Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Décision

[1] Le Tribunal de la sécurité sociale du Canada accueille la permission d’en appeler devant la division d’appel du Tribunal (référée ici par « Tribunal »).

Introduction

[2] Le 29 novembre 2016, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale (division générale) détermina que la Commission avait appliqué correctement les dispositions de l’alinéa 18(1)a) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi) qui rend une prestataire inadmissible au bénéfice des prestations pour tout jour ouvrable pour lesquels elle ne peut prouver sa disponibilité à travailler, ainsi que de l’article 37 de la Loi et de l’article 55 du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement), qui ensemble déterminent l’inadmissibilité pour les périodes où une prestataire est à l’étranger.

[3] La division générale confirma aussi la pénalité d’un montant de 2000 $ imposée aux termes de l’article 38 de la Loi.

[4] La demanderesse a déposé une demande de permission d’en appeler devant le Tribunal le 15 mai 2017.

Question préliminaire

La demanderesse a présenté à la division d’appel plusieurs documents avec sa demande. Jusqu’au point où tous ces documents sont de nouveaux éléments de preuve; le Tribunal n’a pas considéré cette preuve en rendant sa décision. Comme établi dans l’arrêt Marcia v. Canada (Procureur général), 2016 CF 1367, « [i]l n’est pas possible de présenter une nouvelle preuve à la division d’appel, puisque la division doit se limiter aux moyens énumérés au paragraphe 58(1) et que l’appel ne constitue pas une audience de novo ».

Question en litige

[5] Le Tribunal doit déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[6] Conformément aux paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), « [i]l ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ».

[7] Les seuls moyens d’appel selon le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[8] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS stipule que « la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès ».

Analyse

[9] La demanderesse n’a pas à prouver sa thèse à l’étape de la demande de permission d’en appeler : la permission d’en appeler sera accordée si le Tribunal est convaincu qu’au moins un des moyens d’appel susmentionnés à une chance raisonnable de succès. Dans l’arrêt Osaj c. Canada (Procureur général), 2016 CF 115, au paragraphe 12, la Cour fédérale affirme que « [...] dans le contexte actuel, le fait d’avoir une “chance raisonnable de succès” consiste à disposer de certains motifs défendables grâce auxquels l’appel proposé pourrait avoir gain de cause. »

[10] Pour ce faire, le Tribunal doit être en mesure de déterminer, conformément à l’article 58(1) de la Loi sur le MEDS, s’il existe une question de droit ou de fait ou de compétence dont la réponse pourrait mener à l’annulation de la décision examinée.

Conclusion de fait erronée

[11] La division générale mentionne que la demanderesse n’a pas assisté aux entrevues tôt en 2016, comme elle [traduction] « resta au X » et il n’y a pas « de preuve » qu’elle tenta d’assister à l’entrevue du 22 février 2016.

[12] La demanderesse prétend que la division générale fit une erreur de fait importante, en maintenant qu’elle n’avait pas assisté aux entrevues prévues au Ministère de l’Environnement le 22 février 2016 et à la ville de X le 22 janvier 2016, car elle demeura au X. La demanderesse présenta des observations, de la correspondance par courriel et un témoignage à la division générale attestant qu’elle était revenue au Canada et qu’elle avait assisté aux deux entrevues le 22 février 2016 et le 22 janvier 2016. Ceci constituerait au moins quelques éléments de preuve voulant qu’elle ne soit pas restée au X et qu’elle ait fait un effort pour assister aux entrevues.

[13] La compréhension de la division générale du fait que la demanderesse était restée au X et qu’elle n’avait pas assisté aux entrevues prévues au Canada semble avoir constitué une partie de la justification pour conclure que la demanderesse n’avait pas démontré qu’elle désirait retourner sur le marché du travail durant la « période en question. » Selon la Cour d’appel fédérale (arrêt Faucher c. Canada (Commission de l’emploi et de l’immigration), 1997 CanLII 4856 (CAF), A-57-96), c’est un des trois facteurs qui devrait être considéré pour déterminer si une prestataire a démontré qu’elle était disponible à travailler.

[14] Par conséquent, il pourrait être soutenu que la division générale fonda sa décision, que la demanderesse n’était pas disponible à travailler, sur une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance conformément à l’alinéa 58(1)c) de la Loi sur le MEDS.

[15] En lien avec la question de fausse déclaration, la demanderesse fit aussi valoir qu’elle n’ [traduction] « avait pas sciemment commis une erreur pour n’avoir que les prestations » (AD1-49).

[16] Au paragraphe 30, la division générale a apparemment jugé que la demanderesse savait que sa demande était frauduleuse. Cependant, la preuve sur laquelle ceci s’appuie n’est pas apparente. Une telle conclusion ne serait pas nécessaire pour déterminer qu’elle avait sciemment fait une fausse déclaration. Toutefois, si une telle conclusion n’est pas fondée, ceci remettrait en question la décision suivante de la division générale dans laquelle elle confirme que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire en ce qui a trait au montant de la pénalité, signifiant qu’elle considérait des circonstances atténuantes et aggravantes appropriées. La division générale ne divulgua pas sur quelle base elle jugea que la Commission avait exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire. Toutefois, la demanderesse peut raisonnablement supposer que la conclusion de fraude tirée par la division générale a été considérée comme une circonstance aggravante et que la division générale en a tenu compte lorsqu’elle confirma le montant de la pénalité imposée.

[17] Par conséquent, il est possible que la décision, voulant que le pouvoir discrétionnaire de la Commission ait été exercé de manière judiciaire, soit fondée sur une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance conformément à l’alinéa 58(1)c) de la Loi sur le MEDS.

Manquement à un principe de justice naturelle

[18] Il n’est pas clair par les motifs invoqués par la division générale qu’elle avait réalisé que les deux entrevues d’emploi au Canada étaient prévues plusieurs mois après la période en question, soit après la période d’inadmissibilité qui se termina le 30 avril 2015. La division générale n’expliqua pas non plus pourquoi elle avait considéré sa présence ou son absence à ces entrevues comme étant pertinentes à son désir de travailler dans la période précédant le 30 avril 2015.

[19] En lien avec la conclusion de la division générale que la demanderesse n’avait pas démontré son désir de retourner sur le marché du travail durant la « période en question », le Tribunal juge que les motifs de la division générale pourraient être considérés assez flous pour constituer un déni de justice naturelle conformément à l’alinéa 58(1)a) de la Loi sur le MEDS.

Erreur de droit

[20] Bien que la demanderesse n’a pas identifié d’erreur de droit précise, le Tribunal a réexaminé la demande et le dossier, et est d’avis que la division générale pourrait avoir mal appliqué le critère pour l’imposition d’une pénalité conformément à l’alinéa 38(1)a) de la Loi, ou qu’elle appliqua incorrectement le critère.

[21] La Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Mootoo c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 2003 CAF 206, définit le critère de la manière suivante : « [p]our qu’une pénalité s’applique en vertu de l’alinéa 38(1)a), il ne suffit pas qu’une déclaration soit fausse ou trompeuse, il faut que la demanderesse l’ait faite en sachant sciemment qu’elle était fausse ou trompeuse. » En citant l’arrêt Canada (Procureur général) c. Purcell, [1996] 1 RCF 644, 1995 CanLII 3558 (CAF), la Cour ajoute : « [l]e Conseil doit décider selon la prépondérance des probabilités qu’un prestataire savait, subjectivement, qu’une déclaration fausse ou trompeuse avait été faite. Autrement dit, le critère n’est pas celui de ce que devrait savoir le soi-disant prestataire raisonnable. »

[22] La division générale jugea que la demanderesse savait que ses réponses négatives à la question : « Étiez-vous à l’étranger durant la période de cette déclaration » étaient fausses quand elle les a faites : « La demanderesse affirma à la division générale qu’elle avait compris que si elle répondait OUI elle n’aurait pas de prestations et que si elle répondait NON, elle aurait des prestations [...]. »

[23] Toutefois, la division générale mentionna aussi, au paragraphe 30, que [traduction] « [...] la demanderesse n’avait pas fourni d’éléments de preuve d’aucun facteur atténuant qui permettrait de conclure qu’elle n’avait pas sciemment fait de déclarations fausses et trompeuses. » Selon l’arrêt Mootoo, déterminer si une prestataire a sciemment fait une déclaration fausse et trompeuse selon le paragraphe 38(1) se rapporte à un état d’esprit subjectif, bien qu’il soit dit qu’il soit possible de « tenir compte du bon sens et de facteurs objectifs. »

[24] Les facteurs objectifs peuvent être considérés en lien avec le paragraphe 38(1) de la Loi. Une référence est faite aux « facteurs atténuants » dans la jurisprudence sur la question de savoir si le montant de la pénalité a été déterminé correctement conformément au paragraphe 38(2) de la Loi. Le choix de mots de la division générale suggère qu’elle aurait pu appliquer incorrectement le critère ou tenir compte de considérations inappropriées.

[25] De plus, la division générale nota au paragraphe 31 que [traduction] « [...] [la demanderesse] avait “sciemment” rempli ses déclarations pour recevoir des prestations en sachant que celles-ci étaient frauduleuses et rejette l’appel de la demanderesse sur ce motif » (soulignement du soussigné). Par cet énoncé, il semble que la division générale ait pu comprendre que le critère nécessite non seulement qu’elle savait que sa déclaration était fausse, mais qu’elle avait l’intention de commettre une fraude. La preuve d’une fraude n’est pas nécessaire pour qu’une pénalité soit imposée. Une application fautive du critère juridique serait une erreur de droit selon l’alinéa 58(1)b) de la Loi sur le MEDS.

Conclusion

[26] Après révision du dossier d’appel, de la décision de la division générale et des arguments de la demanderesse au soutien de sa demande de permission d’en appeler, le Tribunal conclut que l’appel a une chance raisonnable de succès selon les moyens prévus au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. La division générale pourrait avoir fondé sa décision sur des conclusions de fait tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance (alinéa 58(1)c)); ses motifs peuvent être considérés comme inappropriés (alinéa 58(1)a)); la division générale a pu commettre une erreur de droit (alinéa 58(1)b)).

[27] La permission d’en appeler est accordée.

[28] Cette décision d’accorder la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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