Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Motifs et décision

Comparutions

L’appelante, madame V. D., a participé à l’audience en personne.

L’interprète, monsieur Luis Gabat, y a participé par vidéo.

Introduction

[1] Le 29 novembre 2015, l’appelante a établi une période de prestations d’assurance-emploi. Le 21 avril 2016, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission) lui a imposé une exclusion à compter du 20 mars 2016, après avoir conclu que l’appelante avait quitté volontairement son emploi. Le 24 novembre 2016, l’appelante a présenté une demande de révision. Le 14 décembre 2016, la Commission a décidé de maintenir sa décision originale. Le 10 janvier 2017, l’appelante a interjeté appel de cette décision devant le Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal).

[2] L’audience a été tenue par comparution en personne pour les raisons suivantes :

  1. L’information au dossier, y compris la nécessité d’obtenir des renseignements supplémentaires;
  2. Le fait qu’un interprète participe à l’audience;
  3. Le mode d’audience respecte l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale voulant que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Question en litige

[3] Le Tribunal doit décider s’il faut accueillir la demande de prolongation du délai de 30 jours pour la présentation d’une demande de révision d’une décision en vertu de l’article 112 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE) et de l’article 1 du Règlement sur les demandes de révision (Règlement). 

Preuve

[4] Le 29 novembre 2015, l’appelante a établi une demande de prestations d’assurance-emploi.

[5] Le 21 avril 2016, la Commission a avisé l’appelante qu’elle était exclue du bénéfice des prestations à compter du 20 mars 2016, comme il avait été conclu qu’elle avait quitté volontairement son emploi. L’appelante a été informée de son droit de présenter, dans un délai de 30 jours, une demande officielle de révision si elle n’était pas d’accord avec la décision rendue (GD3-9 à GD3-10).

[6] Le 7 novembre 2016, l’appelante a présenté une demande renouvelée de prestations d’assurance-emploi (GD3-11 à GD3-17).

[7] Le 24 novembre 2017, l’appelante a présenté une demande de révision, affirmant qu’une erreur de bonne foi expliquait la perte de ses prestations de son ancien employeur et qu’elle faisait maintenant appel puisqu’elle n’avait pas suffisamment d’heures, sans celles accumulées auprès de son dernier employeur, pour pouvoir être admissible à des prestations. Elle a affirmé qu’elle avait travaillé pour cet employeur pendant 18 ans (GD3-18 à GD3-19).

[8] Le 14 décembre 2016, la Commission a joint l’appelante pour lui faire savoir que la décision sur le départ volontaire et la disponibilité lui avait été communiquée de vive voix le 21 avril 2016, ainsi que par écrit. La Commission a demandé à l’appelante pourquoi elle avait attendu jusqu'au 24 novembre 2016 pour présenter une demande de révision. L’appelante a affirmé qu’elle est d’accord avec la décision concernant le départ volontaire et qu’il s’agissait d’une erreur de bonne foi de sa part. Cependant, elle avait seulement présenté une demande de révision quand elle avait renouvelé sa demande de prestations et s’était rendu compte qu’elle n’était pas admissible en raison de son départ volontaire. Elle a affirmé qu’elle n’avait pas pensé à faire appel à l’époque (GD3-20).

[9] Le 14 décembre 2016, la Commission a constaté que l’appelante avait repoussé pendant 188 jours la présentation de sa demande de révision et jugé qu’elle n’avait pas fourni une explication raisonnable pour son retard en soutenant qu’elle n’avait pas pensé à présenter une demande de révision à l’époque parce qu’elle travaillait. La Commission a conclu que l’appelante n’avait pas démontré l’intention constante de présenter une demande de révision, et qu’elle n’en avait jamais eu l’intention avant d’être congédiée de son dernier emploi et de se rendre compte qu’elle n’avait pas accumulé un nombre suffisant d’heures pour que son exclusion soit suspendue  (GD3-21).

[10] Le 14 décembre 2016, la Commission a informé l’appelante par écrit de la décision et de son droit de faire appel devant le Tribunal (GD3-22).

[11] Le 10 janvier 2017, l’appelante a interjeté appel devant le Tribunal, affirmant qu’elle avait précédemment été exclue du bénéfice des prestations et qu’elle se rendait maintenant compte qu’elle n’avait pas accumulé assez d’heures; elle aimerait appeler de la décision pour des motifs humanitaires (GD2-1 à GD2-9).

Preuve produite à l’audience

[12] L’appelante a expliqué qu’elle avait des problèmes de santé au dos mais qu’elle essaierait de recommencer à travailler comme femme de ménage et qu’elle avait participé à une séance d’orientation. Par contre, en raison de son problème au dos, elle s’était aperçue après deux jours qu’elle ne serait plus capable de faire ce type de travail en raison de son dos et en a informé son employeur. Elle a affirmé qu’elle ne s’était pas rendu compte qu’elle allait être payée pour l’orientation et qu’elle avait été très surprise de recevoir un chèque par la poste. Elle a déclaré qu’elle avait immédiatement appelé Service Canada, qui lui avait alors dit qu’elle serait exclue du bénéfice des prestations étant donné qu’elle avait quitté son emploi. L’appelante a affirmé qu’elle avait initialement accepté la décision de la Commission selon laquelle elle avait quitté volontairement son emploi parce qu’on lui avait dit que c’était la loi.

[13] L’appelante a affirmé qu’elle a un document médical daté de février 2017; cependant, elle n’en avait pas au moment où elle avait quitté volontairement son emploi en raison de son dos. Son médecin lui avait dit de se reposer; il ne lui avait pas été conseillé de quitter son emploi.

[14] L’appelante a affirmé qu’elle avait continué à chercher un autre emploi adéquat et qu’elle avait réussi à trouver un emploi en août 2016. Elle avait cependant perdu cet emploi en octobre 2016 parce que son employeur avait jugé qu’elle ne convenait pas au poste, en raison d’un problème avec son audition. Elle a affirmé qu’elle avait accumulé 309 heures; elle allait par contre apprendre qu’elle avait besoin de 400 heures pour être admissible à des prestations, et que les heures accumulées pendant ses 18 ans de travail auprès de son employeur précédent ne seraient pas incluses en raison de l’exclusion qui lui avait précédemment été imposée.

[15] L’appelante a affirmé qu’elle comprend tout et que c’était sa faute et qu’elle acceptait le départ volontaire et savait qu’elle disposait de 30 jours pour présenter une demande; elle avait cependant cherché un autre emploi et en avait trouvé un. Elle a dit qu’elle veut juste être considérée et que ses anciennes heures soient admises pour qu’elle puisse recevoir des prestations.

Observations

[16] L’appelante a soutenu ce qui suit :

  1. Elle avait d’abord reconnu que son départ volontaire lui était imputable et n’avait pas présenté une demande de révision.
  2. Elle n’était plus capable de travailler comme femme de ménage en raison de son mal de dos. Elle a affirmé qu’aucun médecin ne lui avait recommandé de quitter son emploi.
  3. Elle a seulement présenté une demande de révision après avoir été congédiée par son dernier employeur et n’avait pas suffisamment d’heures; elle croit donc mériter d’être considérée parce qu’elle avait travaillé pendant 18 ans pour son employeur précédent.

[17] L’intimée a soutenu ce qui suit :

  1. L’appelante avait connaissance de la décision rendue par la Commission en date du 21 avril 2016 et a attendu jusqu’au 24 novembre 2016 pour présenter sa demande de révision. L’appelante n’a pas fourni une explication raisonnable pour son retard; elle ne peut pas justifier un retard de sept mois en affirmant simplement qu’elle n’avait pas pensé à présenter une demande.
  2. L’appelante n’a pas montré un intérêt continu à demander ladite révision avant de présenter une demande renouvelée et de se rendre compte qu’aucune prestation ne lui était payable. Rien ne donne à penser que quoi que ce soit ait empêché l’appelante de présenter sa demande de révision plus tôt qu’au 188e jour suivant l’échéance du délai de 30 jours à cet effet. L’appelante avait connaissance de la décision rendue en avril 2016 comme elle en avait été informée de vive voix. De plus, elle a affirmé être d’accord avec la décision sur son départ volontaire. Son ignorance de la loi ne sera pas acceptée comme une explication raisonnable à son retard pour justifier la prolongation du délai prévu pour la présentation d’une demande de révision.
  3. La demande de révision de l’appelante n’a aucune chance raisonnable de succès comme la décision originale est conforme à la Loi sur l’AE et est appuyée par la jurisprudence. Un délai supplémentaire pour présenter la demande irait à l’encontre de l’esprit de la loi, et porterait préjudice à la Commission ainsi qu’à l’ancien employeur de l’appelante comme l’affaire a été tranchée en bonne et due forme d’après la rétroaction de l’appelante et de l’employeur.
  4. d) La seule question que doit trancher le Tribunal est de savoir si la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire en vertu de l’article 112 de la Loi sur l’AE en rejetant la demande de l’appelante pour la prolongation du délai de 30 jours aux fins de la présentation d’une demande de révision.

Analyse

[18] Les dispositions législatives pertinentes figurent en annexe de la présente décision.

[19] Le Tribunal doit décider s’il doit accueillir la demande de prolongation du délai de 30 jours pour la présentation d’une demande de révision d’une décision en vertu de l’article 112 de la Loi sur l’AE et du Règlement.

[20] En ce qui concerne une demande de révision, la Commission peut accorder un délai supplémentaire advenant que le retard soit raisonnablement expliqué, qu’il y ait eu une intention constante de présenter la demande de révision, que la demande de révision ait une chance raisonnable de succès, et que la prolongation éventuelle du délai de présentation de la demande ne porte préjudice ni à la Commission ni à quiconque.

[21] Selon la jurisprudence applicable à la prolongation du délai pour interjeter appel d’une décision, la Commission jouit du pouvoir discrétionnaire de prolonger le délai pour porter en appel une décision qu’elle a rendue, et sa décision d’accorder ou de refuser une prolongation ne peut être infirmée que si elle a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon « non judiciaire » ou fondé sa décision sur des facteurs non pertinents ou sans tenir compte de facteurs pertinents (Chartier A-42-9).

[22] Le Tribunal souligne que la décision initiale de la Commission, sur la question de savoir si l’appelante avait quitté volontairement son emploi, n’est pas la question qu’il doit trancher. La seule question sur laquelle le Tribunal doit statuer est de savoir si une prolongation du délai prévu pour la révision doit être accordée.

[23] L’intimée soutient que l’appelante avait connaissance de la décision rendue par la Commission en date du 21 avril 2016 et qu’elle avait attendu jusqu’au 24 novembre 2016 pour présenter sa demande de révision. L’appelante n’a pas fourni une explication raisonnable au retard; elle ne peut pas justifier un retard de sept mois en affirmant simplement qu’elle n’avait pas pensé à présenter une demande.

[24] L’appelante a témoigné qu’elle ne conteste pas le fait qu’elle savait qu’elle aurait pu présenter une demande de révision dans un délai de 30 jours, mais qu’elle ne l’avait pas fait parce qu’elle avait reconnu qu’elle avait fait une erreur et était d’accord avec la décision voulant qu’elle avait quitté volontairement son emploi. Elle a affirmé qu’elle avait seulement présenté une demande de révision lorsqu’elle s’était rendu compte qu’elle n’était pas admissible à une demande renouvelée de prestations et qu’elle n’avait pas accumulé assez d’heures.

[25] Le Tribunal constate qu’il n’est pas contesté que l’appelante a repoussé la présentation de sa demande de révision pendant 188 jours après avoir reçu communication de la décision initiale. Le Tribunal conclut, d’après le témoignage de l’appelante, qu’elle n’avait jamais eu l’intention de demander une révision avant d’être congédiée par un autre employeur et de remarquer qu’elle n’avait pas assez d’heures.

[26] Le Tribunal juge que l’appelante n’a pas fourni une explication raisonnable à son retard et qu’elle n’a pas fait preuve d’une intention constante de présenter une demande de révision.

[27] L’intimée soutient que la demande de révision de l’appelante n’a aucune chance raisonnable de succès puisque la décision originale est conforme à la Loi sur la l’AE et appuyée par la jurisprudence. 

[28] L’appelante affirme qu’elle n’est plus capable de travailler comme femme de ménage en raison de son mal de dos, bien qu’aucun médecin ne lui ait conseillé de quitter son emploi. Cela dit, elle possède maintenant une note médicale datée de février témoignant de ses problèmes de dos.

[29] Le Tribunal juge, d’après le témoignage de l’appelante, que le certificat médical dont elle parle maintenant est daté de février 2017, et elle a témoigné qu’elle n’avait aucune preuve médicale à fournir à la Commission en ce qui a trait à sa décision du 21 avril 2016, relative à son départ volontaire. Le Tribunal constate que la preuve médicale actuelle ne peut pas être considérée comme des circonstances atténuantes ou particulières qui pourraient permettre de conclure que la demande de révision a une chance raisonnable de succès.

[30] L’intimée soutient qu’un délai supplémentaire pour présenter la demande irait à l’encontre de l’esprit de la loi et porterait préjudice à la Commission et à l’ancien employeur de l’appelante puisque l’affaire a déjà été tranchée d’après la rétroaction fournie par l’appelante et l’employeur.

[31] L’appelante a témoigné qu’elle est toujours d’accord que c’était sa faute et qu’elle avait accepté la décision de départ volontaire. L’appelante a témoigné qu’elle n’avait aucun nouvel élément de preuve, y compris toute preuve médicale qu’elle pourrait présenter dans le cadre d’une demande de révision. Elle a témoigné qu’elle souhaite que ses 18 années de travail soient considérées.

[32] Le Tribunal conclut qu’il serait préjudiciable à la Commission et à l’employeur d’accueillir la demande de révision puisque la preuve démontre que l’appelante était d’accord avec la décision originale relative au départ volontaire et que la Commission a correctement statué sur l’affaire d’après la rétroaction de l’appelante et de l’employeur.

[33]  Le Tribunal compatit avec l’appelante et comprend qu’elle croit que ses 18 ans de travail méritent d’être pris en compte; cependant, le Tribunal estime que la Commission a tenu compte de tous les facteurs pertinents avant de rejeter la demande de l’appelante pour prolonger le délai de présentation d’une demande de révision en vertu de l’article 112 de la Loi sur l’AE et de l’article 1 du Règlement. Le Tribunal conclut que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire et il ne peut donc pas intervenir à l’égard de cette décision.

Conclusion

[34] L’appel est rejeté.

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi

112(1) Quiconque fait l’objet d’une décision de la Commission, de même que tout employeur d’un prestataire faisant l’objet d’une telle décision, peut, dans les trente jours suivant la date où il en reçoit communication, ou dans le délai supplémentaire que la Commission peut accorder, et selon les modalités prévues par règlement, demander à la Commission de réviser sa décision.

(2) La Commission est tenue d’examiner de nouveau sa décision si une telle demande lui est présentée.

(3) Le gouverneur en conseil peut, par règlement, préciser les cas où la Commission peut accorder un délai plus long pour présenter la demande visée au paragraphe (1).

Règlement sur les demandes de révision

1(1) Pour l’application du paragraphe 112(1) de la Loi sur l’assurance-emploi et sous réserve du paragraphe (2), la Commission peut accorder un délai plus long pour la présentation d’une demande de révision, si elle est convaincue, d’une part, qu’il existe une explication raisonnable à l’appui de la demande de prolongation du délai et, d’autre part, que l’intéressé a manifesté l’intention constante de demander la révision.

(2) Dans les cas ci-après, la Commission doit aussi être convaincue que la demande de révision a des chances raisonnables de succès et que l’autorisation du délai supplémentaire ne lui porte pas préjudice ni d’ailleurs à aucune autre partie :

  1. a) la demande de révision est présentée après l’expiration du délai de trois cent soixante-cinq jours suivant le jour où l’intéressé a reçu communication de la décision;
  2. b) elle est présentée par une personne qui a fait une autre demande de prestations après que la décision lui a été communiquée;
  3. c) elle est présentée par une personne qui a demandé à la Commission d’annuler ou de modifier la décision en vertu de l’article 111 de la Loi sur l’assurance-emploi.
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