Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision



Motifs et décision

Comparutions

M. T. (appelant)

Introduction

[1] L’appelant a présenté une demande initiale de prestations d’assurance-emploi (AE) le 25 septembre 2016. Il travaillait chez Burnco Manufacturing jusqu’au 23 septembre 2016 et il a quitté son emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a conclu que l’appelant a quitté son emploi volontairement sans justification et lui a imposé une exclusion d’une durée indéterminée. L’appelant a demandé une révision découlant de la décision de la Commission, qui lui a été refusée, puis il a interjeté appel auprès du Tribunal de la sécurité sociale.

[2] L’audience a eu lieu par téléconférence pour les motifs suivants : l’information au dossier, incluant le besoin d’information additionnelle; le mode d’audience respecte les exigences du Règlement du Tribunal de la sécurité sociale voulant qu’il procède de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Question en litige

[3] La question en litige est de savoir si l’appelant avait une justification de quitter volontairement son emploi au titre des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE).

Preuve

Preuve documentaire

[4] Le 15 octobre 2016, l’appelant a présenté une demande de prestations d’AE et établi une période de prestations débutant le 25 septembre 2016.

[5] L’appelant a mentionné qu’il travaillait chez Burnco Manufacturing du 13 mai 2013 au 23 septembre 2016, date à laquelle il a quitté son emploi pour déménager à X, en Ontario. Il fait valoir qu’il n’y avait aucune possibilité de transfert au sein de l’entreprise. Il souligne qu’il a emménagé à son nouvel emplacement le 25 septembre 2016 et que la distance était trop grande jusqu’à son ancien emploi pour faire le trajet.

[6] Le 25 octobre 2016, son employeur (monsieur J. M., contrôleur chez Burnco Manufacturing) a parlé à la Commission et a expliqué que l’appelant a quitté son emploi afin de déménager. Il a confirmé qu’il n’y avait aucun transfert possible.

[7] Le 25 octobre 2016, l’appelant a expliqué à la Commission qu’il a décidé de déménager puisqu’il ne pouvait plus se permettre son ancienne résidence. Il confirme que le déménagement n’était pas attribuable au fait qu’il voulait se rapprocher de son épouse ou de ses enfants ou à d’autres éléments connexes. L’appelant mentionne qu’il a vendu sa propriété à X pour déménager à X. Il mentionne que le trajet habituel de son ancienne résidence à Burnco Manufacturing prenait 45 minutes. De sa nouvelle résidence, le trajet aurait plutôt duré une heure et 45 minutes. Il spécifie qu’il a commencé à chercher du travail avant de quitter son emploi. Il précise qu’il a communiqué avec d’anciens employeurs pour réseauter et s’informer des occasions d’emploi. Il souligne également qu’il a aussi cherché des emplois en ligne. De plus, il n’a jamais cherché de résidence temporaire près de Burnco Manufacturing qui lui aurait permis de rester à l’emploi de l’entreprise jusqu’à ce qu’il trouve un nouvel emploi près de sa nouvelle résidence.

[8] Le 1er novembre 2016, la Commission a informé l’appelant qu’elle ne pourrait pas lui verser de prestations d’AE puisqu’il a quitté volontairement son emploi sans justification le 23 septembre 2016.

[9] Dans une demande de révision (estampillée le 26 novembre 2016 par Service Canada), l’appelant a expliqué qu’il est déménagé dans une résidence abordable, ce à quoi [traduction] « tout le monde a droit ». Il mentionne qu’il a préféré outrepasser le mode de vie au-dessus de ses moyens (location à X) et a trouvé un logement abordable à X.

[10] Le 6 décembre 2016, l’appelant a confirmé à la Commission qu’il est déménagé afin de bénéficier des loyers moins dispendieux qu’à Toronto.

[11] Dans l’avis d’appel (reçu le 20 décembre 2016 par le Tribunal), l’appelant a inscrit qu’il devait prendre une décision concernant sa résidence. Il mentionne qu’il espérait que l’AE ferait preuve de compassion, prendrait en considération le contexte réaliste et qu’elle ne serait pas liée par une loi ou un règlement.

Témoignage de vive voix au cours de l’audience

[12] L’appelant a témoigné qu’il est devenu difficile de [traduction] « joindre les deux bouts » à Toronto. Il ajoute que l’absence de logement abordable pourrait constituer un motif valable de quitter son emploi. Il confirme qu’avant de déménager, il vivait à X et qu’il faisait le trajet jusqu’au travail situé à X. Il explique que le trajet jusqu’à X lui prenait de 35 à 40 minutes. De X à Burnco Manufacturing, le trajet aurait plutôt duré près de deux heures.

[13] L’appelant précise qu’il a tenté de trouver un emploi dans la région de X avant de quitter son emploi, mais qu’il y a très peu d’occasions d’emploi. Il confirme que sa dernière journée de travail chez son employeur était le 23 septembre 2016. Il souligne qu’il a vendu sa propriété à X et qu’il a emménagé dans sa nouvelle résidence de X le 18 octobre 2016. Il mentionne qu’il a déjà habité en location à X avant d’emménager dans sa nouvelle demeure.

[14] L’appelant ajoute qu’il habite à X depuis les années 1980. De plus, il n’a jamais songé à chercher de logement temporaire à X jusqu’à ce qu’il trouve un nouvel emploi dans la région de X. Il travaillait à temps plein chez Burnco Manufacturing. Il confirme qu’il n’a pas demandé de congé auprès de son employeur et qu’il n’y avait aucune possibilité de transfert au sein de l’entreprise.

[15] L’appelant témoigne qu’il est emménagé dans un logement abordable en ayant l’intention de trouver un emploi dans sa nouvelle région. Il mentionne qu’il souhaitait obtenir de l’aide au cours de la période de transition et suivre quelques formations. Il souligne que la correspondance avec la Commission était très impersonnelle.

[16] Il a aussi expliqué qu’il n’a pas reçu d’allocation pour se perfectionner. Il souligne qu’il a cotisé à l’AE et qu’il devrait y avoir des allocations au titre de l’alinéa 29c) de la Loi sur l’AE visant des situations différentes. Il ajoute qu’il y a davantage de facteurs que le travail en lui-même lorsqu’on quitte un emploi. Un de ces facteurs est le coût de la vie.

Observations

[17] L’appelant a fait valoir ce qui suit :

  1. l’absence de logement abordable pourrait constituer un motif valable de quitter son emploi;
  2. il a tenté de trouver un emploi dans la région de X avant de quitter son emploi, mais qu’il y a très peu d’occasions d’emploi;
  3. il est emménagé dans un logement abordable en ayant l’intention de trouver un emploi dans sa nouvelle région;
  4. il souhaitait obtenir de l’aide au cours de la période de transition et suivre quelques formations;
  5. il a cotisé à l’AE et qu’il devrait y avoir des allocations au titre de l’alinéa 29c) de la Loi sur l’AE visant des situations différentes;
  6. il espérait que l’AE ferait preuve de compassion, prendrait en considération le contexte réaliste et qu’elle ne serait pas liée par une loi ou un règlement.

[18] L’intimé a fait valoir ce qui suit :

  1. l’appelant n’était pas fondé à quitter son emploi le 23 septembre 2016, car il n’avait pas exploré toutes les solutions raisonnables avant son départ. Considérant l’ensemble de la preuve, une alternative à la démission aurait été de trouver une résidence qui lui aurait permis de rester à l’emploi de l’entreprise jusqu’à ce qu’il trouve un nouvel emploi près de sa nouvelle résidence;
  2. le relevé d’emploi ne démontre aucun changement au salaire de l’appelant et ce dernier a choisi d’acheter une nouvelle propriété plutôt que de trouver une résidence abordable (du moins temporairement) qui lui aurait permis de conserver son emploi. Par conséquent, l’appelant n’a pas réussi à prouver qu’il était fondé à quitter son emploi au sens de la Loi sur l’AE.

Analyse

[19] Les dispositions législatives pertinentes sont présentées à l’annexe de la décision en l’espèce.

[20] Le Tribunal doit déterminer si l’appelant était justifié de quitter volontairement son emploi au titre des articles 29 et 30 de la Loi sur l’AE.

Circonstances relatives au contexte

[21] Le 25 septembre 2016, l’appelant a présenté une demande initiale de prestations d’AE.

[22] Le Tribunal conclut que l’appelant a travaillé chez Burnco Manufacturing (situé à X) jusqu’au 23 septembre 2016 et qu’il a quitté volontairement son emploi. Le Tribunal reconnaît que l’appelant vivait à X et qu’il a pris la décision de déménager à X.

[23] Le 1er novembre 2016, la Commission a informé l’appelant qu’elle ne pourrait pas lui verser de prestations d’AE puisqu’il a quitté volontairement son emploi sans justification le 23 septembre 2016.

Législation et critère juridique pertinents

[24] Le Tribunal reconnaît que l’appelant a soutenu qu’il a quitté son emploi situé à X afin d’emménager dans un logement abordable à X. Pendant l’audience, l’appelant a soutenu que l’absence de logement abordable pourrait constituer un motif valable de quitter son emploi. Le Tribunal examinera les observations de l’appelant sous peu, mais il va d’abord mettre en lumière le critère juridique pour un départ volontaire de son emploi. Premièrement, l’article 30 de la Loi sur l’AE prévoit que la personne qui perd un emploi en raison de son inconduite ou quitte volontairement un emploi sans justification est exclue du bénéfice des prestations à moins qu’elle ne puisse démontrer un motif valable d’avoir quitté l’emploi. L’alinéa 29c) précise que la personne est fondée à quitter volontairement son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ constitue la seule solution raisonnable dans son cas; il se poursuit en dressant une liste non exhaustive des circonstances qui pourraient constituer un motif valable.

[25] Deuxièmement, la Cour d’appel fédérale (CAF) a explicité le sens lié au motif valable : il nécessite un examen à savoir si, compte tenu de toutes les circonstances et sur la prépondérance des probabilités, le prestataire n’avait aucune autre solution raisonnable que de quitter son emploi. La CAF a confirmé le principe selon lequel il incombe au prestataire de prouver qu’il n’avait d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi lorsqu’il l’a fait (Patel c. Procureur général du Canada, (2010) CAF 95; White c. Procureur général du Canada, (2011) CAF 190).

L’appelant était-il fondé à quitter volontairement son emploi?

[26] Le Tribunal reconnaît que l’appelant a quitté son emploi afin de déménager dans une région offrant des logements plus abordables. Durant son témoignage oral, l’appelant a soutenu que l’absence de logement abordable pourrait constituer un motif valable de quitter son emploi. Néanmoins, le Tribunal doit appliquer à la preuve le critère juridique à satisfaire lorsqu’on quitte volontairement un emploi. En bref, l’appelant n’avait-il pas une autre solution raisonnable que de quitter volontairement son emploi compte tenu de toutes les circonstances? Le Tribunal abordera maintenant cette question.

[27] Le Tribunal reconnaît certainement le désir de l’appelant de déménager dans une région offrant des logements plus abordables. Néanmoins, le Tribunal conclut que d’autres solutions raisonnables s’offraient à l’appelant lorsqu’il a quitté son emploi. Premièrement, il aurait pu conserver son emploi chez Burnco Manufacturing jusqu’à ce qu’il trouve un nouvel emploi dans la région de X. Deuxièmement, il aurait pu prendre congé pour trouver un autre emploi dans la région de X.

Observations supplémentaires de l’appelant

[28] Il a aussi soutenu qu’il a cotisé à l’AE et qu’il devrait y avoir des allocations au titre de l’alinéa 29c) de la Loi sur l’AE visant des situations différentes. Le Tribunal reconnaît certainement le désir de l’appelant de déménager dans une région offrant des logements plus abordables et qu’en ce sens, ce dernier a pris la décision de déménager de X à X. L’appelant avait probablement d’excellentes raisons personnelles de déménager. Néanmoins, d’excellentes raisons personnelles ne constituent pas un motif valable pour quitter son emploi. En l’espèce, le Tribunal se fonde également sur la Cour d’appel fédérale (Imran c. Procureur général, 2008 CAF 17) qui a confirmé le principe selon lequel « bon motif » et « motif valable » sont des concepts différents lorsqu’il est question de quitter son emploi.

[29] Le Tribunal reconnaît que l’appelant a inscrit dans son avis d’appel qu’il espérait que l’AE ferait preuve de compassion, prendrait en considération le contexte réaliste et qu’elle ne serait pas liée par une loi ou un règlement. Il reconnaît également que l’appelant est visiblement frustré envers la Loi sur l’AE. Néanmoins, le Tribunal doit appliquer les dispositions législatives à la preuve. En résumé, le Tribunal ne peut rejeter, modifier, contourner ou réécrire la Loi sur l’AE même par compassion (Knee c. Procureur général du Canada, 2011 CAF 301).

Résumé

[30] Le Tribunal estime que l’appelant n’a pas présenté de motif valable de quitter volontairement son emploi au titre des articles 29 et 30 de la Loi sur l’AE.

Conclusion

[31] L’appel est rejeté.

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi
  1. 29 Pour l’application des articles 30 à 33 :
    1. a) « emploi » s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
    2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;
    3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
      1. (i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin,
      2. (ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre,
      3. (iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert;
    4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
      1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
      2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
      3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
      4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
      5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
      6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
      7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
      8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
      9. (ix) modification importante des fonctions,
      10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur
      11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
      12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
      13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
      14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.
  2. 30 (1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :
    1. a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
    2. b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.
  3. (2) L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.
  4. (3) Dans les cas où l’événement à l’origine de l’exclusion survient au cours de sa période de prestations, l’exclusion du prestataire ne comprend pas les semaines de la période de prestations qui précèdent celle où survient l’événement.
  5. (4) Malgré le paragraphe (6), l’exclusion est suspendue pendant les semaines pour lesquelles le prestataire a autrement droit à des prestations spéciales.
  6. (5) Dans les cas où le prestataire qui a perdu ou quitté un emploi dans les circonstances visées au paragraphe (1) formule une demande initiale de prestations, les heures d’emploi assurable provenant de cet emploi ou de tout autre emploi qui précèdent la perte de cet emploi ou le départ volontaire et les heures d’emploi assurable dans tout emploi que le prestataire perd ou quitte par la suite, dans les mêmes circonstances, n’entrent pas en ligne de compte pour l’application de l’article 7 ou 7.1.
  7. (6) Les heures d’emploi assurable dans un emploi que le prestataire perd ou quitte dans les circonstances visées au paragraphe (1) n’entrent pas en ligne de compte pour déterminer le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées, au titre du paragraphe 12(2), ou le taux de prestations, au titre de l’article 14.
  8. (7) Sous réserve de l’alinéa (1)a), il demeure entendu qu’une exclusion peut être imposée pour une raison visée au paragraphe (1) même si l’emploi qui précède immédiatement la demande de prestations — qu’elle soit initiale ou non — n’est pas l’emploi perdu ou quitté au titre de ce paragraphe.
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