Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Aperçu

[1] La défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a déterminé initialement et après révision que la demanderesse, une enseignante, n’était pas admissible à des prestations en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE) au cours de l’été 2016 pendant qu’elle n’enseignait pas. La division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a rejeté l’appel de la demanderesse le 20 février 2017. La demanderesse cherche maintenant à présenter une demande de permission d’en appeler de la décision de la division générale à la division d’appel du Tribunal.

[2] Les faits suivants ont été établis à l’aide de la preuve écrite et de la preuve orale :

  • La demanderesse a travaillé pour la division scolaire de Brandon (division) comme enseignante à temps plein à mandat limité du 8 septembre 2015 au 28 avril 2016. Selon les modalités du contrat (qui était de moins d’un an d’enseignement), elle n’était pas admissible à l’accumulation de journées de maladie non utilisées et d’ancienneté de service, et son contrat n’était pas renouvelable automatiquement. Elle n’était pas admissible à ce que son salaire soit réparti sur 12 mois puisqu’elle ne travaillait pas pendant une année scolaire complète. Cependant, il semblerait qu’elle ait reçu un salaire d’appoint au cours des quatre dernières semaines de son contrat.
  • À la fin de son contrat d’une durée déterminée, la demanderesse travaille comme enseignante suppléante pour la division. À ce titre, la demanderesse ne remplaçait pas un seul enseignant dans le cadre d’un seul poste. Plutôt, elle était « sur appel » et elle travaillait dans différentes écoles de la division, et elle recevait des appels pour qu’elle rentre travailler à 7 h lorsque nécessaire. Elle touchait à un salaire inférieur en tant qu’enseignante suppléante, et elle ne recevait pas de protection en matière de santé ni de congé de maladie payé. Elle a fini par travailler ce qui équivaudrait environ à quatre jours par semaine, en moyenne, du 2 mai au 24 juin 2016.
  • Le 7 juin 2016, la demanderesse a accepté une offre pour un poste permanent en enseignement auprès de la division (à une autre école que celui où elle travaillait dans le cadre de son mandat à durée déterminée), et ce, à partir du 6 septembre 2016. Elle a signalé avoir commencé à recevoir un salaire le 30 septembre 2016. La division avait accepté de transférer son solde de congés de maladie inutilisés de son mandat à durée déterminée de façon discrétionnaire. Ses cotisations de retraite ont été maintenues par l’intermédiaire d’une entité distincte de la division.

[3] Certains renseignements ne semblent pas avoir été fournis relativement à la durée de l’emploi de la demanderesse en tant qu’enseignante. La convention collective ne se trouve pas au dossier d’appel dont est saisie la division générale.

[4] Le 24 juin 2016, la demanderesse a présenté une demande de prestations régulière d’assurance-emploi. Il est incontestable, en l’espèce, que la demanderesse travaillait comme enseignante au cours de sa période de référence (c’est-à-dire au cours des 52 semaines précédant le 19 juin 2016) et qu’elle a fait une demande de prestations pour une période où elle n’enseignait pas (soit l’été 2016). Dans ce genre de situation, le Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement) restreint le droit au bénéfice de prestations régulières :

33(2) Le prestataire qui exerçait un emploi dans l’enseignement pendant une partie de sa période de référence n’est pas admissible au bénéfice des prestations — sauf celles prévues aux articles 22, 23, 23.1 ou 23.2 de la Loi — pour les semaines de chômage comprises dans toute période de congé de celui-ci, sauf si, selon le cas :

  1. a) son contrat de travail dans l’enseignement a pris fin;
  2. b) son emploi dans l’enseignement était exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance;
  3. c) il remplit les conditions requises pour recevoir des prestations à l’égard d’un emploi dans une profession autre que l’enseignement.

[5] La demanderesse a soutenu que son contrat de travail avait pris fin et qu’elle avait été embauchée sur une base occasionnelle et de suppléance. En l’espèce, rien ne laisse entendre qu’elle exerçait un emploi autre que celui d’enseignante. En rejetant son appel, la division générale avait conclu qu’elle ne satisfaisait pas à l’exigence prévue à l’alinéa 33(2)a) ni à celle de l’alinéa 33(2)b).

Permission d’en appeler

[6] Un appel auprès de la division d’appel n’est pas automatique, mais plutôt, « [il] ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » : paragraphe 56(1) de la Loi sur le Ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS). La demande de permission d’en appeler est donc une étape préliminaire à un appel sur le fond de l’affaire. Le paragraphe 58(2) de la LMEDS prévoit que « [l]a division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès ». Une chance raisonnable de succès consiste à disposer de certains motifs défendables grâce auxquels un appel pourrait avoir gain de cause (Osaj c. Canada (Procureur général), 2016 CF 115; Canada (Développement des Ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41). La demanderesse n’a pas à prouver sa cause à l’étape de la demande de permission d’en appeler.

[7] Dans ses observations dans le cadre de sa demande de permission d’en appeler, la demanderesse affirme (entre autres) que son [traduction] « travail de suppléante était sur appel, jamais prédéterminé, et pas du tout en continu. »

[8] L’un des moyens d’appel devant la division d’appel est que [traduction] « la division générale a commis une erreur de droit en rendant sa décision, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier » (alinéa 58(1)b) de la LMEDS). Déterminer si l’emploi de la demanderesse comme enseignante était exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance, conformément à l’alinéa 33(2)b) du Règlement, est une conclusion de droit tirée à partir des faits.

[9] La division générale a conclu que la demanderesse ne satisfaisait pas à la définition de ce que constitue un travail « sur une base occasionnelle » ou « de suppléance » au motif qu’elle a débuté ce contrat de suppléance d’école après son contrat à durée déterminée et avait accumulé un nombre d’heures équivalant à environ quatre jours par semaine. La division générale a également caractérisé cela comme étant un emploi « régulier ». Dans la décision, elle a résumé la jurisprudence en affirmant ce qui suit :

[traduction]

Un emploi d’enseignant n’est pas exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance si la preuve démontre que l’enseignant a été embauché sur une base régulière, continue ou prédéterminée ou s’il débute un contrat temporaire pour lequel il remplace d’autres enseignants à temps plein ou à temps partiel.

[10] La Cour d’appel fédérale a répété à plusieurs reprises qu’un emploi qui est exercé « de façon continue et prédéterminée » ne constitue pas un emploi d’enseignement exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance (pour un exemple, voir Dupuis-Johnson v. Canada (Commission de l’emploi et de l’immigration), 1996 CanLII 12471 (CAF); Canada (Procureur général) c. Blanchet, 2007 CAF 377; Arkinstall c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 313. De plus, « Il est théoriquement possible qu’un enseignant soit employé comme suppléant pendant des périodes qui surviennent à des intervalles suffisamment réguliers pour qu’on ne puisse pas affirmer qu’il s’agit d’un emploi “exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance” » (Stephens c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 2003 CAF 477).

[11] Je suis d’accord avec la demanderesse qu’il est possible que la division générale ait commis une erreur de droit en élargissant possiblement l’application du critère relatif à un emploi d’enseignant exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance (ne satisfait pas au critère si elle a été embauchée [traduction] « sur une base régulière, continue ou prédéterminée ») ou dans la façon qu’elle a décrit son emploi d’enseignant en mai/juin 2016 en lien avec ce critère.

[12] L’impact de la conclusion subsidiaire (soit que la demanderesse exerçait un emploi en enseignement sur une base occasionnelle en mai et en juin 2016, mais pas au cours du reste de sa période de référence) sur son admissibilité aux prestations n’est pas tout à fait clair. La jurisprudence, selon mes connaissances, n’indique pas si l’exception prévue à l’alinéa 33(2)b) s’appliquerait si une personne avait une brève période de suppléance avant de présenter sa demande de prestations d’AE, mais qu’autrement cette personne a enseigné (non pas sur une base occasionnelle ou de suppléance) pendant le reste de sa période de référence. Par conséquent, je m’attends à également recevoir des observations des parties à ce sujet de l’appel. Quoi qu’il en soit, la demanderesse a soulevé un motif défendable qui pourrait éventuellement donner gain de cause à l’appel, et par conséquent, la permission d’en appeler est accordée.

[13] Puisque j’ai conclu qu’il y a cause défendable relativement à la conclusion selon laquelle la demanderesse n’enseignait pas sur une base occasionnelle ou de suppléance, je n’ai pas besoin, à ce stade, d’examiner les autres arguments présentés par la demanderesse. Conformément la LMEDS, il n’est pas nécessaire d’examiner individuellement chaque motif d’appel pour les accepter ou les refuser, et le paragraphe 58(3) prévoit que la division d’appel doit accorder ou refuser cette permission d’en appeler. Cependant, je tiens à souligner que la demanderesse a également réitéré que son contrat de travail avait pris fin en avril 2016, déclenchant l’exception prévue à l’alinéa 33(2)a) du Règlement, et j’invite les parties à fournir des observations relativement à toute erreur de droit potentielle à ce sujet également. Plus particulièrement, et en ce qui a trait aux commentaires du représentant de la demanderesse au cours de l’audience devant la division générale, je souhaiterais recevoir des observations concernant le traitement prévu au paragraphe 33(2) d’un contrat en enseignement de durée déterminée qui prend fin avant juin (par exemple, en novembre, en janvier ou en avril), suivi d’une période d’enseignement exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance. Je souhaiterais également recevoir des observations concernant l’importance, le cas échéant, de revenus supplémentaires versés à la demanderesse à la fin de son contrat de durée déterminée en enseignement, et l’importante, le cas échéant, du fait que l’année scolaire a débuté le 1er juillet plutôt que le 6 septembre 2016.

Décision

[14] La demande de permission d’en appeler est accueillie.

[15] La présente décision d’accorder la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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