Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le 20 novembre 2016, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (division générale) a examiné un appel de la décision découlant de la révision de la Commission d’assurance-emploi du Canada (Commission ou intimée) rendue le 14 septembre 2016. La décision découlant de la révision avait infirmé l’avis de violation, mais elle avait confirmé la décision rendue par l’intimée le 27 juin 2016 d’imposer une pénalité après avoir conclu que l’appelant avait sciemment omis de déclarer des gains pour une période durant laquelle il touchait des prestations de maladie de l’assurance-emploi.

[2] La division générale a maintenant la décision découlant de la révision de la Commission.

[3] L’appelant a demandé la permission d’en appeler relativement à la décision rendue par la division générale le 20 mars 2017, et la division d’appel a accordé la permission d’en appeler dans sa décision datée du 30 mars 2017.

[4] L’appel a été instruit sur la foi du dossier pour les raisons suivantes :

  1. le membre du Tribunal a conclu qu’il n’est pas nécessaire de tenir une nouvelle audience;
  2. le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale prévoit que l’appel doit être instruit de la manière la plus formelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle le permettent;
  3. le dossier contient suffisamment de renseignements pour qu’une décision puisse être rendue.

Question en litige

[5] L’appelant a soulevé un certain nombre de questions dans la demande de permission d’en appeler. L’une des questions qu’il a soulevées était que la division générale avait omis d’observer un principe de justice naturelle : au cours de l’audience par téléconférence devant la division générale, l’appelant a perdu la connexion à l’audience sur son téléphone cellulaire. La division générale a instruit l’appel en l’absence de l’appelant et il a rendu une décision fondée sur la preuve déjà versée au dossier. Essentiellement, l’appelant prétend qu’il a été privé de son droit d’être entendu.

Droit applicable

[6] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur les MEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier:
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Analyse

[7] L’appelant prétend avoir rappelé de 5 à 10 minutes après avoir perdu la connexion avec la téléconférence devant la division générale et qu’on l’a informé que l’administrateur n’était pas en ligne. Il déclare également avoir laissé un message, mais qu’on ne l’a pas rappelé. Il ne précise pas la personne à qui il a laissé un message ou la question de savoir s’il a parlé à une vraie personne ou s’il a laissé un message vocal.

[8] Il n’existe aucune note de registre téléphonique concernant une demande d’appel ayant été reçue à la suite de la déconnexion. L’entrée suivante au registre téléphonique est datée du 20 janvier 2017. Dans le cadre de cet appel, l’appelante demande une mise à jour sur l’état de la décision.

[9] Il n’a pas été consigné que l’appelant a soulevé une préoccupation concernant le fait qu’il avait été déconnecté de l’audience par téléconférence.

[10] La division générale n’a pas tenu compte du fait que l’appelant aurait pu être déconnecté. Selon la décision, l’appelant [traduction] « a raccroché », et la division générale a été de l’avant en terminant l’audience sur la foi des documents présentés.

[11] Voici la décision de la division générale :

[traduction]

L’appelant s’est joint à l’appel par téléconférence et, après une courte diatribe sur le gouvernement, il est devenu fâché lorsqu’il a discuté de GE 16-2602, une question de départ volontaire, plus particulièrement CUB 38804.

Il a déclaré ce qui suit : [traduction] « Je sais où ça s’en va, envoyez-moi votre décision et j’interjetterai appel à l’échelon supérieur.[»] Il a refusé de discuter de la question de la présentation erronée, de la question figurant dans ce dossier et il s’est déconnecté de l’appel.

[12] Au-delà du commentaire ci-dessus, la division générale n’a pas divulgué le fondement selon lequel elle croyait que l’appelant avait raccroché, et non [traduction] « perdu » la ligne ou la connexion.

[13] Le Tribunal souligne que la Commission n’a pas participé à l’audience et qu’il n’existe aucun enregistrement de l’audience.

[14]  En ce qui concerne l’intention de l’appelant, peu d’éléments dans la décision de la division générale permettent de faire la distinction entre l’interprétation et les observations. Par exemple, le Tribunal ne peut pas savoir si l’appelant a explicitement déclaré qu’il refusait de discuter d’une question ou si la division générale en a conclu ainsi en raison de la conduite de l’appelant. En l’absence d’un enregistrement, le Tribunal ne peut pas déterminer si la division générale a été raisonnable en concluant, selon son évaluation de l’état émotif de l’appelant et de ses commentaires, que l’appelant s’était intentionnellement déconnecté de l’appel.

[15] Dans ses observations, l’intimée a souligné que l’appelant avait raccroché la ligne lors d’une conversation avec un employé de la Commission lors d’un incident antérieur, ce qui donnerait à penser que, si l’appelant avait raccroché la ligne lors d’une conversation avec la Commission dans le passé, il était plus susceptible d’avoir également raccroché pendant l’audience par téléconférence.

[16] Le relevé de l’appel téléphonique auquel l’intimée fait allusion ne permet pas non plus d’établir le fondement sur lequel la Commission croit que l’appelant a raccroché.

[17] Le fait qu’il y a eu une déconnexion à l’audience par téléconférence à cette occasion et qu’il y a avait eu une perte de connexion à une occasion antérieure chez la Commission n’établit pas une tendance permettant au Tribunal de conclure que l’appelant s’est délibérément retiré de l’audience par téléconférence le 20 novembre 2016 ou qu’il a autrement renoncé à son droit à une audience.

[18] L’appelant est la seule partie qui est en position de savoir ce qui s’est réellement produit à la fin de l’appel de l’appelant et s’il s’est intentionnellement retiré de l’audience ou s’il a perdu la connexion de manière non intentionnelle. L’appelant a clairement déclaré que son téléphone cellulaire avait perdu la réception et qu’il a tenté de se reconnecter.

[19] Même si la division générale a conclu que l’appelant avait raccroché en raison de sa conduite, la décision n’est pas suffisamment détaillée pour convaincre le Tribunal que la conclusion était bien fondée.

[20] Le Tribunal est conscient qu’il n’existe aucune preuve permettant de corroborer la déclaration de l’appelant selon laquelle il a tenté de se reconnecter à l’audience ou selon laquelle il a parlé à une personne ou laissé un message à une personne au sein du Tribunal de la sécurité sociale peu de temps après cet incident à l’audience. S’il existait un relevé de cette tentative, elle appuierait certainement la déclaration de l’appelant selon laquelle il n’avait pas l’intention de se déconnecter pendant l’audience. Cependant, l’absence de cette preuve n’est pas un facteur déterminant.

[21] À la lumière de la preuve directe et non contredite de l’appelant selon laquelle son [traduction] « téléphone cellulaire a perdu la réception », le Tribunal convient que l’appelant n’avait pas l’intention de perdre la connexion pendant l’audience.

[22] La division générale a déclaré qu’il n’y avait aucune autre solution que celle de prendre une décision fondée sur les renseignements versés au dossier. En tout respect, le Tribunal n’est pas d’accord. La division générale pourrait avoir eu l’impression que l’appelant ne souhaitait pas participer à l’audience, mais le droit de justice naturelle d’être entendu est d’une importance si fondamentale que la division générale aurait dû au moins faire un certain effort pour confirmer que son impression était exacte. On aurait pu faire l’effort de rétablir la connexion avec l’appelante, ou l’audience aurait pu être ajournée ou prévoir une prorogation. Rien ne démontre que ces efforts ont été déployés.

[23] Bien qu’aucun mode d’audience particulier ne soit nécessairement exigé pour satisfaire à l’exigence de justice naturelle selon laquelle l’appelant doit se faire offrir l’occasion d’être entendu, on a fait comprendre à l’appelant qu’il aurait une audience par téléconférence, et une audience par téléconférence avait commencé. L’appelant aurait bien pu avoir une preuve pertinente ou un argument supplémentaire qu’il n’avait pas encore présenté et qu’il avait prévu présenter de vive voix. Lorsque la division générale a complété l’appel sur la seule foi de la brève comparution de l’appelant et des renseignements versés au dossier, cette occasion a été perdue.

[24] Le Tribunal estime que la division générale a privé l’appelant de l’occasion d’être entendu en complétant l’appel et en rendant une décision sans d’abord confirmer que l’appelant s’était bel et bien retiré intentionnellement du processus par téléconférence.

[25] Après avoir conclu que la division générale a enfreint le droit d’être entendu prévu par la justice naturelle, il n’est pas nécessaire d’examiner s’il existe une justification supplémentaire pour accueillir l’appel.

Conclusion

[26] L’appel est accueilli. L’affaire est renvoyée à la division générale en vue d’une nouvelle audience et d’une nouvelle décision.

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