Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Motifs et décision

Comparutions

  • X, appelante
  • Me Sébastien Sénéchal, représentant de l’appelante
  • Me Langlois, représentante de l’appelante
  • A. A., mise en cause (prestataire)
  • Me Mario Lavigne, représentant de la personne mise en cause
  • M. L., témoin de l’appelante
  • T. S., témoin de l’appelante
  • P. S., témoin de l’appelante

Introduction

[1] La prestataire a présenté une demande initiale de prestations d’assurance-emploi le 29 novembre 2014. La Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) a approuvé la demande de prestations dans une décision rendue le 9 janvier 2015. Le 9 janvier 2015, la Commission a imposé un arrêt de paiement en raison d’allégations d’inconduite soulevées par l’employeur. Le 21 janvier 2015, la Commission a reçu la demande de révision de décision de la prestataire. Dans une décision du 13 mars 2015, la Commission a révisé sa position en faveur de la prestataire et déterminée que les informations étaient insuffisantes pour conclure que la prestataire avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite. L’appelante a interjeté appel de la décision de révision au Tribunal de la sécurité sociale (le Tribunal) le 9 avril 2015.

[2] Cet appel a été instruit selon le mode d’audience En personne pour les raisons suivantes :

  1. La complexité de la ou des questions en litige.
  2. Le fait que la crédibilité puisse être une question déterminante.
  3. Le fait que plus d’une partie assistera à l’audience.
  4. L’information au dossier, y compris la nécessité d’obtenir des informations supplémentaires.

[3] Une audience a été prévue le 29 janvier 2016. Un ajournement a été demandé par la prestataire le 13 janvier 2016 en invoquant que l’audience devant la cour concernant les allégations de vol avait été reportée et que par conséquent aucun jugement n’était rendu dans cette cause. La prestataire soumet qu’il serait préférable d’attendre pour procéder dans ce dossier après le procès prévu au 20 mai 2016. Le Tribunal a accordé l’ajournement le 15 janvier 2016. Une nouvelle date d’audience a été fixée par le Tribunal pour le 30 mai 2016.

[4] Le 25 mai 2016, l’appelante a demandé un ajournement puisque la cause civile devant la Cour du Québec impliquant la prestataire devait continuer ses audiences le 16, 17 et 18 novembre 2016. Le 6 juin 2016, le Tribunal a accordé l’ajournement afin de donner l’occasion aux parties d’être entendues et fixé une nouvelle date pour le 25 juillet 2016 estimant que le Tribunal n’était pas lié par la procédure civile invoquée et que d’attendre après novembre 2016 ne ferait qu’allonger indûment les procédures, ce qui serait contraire au principe général du Tribunal à ce que l’instance se déroule de la manière la plus juste et expéditive que possible tout en respectant l’équité et la justice naturelle.

[5] Une demande de changement de date d’audience soumise dans les délais administratifs de deux jours a été envoyée par l’appelante le 8 juin 2016 en raison d’un conflit d’horaire. Ce changement a été accordé et une nouvelle date d’audience a été fixée le 21 juin 2016 pour le 12 septembre 2016.

[6] Le 29 juin 2016, l’appelant a soumis une nouvelle demande d’ajournement en invoquant le besoin d’être entendu après l’audition de sa cause en Cour du Québec impliquant la prestataire et se tenant le 16, 17 et 18 novembre 2016.

[7] Le 8 juillet 2016, le Tribunal a refusé la demande d’ajournement et réitéré ses motifs à l’effet que le litige devant le Tribunal de la Sécurité Sociale constitue une procédure indépendante qui n'est aucunement liée aux autres procédures légales pouvant être en cour. Le Tribunal a de plus conclut que la partie demanderesse n’avait pas établi de circonstance exceptionnelle justifiant un autre ajournement.

[8] L’audience a eu lieu comme prévu le 12 septembre 2016, mais le Tribunal a dû ajourner de sa propre initiative en raison du manque de temps pour compléter la procédure. La poursuite de l’audience a été prévue pour le 23 janvier 2017.

[9] Le 19 janvier 2017, l’appelant a demandé un ajournement en raison de l’hospitalisation de l’un de ses principaux témoins (le président P. S.). Le Tribunal a refusé l’ajournement dans le but de faire avancer les procédures et entendre les autres témoins dans cette affaire dans l’intérêt de la justice. Le Tribunal a indiqué aux parties qu’il se réservait le droit d’ajourner ou non les procédures après avoir entendu les autres témoins et après avoir jugé si le témoin absent devait être entendu à une date ultérieure. Au début de l’audience du 19 janvier 2017, le représentant de l’appelante a tenté de plaider le déni de la règle de l’audi alteram partem en redemandant un ajournement étant donné que son témoin est le président de la compagnie appelante, très impliqué dans toutes ces procédures et qu’il serait un déni de justice naturelle de le priver d’être présent à toutes les étapes. Le Tribunal a déterminé que la question de l’ajournement avait déjà été décidée et qu’il n’y avait pas lieu de la revoir. Le Tribunal a de plus réexpliqué les motifs de sa décision de refuser l’ajournement incluant sa conclusion que la règle de l’audi alteram partem n’était pas brimée dans ce cas-ci et que le litige ne l’impliquait pas lui personnellement, mais la personne morale qu’est sa société et qui est représentée à l’audience. Le Tribunal a aussi noté qu’aucune preuve médicale n’avait été soumise pour motiver l’absence de P. S..

[10] Suite à l’audience du 19 janvier 2017 et après avoir entendu tous les témoins prévus, le Tribunal a décidé qu’il souhaitait entendre le dernier témoin, P. S.. Un ajournement a alors été enclenché à l’initiative du Tribunal et une nouvelle date d’audience a été prévue pour le 20 mars 2017.

[11] Le 16 mars 2017, l’appelante a demandé un ajournement en raison d’une cause au Palais de Justice de Montréal qui retenait son représentant cette journée suite à des circonstances imprévues. Le Tribunal a accordé l’ajournement avec exigence de fournir au Tribunal une preuve de sa présence requise à la cour le 20 mars 2017.  

[12] Le Tribunal a tenu une conférence préparatoire avec les parties le 20 mars 2017 afin de s’entendre sur la dernière date d’audience prévue pour compléter la preuve testimoniale et présenter les arguments des parties. Une nouvelle date d’audience a été fixée pour le 8 mai 2017 et a bel et bien eu lieu. La preuve et les arguments des parties ont été complétés à cette date.

Question en litige

[13] Le Tribunal doit déterminer si la prestataire a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite et s’il y a lieu de lui imposer une exclusion en vertu des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi).

Preuve

[14] Le Tribunal a révisé tous les documents au dossier d’appel. Voici un résumé des éléments de preuve que le Tribunal a jugé les plus pertinents pour sa décision.

[15] Un relevé d’emploi de la X daté du 22 décembre 2014 indique que la prestataire a travaillé du 13 septembre 2014 au 21 novembre 2014. La raison du relevé d’emploi est notée comme « congédiement ».

[16] La Commission a contacté la prestataire le 9 janvier 2015. Cette dernière affirme avoir été congédiée parce que l’employeur l’a accusé de vol, ce qu’elle nie avoir commis. Elle indique avoir fait une plainte aux Normes du travail et que l’employeur a fait une plainte officielle à la police.

[17] Le 9 janvier 2015, suite à la décision favorable de la Commission envers la prestataire, l’employeur a contacté la Commission pour apporter d’autres informations. Il affirme avoir des preuves concernant le vol effectué par la prestataire et qu’elle ne doit pas être payée de prestations. L’employeur s’engage à envoyer les preuves à la Commission dans la même journée et la Commission impose un arrêt de paiement.

[18] Le 9 janvier 2015, l’employeur a fait parvenir à la Commission une page de notes rédigées à la main et illisibles ainsi que des tableaux non identifiés indiquant des montants négatifs pour les mois de novembre 2013, décembre 2013, janvier 2014, février 2014, mars 2014, avril 2014, mai 2014, juin 2014, juillet 2014, août 2014, septembre 2014, octobre 2014 et novembre 2014.

[19] La Commission a contacté l’employeur le 12 janvier 2015. Celui-ci a indiqué avoir découvert le 16 octobre 2014 que la prestataire les volait. Il précise que depuis novembre 2013, il manquait toujours des dépôts à la fin du mois. Suite à de plus amples vérifications et des doutes sur la prestataire, des caméras vidéos ont été installées. Ils auraient ainsi découvert que la prestataire utilisait les codes du gérant dans le système informatique, ce qui lui permettait de faire diverses transactions telles que transférer des commandes à d’autres employés qui ne travaillaient pas ces journées-là. À la fin de son quart de travail, il est allégué que la prestataire faisait le dépôt de, mais ne faisait pas le dépôt de l’autre serveuse à qui elle avait transféré des commandes et elle gardait l’argent. L’employeur affirme que la prestataire a admis avoir fait ce stratagème pour un montant de 1000$, mais qu’il serait plutôt de 10076.93$. Il affirme de plus qu’une plainte a été déposée à la police pour le vol du 21 novembre 2014 et qu’une date est confirmée pour la cour.  

[20] La Commission a contacté la prestataire le 12 janvier 2015 pour la confronter à la version de l’employeur. Celle-ci nie avoir avoué quoi que ce soit et ni à nouveau avoir commis un vol. La prestataire indique avoir embauché un avocat pour la représenter et dit qu’elle devrait avoir des nouvelles de l’enquêteur si la preuve contre elle est concluante. Elle note qu’elle n’a toujours pas été contactée et donc que la preuve ne doit pas être concluante.

[21] Lors d’une conversation avec l’employeur le 13 février 2015, la Commission l’informe que la décision pourrait être révisée en faveur de la prestataire en raison d’un manque de preuve de l’inconduite. P. S.(employeur) aurait alors haussé la voix, sacré et insulté l’agent de la Commission en lui disant qu’il ne comprenait pas et qu’il allait faire une plainte contre lui. L’agent a noté avoir dû mettre un terme à la conversation sans avoir plus d’information de la part de l’employeur.  La même journée, le représentant de P. S. rappelle la Commission et il est noté que P. S. continue de crier en arrière-plan à propos de ses frustrations envers l’agent de la Commission.

[22] Le 17 février 2015, suite aux questions de la Commission par téléphone, la prestataire a réitéré n’avoir pas commis de vol. Elle a aussi dit qu’aucune date de court n’avait encore été fixée. Elle réitère également que l’employeur n’avait pas de preuve concrète de ses allégations.

[23] Des échanges entre la Commission et le représentant de l’employeur sont survenus à quelques reprises entre le 24 février 2015 et le 13 mars 2015 lors desquels le représentant affirme envoyer une preuve vidéo démontrant le vol de la prestataire. La preuve vidéo n’a pas été reçue avant la décision de révision en faveur de la prestataire.

[24] Un formulaire de déclaration du SPVM signé de la prestataire et de deux policiers de l’unité des fraudes le 25 mars 2015 indique les déclarations et la version des faits de la prestataire à propos des événements du 21 novembre 2014 au X. Dans sa déclaration, la prestataire nie avoir fraudé ou volé le X. Confrontée au fait que la bande vidéo démontre qu’elle a fait un transfert de table, la prestataire affirme que deux clients à la même table voulaient des factures séparées et qu’elle a fait un transfert de commande d’un des deux clients à une autre table pour lui imprimer une facture séparée. Elle ajoute que c’est la seule façon de procéder si elle veut réimprimer une facture.

[25] Une requête introductive d’instance à la Cour du Québec, datée du 13 janvier 2016 indique que l’appelante a intenté un recours civil contre la prestataire pour recouvrement de sommes de 10 393,43$ ainsi que pour l’obtention de 10 000$ à titre de dommages et intérêts. La requête allègue que la prestataire s’est approprié des sommes sans droit entre novembre 2013 et novembre 2014.

[26] Dans une déclaration solennelle écrite datée du 24 avril 2015, P. S., président de l’appelante affirme que tous les faits allégués dans l’avis d’appel sont vrais à sa connaissance personnelle.

[27] L’appelante a soumis une preuve vidéo qui a été visionnée durant l’audience, accompagnée de captures d’écran soumises en preuve documentaire.

[28] Une carte de pointage au nom de la prestataire pour la période du 17 au 23 novembre (sans année) indique qu’elle a poinçonné le 20 novembre à 11 :00am pour l’entrée et à 4 :43pm pour la sortie puis le 21 novembre, à 8:45 pour l’entrée. Il est écrit 14h à la main comme heure de sortie.

[29] Une carte de pointage au nom de R. M. pour la période du 17 au 23 novembre (sans année) indique qu’elle a poinçonné le 20 novembre à 10:43 pour l’entrée et à 2 :02pm pour la sortie.

[30] Une carte de pointage au nom de M. A.(Gérant) pour la période du 17 au 23 novembre (sans année) indique qu’il n’a pas travaillé le 20 et le 21novembre.

[31] Une carte de pointage au nom de C. A. pour la période du 17 au 23 novembre (sans année) indique qu’elle ne travaillait pas le 20 novembre. Elle a poinçonné le 21 novembre à 5:00pm pour l’entrée et à 3:01am pour la sortie.

[32] Une liste des noms et numéros des serveurs indique que la prestataire était la serveuse #30, C. A. la serveuse #42 et R. M. la serveuse #20.

[33] Un document du X indique pour le mois de novembre 2014 un manque de 1.64$ pour le serveur #17, un manque de 10.93$ pour le serveur #31 et un manque de 1.49$ pour le serveur #20.

[34] Un document du X indique pour le 20 novembre 2014 un manque de 1.64$ pour le serveur #17, un manque de 10.93$ pour le serveur #31 et un manque de 1.49$ pour le serveur #20.

[35] Un document du X indique pour le mois de novembre 2014 un manque de 1.64$ pour l’enveloppe de S. D..

[36] Une décision du Juge Cameron de la Cour du Québec, Chambre civile a été rendue le 31 mars 2017 reconnaissant l’appelante coupable d’avoir soustrait frauduleusement un total de 8 134,49$ à l’appelante. La prestataire a donc été condamnée à payer la somme de 8 134,49$ plus intérêts à l’appelante. Le juge Cameron a de plus déclaré que la condamnation résultait de l’obtention par la prestataire de biens par des faux semblants ou de présentations erronées et frauduleuses des faits, dans le sens de l’article 178(1)e) de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité.

Preuve testimoniale

Témoin 1 de l’appelante : M. L.

[37] L’appelante fait témoigner M. L., gérante de la X. Elle affirme avoir commencé à travailler à la X en mai 2013 et est toujours à l’emploi. Elle possède quinze ans d’expérience en restauration, dont dix ans en gérance. Elle indique que les tâches d’un gérant sont de gérer les employés, faire les commandes et faire les caisses des employés après leur quart de travail. Elle dit avoir embauché A. A. (la prestataire) en août ou septembre 2013. M. L. indique que la prestataire a initialement reçu 3 jours de formation pour le poste de serveuse. Elle affirme n’avoir aucun reproche à faire à la prestataire sur sa façon de travailler en général.

[38] M. L. affirme avoir reçu un appel de son bureau chef environ deux semaines avant le congédiement de la prestataire pour lui dire que les caisses de la brasserie ne balançaient pas et on lui a demandé de faire enquête. Elle indique avoir alors consulté le système Maitre D qui est le système informatique de caisses dont dispose l’employeur. M. L. affirme s’être rendu compte en regardant les sommaires que des employés avaient des ventes inscrites pour des journées lors desquelles ils ne travaillaient pas. Elle affirme avoir aussi constaté que cela se passait lors de journées où la prestataire travaillait et que des transferts de table étaient faits ces journées-là.

[39] M. L. dit avoir alors informé P. S. et que T. S., qui s’occupe de la comptabilité serait venu voir sur place. Ils ont décidé de faire installer une caméra au restaurant le 19 novembre 2014 pour voir le stratagème de la prestataire et l’ont filmé lors de sa journée de travail le 20 novembre 2014. Ils ont vu que la prestataire avait transféré une commande sur le compte de R. M., une autre serveuse au restaurant. L’appelante a alors procédé au visionnement de la bande vidéo pour démontrer les transferts d’items d’une serveuse à une autre.

[40] M. L. a alors indiqué au Tribunal les actions qu’elle voit de la prestataire à l’aide des captures d’écran imprimées de la bande-vidéo. Elle note ainsi que la prestataire fait son code (GD18-33), qu’elle entre table 60 (GD18-34). Qu’elle poinçonne une table d’hôte #1 à 9.95$ (GD18-36), qu’elle ajoute un café (GD18-37), qu’elle entre dans la table en entrant le code 30 (GD18-39), qu’elle entre le mot de passe (GD18-40), qu’elle revient à la table 60 (GD18-41), qu’elle pèse sur statut et ensuite sur transfert (GD18-42), qu’elle prend son item table d’hôte #1 et le transfert à la table 500 (GD18-43), qu’elle appuie sur « new customer » (GD18-45), qu’elle transfert l’item de la table 60 à la table 500 (GD18-46), qu’elle revient ensuite à la table 60 où l’on voit qu’il ne reste qu’un café (GD18-47). M. L. indique qu’ensuite la prestataire sélectionne paiement comptant (GD18-48), elle appuie sur 4 fonctions qui est la code du gérant, elle se trouve alors dans le menu des gérants et appuie sur « table transfer » (GD18-50), puis elle transfert table 500 vers table 79 (GD18-51). M. L. affirme que l’image suivante démontre que la prestataire sélectionne la table 79 (GD18-52), la transfère à R. M.  une autre serveuse (GD18-53), enter le code du gérant M. A. (GD18-56). Elle affirme de plus que la prestataire entre ensuite dans la section des rapports des serveuses (GD18-58), qu’elle appuie sur R. M.  pour sortir son rapport (GD18-59), qu’on y voit une table ouverte pour R. M.  (GD18-60), qu’on y voit le plat transféré à 11.44$ (GD18-61), que la prestataire appuie sur « Promo S. » qui donne un rabais, que le total de la facture est alors de 1.49$ et que la prestataire appuie sur paiement comptant (GD18-63).

[41] À propos de la pièce GD-18-9, la témoin présente le sommaire quotidien du 20 novembre 2014 indiquant le code et le nom de l’employée (la prestataire). Elle affirme que les trois dernières lignes démontrent l’heure du dernier rapport et dit que c’est le moment ou la serveuse a sorti son « reading » et fini son quart de travail.  Le rapport indique que la prestataire a imprimé sa dernière facture à 16h19.

[42] À propos de la pièce GD-18-12, M. L. indique qu’il s’agit du sommaire du 20 novembre 2014 de la serveuse R. M.. Elle note qu’on y voit « promo S. » 9.95$ et indique que cela signifie que le gérant aurait fait une promo S. au nom de R. M. . La témoin affirme que le rapport démontre aussi qu’elle a terminé sa dernière facture à 13h48 et qu’elle a terminé son quart de travail à cette heure.

[43] M. L. présente une page et explique qu’il s’agit d’une copie de l’enveloppe de dépôt de R. M.  en date du 20 novembre 2014 et de son « reading » qui a été imprimé à 13h48 (GD18-15). Elle explique que chaque employée imprime son « reading » et met l’argent dans l’enveloppe qui est ensuite vérifiée par la gérante. Elle affirme que l’enveloppe de dépôt et le « reading » balancent toujours.

[44] M. L. décrit une copie de facture (GD18-17) qui indique la promo S. et une balance de 1.49$ qui sont les taxes du repas à 9.95$. Elle note qu’on voit l’heure (16h20) qui est l’heure à laquelle la facture a été imprimée et qu’elle a été payée comptant.

[45] M. L. décrit les événements de la journée du 21 novembre 2014 comme suit : elle affirme que P. S. est assis en train de diner et que monsieur T. S. de la comptabilité du bureau chef est dans le bureau où le système de caméra est installé. Il est environ 13h15, 13h30 après le rush du dîner et elle est allée rejoindre T. S. pour regarder les activités de la caméra vidéo. Elle affirme que c’est à ce moment qu’elle voit la prestataire transférer 3 assiettes de pattes de cochon à une autre serveuse et qui fait « promo S. ». M. L. ajoute qu’ils sont alors allés voir P. S. pour lui faire part de la trouvaille et que ce dernier décide de discuter avec la prestataire après son quart de travail. M. L. affirme que P. S. a rencontré la prestataire et qu’elle a elle-même écrit l’heure de sortie de la prestataire à la main parce qu’elle était en rencontre avec P. S..

[46] En contre-interrogatoire, M. L. affirme avoir été informée en novembre 2014 par M. E. du bureau chef de débalancement de caisses et se faire demander de vérifier avec Maitre D et sortir tous les documents de Maitre D. Elle affirme qu’avant novembre 2014, elle n’avait pas connaissance d’aucun débalancement de caisse. Elle n’est pas du tout au courant d’autres cas de fraudes, mais d’un cas d’un employé qui s’est fait congédier pour avoir commandé des assiettes dans la cuisine.

[47] Lorsqu’on lui demande de vérifier Maitre D, M. L. affirme que cela signifie de regarder les ventes. Elle affirme avoir alors constaté qu’il manquait de l’argent et que cela correspondait à toutes les journées lors desquelles la prestataire travaillait. Elle a donc vérifié toute la période durant laquelle travaillait la prestataire. Elle dit avoir fait les vérifications une fois et cela a pris un bon 3 à 4 jours. M. L. note qu’on lui a demandé de sortir toutes les ventes depuis l’embauche de la prestataire, soit environ sur 8 mois.

[48] M. L. confirme que si deux clients du restaurant demandent deux factures, on doit faire un transfert. Elle précise que la serveuse fera alors un transfert et qu’il n’y aura aucune trace de la facture avec les deux clients. Elle affirme de plus qu’une caissière peut revenir dans sa caisse après avoir travaillé, mais devra entrer son numéro de code. Elle confirme aussi qu’il y a une barmaid et qu’elle peut commander aussi de la nourriture en entrant un code.

[49] M. L. affirme qu’elle a trouvé rapidement que c’était la prestataire qui avait volé. Selon elle, il n’y a aucune façon de bloquer le système afin qu’on ne puisse pas utiliser le code d’un gérant. Elle indique que les caisses de la prestataire balançaient toujours parce qu’elle transférait les tables sur le code de M. A.. M. L. affirme que les sommes manquantes n’apparaissaient pas dans les « readings » de la prestataire.

[50] La témoin explique qu’à la fin du quart de travail, la gérante vérifie l’enveloppe de dépôt, il y a le « reading », les reçus de cartes de crédit et l’argent comptant. À chaque fois, la prestataire balançait. Le tout est vérifié par le bureau chef. Elle indique que si le bureau chef trouve un montant manquant, il montre les preuves à l’employé et lui demande de rembourser. M. L. affirme cependant que cela est très rare et qu’en 4 ans d’expérience, les enveloppes balancent toujours. Suite à des questions, M. L. explique que la pratique de vendre ses cartes de crédit veut dire que pour aller chercher de l’argent comptant un serveur peut échanger des reçus de cartes de crédit contre du comptant. Les serveurs vont doivent dans ce cas aller dans maitre D pour transférer les transactions.

[51] M. L. indique qu’on lui a parlé de l’installation de caméra environ une semaine après l’appel du bureau chef. Ils ont installé une seule caméra au-dessus de la caisse principale. Il y a déjà 16 caméras dans l’établissement comme dans tous les établissements de P. S.. Elle affirme que le bureau chef a rappelé le lendemain pour dire qu’ils avaient découvert que c’était la prestataire qui volait. M. L. dit avoir vu en direct sur les caméras la façon de transférer les commandes sur un autre compte de la prestataire. Les autres employés n’étaient pas au courant des changements de la caméra.

[52] M. L. dit qu’il ne lui est jamais arrivé de prendre le code de quelqu’un d’autre pour faire des transactions dans Maitre D. Les employés ont des codes à 4 chiffres et les gérants des codes à 3 chiffres.

[53] À propos des « promos S. », M. L. explique que lorsque P. S. vient manger, il ne doit rien payer alors le serveur appuie sur ce bouton dans le système de commande. Elle affirme qu’il ne lui est jamais arrivé dans le passé que P. S. donne la direction d’utiliser le code pour ses amis ou connaissances. P. S. était présent au X le 21 novembre 2014 pour l’heure du diner.

[54] M. L. affirme qu’elle n’était pas présente lors de la discussion entre la prestataire et P. S. dans le bureau à la demande de la prestataire.

Témoins 2 de l’appelante : T. S.

[55] L’appelante fait témoigner T. S. qui travaille au bureau en tant que superviseur du département des achats et superviseur du département des caisses pour les entreprises de X dont la X.

[56] T. S. explique le document GD18-2 en indiquant que pour la serveuse #17 qui est S. D. on voit à la colonne B le numéro d’enveloppe de dépôt d’employé. Il indique que chaque employé entre dans une enveloppe ses recettes de la journée. Il poursuit en disant que la colonne C correspond à l’argent qui était dans l’enveloppe le jour du dépôt. La colonne D est ce que l’employé doit inclure dans l’enveloppe selon le « reading ». La colonne E correspond à son total de vente de la journée, la colonne F à ses ventes moins la promotion s’il y a lieu. Il indique que F-E égale la promotion après taxes et que la colonne H représente le montant de la promotion avant taxes. T. S. affirme que les montants surlignés en jaune aux lignes des serveurs #31, #17 et #20 indiquent des montants non reçus. Il affirme de plus que ces trois montants sont des montants que ces employés n’avaient pas eux-mêmes encaissés. T. S. affirme que dans le cas de la journée du 20 novembre 2015, ces trois employés travaillaient, mais avaient terminé leurs quarts de travail lorsque les transactions des montants non reçus ont été faites.

[57] T. S.dit qu’il n’était pas présent au Xle 20 novembre 2014. Il affirme qu’une analyse a été faite pour le 20 novembre, mais que les transactions n’ont pas été captées sur vidéo. Il affirme que la vidéo démontrant le stratagème de la prestataire est du 21 novembre 2014. Il ajoute qu’il était présent au X le 21 novembre 2014et se rappelle de la transaction frauduleuse de la prestataire.

[58] T. S.explique à l’aide de la pièce GD18-3 qu’à la colonne 11, il manquait 51.30$ à C. A.. Il dit que le montant est en jaune parce qu’il manquait dans l’enveloppe de X. T. S. indique avoir imputé ce montant à la prestataire parce qu’il l’a vu lui-même faire le transfert sur la vidéo le 21 novembre 2014.

[59] À l’aide de la pièce GD18-15, T. S. indique qu’on peut voir sur la facture du 21 novembre 2014 au nom de C. A. un sous-marin, trois assiettes de pattes de cochon ainsi qu’une promo S.. Il affirme que le relevé de gauche constitue la facture de la promotion S. de C. A. par M. A. (M. A. est le gérant). Il affirme de plus que C. A. avait terminé son chiffre à l’heure de la transaction. Il affirme également que M. A. ne travaillait pas le 21 novembre 2014.

[60] À la lecture de la pièce GD18-21, T. S. constate que la carte de pointage de C. A. affiche une entrée à 5pm et une sortie 3am. À la lecture de la pièce GD18-15, T. S. constate que la facture faite par C. A. est sortie à 13h20 alors qu’elle ne travaillait pas.

[61] En contre-interrogatoire, T. S. explique que le système Maitre D, est un logiciel communément appelé système «Point of Sale» dans de milieu de la restauration. Il opine que ce n’est pas un système de comptabilité, mais un système de restauration et qu’il est approuvé par le Gouvernement du Québec. II ne sait pas où on peut acheter ce système, mais dit qu’on ne peut pas l’acheter au coin de la rue.

[62] T. S. affirme que des employés qu’il supervise qui travaillent dans le département des caisses se sont rendu compte d’irrégularités dans les caisses du X. Il note que ces employés ont souvent changé et l’erreur a été trouvée tardivement. Il ajoute que le système Maitre D est un système que les établissements de X n’utilisent pas souvent puisque c’est le seul restaurant acheté par P. S. qui utilise ce système. T. S. affirme que les employés n’ont jamais remarqué les irrégularités avant qu’ils fassent une analyse globale du restaurant plutôt que ce qu’il faisait c’est-à-dire une analyse par employé. Il indique que les recettes du restaurant cette journée-là balançaient.

[63] T. S. indique que la procédure des gérants du restaurant est de recevoir l’argent et les relevés des employés, vérifier l’enveloppe, la sceller et la déposer dans le coffre-fort. Il y a un ensuite employé du bureau chef qui passe pour ramasser les enveloppes et qui se chargera d’ouvrir les enveloppes pour les comptabiliser.

[64] T. S. affirme qu’il est très rare que les enveloppes individuelles ne balancent pas.

[65] T. S. réitère qu’il a bien vu la prestataire sur la vidéo en train d’utiliser le code du gérant M. A. qui n’était pas présent et faire un transfert de trois assiettes de pattes de cochon. Il dit avoir ensuite été voir P. S. pour lui dire qu’il avait été témoin du geste.

Témoignage A. A., la partie mise en cause 

[66] A. A., la prestataire, affirme avoir travaillé au restaurant Y environ une année et demie en tant que serveuse et a travaillé au X de septembre 2013 jusqu’au 2 1 novembre 2014 également en tant que serveuse. Elle affirme de plus qu’elle aimait son travail et c’était à côté de chez elle. Elle dit avoir eu une bonne relation avec M. L. la gérante.

[67] À propos des événements du 21 novembre 2014, la prestataire affirme qu’à la fin de son quart de travail, elle est allée voir M. L. dans le bureau pour lui remettre son dépôt. Elle note que P. S. était là, lui a demandé de s’asseoir et s’est mis à lui poser des questions. Il y avait aussi T. S. dans le bureau et un enquêteur du siège social dont elle ignore le nom. La prestataire indique que P. S. l’a alors accusé de vol et que T. S. lui a demandé si elle souhaitait rester seule dans le bureau avec P. S., ce à quoi elle aurait répondu qu’elle « s’en foutait ».

[68] La prestataire affirme qu’une fois seule avec P. S., ce dernier lui aurait tendu un papier lui demandant de signer l’aveu qu’elle avait volé. Elle affirme avoir refusé puisqu’elle n’avait rien à se reprocher suite à quoi P. S. est sorti du bureau et a appelé la police.

[69] La prestataire affirme qu’elle ne pouvait pas quitter les lieux, la porte arrière du bureau étant barricadée avec des contenants à pain.  Deux femmes polices sont arrivées, une est venue la voir pour prendre sa déposition et ensuite P. S. s’est fâché parce qu’il voulait son emprisonnement et que les policières l’ont laissé aller. Elle dit qu’il s’est énervé et a appelé le superviseur du service de police pour faire part de son insatisfaction du travail des deux policières. La prestataire réitère qu’il voulait absolument qu’elle aille en prison.

[70] La prestataire indique que la policière a saisi l’argent qu’elle avait dans son sac à main et dans son tablier de travail. L’argent lui a été remis plus tard par le service de police. Elle dépose un reçu qu’elle a reçu de la police lorsque son argent a été saisi.

[71] La prestataire soumet la déclaration qu’elle a faite auprès de la police. Elle affirme avoir contacté la police de sa propre initiative pour les rencontrer. Elle affirme qu’elle a pris rendez-vous avec les policières pour aller leur dire ce qui c’était passé et donner sa version des faits. Elle affirme de plus avoir offert de passer un détecteur de mensonges pour supporter sa version des faits.

[72] En contre-interrogatoire, la prestataire nie avoir fait une déclaration à P. S.et affirme qu’elle n’a jamais avoué avoir volé. Elle affirme avoir dit à P. S. qu’elle voulait partir en présence de T. S. et M. L. dans le bureau. Cela s’est produit avant que la police arrive au restaurant.  Elle affirme qu’on ne l’a pas empêché physiquement de partir, mais qu’ils lui ont dit de rester et ils avaient sa sacoche et son manteau.

[73] La prestataire a dit qu’elle connaissait le mot de passe du gérant M. A. et qu’elle a aussi déjà connu le mot de passe de M. L., l’autre gérante. Elle explique avoir connu le mot de passe de M. A. puisque M. L. laissait souvent le mot de passe de M. A. près de la caisse et M. L. parfois demandait d’utiliser le mot de passe de M. A. pour faire diverses transactions.

[74] À la question « Voyez-vous que vous transférez le transfert des trois pattes de cochon sur la vidéo? » la prestataire a répondu « Non ». De plus, elle nie avoir fait le transfert de cette commande tel qu’on l’accuse et d’avoir fait une « promotion S.  » cette journée-là.

[75] La prestataire indique avoir appris quelque temps après son congédiement qu’une plainte criminelle avait été faite contre elle. Elle dit avoir alors cru bon d’aller rencontrer l’enquêteur du Service de Police (SPVM) pour donner sa version des faits.

[76] La prestataire reconnait que c’est bien elle qui est sur la photo en GD18-33. Elle reconnait de plus qu’il s’agit bien de sa carte de pointage à la pièce GD18-5. Elle y lit qu’elle a commencé à 8:45 et il appert qu’elle n’a pas pointé à la fin de son quart de travail.

[77] La prestataire indique qu’il ne lui est jamais arrivé de ne pas balancer. Elle est au courant de collègue qui ne balançait pas. La personne devait rembourser le montant sinon elle était retenue sur sa paie. Elle dit qu’habituellement, au prochain quart de travail. Environ une fois par semaine, il arrivait qu’il manquait quelque chose et la gérante leur demandait de rembourser.

[78] Elle a été accusée de vol et c’est la raison du congédiement. Elle n’a aucune idée pourquoi elle a été accusée. Elle confirme que la vidéo démontre qu’elle fait un transfert. Selon elle, le transfert qu’on voit sur la vidéo est pour un transfert de table. Une fois une facture imprimée et qu’elle contient deux personnes, si on lui demande des factures séparées, elle doit transférer une partie de la commande sur une autre table pour lui créer une nouvelle facture et laisse les items du premier client sur la table initiale.

[79] Les autres procédures en cours sont une procédure civile, en attente de décision, une plainte de sa part aux normes du travail, la plainte criminelle n’est plus en cours.

Témoins #3 de l’appelante : P. S.

[80] P. S. est propriétaire du X et président de la société X. À l’aide de ses notes personnelles, il indique que le 21 novembre 2014, il a été au X pour diner et a commandé un spaghetti. Il était assis à une table haute avec tabourets. Il note que M. L.et la prestataire étaient sur le plancher. P. S. indique qu’il avait fait installer une caméra vidéo pour voir exactement les agissements de la prestataire. Il affirme qu’après le diner, M. L. est venue le voir à sa table et lui a dit qu’elle et T. S. avaient vu faire la prestataire et que c’était clair qu’elle volait.  T. S. lui aurait dit la même chose. P. S. affirme avoir alors attendu que la prestataire termine son quart de travail pour l’inviter au bureau en présence de M. L. et T. S.. Dans le bureau, P. S. affirme avoir dit à la prestataire « A. A., on t’a pogné, on sait ce que tu fais, ce que tu faisais, tu l’a répété aujourd’hui encore, on l’a sur caméra ». Il indique que la prestataire niait tout à tout moment lors de la discussion qui a duré environ 15 minutes. Il indique être ensuite sorti du bureau en y laissant les trois autres personnes. Il est allé dans le restaurant. S. G., le chef de sécurité serait alors arrivé sur les lieux parce que P. S. l’avait appelé. Il note que c’est S. G. qui gère avec la police normalement. Il avait mandaté S. G. d’appeler la police.

[81] P. S. affirme que quelques minutes plus tard, M. L.et T. S. sont sortis du bureau et lui ont dit que la prestataire voulait lui parler seul à seul. Par prudence, il a demandé à T. S.de l’accompagner, mais il a refusé sous prétexte que la prestataire ne parlerait pas devant une autre personne. P. S. affirme s’être donc retrouvé seul dans le bureau avec la prestataire qui aurait alors avoué son vol et présenter ses excuses.  P. S. dit lui avoir demandé combien, qu’elle ne voulait pas trop répondre au début, mais qu’elle a fini par dire entre 1000$ et 2000$. Il ajoute qu’il y avait un papier sur le bord du bureau et qu’il lui a demandé d’écrire qu’elle lui avait volé entre 1000$ et 2000$. La prestataire aurait refusé. Il lui a dit que la police était déjà appelée et est sortie du bureau.

[82] P. S. affirme que la prestataire n’a pas demandé de quitter et qu’ils ne l’auraient pas gardée contre son gré.

[83] P. S. explique qu’une fois les deux policières arrivées, il leur a expliqué ce qui s’était passé et elles ont continué avec la prestataire après de façon séparé. Il indique qu’elles ont aussi parlé brièvement à M. L.et T. S.. Les autres employés n’étaient au courant de rien selon lui.

[84] Il affirme que les policières sont restées environ une heure. Il confirme avoir eu des discussions avec les policières à l’effet que la prestataire soit amenée au poste. Il avoue qu’il était déçu qu’elles ne l’amènent pas au poste. Il confirme que les policières ont parlé à la prestataire longtemps dans l’auto et il a par la suite appris qu’elle était libre lorsque les policières sont revenues à l’intérieur lui parler et qu’elles ont dit qu’elle serait accusée, mais qu’elles l’avaient laissé aller.

[85] P. S. affirme qu’environ 2 jours plus tard, il s’est rendu au poste de police avec T. S. pour faire leurs déclarations sur les circonstances.

[86] P. S. affirme que les accusations trainaient et qu’il a su dernièrement que les accusations ne seraient pas portées contre la prestataire, mais qu’il n’est pas du tout d’accord et qu’il continuera d’intervenir auprès de la police pour que des accusations soient portées.

[87] P. S. admet qu’il ne comprend pas le système informatique, mais qu’il s’est fait expliquer par M. L. et T. S. le stratagème de la prestataire. Il en retient qu’après des heures de vérifications faites, il a été trouvé que la prestataire réduisait ses ventes en mettant des items au nom d’une autre serveuse et qu’elle mettait la balance dans ses poches. Il manquait donc de l’argent ces journées-là. Il ajoute que si sa mémoire est bonne, la journée du congédiement, la prestataire avait mis 3 assiettes de pattes de cochon sur son compte de propriétaire.

[88] P. S. confirme que c’est lui qui a décidé de faire installer une caméra puisqu’avec ses années d’expérience dans l’industrie, il comprend qu’il doit tenter de faire sa preuve au maximum. Il affirme que même si son personnel avait déjà découvert le stratagème de la prestataire par la vérification des documents, il voulait s’assurer que sa preuve était au maximum.

[89] P. S. affirme qu’il était déçu de la prestataire qui travaillait pour lui depuis un an. Il affirme de plus que dans la restauration, il a l’habitude de se faire voler, mais qu’il s’agissait d’une nouvelle expérience d’avoir du vol par transfert de table.

[90] P. S. affirme qu’il n’y avait aucun conflit entre M. L. et la prestataire, qu’elles étaient de bonnes amies et qu’elle était une excellente serveuse.

[91] À la question pourquoi son établissement s’est rendu compte des irrégularités seulement un an plus tard, P. S. affirme que sa société possède 45 restaurants de différents types et qu’ils étaient très en retard « dans leur paperasse ». Il indique que le département de la comptabilité est passé de 12 à 6 employés durant cette période.

[92] En contre-interrogatoire, P. S. a répondu affirmativement à la question « le 21 novembre 2014, y a-t-il un autre policier qui arrive à la fin? ». Il dit ne pas savoir de qui il s’agissait, mais qu’il avait demandé aux deux policières de faire venir leur « boss » pour les aider dans leur enquête. À la question « étiez-vous fâché après les policières? » il affirme qu’il était déçu parce qu’il s’était fait volé. P. S. affirme que les policières étaient très jeunes et faisaient leur possible.

[93] À la question « avez-vous augmenté le ton envers les policières? », P. S. a répondu qu’il n’avait pas mesuré le volume de sa voix. À la question s’il avait crié aux policières, il a répondu non et qu’il n’oserait pas crier à une femme policière. Il réitère qu’il était déçu et qu’habituellement les policiers amènent les suspects au poste de police.

[94] P. S. confirme que les caméras vidéo ont été installées le 19 novembre 2014 à sa demande. Il dit ne pas se rappeler si on lui a montré l’enregistrement vidéo avant l’arrivée des policières.

[95] P. S. indique que le bureau est situé en arrière du restaurant et que la prestataire aurait pu se lever et sortir par la porte si elle avait voulu. Il confirme qu’ils ont été entre 10 et 15 minutes dans le bureau.

[96] P. S. indique qu’il a appris que des accusations ne seraient pas portées contre la prestataire par l’entremise de son avocate suite à l’appel d’une policière au bureau. Il ne sait pas qui était la policière qui a appelé.

[97] P. S. affirme que T. S. l’a informé que de l’argent disparaissait et que suite à ses vérifications, c’était toujours lors de journées durant lesquelles la prestataire travaillait.

[98] À la question « comment saviez-vous que la prestataire et M. L. s’entendaient bien », P. S. a dit qu’il a vu la prestataire amener le café à M. L. le matin.

[99] P. S. indique que la prestataire n’a pas communiqué avec lui pour prendre entente de paiement suite au jugement de la Cour du Québec.

Arguments des parties

[100] L’appelante a fait valoir que la prestataire n’est pas admissible à des prestations d’assurance-emploi pour les raisons suivantes :

  1. La prestataire a été congédiée en raison d’une inconduite grave. Elle a volé la somme de 10 393,43$ à l’employeur. Pour réaliser ce vol, elle a subtilisé le code d’administrateur d’un gérant. La carte de pointage du gérant M. A. démontre qu’il était en congé le 21 novembre 2014. La carte de pointage de C. A., la serveuse à qui la prestataire a transféré 3 assiettes de pattes de cochon démontre que cette dernière ne travaillait pas non plus le 21 novembre 2014. Au sommaire détaillé des serveurs, on y voit le code de la prestataire. On voit l’heure de son dernier rapport (14 :02) et l’heure de la dernière facture (13 :12). Au sommaire des serveurs détaillés du 21 novembre 2014, on voit à la ligne promo S. le montant de 51,30$ et l’heure du dernier rapport indique 2 :19 et l’heure de la dernière facture indique 1 :43.
  2. De façon factuelle, la prestataire a été rencontrée par P. S. suite à ce que l’employeur estimait une fraude, le 22 novembre 2014. Il y a eu des aveux verbaux faits par la prestataire, mais aucun aveu écrit. Les deux témoins principaux ont dit que P. S. a présenté un papier crayon pour mettre par écrit ses aveux. Pourquoi lui aurait-il donné un crayon? Parce qu’elle venait de lui faire des aveux. Les aveux verbaux sont un élément de preuve excessivement difficile à faire reconnaitre devant le Tribunal et le décideur doit regarder les circonstances dans leur ensemble. Le fait que la prestataire a reconnu avoir été présenté un papier et crayon par P. S. donne de la crédibilité à la version de P. S..
  3. La décision de la Cour du Québec a fait la longue preuve du vol de la prestataire. Précisément au paragraphe 102 on constate la conclusion que les gestes ont eu une intention frauduleuse, en ayant pris les biens de l’employeur qu’elle a empochés. Le juge estime qu’il y a lieu de conclure que l’article de la Loi sur la faillite s’applique. Le juge a non seulement condamné la prestataire à payer la somme de 8134.49$, mais il déclare dans sa deuxième conclusion que l’obligation donnant lieu à la condamnation précédente résulte de l’obtention frauduleuse des biens de l’employeur et cela a comme effet que même si la prestataire faisait faillite, puisqu’elle a fait une fraude civile, elle ne sera pas relevée de cette somme. Non seulement le juge Cameron vient à la conclusion que la dame a volé, fraudé, mais il reconnait l’intention de la dame. Il fait état des aveux. Il en vient à une conclusion relativement à ces aveux et dit au paragraphe 30, que la prestataire maintient sa négation tout en reconnaissant qu’on lui a offert un papier et un crayon. La prestataire essaie de faire croire que ce n’est pas à la suite d’un aveu, mais c’est assurément le cas. Le juge Cameron n’a pas décidé sur l’aveu, mais il est allé sur une preuve circonstancielle aux paragraphes 59 et suivant. Il conclut par exemple que devant cette preuve présomptive, elle est la seule qui a pu faire toutes les transactions frauduleuses et lorsqu’elle est absente il n’y en a pas. Il note de plus « qu’aucune autre explication n’est offerte, la défense est plutôt une défense de bon caractère ».
  4. Tous ces éléments militent en faveur de démontrer une inconduite. Bien qu’il ne soit pas nécessaire qu’il y ait condamnation au civil et au criminel, on doit garder en perspective que lorsque c’est le cas et que l’employeur prend la peine de présenter une preuve si complète au civil et qu’il appert que la Cour civile a décidé que la dame avait fraudé, ce Tribunal ne peut l’écarter et doit le considérer.
  5. La décision Tucker A-381-85 (Tucker) rappelle que le geste d’inconduite doit être fait volontairement, d’une telle insouciance que la personne savait ou aurait dû savoir qu’elle serait congédiée. Larrivée, exige que le décideur doit apprécier les faits de chaque cas. Un exemple de vol fait par un employé  PC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2014 TSSDGAE 82 on réfère à Tucker afin d’établir le lien de causalité. Dans ce cas, une vidéo montre le prestataire prenant des rouleaux de papier de toilette chez l’employeur et les mettant dans son sac. Il a été conclu que ce geste constitue de l’inconduite et exclu des prestations d’assurance-emploi. Dans ce cas-ci, est-ce que la prestataire savait qu’en volant son employeur elle pourrait perdre son emploi? Elle aurait dit qu’elle a pris des montants, mais s’est aussi excusée. Il est évident que lorsqu’on parle de vol et que ce vol se fait au détriment des biens de l’employeur, il est impossible de prétendre qu’on ne s’attendait pas à être congédié.
  6. Dans O.K. c Commission de l’assurance emploi du Canada, 2014 TSSDGAE 94 au paragraphe 15, on dit que le prestataire avait reçu 3 avertissements. Au paragraphe 18 on peut lire que le prestataire a été rencontré par le détective, mais que la police n’allait pas déposer d’accusation parce que c’était la parole d’un contre l’autre sans preuve suffisante. Il a été filmé, une enquête est encore en cour. Il a été démontré que le prestataire était dans le commerce alors qu’il était fermé. Il y a eu un manquement de ses obligations implicite ou explicite. Le Tribunal indique que même si la preuve par ouï-dire n’est pas idéale, il peut tirer une inférence raisonnable. Dans cette décision, on va encore plus loin; le Tribunal dit que ce n’est pas obligatoire que la personne ait volé, mais que le seul fait que l’employeur en ait une croyance sincère et qu’il y ait des éléments suffisants pour fonder son assomption permet au Tribunal de conclure à de l’inconduite et qu’une exclusion s’impose.
  7. Il est clair qu’il y a un événement de vol qui a été montré et enregistré sur la caméra vidéo. Le Tribunal est invité à faire le processus du juge Cameron et dire que si un vol a été démontré par l’employeur sur la prépondérance et que la prestataire n’a fourni aucune explication valable et valide pour expliquer le vol qu’elle a fait et aussi le fait que les vols sont survenus uniquement lors des journées où elle était au travail, le Tribunal doit conclure que la prestataire n’aurait pas dû recevoir les prestations d’assurance-emploi, au bénéfice de tous les citoyens.

[101] L’intimée a soutenu que la prestataire est admissible aux prestations d’assurance-emploi pour les raisons suivantes :

  1. Dans le cas présent, la Commission a conclu que la prestataire n’a pas perdu son emploi en raison de sa propre inconduite parce que la preuve n’a pas été fournie de la part de l’employeur.
  2. La Cour a réaffirmé le principe selon lequel il incombe à l’employeur et à la Commission de prouver que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite (Lepretre c Canada (PG), 2011 CAF 30; Canada (PG) c Granstrom, 2003 CAF 485)
  3. Or, la Commission n’a eu accès à aucune preuve à ce jour, lui permettant d’infirmer la décision. Il incombe à l’employeur et à la Commission de prouver que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite, ce que la Commission est incapable de faire pour le moment. De plus, la prestataire nie les faits.
  4. La Commission soutient que la jurisprudence appuie sa décision. La Cour d’appel fédérale a défini la notion juridique d’inconduite au sens du paragraphe 30(1) de la Loi comme une inconduite délibérée dont le prestataire savait ou aurait dû savoir qu’elle était de nature à entrainer son congédiement. Pour déterminer si l’inconduite pourrait mener à un congédiement, il doit exister un lien de causalité entre l'inconduite reprochée au prestataire et son emploi; l’inconduite doit donc constituer un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travail (Canada (PG) c Doucet, 2012 CAF 105; Canada (PG) c Gagne, 2010 CAF 237; Canada (PG) c Lemire, 2010 CAF 314).
  5. En se basant sur les principes de la jurisprudence énoncés dans le présent dossier, les déclarations de l'employeur n'ont en soi ni plus ni moins de valeur que celles de la personne qui demande des prestations; ces déclarations doivent être examinées objectivement sans les accepter comme si l'une, de préférence à l'autre, renfermait nécessairement toute la vérité sur un événement particulier.
  6. Après avoir rassemblé et analysé les renseignements disponibles, l'agent responsable optera pour la version des faits qui lui apparaît la plus crédible compte tenu des circonstances. Il peut arriver dans certains cas que la version des faits présentée par les parties soit autant l'une comme l'autre empreinte de crédibilité de sorte que l'agent responsable ne peut vraiment trancher la question en faveur de l'une ou de l'autre version; l'agent accordera en ce cas la préférence à la version qui est donnée par la personne qui demande des prestations même si l'autre version apparaît tout aussi crédible. Le bénéfice du doute jouera en faveur de la version donnée par la personne qui demande des prestations dans la mesure où l'agent responsable ne peut vraiment trancher en faveur de l'une ou l'autre version puisqu'elles apparaissent autant l'une comme l'autre empreinte de crédibilité. Cette position est appliquée en vertu de l‘article 49(2) de la Loi sur l’assurance emploi.
  7. Dans le présent dossier, la Commission ne peut qu’accorder le bénéfice du doute à la prestataire, car elle nie les faits et les preuves présentées par l’employeur ne prouvent pas que c’est bien la prestataire qui a commis ces vols. L’employeur n’a jamais présenté la preuve à la Commission. À la lumière des preuves que la Commission possède, elle ne peut prouver l’inconduite.
  8. La Commission s’appuie également sur un autre arrêt de la Cour fédérale, Luc Cartier, A-168-00, dans lequel la Cour confirmait le principe, établi dans Namaro,A-834-82, suivant lequel il doit également être établi que l’inconduite a constitué la cause du congédiement du prestataire.

[102] La partie mise en cause a soumis que :

  1. P. S. n’a pas témoigné clairement. Il avait de la difficulté à répondre clairement à des questions claires.
  2. Certains éléments doivent être pris en considération par le Tribunal, tel que le fait qu’elle s’est elle-même présentée au poste de police où elle a fait une déclaration libre et volontaire. Elle s’est même proposée à faire le test du polygraphe. Il est reconnu dans la majeure partie de la jurisprudence qu’une personne qui mentirait ne voudrait pas faire le polygraphe parce qu’il ne serait pas dans son intérêt de le faire.
  3. Selon le procès-verbal, on peut constater que dans la décision de la Cour du Québec, le juge Cameron passe malheureusement très rapidement sur ces aspects. Il passe très rapidement sur le fait que la prestataire a fait une déclaration libre et volontaire. Le juge Cameron passe extrêmement rapidement sur la déposition de madame policière Marie-Claude Boisclair qui est sergent détective dans la section des fraudes du SPVM. Elle est dans la même escouade que ceux qui auraient communiqué avec les mandataires de l’appelante pour les informer qu’aucune accusation n’allait être portée.
  4. D’autre part, dans la cause en cour civile, l’employeur a déposé une preuve documentaire très volumineuse présentée contre une simple justiciable qui a très peu de moyens et qui avait encore moins de moyens pour avoir une défense pleine et entière. Le rapport de force était disproportionné entre la société de P. S.et la prestataire.
  5. La prestataire est venue témoigner avec seule sa bonne foi et son honnêteté à dire les faits tels qu’elle les connaissait.
  6. On a tenté d’expliquer les tenants et aboutissants de la bande-vidéo soumise, mais celle-ci ne contient pas de preuve concluante et de preuve claire ou nette d’acte dolosif de la part de la prestataire effectuant un ou des transferts de table. Il n’y a d’ailleurs rien de clairement et nettement démontré dans toute la preuve qui a été soumise qui pourrait démontrer un geste délictuel de la part de l’appelante. On a beau nous dire que madame ouvre une page ici et là. On nous dit qu’il y a des manques à gagner, mais on n’arrive pas à les centrer sur une seule et même personne.
  7. L’employeur n’a pas été capable de renverser le fardeau de preuve qui lui incombe et de faire la démonstration de l’inconduite de la prestataire. C’est ce qui devrait être retenu par le Tribunal.

Analyse

[103] Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites en annexe à la présente décision.

[104] En matière d’inconduite en assurance-emploi, la notion d’« inconduite » n’est pas définie comme telle dans la Loi ou la jurisprudence. Il s’agit largement d’une question de circonstances (Gauthier A-6-98; Bedell A-1716-83). Dans l’affaire Tucker A-381-85, la Cour précise ce qui constitue de l’inconduite. Ainsi la Cour a établi que pour « (…) constituer de l’inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement. »

[105] Le Tribunal doit d’abord se demander si les gestes reprochés à la prestataire étaient la véritable cause de son congédiement. Le cas échéant, le Tribunal note qu’aucune lettre de congédiement n’a été déposée au dossier.  L’employeur indique avoir congédié la prestataire suite à la découverte du fait qu’elle lui volait des sommes d’argent. La prestataire nie avoir volé l’employeur, mais n’a soumis aucune autre hypothèse quant aux motifs de son congédiement. À la lumière de l’ensemble de la preuve, le Tribunal conclut qu’il n’y a aucune raison apparente de croire que la prestataire aurait été congédiée pour d’autres motifs sinon qu’en raison des allégations de vol soulevées par l’appelante.

[106] Il s’en suit que le Tribunal doit déterminer si la prestataire a bel et bien commis les gestes reprochés. Pour que le Tribunal puisse conclure à l’inconduite, il doit disposer des faits pertinents et d’une preuve suffisamment circonstanciée pour lui permettre, d’abord, de savoir comment l’employée a agi et, ensuite, de juger si ce comportement constituait de l’inconduite (Meunier A-130-96). Le Tribunal doit étudier les faits et les circonstances de chaque cas d’espère afin d’apporter ses conclusions en matière d’inconduite. Dans le cas qui nous intéresse, la prestataire nie la totalité des reproches soulevés par l’employeur, précisément les accusations de vol par le détournement de commandes payées en espèces.

[107] Le fardeau de preuve repose sur la Commission ou l’employeur qui doit démontrer selon la prépondérance des probabilités que la preuve supporte l’inconduite reprochée (Lepretre c Canada (PG), 2011 CAF 30; Canada (PG) c Granstrom, 2003 CAF 485). Dans ce cas-ci, la Commission est d’avis que les versions des faits de l’employeur et du prestataire sont tout aussi crédibles. La Commission a donc appliqué le paragraphe 49(2) de la Loi accordant le bénéfice du doute au prestataire en cas de preuve équivalente. L’application du paragraphe 49(2) est exclusivement de la compétence de la Commission et le Tribunal ne peut pas fonder sa décision sur le principe du bénéfice du doute. Par conséquent, le Tribunal analysera le droit applicable afin de trancher la question et déterminer s’il y a inconduite au sens de la Loi dans le présent dossier. Le cas échéant, le Tribunal estime que la preuve soumise par l’employeur ne satisfait pas les exigences de son fardeau de preuve.

[108] Pa ailleurs, le Tribunal partage l’avis de la Commission à l’effet que jusqu’à la tenue de l’audience, les reproches de l’employeur ne sont appuyés par aucune preuve convaincante et ne peuvent donc mener à une conclusion d’inconduite. En effet, le dossier ne contenait pour preuve que les versions orales contradictoires de l’employeur et de la prestataire qui pouvaient sembler tout aussi crédibles. Dans une telle situation, bien qu’il soit possible que la version de l’employeur ait été véridique, en l’absence de preuve pour appuyer ses dires, sa seule déclaration n’aurait sans doute pas été suffisante pour démontrer que la prestataire a perpétré les vols reprochés.

[109] La prestataire nie abondamment être responsable des vols et des transactions frauduleuses alléguées par l’appelante. L’appelante argue qu’il est clair qu’un événement de vol a été enregistré et démontré. Pour supporter sa position, elle a fourni une preuve supplémentaire à l’audience constituée d’une bande-vidéo et de déclarations de témoins. L’appelante affirme que la bande-vidéo capture un événement lors duquel la prestataire, le 20 novembre 2014, s’adonnerait à un certain stratagème dans son utilisation du système Maitre’D, le système informatique de gestion de commandes et ventes de repas et breuvages utilisé par l’établissement de l’appelante.

[110] M. L., la gérante du X a témoigné pour l’appelante lors du visionnement de la bande vidéo consistant en un extrait d’un peu moins d’une minute affichant la date du 20 novembre 2014. Le Tribunal y voit une personne de dos et une partie de l’écran du système Maitre’D. Lors de son témoignage, la prestataire a reconnu qu’il s’agissait bien d’elle sur la bande-vidéo. Le Tribunal estime que les gestes posés par la prestataire sur l’écran tactile du système Maitre’D sont très rapides et faits avec aisance de sorte qu’il est difficile de décoder ce qui est réellement fait, et cela, même en mode de visionnement à vitesse réduite.  Le Tribunal estime qu’on peut voir le doigt de la prestataire faire des entrées sur l’écran, mais il lui est impossible de voir quels chiffres sont sélectionnés. Parfois, le bras de la prestataire ou sa main cache une partie de l’écran qui cache par le fait même l’entrée sélectionnée.

[111] En support à la preuve vidéo, l’appelante a soumis une copie papier des captures d’écran de la bande-vidéo pour pratiquement chaque seconde de l’extrait vidéo. M. L. a témoigné à propos de chaque page de capture d’écran en indiquant ce qu’elle y voyait. Malheureusement, le Tribunal ne peut tirer les mêmes conclusions que M. L. tant au visionnement de l’extrait vidéo qu’à la lecture des images de capture d’écran de la bande-vidéo. Le Tribunal note que pour la majorité des images de capture d’écran, ce qui apparait sur l’écran de Maitre’D est flou et très difficile à percevoir. Au mieux, le Tribunal peut à certains moments lire ce qui est écrit dans la barre-titre de l’écran et qui pourrait corroborer le témoignage de M. L.. Cependant, le Tribunal est incapable de confirmer à l’aide des images que la prestataire a utilisé le code d’un gérant ou utilisé la fonction « Promo S. ». Le Tribunal n’est pas non plus en mesure de confirmer les touches exactes sélectionnées par la prestataire lorsqu’elle entre des chiffres, que ce soit pour des numéro de table, numéro de serveur ou code quelconque.

[112] Pour ce qui est du témoignage de M. L., le Tribunal estime qu’il ne fait qu’offrir son interprétation personnelle de la bande-vidéo et des entrées faites par la prestataire. Le Tribunal accorde peu de poids à son interprétation de la preuve vidéo puisqu’il doute de la crédibilité de ses conclusions. À plusieurs reprises lors de son témoignage décortiquant chaque image soumise, M. L. imputait des actions à la prestataire que le Tribunal ne peut clairement pas confirmer. Si les gestes de la prestataire, observés sur la bande-vidéo et les captures d’écran semblaient d’une évidence limpide pour M. L., il n’en est certainement pas de même aux yeux du Tribunal. Le Tribunal conclut donc que la preuve vidéo ainsi que la preuve documentaire de capture d’écran de cette même bande-vidéo ne sont pas concluantes et ne permettent pas au Tribunal de déterminer sur la balance des probabilités que la prestataire s’est adonnée au stratagème frauduleux soulevé par l’appelante. Le Tribunal note également la très courte durée de l’enregistrement vidéo et le fait qu’elle écarte tout contexte ou circonstance pouvant avoir eu lieu autour lors du quart de travail de la prestataire. Par conséquent, le Tribunal accorde une force probante très limitée à ces éléments de preuve.

[113] Le Tribunal note tout de même qu’il lui est possible de constater certaines transactions affichant la mention «transfer». Il est donc raisonnable de croire que la prestataire a bel et bien procédé aux transferts de certains items. D’ailleurs, la prestataire n’a pas nié avoir fait des transferts à l’occasion en expliquant que c’était la façon de procéder lorsque par exemple des clients d’une même table demandent des factures séparées. Le Tribunal accepte l’explication de la prestataire comme plausible. Le Tribunal estime de plus que si la preuve vidéo démontre des transferts effectués par la prestataire, il n’est pas possible de percevoir la nature et le contexte de ces transferts ou s’ils ont été faits dans le cadre d’un quelconque stratagème allégué par l’appelante.  Le Tribunal estime qu’il ne peut tirer la conclusion claire que si la prestataire effectuait des transferts, c’est qu’elle le faisait frauduleusement et dans le but de voler l’employeur.

[114] En ce qui concerne la version de P. S. à propos des vols allégués, le Tribunal retient qu’il n’a pas lui-même été témoin d’aucune action en ce sens et il n’a que répété ce qui lui a été rapporté. Le Tribunal n’accorde donc pas de poids à son témoignage en ce qui a trait précisément à l’utilisation frauduleuse du système Maitre’D.

[115] D’autre part, P. S. soutient que la prestataire lui aurait avoué son vol lors d’un entretien seul à seul dans le bureau du X le 21 novembre 2014. La prestataire nie catégoriquement avoir fait cet aveu et précise que P. S. lui aurait tendu un papier et un crayon lui demandant d’écrire qu’elle l’avait volé. L’appelante fait valoir que la version de P. S. devrait être retenue par preuve circonstancielle et présomptive. Précisément elle fait valoir que la version de P. S. est plus crédible puisque le fait que la prestataire ait reçu papier et crayon suppose que cette dernière ait tout juste avoué son tort. Le Tribunal constate que l’employeur n’a pour seule preuve que sa propre déclaration qui est contredite par la déclaration de la prestataire. Le Tribunal est d’avis, tel que reconnu par l’appelante, qu’il est excessivement difficile de déterminer ce qui s’est vraiment passé lors de l’entretien privé entre P. S. et la prestataire et par le fait même d’établir si cette dernière a fait des aveux.

[116] Le Tribunal accepte l’admission par les parties du fait que P. S. ait tendu un papier et un crayon à la prestataire lors de leur échange dans le bureau du 21 novembre 2014, mais estime que ce fait n’établit en rien l’aveu de la prestataire. Le Tribunal estime que la version de la prestataire est tout aussi plausible que celle de P. S., soit que ce dernier a tenté de lui faire avouer sa fraude par écrit en lui présentant papier/crayon et en affirmant qu’il avait une preuve vidéo. De plus, le Tribunal accorde un poids significatif au témoignage de la prestataire. En effet, le Tribunal estime que la prestataire a maintenu la même version de faits au fil de ses nombreuses déclarations à la Commission et lors de son témoignage à l’audience. Elle a témoigné de façon convaincante avec logique, cohérence et sans apparence d’embellissement ou d’exagération. A l’opposé, le Tribunal estime que la crédibilité de P. S. soulève des doutes. Il a témoigné avec animosité, émotivité, s’emportant à répétition, coupant la parole et ne répondant pas toujours clairement aux questions ou en devant se référer à ses notes personnelles.

[117] Le Tribunal rejette donc la comparaison de la présente affaire avec PC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2014 TSSDGAE 82 puisque ce dossier fait état d’aveu sans équivoque de la part de l’employé qui a pris du matériel à son employeur, ce qui n’est pas du tout le cas dans le présent litige.

[118] L’appelante fait valoir le fait que le juge Cameron a décidé dans une cause civile de la Cour du Québec que la prestataire a commis une fraude de l’ordre de 8134.49$ et que la décision inclue une longue preuve du vol de la prestataire. La prestataire a fait remarquer que l’appelante avait soumis à la Cour du Québec une preuve documentaire extrêmement volumineuse, ce qui n’est pas le cas dans le présent dossier. L’appelante a d’ailleurs reconnu dans son argumentation avoir « pris la peine de déposer une preuve si complète au civil qu’il appert que la Cour a décidé que la dame avait fraudé ». Le Tribunal a pris connaissance et n’écarte pas le jugement de la Cour du Québec impliquant la prestataire. Cependant, avec égard, le Tribunal n’est lié aux conclusions de l’honorable juge Cameron ne jouissant pas de la même preuve. De plus, le jugement comme tel ne constitue pas une preuve en soit que la prestataire a commis ou non les gestes frauduleux reprochés. Bien que le jugement pourrait être convaincant, les faits établis à la Cour du Québec émanent d’une preuve dont le présent Tribunal ne dispose pas nécessairement et en ignore la tenure. Considérant cette distinction entre les preuves présentées, il est possible que le présent Tribunal n’arrive pas aux mêmes conclusions de fait. Le Tribunal accorde donc peu de poids au jugement de la Cour du Québec et n’en dégage pas d’inférence négative contre la prestataire.

[119] L’appelante invoque que la prestataire n’a fourni aucune explication valable pour expliquer les transactions frauduleuses qu’elle a faites ou le fait que les vols de l’établissement sont survenus uniquement lors des journées où elle était au travail. Le Tribunal rappelle que la prestataire n’a pas le fardeau de démontrer son absence d’inconduite. Outre donner sa version des faits et son explication à propos des transactions de transfert de table effectuées sur le système Maitre’D (ce qu’elle a fait et qui est accepté par le Tribunal), il serait déraisonnable et contraire à l’état du droit d’exiger qu’elle prouve ce qu’elle n’a pas commis.

[120] Le Tribunal accepte que l’appelante puisse avoir constaté des manques dans ses comptes du X en 2014, mais il lui appartient de prouver clairement que la prestataire a commis des gestes d’inconduite, indépendamment de son opinion à cet égard (Crichlow, A-562-97). Le Tribunal accepte de plus la preuve documentaire de l’appelante démontrant qu’à certaines occasions, des transactions ont été effectuées au nom d’un employé alors que cet employé ne travaillait pas (cartes de pointage, relevés de transactions, etc.). Ces éléments militent effectivement en faveur d’irrégularités se produisant chez l’employeur. Cependant, le Tribunal demeure insatisfait de l’aboutissement de ces preuves. Le Tribunal estime qu’au final, elles ne  démontrent pas par qui le stratagème aurait été perpétré.

[121] L’appelante soutient que le Tribunal devrait appliquer l’analyse du juge Cameron dans la décision de la Cour du Québec lorsqu’il conclut par preuve présomptive que la prestataire est responsable de toutes les transactions frauduleuses chez l’employeur pour un total de 8 134.49$. Le Tribunal note que dans son jugement, le juge Cameron affirme que « …si A. A. a fait l’une des transactions, ce qui a été observé directement, elle est la seule qui a pu toutes les faire et lorsqu’elle est absente, il n’y en a pas. » Or, une importante distinction doit être faite et résulte du fait que si le juge Cameron a observé directement (mon soulignement) une transaction frauduleuse lui permettant de présumer que les transactions subséquentes ont été effectuées par la prestataire, le présent Tribunal ne peut en affirmer autant. En effet, tel qu’énoncé plus haut, devant la preuve dont il dispose, le Tribunal n’a pas observé directement une transaction frauduleuse qui aurait été faite par la prestataire. Le Tribunal n’a ni observé de façon claire une transaction associée au stratagème de fraude soulevé par l’appelante, ni la prestataire s’approprier quelconque somme d’argent appartenant à son employeur. Par conséquent, en l’absence d’un premier événement de vol, il n’est pas nécessaire pour le Tribunal de traiter de façon présomptive la possibilité que la prestataire ait fait ou non l’ensemble des transactions qu’on lui reproche. Ainsi, le Tribunal accorde peu de force probante aux déclarations de T. S. puisque l’essentiel de son témoignage était à l’effet d’expliquer les façons de faire des employés, les systèmes informatiques de l’appelante et les processus du bureau-chef qui auraient permis de faire la lumière sur le stratagème reproché à la prestataire durant toute une année.

[122] Le Tribunal rappelle qu’étant donné les conséquences sérieuses qui y sont associées, une conclusion d’inconduite doit être fondée sur des éléments de preuve clairs et non sur de simples conjectures et hypothèses (Crichlow A-562-97). Les dispositions qui prévoient l’exclusion établissent des sanctions pénales (McLaughlin, A-244-94).

[123] Des accusations de fraudes et de vol sont de graves accusations et ne sont pas à prendre à la légère. Le Tribunal estime que celui qui désire en faire la démonstration doit fournir des preuves claires et convaincantes. De plus, puisque les dispositions relatives à l’inconduite constituent une exception à la règle générale selon laquelle les assurés qui se trouvent en chômage ont droit aux prestations, elles doivent être interprétées strictement (McLaughlin, A-244-94; Goulet, A-358-83).

[124] Sur la balance des probabilités et basé sur la totalité de la preuve présentée, le Tribunal est d’avis que l’employeur n’a pas réussi à établir que la prestataire a commis l’inconduite reprochée menant à son congédiement. Le Tribunal estime que la preuve de l’appelante  ne permet pas d’établir de façon convaincante la réelle conduite de la prestataire, ce qui est fondamental dans les cas d’inconduite (Meunier A-130-96; Joseph A-636-85). Le Tribunal ne peut donc conclure que cette dernière a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite au sens de la Loi. Ainsi, il n’y a pas lieu de lui imposer une exclusion en vertu des articles 29 et 30 de la Loi.

Conclusion

[125] L’appel est rejeté.

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi

30 (1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :

  1. (a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
  2. (b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

(2) L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.

(3) Dans les cas où l’événement à l’origine de l’exclusion survient au cours de sa période de prestations, l’exclusion du prestataire ne comprend pas les semaines de la période de prestations qui précèdent celle où survient l’événement.

(4) Malgré le paragraphe (6), l’exclusion est suspendue pendant les semaines pour lesquelles le prestataire a autrement droit à des prestations spéciales.

(5) Dans les cas où le prestataire qui a perdu ou quitté un emploi dans les circonstances visées au paragraphe (1) formule une demande initiale de prestations, les heures d’emploi assurable provenant de cet emploi ou de tout autre emploi qui précèdent la perte de cet emploi ou le départ volontaire et les heures d’emploi assurable dans tout emploi que le prestataire perd ou quitte par la suite, dans les mêmes circonstances, n’entrent pas en ligne de compte pour l’application de l’article 7 ou 7.1.

(6) Les heures d’emploi assurable dans un emploi que le prestataire perd ou quitte dans les circonstances visées au paragraphe (1) n’entrent pas en ligne de compte pour déterminer le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées, au titre du paragraphe 12(2), ou le taux de prestations, au titre de l’article 14.

(7) Sous réserve de l’alinéa (1)a), il demeure entendu qu’une exclusion peut être imposée pour une raison visée au paragraphe (1) même si l’emploi qui précède immédiatement la demande de prestations - qu’elle soit initiale ou non - n’est pas l’emploi perdu ou quitté au titre de ce paragraphe.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.