécanisme de verrouillage de la porte, pour marcher jusqu’au compresseur afin de prendre le tuyau, pour découvrir qu’il était hors tension, pour marcher en sens inverse vers la porte qu’il avait maintenue ouverte et pour quitter les lieux par cette porte. Le Tribunal estime que cela n’est pas plausible, dans un intervalle de 5 à 7 minutes d’activités concertées relatives à la porte, que l’appelant oublie le fait qu’il avait maintenu la porte ouverte et qu’il devait retirer le bloc du verrou avant de partir. Si le but principal de ce geste était de maintenir la porte ouverte, de se rendre au compresseur et de prendre le tuyau, de l’apporter jusqu’aux pneus et de gonfler ces derniers, alors lorsqu’il s’est rapidement rendu compte qu’il ne pouvait pas gonfler ses pneus parce que le compresseur était hors tension, l’appelant aurait facilement pu débloquer le verrou avant de quitter les lieux. De plus, s’il n’avait jamais bloqué la porte auparavant et qu’il a pris la peine de le faire pour la première fois ce jour-là, et que le temps total qui s’est écoulé entre le moment où il a vérifié le compresseur et le moment où il a quitté les lieux n’était que de quelques minutes, il est peu probable que l’appelant ait oublié, par inadvertance, de retirer le bloc en quittant les lieux. Le Tribunal estime qu’il est bien plus probable que l’appelant avait l’intention de retourner sur les lieux plus tard et d’entrer dans l’entrepôt par la porte qui avait volontairement été maintenue ouverte. Compte tenu du fait qu’il est indéniable que l’appelant n’était pas autorisé à se trouver sur les lieux de travail sans surveillance après les heures de bureau, le Tribunal estime également qu’il est évident que l’appelant avait l’intention de retourner à l’entrepôt sans que son employeur le sache.

[43] Pour les raisons qui se trouvent aux paragraphes 37 à 42 ci-dessus, le Tribunal estime que le comportement de l’appelant, soit celui de volontairement maintenir en position ouverte une porte de sortie de l’Entrepôt de Color Steels et de quitter par cette porte à la fin de son quart de travail sans retirer le bloc du verrou, laissant par conséquent la porte ouverte et déverrouillée avant la fermeture de l’entrepôt pour la fête du Canada — était avec l’intention de retourner à l’entrepôt après les heures de travail et sans que l’employeur le sache afin d’utiliser l’équipement de l’employeur qui se trouvait sur les lieux, notamment le compresseur pour gonfler ses pneus.

[44] Après avoir tiré cette conclusion concernant l’intention derrière le comportement de l’appelant, le Tribunal a ensuite tenu compte de la preuve de l’employeur concernant les questions de sécurité soulevées par la conduite de l’appelant.

[45] L’employeur a fait les déclarations suivantes à GD3-16 :

  • Le lieu de travail est un entrepôt comportant de la machinerie dangereuse, et personne n’a le droit d’y retourner après les heures de travail et sans surveillance.
  • Il existe une politique industrielle selon laquelle il doit y avoir au moins 2 personnes dans l’entrepôt en tout temps lorsque les machines sont utilisées.
  • S’il y avait un problème avec les machines et que quelqu’un restait pris ou se blessait, quelqu’un d’autre doit se trouver sur place afin de fournir de l’aide.
  • La compagnie d’assurance de l’entreprise ne permet pas aux personnes non autorisées de se trouver sur les lieux après les heures de travail, et l’appelant n’était ni un gestionnaire ni un détenteur de clé autorisé, et n’avait donc pas la permission de se trouver sur les lieux après les heures de travail.
  • Il n’y a aucune politique écrite au sujet de ces règles; ce n’était qu’une politique fondée sur le bon sens pour la sécurité de tous.

[46] L’employeur a fait les déclarations suivantes à GD3-34 :

  • Le compresseur était hors tension au moment de l’incident, et il n’est pas clair si le client savait réellement comment démarrer le compresseur puisqu’il y a beaucoup de boîtiers électriques.
  • L’entreprise Color Steels est un complexe industriel.
  • Il existe une norme industrielle selon laquelle il doit y avoir au moins deux (2) personnes dans le bâtiment en tout temps.
    Sinon, si quelqu’un flânait et qu’il se blessait, personne ne l’entendrait.
  • Il a bloqué le verrou le mardi 30 juin 2015. L’entreprise était fermée la journée suivante pour le jour férié de la fête du Canada.

[47] L’explication fournie à l’employeur le 2 juillet 2015, c’est-à-dire que l’appelant avait bloqué le verrou de la porte de l’entrepôt parce qu’il planifiait y retourner après la fin de son quart de travail pour gonfler ses pneus à l’aide du compresseur qui se trouvait sur les lieux, constituait une violation à la politique de sécurité en milieu de travail de l’employeur, laquelle exige qu’il y ait deux (2) employés qualifiés sur le site en tout temps. Le Tribunal note qu’une entrée non autorisée dans l’entrepôt de Color Steels après la fin d’un quart de travail serait également considérée comme étant intrusion.

[48] Le Tribunal accorde beaucoup de valeur aux déclarations crédibles et très sensées de l’employeur relativement à l’importance de cette politique de sécurité. Bien qu’il est vrai que Color Steels n’avait pas de politique écrite affirmant explicitement qu’un employé n’a pas le droit de maintenir ouverte une porte d’accès à l’extérieur de façon à l’empêcher de se verrouiller après que l’employé quitte les lieux, le Tribunal estime qu’une telle interdiction n’est pas quelque chose qui doit être écrit pour qu’elle soit considérée comme étant une politique sur le milieu de travail. Maintenir la santé et la sécurité en milieu de travail est une exigence fondamentale et est au cœur des tâches et des responsabilités d’un employé. En l’espèce, l’appelant avait le devoir de maintenir l’intégrité de la sécurité en milieu de travail, à la fois pour la sécurité de l’ensemble des employés, mais également afin de prévenir les vols dans l’entrepôt. Cette tâche consistait, entre autres, à s’assurer que la porte était verrouillée au moment de partir. Le Tribunal estime que la conduite de l’appelant, soit le fait qu’il a volontairement maintenu ouverte une porte de sortie de l’entrepôt Color Steels et qu’il a quitté par cette porte à la fin de son quart de travail sans y retirer le bloc, laissant par conséquent la porte ouverte et déverrouillée afin qu’il puisse rentrer à nouveau sur les lieux sans surveillance après les heures de bureau, était une violation d’une politique fondamentale relative à la sécurité en milieu de travail.

[49] L’appelant soutient qu’il manquait à sa conduite le caractère volontaire nécessaire pour qu’elle soit considérée comme étant une inconduite au sens de la Loi sur l’AE. Le Tribunal souligne qu’il n’est pas nécessaire qu’un comportement s’accompagne d’une intention délictueuse pour qu’il y ait inconduite en vertu de la Loi sur l’AE. Le Tribunal note également que la Cour d’appel fédérale a jugé que la violation d’une politique en milieu de travail peut constituer une inconduite (Vo 2013 CAF 235), et qu’un tel comportement peut être une inconduite au sens de la Loi sur l’AE s’il s’agit d’un comportement insouciant qui montre peu d’égards pour l’employeur (Parsons 2005 CAF 248; Murray A-245-96). En effet, la Cour d’appel fédérale a précisément soutenu qu’il est question de négligence lorsqu’un prestataire ne prend pas les précautions et ne suit pas les règles de sécurité établies par l’employeur (Canada (Procureur général) c. Hallée, 2008 CAF 159).

[50] Même si le Tribunal est d’accord qu’il faut plus qu’un oubli pour conclure en une inconduite, le Tribunal estime que le geste de l’appelant n’était pas une perte de mémoire involontaire, mais était à tel point négligent que c’en était délibéré. Le Tribunal estime également que, compte tenu de la possibilité qu’il se blesse (ou qu’il blesse toute personne qui aurait découvert que la porte était déverrouillée et qui serait entrée sur les lieux) et qu’il endommage l’équipement de l’entrepôt, sans compter la possibilité de vol dans l’éventualité où quelqu’un aurait découvert que la porte était déverrouille et se serait introduit sur les lieux, la conduite de l’appelant ce jour-là démontré une insouciance grave et un mépris à l’égard de son employeur et des opérations de l’entreprise. Par conséquent, cela atteint le seul pour être considéré comme une inconduite.

[51] Finalement, le Tribunal a examiné la question à savoir si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pourrait mener à son congédiement. Le Tribunal a déjà traité du fait qu’il n’y avait aucune politique écrite, et a conclu que la conduite de l’appelant, lorsqu’il a volontairement maintenu ouverte une porte de sortie de l’entrepôt de Color Steels et qu’il a quitté par cette porte à la fin de son quart de travail sans retirer le bloc, laissant par conséquent la porte ouverte et déverrouillée afin de pouvoir s’introduire sur les lieux de travail sans surveillance après les heures de bureau afin d’utiliser l’équipement de l’employeur sans que ce dernier le sache — était une violation d’une politique fondamentale relative à la sécurité en milieu de travail. Par conséquent, l’appelant aurait dû savoir que cette violation pourrait mener à son congédiement.

[52] De plus, la politique qu’il a enfreinte en raison de sa conduite du 30 juin 2015 était une politique de sécurité, et l’appelant avait déjà fait l’objet de mesures disciplinaires à deux reprises dans le passé pour des infractions à la sécurité survenues dans les quatre (4) derniers mois. Même si l’appelant a affirmé que ses mesures disciplinaires précédentes n’étaient pas en lien avec son geste précis de bloquer la porte, le Tribunal estime qu’elles portaient toutes sur des questions de sécurités. Le 23 mars 2015, l’appelant a reçu un avertissement et a été suspendu pour une [traduction] « utilisation constante » de son téléphone cellulaire personnel pendant qu’il opérait les machines et l’équipement (voir GD2-14), ce qui est manifestement une question de sécurité; et le 27 avril 2015, il a reçu un avertissement et a été suspendu pour avoir travaillé sans chaussures de sécurité (GD2-13), ce qui est également un problème de sécurité. Dans ces deux cas, l’appelant a été avisé que s’il ne s’améliorait pas, cela pourrait mener à son congédiement. Même si le Tribunal reconnait que ces deux incidents disciplinaires précédents n’étaient pas explicitement pour avoir laissé une porte de sortie ouverte, ceux-ci sont considérés en parallèle avec l’incident du 30 juin 2015 et il est manifeste que l’appelant a reçu un avis comportant les conséquences qu’il y aurait s’il y avait d’autres violations de la politique relative à la sécurité en milieu de travail. Cela est d’autant plus le cas parce que l’appelant a signé le rapport d’avertissement de l’employé le 27 avril dans lequel il était écrit que la prochaine étape serait le congédiement.

[53] La séquence des événements, accompagnée de la réponse évasive de l’appelant à la question du membre concernant l’avertissement de vive voix qu’il a reçu en 2015 pour avoir pris des rebuts d’aluminium, a mené le Tribunal a conclure que l’appelant savait très bien que le congédiement serait la prochaine étape s’il commettait une violation à la politique relative au milieu de travail après son incident survenu le 27 avril.

[54] Pour ces motifs, le Tribunal estime que l’appelant savait ou aurait dû savoir que son congédiement constituait une véritable possibilité s’il était impliqué dans un autre incident lié à la sécurité ou toute autre violation des politiques de l’employeur relatifs au milieu de travail.

[55] En l’espèce, la conclusion du Tribunal selon laquelle la conduite de l’appelant, lorsqu’il a volontairement maintenu ouverte une porte de sortie de l’entrepôt de Color Steels et qu’il a quitté par cette porte à la fin de son quart de travail sans retirer le bloc, laissant par conséquent la porte ouverte et déverrouillée afin de pouvoir s’introduire sur les lieux de travail sans surveillance après les heures de bureau afin d’utiliser l’équipement de l’employeur sans que ce dernier le sache — contrevenait au bon sens et constituait une violation à la politique fondamentale relative à la sécurité en milieu de travail, et conjointement avec son historique des mesures disciplinaires qu’il a reçues pour des pratiques de travail non sécuritaires, faisait en sorte que sa conduite du 30 juin 2015 était à tel point négligente que c’en était presque délibéré. Le Tribunal estime également que, compte tenu de la nature du milieu de travail et de l’équipement industriel qui se trouvait sur les lieux, ainsi que du fait que l’appelant n’avait pas la permission de rentrer dans l’entrepôt après les heures de travail, son geste qui a été de bloquer le verrou de la porte de l’entrepôt le 30 juin 2015 a irrémédiablement rompu le lien de confiance qui l’unissait à son employeur; et il a conclu que l’appelant savait que cela pourrait mener à son congédiement.

[56] Le Tribunal conclut donc que le comportement de l’appelant constituait une inconduite au sens de l’article 30 de la Loi sur l’AE.

[57] Le Tribunal accorde beaucoup de valeur probante aux éléments de preuve présentés par l’employeur après la concession de la Commission, et pour les motifs prévus aux paragraphes 36 à 41, le Tribunal conclut que l’appelant n’a pas fourni une explication raisonnable ou crédible pour justifier le comportement en question. Le Tribunal est également convaincu qu’il ne s’agit pas d’un cas où la preuve présentée de part et d’autre est équivalente, et par conséquent, il conclut que rien ne permet de donner le bénéfice du doute à l’appelant, conformément au paragraphe 49(2) de la Loi sur l’AE. Pour ces motifs, le Tribunal n’accorde aucun poids à la concession de la Commission.

Conclusion

[58] Le Tribunal conclut ce qui suit :

  1. La conduite qui a causé le congédiement de l’appelant le juillet 2015 était le fait qu’il avait délibérément maintenu ouverte une porte de sortie de l’entrepôt de Color Steels et quitté par cette porte à la fin de son quart de travail sans retirer le bloc du verrou, et avait par conséquent laissé la porte ouverte et déverrouillée derrière lui avant la fermeture de l’entrepôt pour la fête du Canada.
  2. Le geste posé par l’appelant a été fait avec l’intention de retourner dans l’entrepôt sans surveillance après les heures de travail afin d’utiliser l’équipement de l’employeur sans que ce dernier ne le sache, et l’appelant n’était pas autorisé à faire cela.
  3. Dans les circonstances qui ont été notées dans la présente analyse, la conduite de l’appelant avait un caractère à tel point négligent que c’en était délibéré.
  4. La conduite de l’appelant constituait une violation à la politique fondamentale relative à la sécurité en milieu de travail, cette violation a irrémédiablement rompu le lien de confiance entre l’employeur et l’employé et l’appelant savait que cela pourrait mener à son congédiement.

[59] Par conséquent, le Tribunal conclut que l’appelant a perdu son emploi pour Color Steels le 2 juillet 2015 en raison de son inconduite et qu’il est exclu du bénéfice des prestations d’AE pour une période indéfinie en vertu de l’article 30 de la Loi sur l’AE.

[60] L’appel est rejeté.

Annexe

Droit applicable

  1. 30 (1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :
    1. a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
    2. b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.
  2. (2) L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.
  3. (3) Dans les cas où l’événement à l’origine de l’exclusion survient au cours de sa période de prestations, l’exclusion du prestataire ne comprend pas les semaines de la période de prestations qui précèdent celle où survient l’événement.
  4. (4) Malgré le paragraphe (6), l’exclusion est suspendue pendant les semaines pour lesquelles le prestataire a autrement droit à des prestations spéciales.
  5. (5) Dans les cas où le prestataire qui a perdu ou quitté un emploi dans les circonstances visées au paragraphe (1) formule une demande initiale de prestations, les heures d’emploi assurable provenant de cet emploi ou de tout autre emploi qui précèdent la perte de cet emploi ou le départ volontaire et les heures d’emploi assurable dans tout emploi que le prestataire perd ou quitte par la suite, dans les mêmes circonstances, n’entrent pas en ligne de compte pour l’application de l’article 7 ou 7.1.
  6. (6) Les heures d’emploi assurable dans un emploi que le prestataire perd ou quitte dans les circonstances visées au paragraphe (1) n’entrent pas en ligne de compte pour déterminer le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées, au titre du paragraphe 12(2), ou le taux de prestations, au titre de l’article 14.
  7. (7) Sous réserve de l’alinéa (1)a), il demeure entendu qu’une exclusion peut être imposée pour une raison visée au paragraphe (1) même si l’emploi qui précède immédiatement la demande de prestations — qu’elle soit initiale ou non — n’est pas l’emploi perdu ou quitté au titre de ce paragraphe.
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