Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision



Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Introduction

[2] En date du 20 janvier 2017, la division générale du Tribunal a conclu que l’appelante avait quitté volontairement son emploi sans motif valable aux termes des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi).

[3] L’appelante est réputée avoir déposé une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel en date du 15 février 2017. La permission d’en appeler a été accordée le 29 mars 2017.

Mode d'audience

[4] Le Tribunal a déterminé que l’audience relative à cet appel serait instruite par téléconférence pour les raisons suivantes :

  • la complexité de la ou des questions en litige;
  • la crédibilité des parties ne figurait pas au nombre des questions principales;
  • le caractère économique et opportun du mode d’audience;
  • la nécessité de procéder de la façon la plus informelle et rapide possible tout en respectant les règles de justice naturelle.

[5] L’appelante et son représentant, Yvon Bousquet, ont assisté à l’audience. Annick Dumoulin a représenté l’intimée.

Droit applicable

[6] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige

[7] Le Tribunal doit décider si la division générale a erré en concluant que l’appelante avait quitté volontairement son emploi sans justification aux termes des articles 29 et 30 de la Loi.

Observations

[8] L’appelante soumet les motifs suivants à l’appui de son appel :

  • La division générale a erré en concluant que l’appelante n’était pas dans l’incapacité de travailler selon la preuve médicale abondante au dossier.
  • La division générale a mal interprété le sous-alinéa 29c)(iv) de la Loi. Il s’agit d’une interprétation réductrice et contraire à la nature sociale de la Loi et de la jurisprudence.
  • L’appelante a pris la décision de quitter son emploi après la consultation et la recommandation de son médecin.
  • La crédibilité de l’appelante n’a jamais été mise en doute par la division générale, et les certificats médicaux confirment l’état physique au poignet, les troubles d’adaptation et l’humeur anxieuse de l’appelante.
  • Même sans certificat médical, il est encore loisible à la division générale de conclure qu’une personne avait un motif valable fondé sur l’état de santé pour quitter son emploi.
  • Rien dans la Loi n’oblige un travailleur à donner un motif à l’employeur pour démissionner. Cela n’existe pas dans les autres lois traitant d’un contrat employeur/employé.
  • Au moment des faits, l’appelante, qui occupait un poste de remplacement temporaire, ne touchait ni des prestations de maladie ni des prestations régulières. Celle-ci était encore rémunérée par son ancien employeur. Elle n’avait pas l’obligation de rechercher un emploi.
  • L’appelante devait réussir une formation de 10 jours pour obtenir l’emploi, et sa situation ne se compare aucunement à celle d’une employée permanente.
  • Elle n’a pas bénéficié d’une audience juste et équitable, car le membre de la division générale dirigeait continuellement son questionnement vers le même sujet en coupant la parole au représentant.

[9] L’intimée présente les motifs suivants à l’encontre de l’appel de l’appelante :

  • La division générale n’a pas commis une erreur de droit ou de fait, et elle a correctement exercé sa compétence.
  • La division générale avait à se prononcer sur une question d’appréciation des faits. Or, la division générale est celle qui est le mieux placée pour évaluer la preuve et la crédibilité, et la division d’appel ne peut substituer son opinion à la sienne, à moins que l’ensemble de la preuve ne pouvait raisonnablement lui permettre d’en arriver à la décision prise.
  • L’appelante n’avait aucune raison justifiant son départ des Résidences Soleil. Le fait qu’elle était en probation pour 10 jours et qu’elle se soit blessée après 3 jours ne peut servir de justification à l’effet que son employeur n’aurait pas accepté un congé de maladie. On ne fait que présumer des choses. Elle aurait dû en parler à son employeur et voir avec lui si un congé de maladie était possible dans sa condition et vu que sa probation n’était pas terminée au lieu de conclure ce que son employeur aurait fait. C’était à l’employeur de prendre la décision et non de présumer ce qui aurait pu se passer.
  • L’appelante n’a pas démontré que ses conditions de travail étaient si intolérables qu’elles ne lui laissaient d’autre choix que de démissionner, et ce, sans avoir entrepris certaines démarches pour régler sa situation. Il faut faire la distinction entre un motif valable et la justification au sens de la Loi.
  • Quitter son emploi n’était pas la seule solution raisonnable qui s’offrait à l’appelante. Elle aurait pu aviser son employeur de la situation et demander un congé de maladie au lieu de présumer que son employeur n’aurait pas accepté sa situation.
  • La décision de la division générale est conforme à la législation ainsi qu’à la jurisprudence en la matière et elle est raisonnablement compatible avec les faits au dossier.

Normes de contrôle

[10] L’appelante n’a fait aucune observation quant à la norme de contrôle applicable.

[11] L’intimée soutient que la norme de contrôle applicable aux questions de droit est celle de la décision correcte et que la norme de contrôle applicable aux questions mixtes de fait et de droit est celle de la décision raisonnable : Pathmanathan c. Bureau du juge-arbitre, 2015 CAF 50.

[12] Le Tribunal constate que la Cour d’appel fédérale, dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Jean, 2015 CAF 242, mentionne au paragraphe 19 de sa décision que, lorsque la division d’appel « agit à titre de tribunaladministratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale, la Division d’appel n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieure ».

[13] La Cour d’appel fédérale poursuit en soulignant que :

Non seulement la Division d’appel a-t-elle autant d’expertise que la
Division générale du Tribunal de la sécurité sociale et [qu’elle] n’est […] donc pas tenue de faire preuve de déférence, mais au surplus un tribunal administratif d’appel ne saurait exercer un pouvoir de contrôle et de surveillance réservé aux cours supérieures provinciales ou, pour les « offices fédéraux », à la Cour fédérale et à la Cour d’appel fédérale.

[14] La Cour d’appel fédérale termine en soulignant que « [l]orsqu’elle entend des appels conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, la Division d’appel n’a d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de cette loi ».

[15] Le mandat de la division d’appel du Tribunal décrit dans l’arrêt Jean a par la suite été confirmé par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Maunder c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 274.

[16] En conséquence, à moins que la division générale n’ait pas observé un principe de justice naturelle, qu’elle ait commis une erreur de droit ou qu’elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l’appel.

Analyse

Audience juste et équitable

[17] L’appelante soutient qu’elle n’a pas bénéficié d’une audience juste et équitable devant la division générale, puisque le membre dirigeait continuellement son questionnement vers le même sujet en coupant la parole à son représentant.

[18] Une audition équitable présuppose un préavis adéquat de l’audience, la possibilité d’être entendu, le droit de savoir ce qui est allégué contre la partie et la possibilité de répondre à ces allégations.

[19] Le Tribunal a écouté attentivement l’enregistrement de l’audience devant la division générale. Le Tribunal est d’avis que le membre de la division générale a permis à l’appelante de présenter sa position et qu’il lui a amplement donné l’occasion de répondre aux allégations de l’intimée. Le membre de la division générale a exercé son rôle de juge des faits en demeurant courtois et respectueux envers l’appelante et son représentant. Rien ne démontre que le membre a agi de façon impartiale envers l’appelante.

[20] Pour les motifs susmentionnés, ce moyen d’appel est rejeté.

Départ volontaire

[21] L’appelante soutient que la division générale a erré en concluant que l’appelante n’était pas dans l’incapacité de travailler selon la preuve médicale abondante au dossier. Elle a décidé de quitter son poste de remplacement temporaire après la consultation et la recommandation de son médecin. Elle fait valoir que les certificats médicaux confirment l’état physique de son poignet, ses troubles d’adaptation et son humeur anxieuse. Elle fait valoir qu’elle avait un motif valable de quitter son emploi et que la division générale a erré dans son interprétation du sous-alinéa 29c)(iv) de la Loi.

[22] L’appelante occupait un poste de technicienne à la paie, et, selon l’employeur, il s’agissait d’un poste de remplacement à temps plein, mais de durée indéterminée d’au moins neuf (9) mois. L’appelante fait valoir cependant qu’elle était toujours en période de probation lorsqu’elle a quitté son poste après 3 jours. Il était possible que le poste de l’appelante devienne permanent dans l’éventualité où la personne remplacée ne pouvait reprendre son travail après son congé de maladie.

[23] En ce qui concerne la question de l’emploi, il est clair, d’après la preuve au dossier, que l’appelante était employée par Les Résidences Soleil et qu’il existait une relation employeur/employée. Elle était donc dans un état d’employée au sens du paragraphe 2(1) de la Loi.

[24] La seule question sur laquelle devait véritablement statuer la division générale était de savoir si l’appelante avait quitté volontairement son emploi conformément aux articles 29 et 30 de la Loi. La division générale a conclu que l’appelante avait quitté volontairement son emploi et qu’elle aurait pu recourir à d’autres solutions raisonnables.

[25] Il ressort de la preuve présentée à la division générale, et ceci n’est pas contesté, que c’est l’appelante, et non l’employeur, qui a initié la perte de l’emploi. Après consultation avec son médecin, l’appelante a pris la décision de démissionner de son poste.

[26] La Cour d’appel fédérale a établi qu’un prestataire qui prétend avoir quitté son emploi pour des raisons de santé doit fournir une preuve médicale objective qui non seulement atteste le problème de santé, mais aussi démontre que le prestataire a été forcé de quitter son emploi pour cette raison, démontrer qu’il a tenté d’en arriver à une entente avec l’employeur pour répondre à ses besoins de santé particuliers, et prouver qu’il a cherché un autre emploi avant de quitter celui qu’il occupait (Sa Majesté la Reine c. Dietrich, CAF, A-640-93).

[27] Le Tribunal est d’avis que la preuve médicale de l’appelante, bien qu’abondante, ne démontre pas qu’elle a été forcée de quitter son emploi pour des raisons de santé. Elle démontre plutôt qu’il était loisible pour elle, compte tenu de sa condition, de prendre une période d’inactivité ou de congé autorisé.

[28] De plus, la preuve non contestée présentée à la division générale démontre clairement que l’appelante n’a pas discuté de ses problèmes de santé avec son employeur avant de démissionner. Même si le Tribunal accepte l’argument de l’appelante selon lequel il était possible pour la division générale de conclure, à certaines conditions, que l’appelante était justifiée de quitter son emploi en raison de son état de santé, malgré l’absence de certificat médical, cette obligation de discuter au préalable avec son employeur demeure.

[29] Comme il a été souligné par la division générale, l’appelante ne pouvait présumer, comme elle l’a fait, que son employeur n’accepterait pas de lui donner un congé autorisé en raison de son état de santé. Rien dans la preuve ne démontre que l’employeur aurait refusé de trouver des solutions qui auraient permis à l’appelante de conserver son emploi.

[30] Pour les motifs susmentionnés, le Tribunal conclut qu’aucun élément de preuve ne permet d’étayer les moyens d’appel invoqués par l’appelante ou tout autre moyen d’appel possible. Il appartenait à la division générale de rendre la décision qu’elle a rendue, et celle-ci est conforme à la loi et à la jurisprudence établie.

Conclusion

[31] L’appel est rejeté.

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