Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Motifs et décision

Aperçu

[1] Le prestataire, A. B., était la seule partie présente à l’audience.

[2] Le prestataire a présenté une demande initiale de prestations d’assurance‑emploi (AE) le 7 mars 2016. Cependant, la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (la « Commission ») l’a exclu du bénéfice des prestations au motif qu’il avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite. L’employeur avait avisé la Commission que le prestataire avait échoué à un test de dépistage de drogues et d’alcool le 1er mars 2016 et que, en conséquence, il avait été congédié. Le prestataire soutient que l’employeur savait, lorsqu’il l’a embauché, qu’il fumait de la marijuana et que cela n’est devenu un problème que lorsqu’il est retourné travailler après une période d’indemnisation pour accident de travail. Le prestataire affirme qu’on l’a pris pour cible, qu’il a été victime d’un coup monté pour faire en sorte qu’il échoue au test de dépistage et qu’on l’a congédié sans préavis.

[3] Le prestataire a demandé que la Commission réexamine sa décision, mais, le 22 juin 2016, la Commission a maintenu sa décision initiale. Le 6 juillet 2016, le prestataire a interjeté appel de la décision de réexamen devant le Tribunal de la sécurité sociale (le « Tribunal »).

[4] L’audience a été tenu par vidéoconférence pour les raisons suivantes : a) la crédibilité a pu être une question déterminante; b) le prestataire allait être la seule partie présente à l’audience; c) ce mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

[5] La membre devait décider s’il y avait lieu d’imposer une exclusion du bénéfice des prestations pour une période d’une durée indéterminée en application des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « Loi »). En bout de ligne, pour les motifs qui suivent, la membre a jugé que lorsqu’il a consciemment fumé de la marijuana, même si c’était pendant ses temps libres, le prestataire a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement au travail ni de ses obligations envers son employeur. Le prestataire était au courant de la politique de tolérance zéro de l’employeur, il savait qu’il lui faudrait passer un test de dépistage de drogues pour retourner au travail et, bien qu’il se soit abstenu de fumer de la marijuana durant sa suspension, il a quand même échoué au test. La membre a conclu que, selon la prépondérance des probabilités, le prestataire a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite.

Questions préliminaires

[6] La date d’une audience tenue par vidéoconférence avait initialement été fixée pour le 24 janvier 2017, mais, à la demande du prestataire, l’audience a été ajournée. Le prestataire a déclaré qu’il pouvait m’entendre, mais avec difficulté car sa prothèse auditive était brisée. Il a déclaré qu’il faudrait de six à huit semaines pour la faire réparer.

[7] L’audience a été reportée à la date convenue du 6 avril 2017, à 11 h pour autant que la même salle de vidéoconférence fût disponible. Le prestataire a confirmé que son adresse était la bonne, qu’il avait reçu le dossier et qu’il l’avait avec lui. On lui a demandé de l’apporter à la prochaine audience. Si sa prothèse auditive n’est pas réparée ou s’il y avait un retard dans la réparation, il devait communiquer avec le Tribunal. On lui a souligné qu’un second ajournement ne peut être accordé que dans des circonstances exceptionnelles. Il a bien compris cela.

[8] La salle de vidéoconférence n’était pas libre le 6 avril 2017, de sorte que la présente audience a été tenue le 13 avril 2017. Le prestataire a reçu l’avis d’audience (et accusé réception de cet avis) le 2 février 2017.

[9] Le 12 juillet 2017, le Tribunal a invité l’employeur à participer comme partie à cet appel, mais aucune réponse n’a été reçu de l’employeur (pièce GD5).

Preuve

[10] Le prestataire a présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploi à la suite de son congédiement survenu le 1er mars 2016.

[11] Le premier relevé d’emploi (RE) indique que le prestataire était absent du travail pour cause de maladie ou de blessure le 26 juin 2015 (pièce GD3‑15). Le second RE indique que le prestataire est retourné au travail le 28 septembre 2015 et qu’il a été congédié le 1er mars 2016 (pièce GD3‑16).

[12] Le 29 mars 2016, la Commission a déterminé que le prestataire avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite et lui a donc imposé une exclusion du bénéfice des prestations pour une période d’une durée indéterminée prenant effet le 6 mars 2016 (pièce GD3‑37).

[13] Le prestataire a demandé à la Commission de réexaminer sa décision. Après avoir examiné l’ensemble de la preuve exposée ci‑après, la Commission a maintenu que le prestataire avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite lorsqu’il a échoué à un test de dépistage de drogues, ayant ainsi enfreint la politique de l’employeur interdisant la consommation d’alcool et de drogues au lieu de travail (pièces GD3‑95 à GD3‑97).

Preuve de l’employeur

[14] La Commission a parlé à L. C. , des RH, qui a indiqué que le prestataire est revenu au travail après une période de six mois durant laquelle il touchait des indemnités pour accident du travail de la CAT et qu’il lui fallait alors se soumettre à un régime de tests aléatoires de dépistage de drogues. Elle a indiqué qu’il a été testé le 23 février 2016 et que l’analyse a produit des résultats positifs pour la présence de deux substances interdites. Il a alors été suspendu pour une semaine, avec l’avertissement qu’en cas de récidive il serait congédié. La représentante des RH a ensuite dit à la Commission que lorsque l’appelant est retourné au travail, le 1er mars 2016, il a de nouveau été soumis à un test dont les résultats sont revenus positifs, si bien qu’il a été congédié. Le comportement du prestataire ne s’était pas amélioré malgré plusieurs avertissements et suspensions. L’employeur a indiqué que, au moment de leur embauche, tous les employés sont mis au courant de la politique de tolérance zéro de l’employeur pour les drogues (pièces GD3‑17 et GD3‑18).

[15] À l’étape du réexamen de la décision, la représentante des RH a indiqué que le prestataire avait été testé le 23 février 2016 au motif que, le 22 février 2016, le prestataire avait tenu des propos obscènes et grossiers à l’endroit d’un autre employé. Elle a indiqué que l’employeur avait le droit d’administrer un test aléatoire de dépistage de drogues et d’alcool s’il y avait soupçon de consommation. Le prestataire a été testé lorsqu’il est retourné au travail après sa blessure, le 14 octobre 2015, et il a réussi ce test (résultats négatifs à la présence de substances). La représentante de l’employeur a déclaré qu’on avait donné bien des chances au prestataire car on avait conseillé à l’employeur de ne pas congédier le prestataire pendant qu’il était indemnisé au titre d’un programme de la CAT. Elle a déclaré que c’était le prestataire qui était mal poli et maltraitait les autres. Elle avait reçu plusieurs plaintes écrites émanant d’autres employés et de superviseurs concernant le comportement grossier et abusif du prestataire (pièces GD3‑57 et GD3‑58).

[16] L’employeur a produit la preuve documentaire suivante :

1er mars 2016

- Notes de réunion dans lesquelles L. C.  indique qu’elle a soumis à deux reprises le prestataire à un test de dépistage mais que les résultats n’ont pas été concluants. Elle a alors emmené le prestataire à Calgary afin qu’il soit soumis à un test de dépistage de drogues au laboratoire Dynamic Testing Solutions, et l’analyse a révélé un résultat positif à la présence de cocaïne et de THC (pièces GD3‑20 à GD3‑22).

22 et 23 février 2016

– Une déclaration écrite de témoin émanant d’un autre employé (R. S.) indique que, le 22 février 2016, le prestataire a eu un geste déplacé et tenu des propos grossiers à son endroit et a causé un risque en milieu de travail en tirant lentement un sac d’isolant qui était près de lui alors qu’il était en train d’utiliser une scie à bois (pièce GD3-29). Le 23 février 2016, l’employeur a administré un test de dépistage de drogues au prestataire. Le formulaire de test de dépistage de drogues de l’employeur indique que les résultats du test administré au prestataire n’étaient pas concluants pour la présence de THC et de cocaïne (pièce GD3-23). L’employeur a fait une note indiquant que le prestataire a dit qu’il avait pris deux ou trois bouffées de marijuana la veille. L’employeur a indiqué que les résultats du test sont « présumés positifs » (pièce GD3‑24). Le prestataire a signé un avertissement écrit concernant les résultats du test. Il a écopé d’une suspension de cinq jours sans solde. On lui a dit de revenir au travail le 1er mars 2016, qu’il ne devrait pas être sous l’effet de stupéfiants et qu’il devrait passer un test de dépistage de drogues dont les résultats devraient être négatifs, à défaut de quoi il serait congédié. L’employeur a consigné dans sa note que le prestataire avait admis avoir fait usage de marijuana la veille, mais pas de cocaïne (pièce GD3-27). Un rapport d’incident indique que le prestataire a été soumis deux fois à un test de dépistage, que les résultats des tests ont été présumés positifs, qu’il s’est plaint de harcèlement et qu’il a admis avoir fumé de la marijuana la veille au soir. Sur l’insistance de l’employeur, le prestataire a pris un taxi payé par l’employeur pour retourner chez lui. On lui a dit qu’il devrait se soumettre à un test de dépistage de drogues à son retour, le 1er mars 2016 (pièce GD3‑28).

11 février 2016

– Le prestataire a signé un avertissement écrit concernant de l’« insubordination » pour avoir dit des grossièretés à son superviseur. Le prestataire a été suspendu sans solde pour cinq jours jusqu’au 22 février 2016 (pièce GD3‑30). Dans une déclaration de témoin écrite émanant d’un autre employé (R. S.), il est indiqué que le prestataire lui a adressé des commentaires et des gestes sexuels explicites, que le prestataire est allé derrière son établi sortir un couteau d’un tiroir et que le prestataire a touché ses mains et d’autres parties de son corps (pièce GD3‑35).

21 janvier 2016

– Le prestataire a signé un avertissement écrit concernant sa rudesse (qui frôlait le harcèlement). Il a été suspendu pour un jour sans solde (pièce GD3‑31).

30 novembre 2015

– Le prestataire a signé un avertissement écrit concernant six retards qu’il avait eus en novembre. Il a déclaré que c’est la personne qui le conduisait au travail qui l’avait fait arriver en retard (pièce GD3‑32).

10 novembre 2015

– A été reçue la copie d’une note/d’un courriel (non signé et sans précision du destinataire) concernant la productivité du prestataire et son comportement envers le propriétaire de la compagnie. Il y est indiqué que le prestataire a dit au propriétaire [traduction] « Mettez‑moi sur la presse‑plieuse ou virez‑moi. » Il y est indiqué que le prestataire ne veut pas faire d’installation d’isolant. Le propriétaire lui a dit de commencer par augmenter sa productivité pour démontrer une amélioration, puis qu’il le réaffecterait ensuite à la presse‑plieuse. La note indique que le prestataire a [traduction] « carrément refusé, » qu’il avait une mauvaise attitude et qu’il nuisait au moral des employés à l’atelier; le prestataire a dit qu’il s’en fichait; son rendement au travail était d’un niveau inacceptable; il démontrait [traduction] « carrément de l’insubordination et un manque de respect. » (GD3‑34)

29 avril 2015

– Le prestataire a signé un avertissement écrit concernant des mots qu’il aurait criés à un autre employé, en contravention de la politique de l’entreprise selon laquelle un employé ne doit pas avoir de comportement belliqueux. L’employeur a noté que le prestataire a nié avoir crié des insultes (pièce GD3‑33).

Politique de l’employeur sur l’alcool et les drogues au lieu de travail

– La politique dit ceci : [traduction] « Il est interdit aux employés de se présenter au travail en ayant les facultés affaiblies par la consommation d’alcool ou de drogues ou par les effets consécutifs de cette consommation ». Les employés sont tenus de se présenter au travail en étant aptes à exécuter toutes leurs tâches régulières. La politique stipule qu’un employé sera congédié sur le champ si quelqu’un le voit en train de consommer de l’alcool ou de la drogue dans un lieu public, sur les terrains ou chantiers de l’employeur et/ou durant les heures de travail. [Traduction] « Les employés que l’on soupçonne soit d’être sous l’effet de la consommation d’alcool ou de drogues, soit de souffrir des effets consécutifs de cette consommation seront priés de quitter immédiatement le lieu de travail, et il ne leur sera pas permis d’y retourner tant que l’on aura pas jugé que les symptômes d’affaiblissement des facultés se seront dissipés, et ils devront alors se soumettre à un test de dépistage de drogues et d’alcool. Des arrangements seront pris pour que les employés dans cette situation soient transportés jusqu’à leur domicile. Les employés qui seront ainsi renvoyés chez eux seront traités de la même façon que ceux qui écopent d’une suspension sans solde. » (GD3‑25 et GD3‑26)

13 août 2015

– message texte du prestataire adressé à L. C. et indiquant qu’il a pris 15 livres depuis qu’il a arrêté de fumer du « pot » (pièce GD3‑63).

Réunions de sécurité de la période allant d’octobre 2013 à la semaine du 16 au 22 février 2016

– Notes de service de l’employeur à tous les employés pour leur rappeler qu’ils ne peuvent pas se présenter au travail avec une « gueule de bois » ou en étant sous l’effet de l’alcool ou de la drogue. Ils sont censés rester désintoxiqués et sobres le dimanche afin que cela ne nuise pas à leur travail le lundi (pièce GD3‑65). On leur a souligné l’importance de la politique de tolérance zéro à la drogue et à l’alcool et on leur a dit ceci [traduction] « Ce que vous faites durant vos temps libres vous concerne, mais si vous en apportez les effets au travail, ça nous concerne nous! Cessez votre consommation le dimanche. Les boys préfèreraient que vous vous absteniez carrément de consommer et considèrent que ce n’est pas un mode de vie sain. » (GD3‑71)  Le 30 juillet 2014, lorsqu’une odeur de marijuana a été remarquée dans l’atelier, l’employeur a rappelé à tous sa politique de tolérance zéro à la consommation ou possession d’alcool ou de drogues ainsi qu’aux facultés affaiblies au travail par cette consommation ou ses effets consécutifs (pièce GD3‑81). Ont été rappelés aux employés le comportement respectueux et courtois qu’ils doivent avoir les uns envers les autres, la politique des « trois chances » de l’employeur (pièces GD3‑93 et GD3‑94), la politique de tolérance zéro à la drogue et à l’alcool de l’employeur, la politique d’interdiction de toute forme (gestes ou commentaires) de violence, de harcèlement ou d’intimidation, ainsi que ce qui est jugé comme un comportement inacceptable au travail (pièce GD3‑88). La signature du prestataire atteste qu’il était présent à ces réunions (pièces GD3‑65 à GD3‑94).

Preuve du prestataire

[17] La Commission a aussi parlé au prestataire, qui a indiqué que depuis son retour au travail à la suite d’un accident lié au travail pour occuper un poste avec mesures d’adaptation, en septembre 2016, ses collègues de travail ont commencé à s’en prendre à lui. Le prestataire a réitéré les événements qui se sont produits concernant des lettres d’avertissement susmentionnées. Il a indiqué à la Commission qu’il avait le sentiment d’avoir été victime d’un coup monté et que quelqu’un avait percé sa bouteille d’eau pour y introduire de la cocaïne. Un collègue de travail, T., lui a dit [traduction] « Ha, ha! Je t’ai eu » et dans un message texte qu’il a reçu de ce même collègue, après avoir été congédié, il lui a écrit [traduction] « Ha, ha! Dernier jour ». Il a déclaré qu’il ne prenait pas de drogues, de sorte qu’il était impossible qu’il puisse être testé positif à la présence de drogues. Il a indiqué qu’il lui arrivait de fumer de la marijuana, mais que tous les autres qui travaillent ici font de même. Il a déclaré qu’il n’avait pas fait usage de marijuana entre le 23 février et le 1er mars 2016. Le test de dépistage auquel il a été soumis le 1er mars 2016 a révélé la présence des mêmes drogues qui se trouvaient dans son système, parce qu’elles y sont restées pendant 30 jours. Le prestataire a déclaré à la Commission que, lorsqu’il a été embauché, l’employeur lui a dit qu’il ne lui importait pas de savoir ce qu’il faisait durant ses temps libres, mais qu’il ne devrait pas se présenter au travail en étant sous l’influence de substances. Le prestataire a déclaré qu’il n’avait jamais fait cela (pièce GD3‑36).

[18] Le prestataire a demandé que la Commission réexamine sa décision. Il a fait valoir que l’employeur n’était pas honnête dans l’information qu’il avait fournie. Il a indiqué qu’il avait eu un accident de travail lors duquel ses doigts ont été sectionnés. Après s’être absenté du travail pendant six mois, il est progressivement retourné à un emploi à temps plein en janvier 2016 et a fini le programme de la CAT en février 2016. Au cours de ce mois, il a été suspendu trois fois pour des choses qu’il n’avait pas faites ou que d’autres avaient faites. On ne lui a jamais offert la possibilité de retourner à son emploi précédent à la presse‑plieuse, comme on le lui avait promis. Il pense qu’il a été victime d’un coup monté de la part d’autres employés. Il se demandait pourquoi il avait reçu des lettres de son employeur lui disant qu’il était un excellent employé une semaine, pour finir par se faire congédier la semaine suivante (pièce GD3‑41). 

[19] Dans sa lettre datée du 18 mai 2016, le prestataire a indiqué que, pendant qu’il accomplissait des tâches légères à un autre département de la compagnie, les autres employés lui en voulaient parce qu’il continuait d’être rémunéré au même salaire plus élevé. Il a indiqué qu’ils ont fait de fausses accusations et que d’autres employés qui étaient amis avec la personne des RH, L. C., l’ont maltraité, se sont moqués de lui en raison de sa déficience auditive, l’ont intimidé, lui ont crié après et l’ont insulté. Il a été suspendu une journée pour s’être moqué d’une autre employée, mais cette dernière n’a pas été suspendue pour l’avoir insulté. Il a aussi envoyé la preuve d’un autre employé, A. qui disait des choses terribles sur sa mère décédée (pièces GD3‑51 et GD3‑52).

[20] Il a produit la preuve documentaire suivante :

Un message texte daté du 11 mars 2016 (après son congédiement) émanant de T. qui dit : [traduction] « Dernier jour de paye. Ha, ha, ha! » (GD3‑43)

Messages textes datés du 12 mars 2016 (après son congédiement) provenant d’A. – le prestataire a indiqué qu’A. lui a offert de prendre du crack, mais qu’il n’en consomme pas, et il a indiqué qu’A. a fait des remarques diffamatoires au sujet de sa mère décédée (pièces GD3‑53 à GD3‑56).

Lettre de la CAT datée du 22 février 2016 au prestataire lui confirmant qu’il avait la permission de retourner à l’emploi à temps plein qu’il occupait avant son accident, soit celui d’opérateur de presse‑plieuse (pièce GD3‑44). Le prestataire a fourni une copie du « plan de retour au travail de la CAT » dans lequel il était censé reprendre son emploi d’opérateur de presse‑plieuse. Ce plan indique que son employeur voulait le ravoir peu importe ses restrictions car il était un employé apprécié (pièces GD3‑46 à GD3‑48).

Témoignage à l’audience

[21] Le prestataire a répété la majeure partie de ce qu’il avait dit dans ses lettres à la Commission (pièces GD3‑41 et GD3‑51) concernant les événements survenus au cours du dernier mois ayant précédé son congédiement, à savoir que les autres employés ne l’aimaient pas et qu’ils lui ont tendu un piège.

[22] Le prestataire a témoigné que L. C. leur avait dit, à peine un mois avant son congédiement, ainsi qu’elle l’a indiqué dans la pièce GD3‑71, que ce qu’ils faisaient durant leurs temps libres les concernait, mais de ne pas prendre de drogues le dimanche. Les « boys » désignent les deux propriétaires de la compagnie (M. et R.). Elle a mentionné cela parce que d’autres employés fumaient de la marijuana dans le stationnement; L. C. n’a cependant pas soumis les employés en question à un test de dépistage parce qu’ils étaient ses amis. Le prestataire a déclaré que L. C. est une « fumeuse de pot » et qu’ils en consommaient en sa compagnie. Le prestataire a déclaré qu’il fume du « pot » pour atténuer ses douleurs depuis 20 ans, si bien qu’il pense que L. C. tolérait qu’on en fume à la maison, pour autant qu’on en n’apporte pas les effets au travail. Le prestataire a déclaré qu’il n’avait jamais fumé au travail, et il jure qu’il ne s’est jamais présenté au travail avec les facultés affaiblies. Il a déclaré qu’on devrait mettre en doute la crédibilité de L. C. parce que dans ses déclarations à la Commission elle a nié avoir dit que c’était correct de fumer de la marijuana durant ses temps libres. Le prestataire a déclaré qu’il a porté cela à l’attention de la Commission. Il a déclaré que personne ne l’a cru lorsqu’il a dit que l’employeur leur avait dit plusieurs fois que [traduction] « ce que vous faites durant vos temps libres vous concerne », mais que maintenant la pièce GD3‑71 est la preuve de sa position/ses déclarations.

[23] Le prestataire a témoigné que L. C. a toujours su qu’il fumait de la marijuana. On lui a cité le message texte (pièce GD3‑62) qu’il avait envoyé à L. C. au sujet du poids qu’il avait pris depuis qu’il avait cessé de fumer du « pot ». Le prestataire a déclaré que L. C. lui avait dit d’arrêter de fumer en août 2016, pour qu’il n’y ait rien dans son système à son retour au travail, en octobre, parce qu’il serait soumis à un test de dépistage.

[24] Au sujet du test de dépistage administré le 23 février 2016, le prestataire a indiqué que le test de dépistage de l’employeur consistait en un prélèvement de salive et que les résultats de ce test n’avaient pas été concluants (pièce GD3‑23). Le prestataire a déclaré qu’il n’avait pas dit à l’employeur qu’il avait [traduction] « pris deux ou trois bouffées de marijuana la veille au soir » dans la pièce GD3‑24. Le prestataire a indiqué avoir dit qu’il avait fumé de la marijuana deux semaine auparavant. Le prestataire a déclaré que L. C. savait, lorsqu’elle l’a embauché, qu’il fumait de la marijuana et que cela lui était égal; tout le monde le savait, et on l’a quand même laissé travailler là.

[25] Concernant le dernier test de dépistage administré le 1er mars 2016 (pièces GD3‑21 et GD3‑22), le prestataire a confirmé qu’il a été soumis à un test de dépistage par l’employeur, puis à un autre chez Dynamic. Il a témoigné que l’employeur n’avait jamais envoyé quiconque se faire tester au laboratoire Dynamic, sauf lui. Après qu’on lui eut administré son test de dépistage chez Dynamic, on lui a demandé d’attendre dans la voiture; L. C. est restée à l’intérieur (dans les bureaux de Dynamic) 10 à 15 minutes, puis elle est revenue à la voiture et lui a dit qu’il avait été testé positif pour la présence de cocaïne et de marijuana. Il a indiqué avoir immédiatement nié avoir fait usage de cocaïne. Cela l’a vraiment dérangé et il s’est demandé comment il se pouvait qu’il ait un obtenu un résultat positif à la présence de cocaïne alors qu’il en avait jamais consommé. Le prestataire a déclaré que la seule chose qu’il consommait était de la marijuana, et ce depuis 30 ans.

[26] Au sujet des avertissements qu’il a reçus en lien avec des problèmes de comportement, le prestataire a témoigné que les plaintes et avertissements sont tous arrivés l’un après l’autre à l’initiative d’un groupe d’amis de L. C. (amis qu’elle avait débauchés d’une autre entreprise et qu’elle n’avait jamais soumis à des tests de dépistage de drogues). On a renvoyé le prestataire aux avertissements (pièces GD3‑29 à GD3‑35). Le prestataire a nié les allégations faites par d’autres employés; par exemple, il a nié avoir créé un risque de sécurité; il a déclaré qu’il lui fallait tirer des sacs lourds en les traînant sur le sol en raison de ses doigts sectionnés et parce que son collègue coupait du bois (pièce GD3‑29). Il a nié avoir insulté sa superviseure (pièce GD3‑30). Il a admis s’être moqué de S., l’amie de L. C., mais a ajouté que L. C. n’a pas suspendu S. ni son mari pour l’avoir insulté lui (pièce GD3‑31). Durant cette période, on n’arrêtait pas de le harceler et de lui imposer des suspensions; le 23 février 2016, il a été soumis à un test de dépistage de drogues. Le prestataire a déclaré qu’il a dit au propriétaire (pièce GD3‑34) de simplement le renvoyer pour qu’il puisse retourner à l’école (dans le cadre d’un programme de la CAT), puisqu’il ne voulait pas le réaffecter à son poste à la presse‑plieuse (à cause de ses doigts sectionnés), conformément à ce que prévoyait le plan de la CAT. Le propriétaire, toutefois, lui a dit [traduction] « Non, nous ne ferons pas ça. »

[27] Le prestataire a déclaré que l’employeur se cherchait une raison pour le congédier du fait que son accident coûtait beaucoup d’argent à la compagnie. Le prestataire a déclaré qu’il y avait 30 employés chez l’employeur et que seuls les mêmes cinq amis s’en prenaient à lui. Les autres employés lui ont dit de faire attention parce qu’[traduction] « ils sont en train de te piéger. »

[28] Le prestataire a témoigné qu’il était au courant de la politique de l’employeur concernant la consommation de drogues et d’alcool. Il a déclaré qu’il pensait qu’il serait susceptible d’être suspendu, mais pas congédié. L’employeur ne l’avait jamais soumis à un test de dépistage au cours des deux à trois années ayant précédé son accident, même s’il savait, lorsqu’il l’a embauché, qu’il fumait du « pot ». L’employeur n’a voulu le tester qu’après l’accident (après la demande d’indemnités à la CAT). On a demandé au prestataire s’il savait qu’il allait être congédié pour avoir fumer de la marijuana à la maison. Le prestataire a déclaré qu’avant l’accident il ne pensait pas qu’il serait congédié, du fait que l’employeur était au courant de sa consommation de marijuana à la maison. Après l’accident, cependant, il s’est fait dire qu’on voulait le congédier et lui causer des ennuis.

[29] Le prestataire a témoigné qu’on ne lui a pas non plus offert la possibilité des [traduction] « trois chances » que prévoit la politique de l’employeur. Il n’a été testé qu’une fois le 23 février 2016 et on ne lui a accordé qu’une semaine, jusqu’au 1er mars 2016, avant de le soumettre de nouveau à un test de dépistage, et il n’a eu qu’« une chance ». Le prestataire a déclaré qu’il s’avait qu’il lui faudrait se soumettre au test de dépistage à son retour au travail, à la suite de sa suspension, le 1er mars 2016, si bien qu’il n’avait rien fumé durant la semaine de sa suspension. L. C. savait que, même s’il n’avait rien fumé pendant qu’il était absent du travail, il n’était pas possible que le THC ait été complètement éliminé de son système parce qu’il faut 30 jours pour cela. Ils ne lui ont donné que sept jours pour que la marijuana soit éliminée de son système, ce qui est insensé. Le prestataire a témoigné que, contrairement à lui, un autre employé avait été testé trois fois; il avait été suspendu deux fois, puis congédié après l’échec au troisième test de dépistage.

[30] Ils voulaient le renvoyer parce qu’ils ne voulaient pas qu’il suive une nouvelle formation (dans le cadre d’un programme de la CAT), de sorte qu’ils cherchaient à le congédier. Ils ne voulaient pas qu’il améliore sa vie. Il devait composer avec des doigts sectionnés pour le reste de ses jours. À présent, il ne peut travailler qu’à temps partiel en raison de ses doigts sectionnés. Ce n’est pas son genre d’agir de la façon qu’a décrite l’employeur, et il a mentionné que ses employeurs passés et présents attesteraient de cela.

Observations

[31] Le prestataire a affirmé que l’information fournie par son employeur est fausse et montre que l’employeur s’est arrangé pour le faire échouer à un test de dépistage de drogues parce qu’il voulait le congédier après une coûteuse demande d’indemnisation à la CAT. Le prestataire a affirmé qu’il n’a jamais fait usage de cocaïne et qu’il a été faussement accusé et/ou qu’on lui a tendu un piège. Au moment de son embauche, l’employeur savait qu’il fumait de la marijuana et au cours des trois ans qui ont précédé son congédiement cela n’avait pas posé de problème. Le prestataire a déclaré qu’il était au courant de la politique de l’employeur de tolérance zéro à la consommation de drogues, mais que cette politique n’a pas été suivie et que, dans son cas, la politique des « trois chances » ne lui a pas été appliquée. La crédibilité de l’employeur (la crédibilité de L. C.) devrait être mise en doute compte tenu de la preuve documentaire (pièce GD3‑71) qui montre que l’employeur ne se souciait pas de ce que les employés faisaient chez eux.

[32] La Commission soutient que l’aveu de consommation de drogue du prestataire et la preuve de l’employeur (avertissements, suspension et réunions de sécurité) prouvent que le prestataire savait que ses actes volontaires et délibérés entraîneraient son congédiement, si bien que ses actions ont constitué une inconduite. La Commission soutient que l’employeur aurait pu congédier le prestataire à cause de problèmes de comportement au lieu de travail et d’assiduité pour lesquels il avait reçu des avertissements, mais qu’il ne l’a pas fait parce que le prestataire était sur un programme de retour progressif au travail de la CAT. Le prestataire a plutôt été congédié pour avoir échoué à un test de dépistage le 1 er mars 2016, à son retour au travail à la suite d’une suspension de cinq jours dont il avait écopé pour avoir échoué à un test de dépistage le 23 février 2016, et ce, en violation de la politique de tolérance zéro à l’alcool et aux drogues de l’employeur.

Analyse

[33] Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites en annexe de la présente décision.

[34] L’article 30 de la Loiprévoit une exclusion du bénéfice des prestations pour une durée indéterminée dans les cas où le prestataire est congédié en raison de sa propre inconduite. C’est à l’employeur et à la Commission qu’il incombe de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que le prestataire a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite (Larrivé, A‑473‑06; Falardeau, A‑396‑85).

[35] La membre fait valoir qu’il faut d’abord établir que les actions du prestataire ont été la cause de son congédiement (Luc Cartier, A‑168‑00; Brisette, A‑1342‑92). En l’espèce, l’employeur a indiqué à la Commission que, bien qu’il avait à plusieurs reprises servi des avertissements au prestataire relativement à son comportement et à d’autres problèmes, le prestataire a fini par être congédié le 1er mars 2016 au motif qu’il avait échoué à un test de dépistage de drogues en ayant reçu des résultats positifs à la présence de cocaïne et de marijuana (THC).

Le prestataire a t‑il commis l’infraction alléguée?

[36] La membre note que l’employeur avait donné des avertissements au prestataire en raison de problèmes comportementaux (propos obscènes, gestes grossiers, cris, insultes, ultimatum au propriétaire, productivité réduite) qu’il avait manifestés au cours des semaines ayant précédé son congédiement, mais que l’employeur ne l’avait pas congédié pour avoir enfreint les politiques du lieu de travail concernant de tels problèmes.

[37] L’employeur a indiqué à la Commission que, le 22 février 2016, un autre employé s’était plaint que le prestataire avait fait à son endroit des gestes et des commentaires grossiers et avait causé un risque de sécurité au travail. L’employeur a indiqué que, selon sa politique en milieu de travail, puisque le comportement du prestataire avait éveillé un soupçon de consommation de drogues, il a soumis le prestataire à un test de dépistage de drogues. Le formulaire du test de dépistage de drogues administré par l’employeur montre que les résultats du test pour le prestataire n’étaient pas concluants pour la présence de THC et de cocaïne (pièce GD3‑23). L’employeur a indiqué que, sur son formulaire, les résultats sont [traduction] « présumés positifs », si bien que le prestataire a été suspendu pour cinq jours et qu’on l’a averti qu’il devrait se soumettre à un autre test de dépistage de drogues à son retour au travail, le 1er mars 2016. La preuve indique que, le 1er mars 2016, le prestataire a été soumis à un test de dépistage au laboratoire Dynamic Testing Solutions et que ses résultats à ce test ont été positifs pour la présence de marijuana (THC) et de cocaïne (pièce GD3‑22). Le prestataire a été congédié parce qu’il a échoué au test de dépistage de drogues. La Commission a indiqué que le prestataire avait été congédié parce qu’il avait échoué au test de dépistage de drogues, ayant ainsi enfreint la politique de l’employeur sur la consommation d’alcool et de drogues au lieu de travail (pièce GD3‑95).

[38] Le prestataire, en revanche, nie avoir posé des gestes obscènes et avoir causé un risque de sécurité au lieu de travail, comme son collègue l’a allégué le 22 février 2016. Le prestataire nie également avoir avoué à l’employeur qu’il avait fumé de la marijuana dans la soirée, la veille du jour où l’employeur l’a soumis à un test de dépistage, le 23 février 2016 (pièce GD3‑24). Le prestataire a déclaré avoir dit alors à l’employeur qu’il avait fumé de la marijuana deux semaines auparavant. Le prestataire a toujours affirmé n’avoir jamais fait usage de cocaïne, de sorte qu’il est très contrarié par le résultat positif qu’a produit le test de dépistage. Le prestataire soutient qu’il a été victime d’un coup monté de la part de son employeur et/ou d’un collègue, affirmant que de la cocaïne a été introduite dans sa bouteille d’eau. Le prestataire a déclaré qu’il n’a jamais fumé au travail, et il jure qu’il ne s’est jamais présenté au travail avec les facultés affaiblies. Le prestataire a déclaré ne pas avoir fumé de marijuana pendant sa suspension de cinq jours ainsi que durant les deux semaines antérieures au 23 février 2016. Il a déclaré que, dans la mesure où il faut environ 30 jours à quelqu’un pour évacuer complètement les drogues de son système, le fait qu’on l’ait soumis à un test de dépistage à peine sept jours après signifie qu’on lui a tendu un piège pour qu’il échoue à ce test.

[39] La membre a aussi tenu compte de la politique de l’employeur concernant l’alcool et les drogues au lieu de travail. La membre note qu’il n’y a aucune preuve que le prestataire ait consommé de la drogue au travail et/ou durant les heures de travail, ce qui aurait entraîné un congédiement immédiat. La politique indique que les employés sont censés se présenter au travail en étant aptes à accomplir leurs tâches régulières. Toutefois, si l’employeur soupçonne qu’un employé est sous l’effet de substances ou qu’il souffre des effets consécutifs de la consommation d’alcool ou de drogues, il sera demandé à l’employé de quitter immédiatement le chantier et il ne sera pas autorisé à y retourner tant que les symptômes d’affaiblissement des facultés ne seront pas jugés comme s’étant dissipés, et l’employé devra ensuite se soumettre à un test de dépistage de drogues et d’alcool (pièces GD3‑25 et GD3‑26). 

[40] La membre estime qu’en l’espèce l’employeur soupçonnait que le prestataire avait pu être sous l’effet de drogues et/ou qu’il pouvait ressentir les effets consécutifs de la consommation de drogues le 22 février 2016. Bien que la politique stipule qu’il faut alors demander à l’employé de quitter immédiatement le chantier, l’employeur a soumis le prestataire à un test de dépistage le 23 février 2016 avant de l’envoyer chez lui. Bien que les résultats de ce test n’étaient pas concluants, ils ont été présumés positifs et le prestataire a été suspendu cinq jours. La membre fait observer qu’il ne s’agit pas, ici, de savoir si le prestataire avait ou non les facultés affaiblies le 23 février 2016 ni de savoir si l’employeur aurait dû ou non suspendre le prestataire cinq jours, puisque le prestataire n’a pas été congédié le 23 février 2016.

[41] La politique stipule ensuite qu’un employé ne doit pas être autorisé à retourner au travail avant qu’on ait jugé que les symptômes d’affaiblissement de ses facultés se sont dissipés, et qu’il doit se soumettre à un test de dépistage de drogues et d’alcool. La membre conclut que le prestataire a été congédié le 1er mars 2016, non pas parce qu’il pouvait ou non avoir montré des symptômes de facultés affaiblies, mais plutôt parce que les tests auxquels il a été soumis ce jour‑là à un laboratoire indépendant ont produit des résultats positifs pour la présence de cocaïne et de marijuana.

[42] La membre comprend que le prestataire, selon son témoignage, ne s’est jamais présenté au travail avec les facultés affaiblies et n’a jamais fumé de marijuana au travail. La membre reconnaît aussi que le prestataire a déclaré qu’il n’avait pas fumé de marijuana au cours de sa suspension de cinq jours, si bien qu’il n’avait pas les facultés affaiblies lorsqu’il est retourné travailler. La membre a tenu compte de la position du prestataire, qui dit qu’il a fumé de la marijuana deux semaines avant d’être soumis à un test de dépistage et que, comme il faut 30 jours pour que les substances soient entièrement éliminées de son système, cela expliquerait les résultats positifs à la présence de marijuana lors du test de dépistage. En outre, le prestataire a déclaré que les résultats positifs à la présence de cocaïne sont suspects parce qu’il affirme n’avoir jamais pris de cocaïne. Le prestataire a déclaré qu’il a été piégé par l’employeur et/ou un collègue qui a dû mettre de la cocaïne dans sa bouteille d’eau. À l’appui de ses soupçons, le prestataire a fourni les copies de messages textes émanant de collègues de travail pour montrer que ses collègues ne l’aimaient pas et qu’ils étaient ravis de le voir se faire congédier. Cette preuve (les messages textes), cependant, n’étaye pas de façon concluante l’explication que le prestataire a fournie concernant les résultats positifs à la présence de cocaïne. La membre a donc accordé plus de poids à la preuve documentaire produite par le laboratoire qu’à l’explication du prestataire et à ses spéculations infondées concernant les résultats positifs à la présence de drogue. La membre conclut que le prestataire avait des drogues dans son système et, par conséquent, a échoué au test de dépistage de drogues, violant ainsi la politique de l’employeur, ce qui a entraîné son congédiement. Quelle que soit l’explication donnée par le prestataire concernant les résultats positifs à la présence des deux drogues, il reste qu’il a été testé positif et que, par conséquent, aux termes de la politique de l’employeur, il ne pouvait pas être autorisé à retourner au travail le 1er mars 2016.

[43] La membre conclut donc que le prestataire a été congédié pour avoir enfreint la politique de l’employeur sur l’alcool et la drogue au travail, laquelle stipule que lorsqu’on soupçonne un employé d’avoir les facultés affaiblies par la drogue ou l’alcool, cet employé doit être soumis à un test de dépistage de drogues. La membre conclut que le prestataire a commis l’infraction alléguée d’avoir dans son système et de la marijuana et de la cocaïne, ce qui l’a fait échouer au test de dépistage de drogues, et que c’est la raison de son congédiement.

Les actions du prestataire constituent‑elles de l’inconduite?

[44] La membre reconnaît que le critère juridique à appliquer dans les affaires d’inconduite consiste à déterminer si l’acte reproché revêtait un caractère volontaire ou, du moins, s’il procédait d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement au travail (McKay‑Eden, A-402-96; Tucker A-381-85). En d’autres termes, il s’agit de déterminer si l’acte ayant entraîné le congédiement était conscient, délibéré ou intentionnel et si le prestataire aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié (Lassonde,A-213-09; Mishibinijima,A-85-06; Hastings, A-592-06).

[45] Dans cette affaire, la Commission soutient que les actions du prestataire ont constitué de l’inconduite et qu’elle a imposé à bon escient une exclusion d’une durée indéterminée du bénéfice des prestations. L’aveu de consommation de drogue du prestataire et la preuve de l’employeur (des avertissements, une suspension et la preuve de la présence du prestataire aux réunions de sécurité) montrent que le prestataire était conscient du fait que ses actions volontaires et délibérées, en l’occurrence sa consommation de drogues, le feraient échouer au test de dépistage et entraîneraient son congédiement.

[46] Le prestataire, en revanche, nie que ses gestes ont constitué une inconduite. Il ne conteste pas le fait qu’il était au courant de la politique de tolérance zéro de l’employeur et qu’il savait qu’il lui faudrait se soumettre à un test de dépistage de drogues pour retourner au travail le 1er mars 2016. En outre, le prestataire a déclaré et toujours admis qu’il fume de la marijuana les fins de semaine, et ce, depuis plusieurs années. Le prestataire affirme néanmoins qu’il n’a pas fumé de marijuana au cours des deux semaines ayant précédé sa suspension ainsi que pendant la semaine de sa suspension. D’autre part, il nie catégoriquement avoir jamais fait usage de cocaïne. Il a témoigné qu’au contraire, il s’est délibérément abstenu de fumer de la marijuana pendant sa suspension de cinq jours en sorte d’avoir des résultats négatifs au test de dépistage de drogues et donc de satisfaire aux exigences de la politique puis retourner au travail. Qui plus est, le prestataire affirme que son employeur était au courant du fait qu’il fumait de la marijuana lorsqu’il l’a embauché, qu’il le savait depuis trois ans et que cela ne lui causait pas de problème.

[47] Après avoir pris en considération les observations des parties, la preuve et la jurisprudence, la membre conclut, selon la prépondérance des probabilités, que le prestataire a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite. La membre conclut que le prestataire savait, ainsi qu’il l’a lui‑même admis, que l’employeur avait une politique de tolérance zéro à l’alcool et aux drogues et qu’il savait qu’il lui faudrait se soumettre à un test de dépistage de drogues avant de pouvoir retourner travailler. La membre conclut que le prestataire savait donc, ou aurait dû savoir, que sa conduite, c’est‑à‑dire la consommation volontaire et délibérée de drogues et son échec subséquent à un test de dépistage de drogues, l’empêchait d’exécuter ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié.

[48] La membre a tenu compte du témoignage du prestataire selon lequel, durant la semaine de sa suspension, il s’est consciemment abstenu de fumer de la marijuana, s’efforçant ainsi de se conformer à la politique. La membre a également pris en considération l’affirmation du prestataire selon laquelle, en dépit de son abstinence, on lui a tendu un piège pour qu’il échoue au test de dépistage parce que des traces de la drogue seraient encore présentes dans son système. La membre comprend que l’employeur savait que le prestataire fumait de la marijuana sur son temps personnel et qu’il n’avait jamais été soumis à un test de dépistage avant que l’on examine son cas de plus près, lors de son retour au travail à la suite de son accident de travail. La membre note que lorsqu’il a dû retourner au travail en octobre 2015, le prestataire a appris de L. C., au mois d’août, qu’il devrait passer un test de dépistage. Le prestataire a consciemment arrêté de fumer de la marijuana (pièce GD3‑63), a été soumis au test de dépistage puis est retourné travailler en vertu du programme prévu de retour progressif au travail. Le prestataire savait donc bien que s’il se remettait à fumer de la marijuana, même durant ses temps libres, il serait susceptible d’être soumis à un test de dépistage de drogues par son employeur. La membre estime que, même si l’employeur était au courant de la consommation de marijuana du prestataire, cela ne soustrait pas le prestataire de la responsabilité de ses actes délibérés, c’est‑à‑dire la poursuite de sa consommation de marijuana, ni ne le dispense de ses obligations envers son employeur.

[49] La conclusion de la membre est soutenue par la jurisprudence. La Cour d’appel fédérale a statué que lorsqu’un prestataire, par ses propres gestes, fait en sorte qu’il n’est plus en mesure de s’acquitter des fonctions qui lui incombent en vertu du contrat d’emploi et que, de ce fait, il perd son emploi, il « ne peut faire assumer par d’autres le risque de son chômage, pas plus que celui qui quitte son emploi volontairement. » (Wasylka, 2004 CAF 219; Lavallée, 2003 CAF 255; Brissette, A‑1342‑92) Dans cette affaire, le prestataire a indiqué qu’il savait qu’il était dans la mire de l’employeur et qu’il serait susceptible d’être soumis n’importe quand à un test de dépistage. Pourtant, le prestataire a continué de fumer de la marijuana, a échoué au test et s’est ainsi retrouvé dans l’incapacité de retourner au travail et d’exécuter les obligations professionnelles qu’il avait envers son employeur.

[50] La membre a aussi tenu compte de la position catégorique du prestataire selon laquelle, malgré la politique de tolérance zéro de l’employeur, ce dernier lui avait dit plusieurs fois que ce que les employés font durant leurs temps libres ne lui importait pas. La membre note que les comptes rendus de réunion fournis par l’employeur indiquent bel et bien qu’il a été dit aux employés [traduction] « Ce que vous faites durant vos temps libres vous concerne, mais si vous en apportez les effets ou le faites au travail, cela concerne la compagnie. Cessez votre consommation le dimanche; les « boys » préféreraient que vous vous absteniez carrément de consommer, car ce n’est pas un mode de vie sain » (pièce GD3‑71). La membre note toutefois que l’on a souvent rappelé aux employés l’importance de la politique de tolérance zéro aux drogues et à l’alcool et de rester désintoxiqué et sobre le dimanche afin que cela ne nuise pas à leur travail (pièce GD3‑65). Le prestataire a interprété cela comme signifiant que, du moment qu’il n’apportait pas les effets de sa consommation au travail ou qu’il ne faisait pas usage de drogues au travail, ce qu’il n’a pas fait, cela était égal à l’employeur ce qu’il faisait durant son temps personnel. La membre convient que rien ne prouve que le prestataire ait apporté ou consommé de la drogue au travail, et il n’a pas été congédié pour cette raison. De plus, il ressort clairement de la preuve que l’employeur était bien au courant de la consommation de drogues et d’alcool de ses employés à l’intérieur comme à l’extérieur des locaux de l’entreprise. La membre ne souscrit toutefois pas à la thèse du prestataire, estimant que ce n’est pas parce que l’employeur a dit aux employés qu’ils pouvaient faire ce qu’ils veulent durant leurs temps libres que l’employeur approuve leur comportement ou que sa politique de tolérance zéro ne s’applique pas au travail. En fait, l’employeur a plusieurs fois informé ses employés, y compris le prestataire, de ses attentes, c’est‑à‑dire la tolérance zéro au travail. La membre n’est pas non plus d’accord avec la position du prestataire, estimant que ce n’est pas parce que L. C. était au courant de sa consommation de marijuana et qu’elle l’avait dit lors des réunions de sécurité que cela discrédite son témoignage ou que cela implique qu’elle a menti à la Commission. Là encore, le fait que l’employeur était au courant de la consommation de marijuana du prestataire n’exonère pas le prestataire de sa décision consciente de fumer de la marijuana ni ne le libère de ses responsabilités envers son employeur.

[51] Finalement, la membre a pris en considération le témoignage du prestataire selon lequel il ne s’attendait pas à être congédié après avoir échoué au test de dépistage une seule fois. Le prestataire a fait remarquer que dans son cas, l’employeur n’a pas appliqué sa politique déclarée des « trois chances ». On lui a réservé un traitement différent et l’employeur voulait juste le renvoyer. La membre reconnaît que bien que le prestataire se soit fait plusieurs fois avertir au sujet de ses violations des exigences de la politique concernant la conduite des employés, l’employeur n’a pas suivi sa politique des « trois chances » dans le cas du prestataire (pièce GD3‑93). Le fait que l’employeur ait décidé de congédier immédiatement le prestataire sans lui accorder d’autres occasions de se soumettre à un test de dépistage de drogues est une décision qui appartient à l’employeur. Le Tribunal n’a pas compétence pour se prononcer sur le caractère approprié des sanctions prises par l’employeur, pas plus qu’il ne peut commenter la manière de procéder ou le comportement de l’employeur. La question n’est pas de savoir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en congédiant le prestataire de sorte que ce congédiement serait injustifié, mais bien de savoir si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si celle‑ci a entraîné la perte de son emploi (McNamara, 2007 CAF 107; Fleming, 2006 CAF 16). La conduite de l’employeur n’est pas une considération pertinente pour l’application de l’article 30 de la Loi(Paradis, 2016 CF 1282).

[52] La membre conclut que, bien que son congédiement immédiat ait pu lui causer une surprise, le prestataire était au courant, ainsi qu’il l’a déclaré, de la politique de tolérance zéro de l’employeur concernant les drogues et l’alcool. Le prestataire avait réussi (résultats négatifs) le test de dépistage de drogues qui lui avait été administré en octobre 2015 après qu’il se fût abstenu de consommer toute drogue ou de l’alcool pendant au moins un mois avant son retour au travail, à la suite de son accident. La membre conclut que lorsqu’il a échoué au test de dépistage de drogues auquel il a été soumis le 1er mars 2016, le prestataire avait consciemment fait usage de drogues et avait donc volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement au travail. Bien qu’il n’ait pas reçu le nombre d’avertissements auquel il s’attendait, le prestataire aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié.

[53] La membre conclut donc, selon la prépondérance des probabilités, que le prestataire a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite. Le prestataire doit donc être exclus du bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi aux termes des articles 29 et 30 de la Loi.

Conclusion

[54] L’appel est rejeté.

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance‑emploi

L’article 29 stipule ce qui suit :

Pour l’application des articles 30 à 33 :

  1. a) emploi s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
  2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;

[…]

Le paragraphe 30(1) stipule qu’un prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :

  1. a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
  2. b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

Le paragraphe 30(2) stipule que l’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence et qu’il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.

Le paragraphe 30(3) stipule que, dans les cas où l’événement à l’origine de l’exclusion survient au cours de sa période de prestations, l’exclusion du prestataire ne comprend pas les semaines de la période de prestations qui précède celle où survient l’événement.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.