Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision



Motifs et décision

Décision

[1]  L’appel est rejeté.

Introduction

[2]  En date du 10 décembre 2016, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a conclu que l’appelant avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite, conformément aux articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi).

[3]  L’appelant a présenté une demande de permission d’en appeler à la division d’appel le 12 janvier 2017, après avoir reçu communication de la décision de la division générale le 15 décembre 2016. La permission d’en appeler a été accordée le 23 janvier 2017.

Mode d’audience

[4] Le Tribunal a tenu une audience par téléconférence pour les raisons suivantes :

  • La complexité de la ou des questions faisant l’objet de l’appel.
  • L’on ne prévoit pas que la crédibilité des parties figure au nombre des questions principales.
  • L’information au dossier, y compris la nécessité d’obtenir des renseignements supplémentaires.
  • L’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

[5]  L’appelant a participé à l’audience. L’intimée et l’employeur n’y ont pas participé, bien qu’ils aient été avisés de la date d’audience.

Droit applicable

[6]  Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige

[7]  Le Tribunal doit décider si la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que l’appelant avait été congédié en raison de son inconduite aux termes des articles 29 et 30 de la Loi.

Observations

[8] L’appelant fait valoir les arguments suivants à l’appui de son appel :

  • Les faits non contestés au dossier démontrent qu’il y a eu une dispute, de laquelle il s’est retiré, et qu’après s’être [traduction] « calmé », il a entamé les tâches qui lui avaient été assignées.
  • Il ne s’agit pas d’un cas où un employé n’a pas appelé ou ne s’est pas présenté au travail, mais plutôt d’un cas où un employé s’est absenté du milieu de travail pendant une très courte période de temps, et ce, avant le début de son quart de travail prévu.
  • En aucun cas n’a-t-il donné sa démission, ni à l’oral ni à l’écrit. L’employeur a tout simplement présumé que c’était le cas, et lorsque l’appelant est retourné travailler, c’est l’employeur, et non l’appelant, qui a décidé de mettre fin à la relation d’emploi.
  • Il croyait que certaines pièces manquantes provenant du dossier précédent du conseil arbitral avaient été présentées dans le cadre de l’appel devant la division générale.

[9]  L’intimée fait valoir les arguments suivants à l’encontre de l’appel :

  • Beaucoup d’éléments de preuve sont contradictoires dans cette affaire. La jurisprudence a établi que, selon la prépondérance des probabilités, face à une preuve contradictoire, il convient de retenir la preuve qui est raisonnable, fiable et crédible, compte tenu des circonstances. Cependant, si la preuve présentée de part et d’autre est équivalente, le client doit recevoir le bénéfice du doute conformément au paragraphe 49(2) de la Loi.
  • Pour la cause en espèce, l’intimée a jugé que la preuve des deux parties était crédible de façon équivalente, et conformément au paragraphe 49(2) de la Loi, le bénéfice du doute a été accordé à l’appelant, et la demande a été approuvée.
  • La décision de la division générale porte à confusion, car dès les premières lignes, on identifie l’appelant comme étant l’employeur – Exclusive Transfer Enterprise. Mais, au paragraphe 47, le membre identifie l’appelant comme étant le prestataire.
  • De plus, au paragraphe 30, sous la section b), la division générale juge que la preuve de l’employeur était cohérente en ce qui concerne le retour de l’appelant sur les lieux, une demi-heure plus tard. L’intimée soutient que la preuve de l’employeur est incohérente.
  • L’appelant commençait supposément son quart de travail à 15 h, mais à RGD5-35, dans un courriel, l’employeur mentionne que [traduction] « H. H. ne s’est jamais présenté pour son quart de travail à 14 h 30 comme il l’a toujours affirmé, il n’était pas parti pendant seulement 15 minutes précédant son quart [...] ». L’intimée remarque également que dans ce même courriel, l’employeur affirme que [traduction] « [l]e chauffeur s’est présenté et a trouvé ses registres », deux années après le dernier jour de travail de l’appelant en février 2012.
  • Les conclusions de fait de la division générale ne sont pas raisonnables compte tenu de la preuve et sur la base du fait que le membre a erré quand il a accueilli l’appel de l’employeur.

Norme de contrôle

[10] L’appelant n’a fait aucune représentation quant à la norme de contrôle applicable.

[11] L’intimée soutient que la division d’appel ne doit aucune déférence à l’égard des conclusions de la division générale en ce qui a trait aux questions de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier. Toutefois, pour les questions mixtes de fait et de droit et pour les questions de fait, la division d’appel doit faire preuve de déférence envers la division générale. Elle ne peut intervenir qui si la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance – Pathmanathan c. Bureau du juge-arbitre, 2015 CAF 50.

[12] Le Tribunal souligne que la Cour d’appel fédérale, dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Jean, 2015 CAF 242, a indiqué au paragraphe 19 de sa décision que [traduction] « [l]orsqu “elle agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, la division d’appel n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieure. »

[13] La Cour d’appel fédérale poursuit en soulignant ce qui suit :

Non seulement la [d]ivision d’appel a-t-elle autant d’expertise que la [d]ivision générale du Tribunal de la sécurité sociale et n’est-elle donc pas tenue de faire preuve de déférence, mais au surplus un tribunal administratif d’appel ne saurait exercer un pouvoir de contrôle et de surveillance réservé aux cours supérieures provinciales ou, pour les « offices fédéraux », à la Cour fédérale et à la Cour d’appel fédérale […].

[14] La Cour d’appel fédérale a conclu que « [l]orsqu’elle entend des appels conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, la [d]ivision d’appel n’a d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de cette loi. »

[15] Le mandat de la division d’appel du Tribunal comme il est décrit dans l’affaire Jean a par la suite été confirmé par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Maunder c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 274.

[16] Par conséquent, à moins que la division générale ait manqué à un principe de justice naturelle, qu’elle ait erré en droit ou qu’elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l’appel.

Analyse

Omission de se présenter à l’audience

[17] Le Tribunal a tenu l’audience en l’absence de l’intimée et de l’employeur, puisqu’il estimait que ceux-ci avaient été dûment avisés de la tenue de l’audience, conformément à l’article 12 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale.

Pièces manquantes provenant du dossier précédent du conseil arbitral

[18] Pour cet appel, l’appelant affirme que le dossier d’appel est incomplet, puisque des pièces provenant du dossier précédent du conseil arbitral n’ont pas été transmises à la division générale.

[19] L’appelant soutient que sa demande de prestations initiale est manquante et elle aurait prouvé qu’il avait quitté son emploi deux jours après l’obtention d’un certificat médical. Cette pièce aurait pu contredire la position de l’employeur concernant le fait que l’appelant aurait démissionné le jour de la dispute.

[20] L’appelant n’a pas soulevé la question devant la division générale, même s’il avait reçu le dossier d’appel avant la tenue de l’audience. Si des pièces étaient manquantes, l’appelant aurait dû les soumettre avant la tenue de l’audience, ou du moins demander à la division générale de les obtenir ou d’ajourner l’audience. La division d’appel n’acceptera pas ce motif d’appel lorsqu’une partie fait preuve de passivité devant la division générale.

[21] Le Tribunal est d’avis que l’appelant connaissait la preuve contenue dans le dossier avant de se présenter devant la division générale et qu’il a eu amplement le temps de préparer sa défense. La division générale lui a permis de présenter ses arguments par rapport à l’ensemble de l’affaire dont elle était saisie, et l’appelant a eu l’opportunité de contester la position de l’employeur. La preuve documentaire manquante devait simplement confirmer la position déjà connue de l’appelant, et celui-ci n’a donc pas subi un préjudice.

[22] Ce moyen d’appel n’est donc pas fondé.

Départ volontaire

[23] La division générale a tiré les conclusions suivantes quand elle a rejeté l’appel de l’appelant [traduction] :

[43] Il est raisonnable pour un employeur de gérer son entreprise à sa guise et de protéger ses intérêts en fidélisant ses principaux clients. L’appelant a jugé que le prestataire avait abandonné son poste et a donc considéré qu’il donnait sa démission. Bien que le prestataire affirmait ne pas avoir démissionné, il a déclaré ne pas avoir pensé à demander de retrouver son emploi. Il a aussi déclaré être humain et avoir commis quelques erreurs.

[44] Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal juge que le prestataire a quitté volontairement son emploi.

[45] Le prestataire n’avait-il pas d’autre solution raisonnable à celle du départ? Selon la preuve présentée au Tribunal, il en avait.

[46] L’appelant a fait valoir qu’une solution raisonnable dans ce cas aurait été pour le prestataire d’accomplir ses tâches comme il devait le faire ou demander de retrouver son emploi après avoir démissionné.

[47] Le Tribunal est d’avis que l’appelant n’a pas épuisé toutes les solutions raisonnables qui s’offraient à lui avant de quitter son emploi. Il a fait le choix de quitter son poste quand il est sorti, mais à son retour, sa course avait été donnée à une autre personne.

[24] L’appelant et l’intimée soutiennent que beaucoup d’éléments de preuve sont contradictoires dans cette affaire et que l’appelant devrait se voir accorder le bénéfice du doute conformément au paragraphe 49(2) de la Loi. Ils allèguent aussi que la décision de la division générale porte à confusion car les parties n’y sont pas correctement identifiées.

[25] Dès le commencement de cette affaire, l’appelant a mis beaucoup d’emphase sur le fait qu’il a quitté les lieux de travail pour « se calmer » et qu’il y est retourné avant de commencer son quart de travail. Il plaide ne pas avoir donné sa démission, ni à l’oral ni à l’écrit.

[26] Le Tribunal juge que si l’appelant a quitté les lieux de son travail un peu avant son quart de travail ou un peu après n’est pas une question déterminante dans le cas présent. Comme l’a mentionné la division générale, ce sont les circonstances entourant le départ des lieux de travail de l’appelant, et par la suite de son retour, qui sont pertinentes.

[27] Contrairement aux observations de l’appelant et de l’intimée, la preuve concernant le refus persistant de l’appelant d’accomplir ses tâches de travail est cohérente. L’appelant a été informé devant d’autres employés que s’il refusait encore d’accomplir ses tâches de travail, la compagnie se verrait obligée de considérer qu’il a abandonné son poste. Dans un état de frustration, l’appelant a quitté les lieux et est parti au volant de son véhicule personnel. Il est revenu plus tard, mais l’employeur avait attribué ses tâches à un autre chauffeur.

[28] La seule question sur laquelle devait véritablement statuer la division générale était de savoir si l’appelant avait quitté volontairement son emploi conformément aux articles 29 et 30 de la Loi. Elle a conclu que l’employeur avait interprété le départ de l’appelant comme une démission et que d’autres solutions raisonnables existaient.

[29] L’appelant soutient que de quitter simplement son lieu de travail pour se calmer ne correspond pas à une démission. Il soutient ne pas avoir provoqué la cessation d’emploi. L’employeur est celui qui a mis un terme à l’emploi de l’appelant quand l’appelant est revenu à temps pour compléter son quart.

[30] La preuve révèle plutôt que la cessation d’emploi découlait directement du fait que l’appelant a dit à l’employeur qu’il ne s’acquitterait pas de ses fonctions et qu’il a quitté les lieux de travail. L’employeur a bel et bien vu l’appelant quitter les lieux de travail en trombe. Ce n’est donc pas l’employeur qui a provoqué la cessation d’emploi. Si l’appelant n’avait pas quitté les lieux et s’était acquitté de ses fonctions, il serait demeuré employé.

[31] Ce Tribunal a établi qu’un prestataire dont l’emploi prend fin parce qu’il a fait connaître son intention de quitter son emploi, soit verbalement, par écrit ou par ses actions, est considéré comme ayant quitté volontairement son emploi au sens de la Loi, même s’il exprime par la suite son souhait de conserver son emploi.

[32] Nonobstant de son retour sur les lieux de travail, les actions de l’appelant doivent être réputées comme une démonstration de l’appelant qui a quitté volontairement son emploi au sens des articles 29 et 30 de la Loi.

[33] Comme on l’a mentionné durant l’audience de l’appel, le Tribunal n’est pas habilité à juger de nouveau une affaire ni à substituer son pouvoir discrétionnaire à celui de la division générale. Les compétences du Tribunal sont limitées par le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. Sauf si la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle, a erré en droit ou a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l’appel.

[34] Le Tribunal juge qu’aucun élément de preuve ne permet d’étayer les moyens d’appel invoqués par l’appelant ou tout autre moyen d’appel possible. La décision de la division générale est claire, lisible et appuyée par la preuve. De plus, elle est conforme au droit et à la jurisprudence.

Conclusion

[35] L’appel est rejeté.

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