Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Introduction

[1] La Commission de l’assurance-emploi (Commission) a rendu une décision en date du 26 octobre 2015, où elle réexaminait les circonstances entourant la demande du demandeur et a jugé qu’il avait volontairement quitté son emploi auprès de Peel Tile & Marble inc., sans justification, qu’il était donc inadmissible au bénéfice des prestations et qu’il devait rembourser les prestations reçues. Une pénalité a également été imposée à l’égard des fausses déclarations, et un avis de violation a été émis.

[2] Le demandeur a déposé une demande de révision auprès de la Commission en date du 12 octobre 2016. La Commission a refusé d’examiner sa demande parce qu’elle a été présentée plus de trente jours après la date à laquelle la décision lui avait été communiquée.

[3] Le 22 juin 2017, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a jugé que la Commission avait appliqué le mauvais critère en refusant d’examiner la demande tardive et n’avait donc pas exercé sa compétence de façon judiciaire. Puisque la division générale n’avait pas compétence pour renvoyer l’affaire à la Commission, la division générale a appliqué le bon critère du paragraphe 1(1) du Règlement sur les demandes de révision et a substitué sa propre décision à celle de la Commission. Toutefois, l’application du bon critère par la division générale n’a pas changé la décision. La division générale a tout de même jugé que le demandeur n’avait pas présenté d’explication raisonnable pour avoir déposé sa demande de révision en retard, et la division générale a par conséquent rejeté l’appel. Le demandeur a déposé une demande de permission d’en appeler (demande) à la division d’appel du Tribunal le 31 juillet 2017.

Question en litige

[4] Le membre doit décider si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[5] Comme il est prévu aux paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), « [i]l ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ».

[6] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[7] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que « [l]a division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. »

[8] Le paragraphe 112 (1) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi) prévoit que :

Quiconque fait l’objet d’une décision de la Commission, de même que tout employeur d’un prestataire faisant l’objet d’une telle décision, peut, dans les trente jours suivant la date où il en reçoit communication, ou dans le délai supplémentaire que la Commission peut accorder, et selon les modalités prévues par règlement, demander à la Commission de réviser sa décision.

[9] Le paragraphe 1(1) du Règlement sur les demandes de révision prévoit ce qui suit :

Pour l’application du paragraphe 112(1) de la Loi sur l’assurance-emploi et sous réserve du paragraphe (2), la Commission peut accorder un délai plus long pour la présentation d’une demande de révision, si elle est convaincue, d’une part, qu’il existe une explication raisonnable à l’appui de la demande de prolongation du délai et, d’autre part, que l’intéressé a manifesté l’intention constante de demander la révision.

Observations

[10] Le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur dans sa décision initiale sur le fait qu’il avait quitté son emploi. Si la Commission n’avait pas fait cette erreur, il n’aurait pas eu à demander une révision (et il n’aurait pas été en retard pour déposer sa demande de révision). De plus, le demandeur soutient qu’un relevé d’emploi modifié a été transmis à la Commission en décembre 2016 pour étayer sa position de ne pas avoir quitté l’emploi. Il soutient que la Commission aurait dû tenir compte de cet élément.

[11] Le demandeur soutient que la division générale a omis de tenir compte de la preuve sur son état de santé, ou de l’examiner, au moment où il avait cessé de travailler.

[12] Le demandeur soutient que la division générale a omis de [traduction] « recueillir davantage d’explications » pour connaître la façon dont sa situation ou son état ont influencé sa capacité de régler ses problèmes d’assurance-emploi ou de bien expliquer ce qui serait une explication raisonnable pour avoir demandé une révision en retard.

[13] Le demandeur soutient de plus que la division générale a appliqué le mauvais critère en lui demandant de présenter des motifs particuliers qui dépassent l’explication raisonnable.

[14] La défenderesse n’a pas déposé d’observations.

Analyse

[15]  Ni la décision originale de la Commission, dont la conclusion voulant que le demandeur avait volontairement quitté son emploi sans justification, ni le refus de la Commission d’examiner le relevé d’emploi modifié n’a fait l’objet d’un appel à la division générale. La division générale était claire lors de l’audience, ainsi que dans sa décision, et a établi qu’elle avait compétence seulement à l’égard de la décision de la Commission sur le fait que le demandeur n’avait pas présenté une explication raisonnable pour avoir déposé sa demande de révision en retard.

[16] Par conséquent, cette demande de permission d’en appeler concerne seulement la question de savoir si la division générale a commis une erreur en tranchant cette question, c’est-à-dire que le demandeur n’avait pas présenté une explication raisonnable pour avoir déposé sa demande de révision en retard.

[17] Le demandeur n’a pas à prouver sa thèse à l’étape de la demande de permission d’en appeler; la permission d’en appeler sera accordée si le Tribunal est convaincu qu’au moins l’un des moyens susmentionnés (du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS) a une chance raisonnable de succès. Dans la décision Osaj c. Canada (Procureur général), 2016 CF 115, au paragraphe 12, la Cour fédérale a déclaré que « le fait d’avoir une “chance raisonnable de succès” consiste à disposer de certains motifs défendables grâce auxquels l’appel proposé pourrait avoir gain de cause ».

[18] Pour ce faire, le Tribunal doit être en mesure de déterminer, conformément à l’article 58(1) de la Loi sur le MEDS, s’il existe une question de droit ou de fait ou de compétence dont la réponse pourrait mener à l’annulation de la décision attaquée.

[19] Le demandeur a fait valoir les trois moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1).

Conclusion de fait erronée :

[20] Le demandeur fait référence à la conclusion de la division générale concernant une [traduction] « absence de preuve médicale sur le fait qu’un trouble existait et nuisait à sa capacité de fonctionnement normal ». Il déclare que la preuve médicale sur son état de santé avait été présentée à la division générale.

[21] La compétence de la division générale était limitée par rapport à la question dont elle était saisie. Elle pouvait uniquement examiner si la Commission avait exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judicieuse en refusant d’accorder une prorogation du délai au demandeur, et dans la négative, si le demandeur devait avoir le bénéfice de présenter une demande de révision en retard.

[22] La seule preuve médicale qui pourrait être pertinente à l’égard de la question est la preuve qui démontre qu’un trouble de santé avait nui, ou aurait pu nuire, à la capacité du demandeur dans la présentation d’une demande de révision, avant la fin du délai de trente jours après la date à laquelle la décision de la Commission a été communiquée au demandeur, conformément au paragraphe 112(1) de la Loi.

[23] La division générale déclare au paragraphe 24 [traduction] : « La mention [du demandeur] de la dépression, en l’absence de preuve médicale que ce trouble existait et nuisait à sa capacité de fonctionnement normal, dont la capacité de déposer une demande de révision, ne représente pas une explication raisonnable. » [mis en évidence par le soussigné] Cette référence est claire quant à l’absence de preuve médicale de dépression, une condition qui pourrait de façon plausible être associée au retard dans la présentation de la demande.

[24] Devant la division générale, le demandeur a présenté un rapport médical de décembre 2013 qui semble démontrer qu’il s’était fracturé la main. Il a présenté ce rapport [traduction] « pour appuyer le fait que j’ai effectivement été blessé physiquement, et ne pouvais plus continuer de travailler » (GD2-8). Le demandeur n’a pas associé sa blessure à la main à son incapacité de présenter en temps opportun une demande de révision à l’encontre de la décision du 26 octobre 2015 de la Commission.

[25] Je juge que le Tribunal n’a pas omis de tenir compte de la preuve médicale, ou ne l’a-t-il pas mal interprétée. La preuve médicale présentée n’était pas pertinente à l’égard de la question dont la division générale était saisie et de la décision que la division générale devait rendre. Je juge également que la division générale n’a pas fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, et ce motif ne présente aucune chance raisonnable de succès.

Principe de justice naturelle :

[26] Le demandeur s’inquiétait du fait que la division générale avait omis de [traduction] « recueillir davantage d’explications » et de bien expliquer ce qui serait une explication raisonnable pour avoir demandé une révision en retard. Il a déclaré avoir été ainsi pénalisé dans sa capacité d’expliquer ses motifs. En fait, il soutient que cette omission a interféré avec l’exercice de son droit de justice naturelle d’être entendu.

[27] J’ai écouté l’enregistrement audio de l’audience par téléconférence du demandeur devant la division générale. Pendant l’audience, on a demandé de façon précise au demandeur, et à plusieurs reprises, la raison pour laquelle il avait omis de présenter une demande de révision en temps opportun. On lui a permis de présenter une explication élaborée quant à ses déclarations précédentes, et on lui a donné l’occasion d’ajouter tout élément qu’il croyait pertinent pour son explication. Il a fait référence de façon variée à sa séparation avec sa copine, à la perte de son emploi, au fait qu’il est occupé, au fait d’être sans emploi ou de chercher du travail, d’être confus par rapport au processus et de se sentir déprimé — des éléments qui concordaient tous avec son formulaire de demande de révision et avec sa déclaration précédente faite à la Commission le 1er novembre 2016.

[28] Il est important pour le demandeur de connaître la preuve contre lui. Le demandeur doit connaître la preuve sur laquelle la Commission s’est appuyée, et il doit comprendre qu’il a la responsabilité de présenter une explication raisonnable pour avoir omis de présenter une demande de révision selon le délai de trente jours.

[29] Toutefois, il est bien évident d’après les observations du demandeur qu’il comprenait du moins cette nécessité. Il n’est pas requis, ou même approprié, pour le Tribunal, au cours de l’audience, d’informer le demandeur que sa preuve paraît suffisante, de recommander au demandeur quelle preuve devrait être modifiée ou retirée, ou d’identifier la nature ou la quantité de la preuve que le demandeur devrait présenter.

[30] Le demandeur n’a pas identifié une erreur susceptible de contrôle conformément à l’un ou l’autre des principes de justice naturelle, et je juge qu’il n’a aucune chance raisonnable de succès en appel.

Erreur de droit :

[31] J’ai examiné le dossier de la division générale, dont la décision, la preuve au dossier et l’enregistrement audio de l’audience. La division générale n’a pas eu recours à un critère autre que celui qui est prévu par le paragraphe 1(1) du Règlement sur les demandes de révision, et elle a explicitement rejeté la notion du critère qui prévoyait qu’il démontre une [traduction] « raison spéciale ». La division générale a simplement rejeté l’explication du demandeur, car elle était [traduction] « déraisonnable » aux termes du Règlement.

[32] Il est malheureux que le demandeur n’ait pas présenté une demande de révision selon le délai prévu, mais le fond de la décision originale de la Commission ne relevait pas de la compétence de la division générale et ne fait pas partie de l’étendue de ma révision.

Conclusion

[33] Le demandeur n’a pas réussi à identifier un motif qui pourrait présenter une chance raisonnable de succès en appel. La demande est rejetée.

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