Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Décision

[1] Le Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) accueille l’appel et renvoie le dossier à la division générale afin qu’une décision soit rendue concernant les gains non déclarés, la pénalité et l’avis de violation.

Introduction

[2] En date du 12 novembre 2016, la division générale du Tribunal a conclu que l’intimée avait valablement exercé son pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle a refusé de prolonger le délai pour demander une révision de la décision du 25 septembre 2014 en vertu de l’article 112 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi).

[3] L’appelant a déposé une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel en date du 9 décembre 2016. La permission d’en appeler a été accordée le 20 décembre 2016.

Mode d'audience

[4] Le Tribunal a déterminé que l’audience de cet appel serait tenue par téléconférence pour les raisons suivantes :

  • la complexité de la ou des questions en litige;
  • la crédibilité des parties ne figurait pas au nombre des questions principales;
  • le caractère économique et opportun du choix de l’audience;
  • la nécessité de procéder de la façon la plus informelle et rapide possible tout en respectant les règles de justice naturelle.

[5] Lors de l’audience, l’appelant était présent. L’intimée n’a pas assisté à l’audience malgré la réception de l’avis de convocation.

Droit applicable

[6] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige

[7] Le Tribunal doit décider si la division générale a commis une erreur en concluant que l’intimée avait valablement exercé son pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle a refusé de prolonger le délai pour demander une révision de la décision du 25 septembre 2014 en vertu de l’article 112 de la Loi.

Observations

[8] L’appelant présente les motifs suivants au soutien de son appel :

  • La division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.
  • Il est faux de prétendre qu’il n’a jamais eu une intention constante de demander la révision de la décision du 25 septembre 2014.
  • Il a contesté la décision de l’intimée dès le 27 octobre 2014, tel qu’il appert au dossier du Tribunal.
  • Il n’a jamais reçu de décision après le dépôt de sa demande de révision en octobre 2014.

[9] L’intimée présente les motifs suivants à l’encontre de l’appel de l’appelant :

  • Il ressort de la preuve au dossier et du témoignage de l’appelant qu’il avait connaissance de la décision qui a été rendue par l’intimée le 25 septembre 2014.
  • Un prestataire qui, comme l’appelant, a connaissance d’une décision de l’intimée, l’informant que des gains n’ont pas été déclarés, mais qui choisit de ne pas déposer une demande de révision en temps opportun ou de ne pas y donner suite par des démarches concrètes pour s’assurer qu’il ne s’agit pas d’une erreur, ne peut réussir à démontrer que son retard à présenter sa demande est justifié ou qu’il a une raison ou un motif acceptable pour demander de prolonger le délai prévu par la Loi.
  • Même s’il était démontré que l’appelant avait effectué des démarches en mai 2015, il était tout de même, à cette époque, en dehors des délais prévus.
  • La question que le Tribunal devait trancher était de savoir si l’intimée a valablement exercé son pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle a refusé, le 25 février 2016, de prolonger le délai pour demander une révision des décisions qu’elle avait rendues le 25 septembre 2014.
  • La division générale a rendu une décision relevant de sa compétence et l’intimée est d’avis que la décision du Tribunal n’est manifestement pas déraisonnable à la lumière des éléments pertinents de la preuve.
  • Le rôle de la division d’appel du Tribunal se limite à décider si l’appréciation des faits par la division générale du Tribunal était raisonnablement compatible avec les éléments versés au dossier.
  • Il est établi dans la jurisprudence que les raisons spéciales justifiant la présentation tardive d’un appel comprennent les raisons d’ordre humanitaire ou les circonstances indépendantes de la volonté du prestataire. Cependant, l’ignorance de la procédure d’appel, l’oubli ou la simple négligence ne constituent pas des raisons spéciales.

Normes de contrôle

[10] L’appelant n’a fait aucune représentation quant à la norme de contrôle applicable.

[11] L’intimée plaide que la norme de contrôle applicable aux questions de droit est celle de la décision correcte et que la norme de contrôle applicable aux questions mixtes de fait et de droit est celle de la décision raisonnable - Pathmanathan c. Bureau du juge- arbitre, 2015 CAF 50.

[12] Le Tribunal constate que la Cour d’appel fédérale, dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Jean, 2015 CAF 242, mentionne au paragraphe 19 de sa décision que lorsque la division d’appel « agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la [d]ivision générale du Tribunal de la sécurité sociale, la [d]ivision d’appel n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieure. »

[13] La Cour d’appel fédérale poursuit en soulignant ce qui suit :

Non seulement la [d]ivision d’appel a-t-elle autant d’expertise que la [d]ivision générale du Tribunal de la sécurité sociale et n’est-elle donc pas tenue de faire preuve de déférence, mais au surplus un tribunal administratif d’appel ne saurait exercer un pouvoir de contrôle et de surveillance réservé aux cours supérieures provinciales ou, pour les « offices fédéraux », à la Cour fédérale et à la Cour d’appel fédérale [...].

[14] La Cour d’appel fédérale termine en soulignant que « [l]orsqu’elle entend des appels conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, la [d]ivision d’appel n’a d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de cette loi. »

[15] Le mandat de la division d’appel du Tribunal décrit dans l’arrêt Jean a par la suite été confirmé par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Maunder c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 274.

[16] En conséquence, à moins que la division générale n’ait pas observé un principe de justice naturelle, qu’elle ait commis une erreur de droit ou qu’elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l’appel.

Analyse

[17] Le 25 février 2016, l’appelant s’est vu refuser par l’intimée une prolongation de la période de 30 jours prévue pour présenter une demande de révision aux termes de l’article 112 de la Loi et de l’article 1 du Règlement sur les demandes de révision.

[18] L’appelant a déposé auprès de la division générale son appel de la décision de l’intimée le 17 mars 2016, dans les délais légaux prévus.

[19] La loi confère à l’intimée le pouvoir discrétionnaire de proroger le délai pour présenter une demande de révision.

[20] Dans la présente affaire, la division générale a conclu que l’appelant n’avait pas d’explication raisonnable à l’appui de la demande de prolongation du délai ni manifesté l’intention constante de demander la révision pour justifier la période de retard. La division générale a déterminé que la cause n’avait aucune chance raisonnable de succès et qu’il n’avait pas été démontré qu’aucune partie ne subirait de préjudice.

[21] Le Tribunal est d’avis que la division générale a commis une erreur en examinant si l’intimée a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon inappropriée, puisque l’appelant a déposé sa demande de révision dans le délai de 30 jours suivant la date où il a reçu communication de la décision de l’intimée du 25 septembre 2014, le tout conformément au paragraphe 112 (1) de la Loi.

[22] En effet, le 23 octobre 2014, à l’intérieur du délai de 30 jours, l’intimée a reçu deux lettres provenant de l’appelant, une expliquant qu’il s’était fait voler son identité (pages GD3-14 à GD3-15), et une expliquant qu’il avait communiqué avec un agent afin de mettre fin à son assurance-emploi (pages GD3-16 à GD3-18).

[23] La division générale a d’ailleurs reconnu la réponse de l’appelant à la décision de l’intimée du 25 septembre 2014, mais l’a malheureusement ignorée parce qu’elle ne contenait pas explicitement une demande formelle de révision. Le Tribunal est d’avis que la division générale a commis une erreur en faisant preuve d’une telle rigueur afin de reconnaître qu’il s’agissait bel et bien d’une contestation de la décision initiale de l’intimée.

[24] D’ailleurs, l’intimée a communiqué avec l’appelant le 19 février 2015 afin de procéder à la demande de révision, conformément à la section « Commentaires » de son rapport d’entrevue, mais celui-ci était occupé et a demandé à être joint la semaine suivante (GD-3-19). En date des 25 et 26 février 2015, l’intimée a tenté de joindre l’appelant par téléphone à deux reprises mais sans succès. Il est alors noté dans le rapport d’entrevue du 27 février 2015 qu’une décision en révision sera rendue avec les faits au dossier (GD3-20). Cependant, l’appelant n’a jamais reçu de décision en révision de la part de l’intimée.

[25] Il est vrai que l’intimée a par la suite invité l’appelant à déposer une demande en révision, mais le Tribunal considère que cette demande avait déjà été faite par l’appelant et traitée par l’intimée. Les demandes subséquentes de l’intimée en ce sens n’ont fait que rajouter à la confusion entourant le dossier.

[26] Puisque le Tribunal considère que l’appelant a déposé sa demande de révision de la décision initiale de l’intimée dans les délais légaux et que celle-ci a été rejetée par l’intimée, et étant donné que l’appelant n’a jamais reçu la décision en révision, il y a lieu, dans l’intérêt de la justice, de renvoyer le dossier à la division générale afin que celle-ci rende une décision concernant les gains non déclarés, la pénalité et l’avis de violation.

Conclusion

[27] Le Tribunal accueille l’appel, renvoie le dossier à la division générale afin qu’une décision soit rendue concernant les gains non déclarés, la pénalité et l’avis de violation.

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