Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Introduction

[2] En date du 16 novembre 2016, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a conclu que l’appelant avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite au sens des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi).

[3] L’appelant est présumé avoir déposé une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel en date du 20 décembre 2016. La permission d’en appeler a été accordée le 7 février 2017.

Mode d’audience

[4] Le Tribunal a déterminé que l’audience de cet appel procéderait par téléconférence pour les raisons suivantes :

  • la complexité de la ou des questions en litige;
  • le fait que la crédibilité des parties ne figurait pas au nombre des questions principales;
  • le caractère économique et opportun du choix de l’audience;
  • la nécessité de procéder de la façon la plus informelle et rapide possible tout en respectant les règles de justice naturelle.

[5] Lors de l’audience, l’appelant était présent et représenté par Yvan Bousquet. L’intimée était représentée par Manon Richardson.

Droit applicable

[6] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige

[7] La division générale du Tribunal a-t-elle commis une erreur en concluant que l’appelant avait perdu son emploi en raison de son inconduite au sens des articles 29 et 30 de la Loi?

Observations

[8] L’appelant soumet les motifs suivants à l’appui de son appel :

  • C’est à la fois une erreur de fait et de droit que d’assimiler à la même jurisprudence un cas où le travailleur « oubli [sic] de faire le paiement de son permis de conduire avant la date d’échéance et l’empêche de travailler pour un court laps de temps » et un cas ou le travailleur « commet un acte criminel qui cause la perte de son permis de conduire le rendant inapte à travailler pour une période de 12 mois ».
  • C’est aussi une erreur de fait et de droit que de prétendre que « d’oublier de payer son permis avant la date d’échéance » a le même impact sur la capacité du travailleur à accomplir ses tâches régulières que de « commettre un acte criminel en conduisant en état d’ébriété ».
  • L’appelant a pu régler la situation à l’intérieur de plus ou moins 24 heures et le lendemain, il était disponible pour reprendre le travail.
  • Le fardeau de preuve de l’intimée n’équivaut pas à l’opinion de l’employeur.
  • L’oubli de renouveler son permis ne saurait être qualifié d’inconduite au sens de la Loi, même si l’employeur l’a invoqué pour procéder au congédiement de son employé.
  • Il faut une appréciation objective permettant de dire que l’inconduite a vraiment été la cause de la perte de l’emploi.

[9] L’intimée a soumis les motifs suivants à l’encontre de l’appel de l’appelant :

  • L’appelant devait, comme condition essentielle de son emploi, détenir un permis de conduire valide. En ne le renouvelant pas à temps, il n’était plus autorisé à conduire un camion de l’entreprise et il a manqué à une obligation explicite du contrat de travail. Ce manquement découle directement de son inconduite.
  • Le rôle de la division générale n’était pas de déterminer si la décision de l’employeur de congédier l’appelant était justifiée, mais bien de savoir si l’action constituait de l’inconduite et si elle a entraîné la perte de son emploi.
  • La division générale n’a pas commis une erreur de fait et de droit en maintenant unanimement les décisions de l’intimée. L’appelant savait ou aurait dû savoir que le fait de ne pas renouveler son permis de conduire à temps pouvait entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié.

Normes de contrôle

[10] Les parties soutiennent que la norme de contrôle applicable aux questions de droit est celle de la décision correcte et que la norme de contrôle applicable aux questions mixtes de fait et de droit est celle de la décision raisonnable - Pathmanathan c. Bureau du juge-arbitre, 2015 CAF 50.

[11] Le Tribunal constate que la Cour d’appel fédérale, dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Jean, 2015 CAF 242, mentionne au paragraphe 19 de sa décision que lorsque la division d’appel « agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la [d]ivision générale du Tribunal de la sécurité sociale, la [d]ivision d’appel n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieure. »

[12] La Cour d’appel fédérale poursuit en soulignant ce qui suit :

Non seulement la [d]ivision d’appel a-t-elle autant d’expertise que la [d]ivision générale du Tribunal de la sécurité sociale et n’est-elle donc pas tenue de faire preuve de déférence, mais au surplus un tribunal administratif d’appel ne saurait exercer un pouvoir de contrôle et de surveillance réservé aux cours supérieures provinciales ou, pour les « offices fédéraux », à la Cour fédérale et à la Cour d’appel fédérale […]

[13] La Cour d’appel fédérale termine en soulignant que « [l]orsqu’elle entend des appels conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, la [d]ivision d’appel n’a d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de cette loi. »

[14] Le mandat de la division d’appel du Tribunal décrit dans l’arrêt Jean a par la suite été confirmé par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Maunder c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 274.

[15] En conséquence, à moins que la division générale n’ait pas observé un principe de justice naturelle, qu’elle ait commis une erreur de droit ou qu’elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l’appel.

Analyse

[16] Les faits au dossier sont relativement simples. L’appelant est camionneur et son anniversaire de naissance est le 17 novembre 1965. Il a oublié de renouveler son permis de conduire en payant les droits nécessaires avant la date d’expiration de son permis. Il s’est alors fait intercepter par les policiers avec le véhicule de son employeur dans la nuit du 18 au 19 novembre 2015. Un autre camionneur a été appelé sur les lieux, par l’employeur, afin de prendre la relève de l’appelant. Le lendemain, il est allé renouveler son permis de conduire et se préparait pour aller travailler le soir, comme à l’habitude. Son employeur l’a alors appelé au cours de la journée pour lui dire que ce qui s’était passé était inacceptable pour eux et qu’il était congédié.

[17] D’une part, le rôle de la division générale est de déterminer si la conduite de l’employé constituait une inconduite au sens de la Loi et non pas de déterminer si la sévérité de la sanction imposée par l’employeur était justifiée ou non ou si le geste de l’employé constituait un motif valable de congédiement — Canada (Procureur général) c. Lemire, 2010 CAF 314.

[18] D’autre part, la notion d’inconduite n’implique pas qu’il soit nécessaire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer de l’inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement - Canada (Procureur général) c. Hastings, 2007 CAF 372, Tucker A-381-85, Mishibinijima, A-85-06.

[19] Le Tribunal est d’avis que la division générale n’a commis aucune erreur lorsqu’elle a conclu, à partir des éléments portés à sa connaissance, que le non- renouvellement du permis de conduire constituait un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travail de l’appelant. Puisque l’appelant ne pouvait plus conduire de par sa propre faute, il a manqué à une condition essentielle de son travail.

[20] Comme l’a souligné la division générale, le fait de ne pas s’être assuré d’avoir en tout temps un permis de conduire valide, condition essentielle de son travail, reflète une insouciance et une négligence qui frôle le caractère délibéré qui relève de l’inconduite au sens de la Loi.

[21] Lors de ses représentations devant la division générale et en appel, l’appelant a beaucoup insisté sur la décision rendue par le juge-arbitre Ronald C. Stevenson dans le CUB 65900 puisque les faits, selon lui, sont pratiquement identiques au présent dossier.

[22] Le Tribunal est cependant d’humble avis que ladite décision ne respecte pas les enseignements de la Cour d’appel fédérale, car elle implique que le comportement fautif doit découler d’une intention coupable.

[23] Le Tribunal en vient donc à la conclusion que la division générale a tenu compte des arguments de l’appelant et que sa décision repose sur les éléments de preuve portés à sa connaissance, et qu’il s’agit d’une décision conforme aux dispositions législatives et à la jurisprudence.

[24] Pour les motifs précédemment énoncés, il y a lieu de rejeter l’appel.

Conclusion

[25] L’appel est rejeté.

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